Les rues de Liomaida étaient particulièrement fraîches pour un mois de Mars, même avec le soleil qui approchait lentement de la ligne d'horizon. Beldurande marchait tranquillement en descendant l'avenue d'un pas lent en appréciant l'air marin rafraîchissant, le regard perdu dans le ciel et absorbé par ses pensées préoccupantes. Son entrevue avec les parents d'un nouvel élève s'était bien passé et en l'absence de tâches nécessiteuse le lendemain matin il avait voulu faire un détour chez Tullia pour couler quelques verres (ou bouteilles) ensembles. Malheureusement pour lui elle n'était pas présente à la Maison de l'Oiseau Bleu ce soir et il ne lui restait donc que les souvenirs de sa dernière conversation avec elle à propos de cette menace qui pesait sur son École chérie. Depuis que Tutu avait réussi à lui fournir un descriptif bref de la mercenaire qui en avait après l'établissement il se tenait sur ses gardes et avait prévenu Oïnsha d'être aux aguets également, il se surprenait même parfois à inspecter les elfes du regard au cas où il apercevrait une jeune elfette blonde "la plus bruyante de la pièce, bonne vivante et qui croque la vie et les cibles."

Il avait quand même envie de se faire plaisir avec une boisson alcoolisée pour se détendre un peu et étant encore assez éloigné de chez lui Beldurande décida d'entrer dans une taverne qu'il affectionnait, l'ambiance y était toujours très animée et joviale parce que c'était souvent un point d'arrêt pour les mercenaires au repos. Il poussa doucement la porte de l'établissement pour prendre la température non pas des rues ce coup ci mais des clients du bar, les bagarres étaient fréquentes ici mais à cette heure il était encore un peu tôt pour ça. En entrant tout à fait à l'intérieur il commença à s'approcher du comptoir et voulu saluer le tenancier quand une voix tonitruante attira son attention. Lorsque son regard trouva la source de cette voix il s'arrêta immédiatement.

Une jeune elfette aux cheveux couleur de blé, un large sourire au visage, un rire explosif qui réchauffe le coeur et une énergie dopante. Si Beldurande avait des sourcils il les aurait froncé, à la place les pétales d'écorce qui recouvraient son visage se renfrognèrent quand il aperçu l'épée imposante posée contre le comptoir, confirmant ses soupçons. Une fois passée la surprise et le choc du hasard qui l'avait fait atterir au même endroit que la personne qu'il redoutait le plus en cet instant, il commença à réfléchir. Il était encore à quelques mètres de l'entrée hors de la vue de la mercenaire qui était plongée dans un débat péculier animé avec un orc plus éméché qu'elle. Il passa en revue ses options rapidement dans sa tête.
Il pouvait aller chercher la garde pour la dénoncer mais il n'aurait aucun moyen de les convaincre d'un arrêt, il était aussi probable que celle ci ait déjà versé des pots-de-vin.
Il pouvait sortir et organiser ses défenses immédiatement, il avait son signalement donc les préparations seraient plus faciles à mettre en place mais rien ne le garantissait qu'ils parviendraient à l'arrêter. Tullia avait précisé que "La merco est un gros calibre. Excellente maîtrise du Feu et de la Terre"
Il pouvait déclencher une confrontation ici et maintenant. Ca c'est un plan qui lui convenait, mais il utiliserait son arme de prédilection pour l'affronter, les mots.

Beldurande parcouru la distance qui lui restait jusqu'au comptoir en prenant soin de se placer à l'opposé de l'orc par rapport à la jeune femme. Il aurait besoin d'être en possession de tout ses moyens pour la discussion à venir alors il commanda un cocktail d'hydromel en se concentrant brièvement pour que sa magie se mette à éliminer les futurs effets de l'alcool.
Alors que l'orc se leva dépité pour aller sombrer plus loin, Beldurande sauta sur l'occasion pour aborder sa cible avec une voix haute et claire pour être sûr de se faire entendre: "Avec une tête de pioche pareil il pourra tenter de miner lui même ses Impérials d'Or, il aura plus de chance ainsi."

Il releva la tête vers l'elfette et rit doucement pour bien faire passer la blague. Il examinait précautionneusement ce qu'il allait dire ensuite. Il ne savait pas si son interlocutrice le reconnaîtrait comme le fondateur de l'établissement qu'elle devait attaquer alors il ne devait pas faire de faux pas, mais pouvoir lui laisser sous-entendre qu'il savait qu'elle savait, si tant est qu'elle savait:

"J'aime bien cet endroit, c'est toujours animé et les clients sont ravissants, le tenancier par contre..." Il adressa un clin d'oeil à Devas le barman qui lui rétorqua en crachant dans la poubelle derrière le comptoir, feignant un air menaçant avant de ricaner avec complicité. "... L'ambiance est parfois explosive aussi et les bagarres imprévues sont monnaie plus courante encore que les Impérials, on peut facilement faire les mauvaises rencontres, tout dépends des intentions." Il avait volontairement insisté sur les derniers mots de la phrase, peut-être en faisait-il trop mais cela vallait mieux que pas assez.

Il reposa son verre sur le comptoir et dévisageait la jeune petite avec un regard en coin soutenu, maintenant son petit rictus pour jouer le vieux pilier de bar indiscret si elle ne répondait pas au sous-texte de sa tentative. Son coeur pesait lourd dans sa poitrine à l'apréhension de sa réponse mais il n'en laissait rien paraître.

La situation était alarmante mais pas désespérée, ces premiers échanges avaient déjà fournis de précieux renseignements au Professeur.

Premièrement son adversaire n’avait visiblement pas d’implication émotionnelle ou personnelle dans sa mission. Il ne ressentait absolument aucune animosité dans le langage corporel détendu de l’elfette et son vocabulaire était on ne peut plus neutre à son égard. Elle ne devait en avoir qu’après le cachet du contrat et la récompense.

Deuxièmement elle agissait et parlait de manière bien plus jeune que ce à quoi il s’attendait. A vue d’oeil il lui donnait un peu moins d’un siècle mais elle se comportait comme une enfant. En général, ces caractères cachent soit des individus émotionnellement impulsifs ou cachant de grosses insécurités soit des personnes insousciantes aux préoccupations très directes et matérielles, malheureusement pour Beldurande il ne savait toujours pas dans quelle catégorie ranger la mercenaire et ces deux profils aux antipods l’un de l’autres pouvaient réagir très différemment en appuyant sur les mauvais boutons, il allait devoir redoubler de prudence.

Enfin elle avait parlé de l’amende. Elle connaissait donc bien les sanctions de Liomaida liées à ses activités et il allait peut-être pouvoir utiliser ceci à son avantage.

Beldurande voulait d’abord récupérer l’attention de son interlocuteur, celle-ci n’était absolument pas impliquée dans la conversation et il lui serait impossible de pouvoir établir un dialogue qui ne serait pas à sens unique, il devait rentrer dans son jeu. Il prit une posture plus détendue en s’accoudant contre le comptoir, copia la position de la mercenaire avec ses jambes et prit un ton beaucoup plus joueur et taquin:

”Hey tu pourrais au moins être indulgente avec un vieux débris comme moi, je dois avoir six fois ton âge! Je devais déjà savoir si tu avais fait tes devoirs avant de venir te voir” Il prit un ton caricatural pour se moquer de lui-même “‘Oui euh excusez moi jeune fille euh, si je ne m’abuse vous auriez une tâche à accomplir qui m’embêterait fort euh…’ j’aurai eu l’air de quoi sinon?”

Il enchaîna rapidement en déballant sa propre bourse et en hélant Devas:

”Et ça tombe bien, je ne suis pas venu te mettre de la pression, à vrai dire je suis là pour m’amuser aussi. Alors puisque tu es là, je te propose un jeu!” Il reposa la bourse sur le comptoir en s’assurant que les pièces d’argents ruissellent bruyamment à l’intérieur. ”Si ton foie est aussi accroché que ta langue je paie les tournées jusqu’à ce qu’un de nous deux rende ses tripes au sol, de plus à chaque verre tu peux poser la question de ton choix à l’autre. Si tu gagnes, je te faciliterai ce contrat ennuyeux en allant dire à la garde qu’il s’agissait d’un accident avec des substances dangereuses et je ne défendrai même pas l’École, si je gagnes, tu me laisse aller racheter le cachet du contrat à ton employeur en me laissant tranquille et nous serons tout deux gagnants.”

Beldurande jeta sa bourse sur le comptoir à mi-distance entre elle et lui. Il la regardait en coin, un sourire sur le visage: “Pas de magie bien sûr, ce serait tricher. Marché conclut?”

Le jeu ne coûtait rien à proposer et il espérait que la promesse d'une soirée arrosée et d'un petite partie à enjeu paraîtrait plus amusante à la mercenaire qu'un attentat dans la capitale. Cependant la proposition n'avait pas pour seul but cette tentative de négociation frontale, Beldurande espérait piquer l'intérêt de l'elfette. La petite provocation pour attiser son esprit combattif et son propre comportement détendu et joueur pour lui garantir qu'il n'allait pas gâcher sa soirée devrait au moins avoir réussi cet effet.

L'esprit de Beldurande fusait à toute allure tandis qu'il guettait sa réaction

L’elfette semblait considérer l’offre sérieusement, non sans méfiance devant la situation inhabituellement gagnant-gagnante qui s’offrait à elle. Il ne dit rien et et la laissa réfléchir, la sentant sur le bon chemin pour acquiescer l’offre, si c’était le cas c’était un petit miracle… Si tant est que le Professeur pouvait compter sur son propre foie!
Lorsque la mercenaire lui fit comprendre qu’elle acceptait il fut soulagé, puis lorsqu’elle le menaça de ne pas tricher sous peine de représailles, il fit une note mentale ‘émotionnellement impulsive donc’. Son adversaire mentionna également sa haine des teïderriens, anodin pensa-t’il, tout le monde les déteste. Par contre lorsqu’elle précisa qu’elle détestait se faire rouler, Beldurande su qu’il devait impérativement remporter cette épreuve éthylique sinon elle risquait de ne vraiment pas apprécier le plan qu’il avait initialement mis en place pour protéger son École, encore moins après cette soirée.

”Mon école m’est cher, alors si je peux la protéger en payant simplement en argent comptant c’est plus que ce que j’en demande. Quant à ton avis sur Teïder, ça nous fait un point commun.” Il se leva de son tabouret pour venir prendre place sur celui à la droite de la petit blondine et lui tendit sa main gauche, le coude posé sur le rebord du comptoir comme pour démarrer un bras de fer. ”Prends ma main, tu pourras me surveiller en temps réel tout du long et t’assurer que je ne triche pas.” Finit-il en souriant. "Et je pourrais en faire de même" rajouta-t'il dans sa tête, il sentait cela dit qu'il n'en aurait même pas besoin.

Pendant qu’il attendait devant elle la main patiemment ouverte, il l’écouta rajouter ses propres termes à leur jeu. L’idée d’économiser la note de la soirée lui plaisait énormément, quelle que soit l’issue du jeu il savait qu’il allait avoir besoin d’épargner. Il éclata d’un rire sincère lorsqu’elle mentionna les cours de magie, il appréciait fortement le culot et la franchise de la gamine.

”Devas! Commence par une bière s’il te plaît. Et pour les cours de magie, c’est d’accord. Mon petit doigt me dit que si je perds j’aurai du temps libre à ne plus savoir quoi en faire de toute façon héhé.”

Il descendit précautionneusement la bière que Devas lui avait servie et il se retourna vers Eirina:

”On pose les questions tour à tour, mais on boit à chaque fois en même temps, on va démarrer léger par une bière sauvage, tu peux commencer avec les questions si tu le souhaites.”

De l’autre côté du comptoir, Devas ouvrait un petit placard contenant des verres à canon de différentes contenances et sortit la boîte d’épices, sentant qu’il allait bien assez avoir besoin de piocher dedans.

La bière sauvage c’est toujours une surprise, on ne sait jamais quel goût elle aura avant de la mettre en bouche, dépendant de l’orientation du houblon, de l’humidité, de la température et de la date de la récolte la bière pouvait avoir une grande variété de saveurs, mais c’était souvent plus authentique que la bière de domaine classique où le contrôle des sols et l’arrosage régulier visaient avant tout à produire en quantité plutôt qu’en qualité. Beldurande commença à descendre sa deuxième choppe, accusant tout de même un peu la rouille de son œsophage qui lui rappellait qu’il n’était pas encore échauffé. “Ca va venir.” Se dit-il tranquillement.

”Oh ça c’est effectivement pas le plus lucratif, pour t’éviter les détails barbants, j’ai perdu des gens importants il y a longtemps, j’ai vu la guerre de très près et ça ne m’a jamais servi à rien. Ca m’a pourtant coûté ma sanité, et j’aurai aimé que quelqu’un soit là pour m’aider à aller mieux. Tu peux tout apprendre tout seul, ça n’est qu’une question de temps, mais si quelqu’un s’y connait mieux que toi, ça va plus vite! C’est la même raison pour laquelle tu me demandes des leçons de magie, en vérité tu pourrais très bien te débrouiller seule mais je te ferai simplement gagner du temps.” Il contempla le fond de sa choppe vide et continua d’un ton un peu plus triste. ”La plupart des personnes vivent comme on le leur a apprit. Si par exemple tout les teïderriens sont aussi violent c’est parce qu’ils ont été élevés pour l’être, en n’apprenant que la haine et la violence. Quelque part, nous sommes tous un peu les images… de ceux qui nous ont élevé. Alors si je peux changer ça et aider quelques personnes de plus à devenir des gens biens, peut-être qu’ils suivront mon exemple et en feront de même.”

En finissant de répondre, le Professeur avait un regard empathique envers l’elfette. Son attitude joyeuse et sa fraîcheur juvénile étaient agréable, ça pouvait être une façade pour fuire une certaine tristesse ou être le fruit de parents aimants et joviales, sauf qu’on ne devient pas mercenaire aussi jeune par hasard, surtout en étant aussi talentueuse, alors il misait plutôt sur la tristesse. La formulation de sa question sur l’école lui indiquait qu’elle venait soit d’un endroit géographique où les éducations n’étaient pas systémiques, soit d’un milieu où elle n’y avait pas eu accès par faute de moyen, dans les deux cas elle avait sans doute dû apprendre sur le tas ou en mentorat avec quelqu’un de particulier.

Son caractère impulsif devait apprécier les alcools forts et caractériels, alors quand elle lui laissa le choix des consommations il riait en se retournant vers Devas qui vérifiait son inventaire et il dit à haute voix pour être entendu de sa partenaire de beuverie et du tenancier:

”Même si tu ne buvais qu’une bière quand je suis entré, je suppose que tu apprécies aussi des boissons plus musclées. Il y a un alcool fabriqué dans un bazar du plan élémentaire de la Terre qui s’appelle le Kashk-e-Mjan, je ne te dirai qu’après comment c’est fabriqué mais c’est particulier parce qu’il est distillé deux fois, sur un an à chaque fois.” Alors qu’il parlait de son tord-boyau préféré, Devas sortait la bouteille personnelle qu’il lui avait ramené et qu’il remplaçait à chaque fois qu’il repassait par sa maison natale. ”Le bestiaux est fort et le goût est singulier, je te conseille déjà de goûter nature mais si tu n’aimes pas je t’en prie, regoûte avec du citron, du poivre noir et du sel de céleri.”

Alors que le liquide brun verdâtre coulait dans un haut verre propre strié en largeur, Beldurande réfléchissait à la manière dont il allait formuler sa question. Il empoigna le verre de sa main droite, et toujours en saisissant la main gauche d’Eirina de l’autre il dégusta le délicieux Kashk jusqu’à la dernière goutte. Toujours aussi bon.

”Tu m’as demandé pourquoi j’ai fondé une école, alors je te retourne ta question: Et toi comment tu en es venue à être mercenaire en étant aussi jeune? J’ai entendu dire que tu exerce déjà depuis un bon moment et tu es très talentueuse, alors pourquoi ça et pas autre chose?” S’il y avait une corde sensible à toucher, c’était sans doute ici mais en la présentant comme si l’idée avait émané d’elle il diminuait fortement les chances qu’elle s’énerve si le sujet était trop tabou.

Jets et précisions:

Maintenant qu’il venait lui même de finir son verre, Beldurande pencha la tête sur le côté pour observer la réaction de son adversaire… pour la voir avaler cul-sec la totalité de sa boisson. Il était admiratif de la descente bien accrochée de la petite! Une fois qu’elle prononça à haute voix son opinion sur l’alcool en question, il se pencha vers elle pour lui révéler la composition:

“Le Kashk c’est un petit animal herbivore qui se défend en projetant des sécrétions biliaires sur ses prédateurs, et le Jan c’est un arbre dont les racines sont assez nutritives mais qui font surtout un excellent anti-douleur. Le Kashk-e-Mjan se fait en ramassant et en décantant dans de l’eau parfumée les sécrétions de l’animal après l’avoir nourris de racines de Jan. C’est pour ça qu’on le distille pendant un an à l’aller et au retour, c’est pour stériliser la boisson, du coup ça ne se garde pas très longtemps non plus.” Il rit en regardant la réaction de sa partenaire. ”En général il est mieux de ne pas savoir avant de l’avoir goûté, parce qu’on devient rapidement friant de la saveur si on a au moins le courage d’essayer. Je te recommande d’ailleurs le cocktail au citron, poivre et sel ça relève bien l’odeur!”

Pendant que la mercenaire lui racontait les péripéties de son passé et les raisons de sa personnalité décalée coincée entre la maturité de la vie difficile et le jeune âge de sa propre race, Beldurande écoutait patiemment en continuant de prendre intérieurement des notes pour étoffer le profil qu’il dressait de son interlocutrice. Il était peiné parce qu’il entendait, il connaissait bien la désagréable douleur qui venait avec le don de longévité, le fait de voir ceux autour de vous naître, grandir et mourir et d’être seul sur un long chemin. Il voyait un peu en la gamine, enfin plutôt l’elfette adulte désormais, une projection de lui-même: un enfant forcé de grandir parce que livré à lui même et fuyant ses problèmes dans le déni et le combat. Beldurande réprima un accès paternel en voulant rassurer la mercenaire mais il devait rester concentré pour le moment. Aussi il se contenta de deux mots, simples mais puissants, qu’il aurait voulu entendre lorsqu’il avait été à sa place:

”Je comprends.”

L’elfette se retourna vers Devas en réclamant la suite des festivités et en demandant au Professeur pourquoi il n’avait pas fondé son école chez lui, Beldurande prit donc la parole en déglutissant.

”Je vais répondre après, d’abord on boit! Devas deux Despe s’il-te-plaît! Si tu es plutôt bière il faut que tu goûte celles D’Esperanza! Elles sont…”

”...Vides. Mais j'ai de l’Ale de Coco si tu veux quelque chose d’exotique.” Le coupa Devas.

Le Professeur avait l’air déçu, il n’aurait pas dit non à la bière de kale d’Esperanza qu’il n’avait pas goûté depuis sa dernière visite dans le Duché éponyme.

”Bon et bien, sert nous plutôt deux Hydromels, le sucre fera passer le goût du Kashk.”

Alors qu’il porta la choppe de bière mielleuse à sa bouche, l’odeur de l’Hydromel lui provoqua un haut le coeur. Il rabaissa légèrement le gobelet en bois, paniqué. La bouteille de Kashk était déjà ouverte lorsque Devas leur en avait servi, de quand est-ce qu’elle datait déjà? En même temps qu’il réfléchissait il remonta la choppe à ses lèvres. Il était allé dans son plan pour la dernière fois en 96, il avait du venir pour la dernière fois dans cette taverne il y a…

Merde.

Les senteurs d’alcool mêlées avec l’image mentale de ce qu’il venait d’avaler et les mouvements intestinaux provoqués par le Kashk avarié étaient de trop. Le Professeur eut une remontée acide qu’il ravala avec un haut-le-coeur. Un peu dégoûté de lui même il encaissa mal l’Hydromel également. Il commençait à craindre qu’il avait sous-estimé le poids des années sur sa capacité à encaisser les grosses descentes d’éthanol. Tandis que la bière apicole rinçait non plus le goût du Kashk mais l’acidité de son estomac, il dis à la mercenaire:

”Parce qu’il n’y en a pas besoin là bas. Le Plan élémentaire de la Terre est plutôt désertique, et le peu de gens qui y vivent évoluent plus ou moins en harmonie. Ici à Orzian il y a déjà beaucoup plus à faire.” Il grimaça lorsque la bière commença à se battre dans son gésier avec le Kashk.

”Va pour l’Ale de Coco Devas tu sais quoi, au point où on en est.” Le Professeur demanda ensuite à l’elfette. ”À mon tour. Tu m’as dit que tu aimes ta vie pour avoir été à ta place je sais ce que c'est, mais est-ce que tu aimes aussi tuer? Et si oui, tu comptes?”

Il vida ensuite le petit verre d’Ale doux-sucré ce qui lui permit de se remettre un peu en jambe.

Jets et précisions:

Dû à son inconfort gastrique, le Professeur était plus facilement perturbable et il fut un peu nerveux à la vue des flammèches qui virevoltaient avec les mouvements de l’elfe. Le malaise qui avait commencé à le prendre après le deuxième verre l’avait relancé de plus belle en entendant que même si la jeune mercenaire n’appréciait pas le meurtre, elle n’avait pas froid aux yeux et ne reculait pas ou peu devant la confrontation. Cependant il était impossible pour Beldurande d’en vouloir à l’elfette, déjà parce qu’elle ne faisait que son travail, mais ensuite et surtout parce qu’elle avait un bon fond, il l’aimait bien en soit.

Du coin de l’oeil il la voyait tout de même commencer à perdre un peu pieds, elle semblait avoir la tête qui dodelinait un peu au rythme de ses paroles et son regard se faisait plus évasif, s’aurait pû être une bonne nouvelle si le Professeur n’était pas loin d’être dans le même état, et son ventre grondait intérieurement pour lui rappeller la présence du mélange douteux qui y décantait à l’intérieur. Il regarda Devas pour lui demander de verser les prochains verres, tant pis pour le goût de sa partenaire mais il allait commander un bourbon, au moins cet alcool auquel il était habitué ne lui jouerait pas autant de tour.

”Peut-être un petit bourbon seigle, s’il te plaît.” Il cligna des yeux pour se ressaisir, il allait vider son sac plus tôt que prévu si les choses continuaient ainsi. ”Tu aimes le whisky?”

”Parce que j’ai été à ta place, j’ai 660 ans, plus ou moins la dizaine. Quand j’étais plus jeune, il y a environ euh…” Beldurande fronça ses pétals, n’en revenant pas de l’effort que lui requérait l’opération arithmétique de niveau poussin. ”...longtemps, je me battais en tant que lame à gage, j’ai fait Eïlynster, Teïder, des tribus du nord, un peu les Duchés… Et quand je suis reparti dans mon plan, et que je suis ressorti, j’ai passé pas mal de temps -presque un demi-siècle- à être mercenaire, j’ai lâché mes armes y’a plus ou moins vingt/vingt-cinq balais.” Il marqua une courte pause en plissant des yeux, se sentant un peu plus mal tandis qu’il prit une gorgée du bourbon épicé. ”Et en ce qui concerne la question du meurtre, je…”

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, ce coup-ci impossible de se retenir plus longtemps. Les senteurs d’alcool mêlées avec l’image mentale de ce qu’il venait d’avaler et les mouvements intestinaux provoqués par le Kashk avarié étaient de trop. Le Professeur lâcha la main d’Eirina pour porter la sienne à sa bouche, en se ruant à peu près en ligne droite en dehors de l’établissement pour éviter à Devas l’ennui de nettoyer après lui. Il se pencha au dessus de la rigole contre le bâtiment et vomis ce qu’il venait juste de boire ces quinze dernières minutes, il lui sembla également apercevoir sa fierté et son amour propre s’échappant avec le liquide brunâtre immonde qui coulait entre les pavés.

Doublement Merde.

Jets et précisions:

On dégrade souvent le lait-fraise à une boisson puérile et indigne, relevant du manque de maturité de son consommateur. Pourtant rien ne la créditait automatiquement aux enfants, puisque le doux breuvage lacté avait une histoire ô combien musclée, le lait était de tout temps la boisson fortifiante qui accompagnait athlètes, soldats et durs travailleurs pour les aider dans leur développement musculaire, leur renforcement osseux et leur sensation d’alerte. C’était aussi un liquide nourricier, à la base de toute vie, qui évoquerait à chaque être vivant mammifère la douce proximité de l’amour maternel, et si c’était le raffinement qui était à l’honneur, alors le lait ne restait pas en reste car il servait de base pour tout les produits laitiers qui agrémentent les buffets de haute gamme. Le lait était certainement, pour tout les véritables connoisseurs un liquide d’une noblesse inégalée et qui n’avait pas à faire ses preuves. De même la fraise, fruit noble qui… euh… Hum.

Tandis que Beldurande sirotait à petites gorgées sa boisson pour enfant en tentant de cacher son air misérable et la douleur presque physique qu’il pouvait ressentir à son amour-propre, il regardait l’elfe en faire de même, du moins pour la partie sirotage. L’archimage avait calmement rétabli la purge passive des toxines dans son sang et peu à peu il sentait les effets de l’alcool se dissiper, et bien qu’il ne pouvait pas à coup sûr savoir si sa partenaire de jeu en avait fait de même il pouvait voir dans sa posture, son sourire innocent quasi permanent et sa locution qu’elle devait sans doute être toujours éméchée. Arrivé à la moitié de son délice lacto-fruité au bon goût de honte il prit la parole:

”Je dois t’avouer que je me suis beaucoup amusé ce soir, tu es rigolote et enjouée, c’est très rafraîchissant.” 'Et tu me rappelles un peu moi-même quand j'étais plus jeune' rajouta-t'il intérieurement. Il se détourna d’elle avant de continuer non sans la regarder du coin de l’oeil. ”Alors ça ne me dérangerait pas de te donner des leçons de magie… si tu le souhaites.”

Tout a un prix dans les Duchés, et il ne l’avait bien évidemment pas oublié.

”En échange, tu vas me laisser racheter ton cachet, et si tu veux je vais payer l’addition, après tout, le plaisir de cette soirée a été pour moi également.”

Il finit de vider son verre et se leva pour aller voir Devas au bar, il déposa sa bourse sur le comptoir.

”Merci pour ce soir Devas, c’était chouette, oh euh je n’avais pas prévu de dépenser autant en sortant alors il doit manquer, tu peux le mettre sur ma note je reviendrais Vendredi te donner le reste sans faute. Oh et jette la bouteille de Kashk elle n’est plus bonne, tu pourrais tuer un mort avec ça!” Il avait baissé la voix en disant cette dernière phrase pour être plus discret, il ne voulait pas que sa partenaire comprenne la chose de travers.

Il refit quelques pas vers la mercenaire.

”Au fait, tu ne m’as toujours pas donné ton nom, je m’appelle Beldurande d’Élusie, mais tu peux m’appeller Bel.”

”Eh! Je n’avais que ta description physique et une idée de tes capacités, mais je n’en savais pas plus à ton sujet. A ton avis pourquoi je t’ai abordé avec d’aussi gros sabots hein? Je devais m’assurer que c’était bien toi. Et je te le répète mais je t’ai réellement trouvé par hasard sans te chercher ha ha ha.” Beldurande était sincère, mais qu’Eirina le croit sur parole ou pas n’avait aucune importance de toute façon. ”Et va pour Monsieur Arbre, c’est pas le plus ridicule à quoi j’ai eu droit.” Il souriait doucement, satisfait d’être parvenu à ses fins… et d’avoir fait une nouvelle rencontre!

Alors qu’il s’étirait pour se préparer à partir, Eirina lui demanda de lui apprendre à se purger comme il l’avait fait juste avant. C’était une requête très particulière et il était déjà tard, mais il était tout de même à une vingtaine de minutes de marche de l’École et il ne se sentait pas fatigué après les péripéties de ce soir.

”Oh, tu ne perds pas de temps je vois, on va déjà commencer par sortir d’ici et marcher un peu dehors, l’air frais et le calme de la nuit t’aideront à te concentrer. C’est un peu trop bruyant ici. Tu viens, ou tu souhaites finir ta soirée ici?” Il se planta debout devant elle en l’invitant à sortir de l’établissement.

”Et d’ailleurs tu vas me décrire ce que tu ressens lorsque tu utilises ta magie de pyromancie, les sensations qui traversent ton corps ou ton esprit quand tu en fait usage. Ça va m’aider pour te guider.”

Il savait que chaque personne ressentait et usait de la magie de manière subtilement différente, la capacité qu’Eirina souhaitait utiliser était assez simple mais si elle devait l’employer pour la première fois, il fallait qu’elle fasse tout les efforts conscients dont elle était capable pour y parvenir car c’était habituellement un effet passif qui découlait de la saturation de magie dans le corps de son manipulateur.

Beldurande sourit, effectivement son informatrice était une drôle de personne et pas des moins excentriques, c’était aussi pour ça qu’il appréciait autant Tullia, tant pour ce qu’elle avait et continue de faire pour l’École que pour ce qu’elle était tout simplement. En sortant après Eirina, il adressa un dernier signe de la main à Devas qui lui répondit en agitant la note de promesse de paiement avec un sourire moqueur au visage.

La nuit tombante était toujours agréable, un peu fraîche en ce mois de Mars mais il accueillait la fine brise marine comme un grand bol de soulagement. Une fois dehors, il écouta Eirina décrire les sensations qu’elle ressentait en utilisant sa pyromancie, le Professeur grimaça en entendant ce qu’elle racontait, c’était le genre de profil très aléatoire où ou bien l’élève avait une compréhension intrinsèque de son élément mais n’arrivait pas à l’expliquer, ou alors il était un électron libre talentueux qui n’avait pas idée de ce qu’il faisait. Le premier cas ne poserait pas de problème donc Beldurande préféra partir du principe qu’il avait affaire au second, il devait employer des termes vagues dans ses explications pour ne pas la perdre et pour qu'elle puisse s'identifier à ce qu'il allait raconter.

”Alors tu es une naturelle, tu fais partie de ceux qui manipulent leur magie de manière instinctive. Ca va être un peu plus compliqué que prévu du coup, et dans ton état tu n’arriveras jamais à te concentrer suffisamment. Je vais te donner un léger coup de pouce. Tient toi tranquille quelques secondes…”

Le Professeur apposa sa main sur le front d’Eirina et concentra son énergie magique dans sa main puis il se fit une image mentale du réseau sanguin de son patient. Il fit le vide dans sa tête et concentra ses pensées vers des connotations positives, le vert, la nature, la vie, la reconstruction. Enfin il manifesta sa mana au travers de la paume de sa main pour la faire passer dans le corps de la mercenaire. Beldurande souhaitait envoyer une décharge suffisante pour que la magie revigorante cherche à s’attaquer à l’éthanol dans les veines de l’elfette mais suffisamment faible pour que l’énergie se dissipe avant d’avoir finit son travail et la laisse tout de même un peu pompette.

”Voilà, tu devrais pouvoir réfléchir un peu plus clairement maintenant. La magie élémentaire est une symbiose entre toi et l’élément que tu manipules, c’est à travers ton fort intérieur que tu la laisse s’exprimer à travers toi, pour le feu par exemple, c’est souvent la colère, la violence, l’excitation mais ça peut aussi venir de la joie, de la fougue ou encore de la détermination. Pour toi tu ressens ça de manière naturelle et surtout localisée, si c’est ta main droite qui te permet de concentrer ta pyromanie, essaie de te concentrer sur une autre zone de ton corps d’où la magie de terre provient. Ca peut être ta main gauche comme c’est souvent le cas chez les mages dualistes, ça peut-être tes jambes ou ailleurs. Pour l'émotion, essaie de faire ressortir dans tes pensées une autre partie de ton caractère, quelque chose de plus personnel peut-être. Une fois que tu la ressent, il va falloir commencer à emmagasiner de la puissance. Ensuite je t’expliquerai le reste.”

Beldurande eu un petit rire de connivence lorsque l’elfette lui demanda s’il était fait de sang ou de sève, il fit mine de réfléchir pour s’en rappeller.

”Hmm, bonne question, ça fait bien longtemps que je n’ai pas été blessé alors je ne m’en souviens plus, peut-être que je suis plus un arbre que je n’en ai déjà l’air huh? Quant à la manière dont moi je la ressent, elle m’est personnelle, je ne te le dit pas encore pour que tu puisses trouver ta propre façon de faire.”

Maintenant que son compagnon de beuverie était retournée à un état où ce qu’elle expliquait faisait plus de sens, Beldurande écouta Eirina lui apporter quelques petites précisions sur la manière dont elle manipulait sa magie. Elle forma une petite boule d’acide avec laquelle elle commença à jongler de manière joueuse pour lui démontrer son confort avec l’élément terre.

”Bien sûr que tu peux fracasser le sol sous la colère, avec des émotions négatives tu peux déchaîner le côté indomptable de l’élément de la Terre, la furie de la nature par exemple ou le chaos destructeur des mouvements de terrain. Pour atteindre un degré de maîtrise plus élevé avec cet élément tu vas devoir changer de façon de penser par contre, parce que les sorts les plus puissants se basent sur des émotions constructrices. Ce que tu vises c’est comme tu l’as dit l’harmonie, la symbiose.”

Comme c’était Beldurande qui menait la promenade, ils faisaient marche en direction de l'École, le Professeur avait de grands doute sur la réussite de l’elfette dans un laps de temps de quinze minutes pour un sort plutôt difficile à conscientiser pour la première fois.

”Tient d’ailleurs, avant qu’on continue, tu as le contrat sur toi? J’aimerai pouvoir le récupérer pour toucher deux mots et demi à son auteur. Bon du coup pour le sort, si tu sais déjà emmagasiner de la puissance, ferme les yeux et concentre toi…” Beldurande s’arrêta pour qu’Eirina puisse continuer. ”Fais le vide dans ta tête, cycle ta respiration, inspire, expire, inspire… Bien, maintenant appel des souvenirs agréables et calmes, des souvenirs que tu pourrais associer à l’amour, au fait de construire ou au fait de protéger quelque chose de cher, tout en faisant ça tu concentres l’énergie magique dans ton coeur, pas dans ta poitrine, juste dans ton coeur.”

Il laissa un peu de temps à Eirina pour que celle ci tente de suivre les instructions puis poursuivi

”Maintenant constitue une image mentale de ton réseau sanguin, représente toi tes veines dans ton corps, essaie même de sentir ton propre poul ou de te le figurer.” Cette dernière tâche était tout de même compliquée, le corps pouvait écouter et mesurer son propre poul mais c’était une stimulation qu’il avait appris à ignorer depuis la plus tendre enfance, comme le fait de respirer ou de cligner des yeux. Beldurande y était parvenu après des années de méditation. ”Vas-y. Relâche la magie dans ton système sanguin.”

Pendant qu’Eirina se concentrait les yeux fermés, le Professeur avait tendu une main juste devant la poitrine de l’elfette, à quelques centimètres de son sein gauche, prêt à intervenir si celle-ci se planterait trop lourdement et ferait quelque chose de dangereux. Dans un coin de sa tête il se posa la question de savoir si le coeur était aussi à gauche chez les elfes, c’était un détail qu’il ne s’était jamais demandé pendant les années de guerre où il avait moulte fois eu l’occasion de vérifier. Même si ces souvenirs là le dégoûtaient, il fut un peu amusé par le parallèle entre cette pensée et la proposition d’Eirina d’aller regarder ce qui coulait dans ses veines.

Beldurande ricana gentillement lorsque l’elfe lui fit remarquer qu’il avait enjolivé sa discipline. La maîtrise des déchaînements de la Terre nécessitait de contrôler sa colère, il ne fallait pas la laisser libre mais la canaliser proprement au risque de provoquer rapidement des dégâts collatéraux indésirables. La magie devait être l’expression de la volonté de l’individu, elle ne devait pas prendre le dessus et utiliser les émotions du mage comme un catalyste pour exploser dans le monde physique.

”Il y a une différence entre la colère maîtrisée et la haine sauvage. Je suis tout de même d’accord que certains sorts les plus gourmands ne sont pas tout à fait ce que je qualifierai d’harmonieux”

Alors que l’elfette s’indignait de la demande à propos du contrat, Beldurande pesta intérieurement, mince, s’il fallait qu’Eirina parvienne à se dégriser pour qu’elle accepte de discuter de négociations, il allait devoir mettre un peu plus de bonne volonté dans l’exercice improvisé qu’il lui donnait. Il ne pensait effectivement pas que la mercenaire parviendrait à exécuter le sort là comme ça sans entraînement et à moitié dans les vapes, donc s’il voulait obtenir le renseignement sur le contractant de son interlocutrice il devrait y mettre un peu du sien.

”Hey hey hey, tranquille, si je dois racheter le contrat de toute façon ce ne sera pas avec toi que j’aurai à faire affaire, je lui rembourserai le prix de ton cachet et lui te paiera en intégralité plus tard d’accord? Mais comme tu dis on verra ça après. Aller concentre toi maintenant.”

Il était toujours debout la main tendue et la tête plongée dans son questionnement sur la localisation du coeur chez les elfes quand sa paume ouverte se remplis d’un globe ample et moelleux et que quelqu’un lui agrippa le bras. Il retira immédiatement sa main lorsqu’il se rendit compte qu’il s’agissait du sein gauche d’Eirina qui avait du tomber vers lui en tentant de se focaliser sur l’exercice. Alors que l’elfette surprise se redressait pour s’écarter de lui, elle l’accusa de luxure non consentante mais dans des termes moins doux.

”Com…Que qu??! Hein non… J’étais juste prêt à agir si tu te foirais et que tu remplissais tes ventricules d’acide ou de poison -ça m’est déjà arrivé-, normalement c’est pas quelque chose dont les apprentis magiciens ont à se soucier parce qu’ils s’entraînent d’abord sur d’autre sorts et l’infusion de la magie de Terre dans leur corps leur donne cette capacité sauf que tu veux qu’on procède à l’envers alors soit! Je ne voulais pas que… Je ne pouvais pas prévoir que t’étais infoutue de tenir debout! C’est ma faute j’ai mis la barre trop haute, avant de faire de la magie on va déjà apprendre à marcher hein, et puis la semaine prochaine je t’apprendrai peut-être à compter jusqu’à dix si t’es sage.” Il avait tenté de s’offusquer d’être accusé de perversité en se tournant de trois-quarts pour faire mine de s’énerver. Une fois sa tirade finit, il regarda en coin Eirina et senti monter un fou rire en voyant sa réaction. ”Ha, hahahmmprf HAHAHA Ouhhouuu oh, oh tu devrais voir ta tête hihiHIAAHAaaaAa, Hum…” Il essaya de se contenir mais reparti de plus belle ”HaaaHAHA j’ai six fois ton âge alors tu pense bien que HAAAAAAAHAHA je n’allais pas hohooo ah je n’allais pas te peloter sous prétexte de l’exercice. Ooooh, ouuuuuuh oh j’ai mal.”

Beldurande reprenait son sérieux. Le bout des pétales d’écorce de son visage se courbaient toujours en un sourire mesquin tandis qu’Eirina paraissait à moitié acquiescer ses explications. Il aurait pu expliquer qu’il n’était ni attiré par les femmes, ni par les hommes mais généralement c’était plus compliqué de persuader les gens que de simplement trouver plus crédible, surtout dans cette situation! Le Professeur s’amusa tout de même de la menace de l’elfette en prenant soin de ne pas le lui montrer, après tout elle semblait avoir mal prit son éclat de rire tantôt.

”Bien sûr tu peux bien rester pour dormir également, on a des sacs de couchage dans la remise, certains élèves dorment parfois à l’école pendant leur séances de révision ha ha.”

Alors qu’il venait de prononcer son invitation, il se rendit compte de sa gaffe et il fut instantanément consterné par sa propre mégarde. L’elfette avait beau être dans son camp pour le moment, si elle utilisait sa magie du feu dans l’enceinte de l’École de manière un peu trop libre ils risquaient de faire sauter la totalité du pâté de maison. Peut-être qu’inviter la mercenaire éméchée n’avait pas été sa meilleure décision. Pendant qu’ils marchaient en discutant un petit peu de tout et de rien jusqu’à l’École, Beldurande réfléchissait à un moyen de détourner la destination finale de l’elfette. Il était entrain d’approfondir sur son passé lorsqu’il lui vint une idée tandis qu’ils approchaient de l’établissement et qu’il aperçu au tournant de la rue la résidence de son Intendant. Le vieil azurien devait toujours être à l’École malgré l’heure de la nuit, étant donné la taille de la mission qu’il avait confié à son personnel ce matin.

”...On était redoutés à l’époque, surtout la sorcelière elle était tellement effrayante que certains des Doménéris ne lui parlaient même pas. Je suis allé la voir un jour parce que sa solitude me faisait de la peine, en réalité c’était juste quelqu’un de très seule, qui avait perdu l’habitude de parler aux gens… En fait tu sais quoi je vais même te donner une chambre qui est à cinq minutes de l’École. Comme ça tu seras confortable, c’est un petit nid douillet tu y seras très bien et tu pourras venir à l’École dès que tu te seras réveillée demain matin hmm? On va quand même finir la leçon ce soir hein, ne pense pas que je me débine il en faut plus pour que je baisse les bras. L’École est là bas regarde, et là c’est la maison en question.”

Il lui avait pointé tour à tour les marches du parvis de son école à cinq cents mètres de là et la résidence de l’Intendant. Il fouilla dans sa poche pour en tirer son porte clé et défit celle de la porte d’entrée d’Oïnsha puis la tendi à la mercenaire. Si elle l’acceptait il pourrait finir sa soirée d’apprentissage tranquillement assis dans l’escalier du parvis puis lui et ses trois coéquipiers auraient toute la nuit jusqu’au petit matin pour retirer les préparatifs qu’ils avaient mis en place dans le bâtiment.