Dans le monde de la petite pègre, quand un message est adressé à une personne ayant une petite notoriété dans le milieu.. Enfin petite notoriété. Le sobriquet du Renard était faiblement connu et ce qui n'était pas plus mal, mais la lettre qui lui était adressé avait fini par lui parvenir. Il faut dire que le réseau de communication était tel que tout arrivait à destination, tant qu'on passait les bons intermédiaires et surtout quand on y mettait le bon prix. Donc Artane la reçut comme il fallait et il ne doutait plus guère maintenant que Tullia avait un pied dans ce petite monde. Restait à déterminer à quel degré. Mais pour le moment, ce n'était pas sa priorité.

La priorité était de répondre à l'invitation qui était inscrite dans cette lettre ; une invitation officielle. Ce n'était donc pas rien. A la lecture, il n'avait pas manqué de sourire, un poil amusé. Décidément, son entrée de la dernière fois avait dû bien la marquer. Redoutait-elle qu'il réitère son acte ? Il en aurait été capable, il était vrai. Mais là, comme elle lui proposait de manière ouverte de venir à elle, il ne se permettrait pas de faire de la provocation. Surtout qu'elle lui préconisait une entrée normale. Donc, forcément, intelligente comme elle était, elle aurait pris ses précautions. Notre voleur ne tenait pas à se retrouver face aux deux cabots, au chat volant, ou pire encore, devant sa kitsune de garde. Les trois à la fois peut être ? Là aussi, la dame de l'Oiseau Bleu serait capable de combiner tout son petit monde.

Bon ! il n'allait pas refuser pareille invitation, même si à leur première rencontre, les choses auraient pu être corsées pour le Renard, en ayant trop de témérité à pénétrer sur le territoire d'un gros gibier. Il aurait été en droit de ne pas venir... Mais après tout, ne voulait-elle pas le mettre à l'épreuve ? Ne pas venir, ce serait faire preuve qu'il se débinait de ses propres paroles et le Renard ne manquait que rarement à sa parole. Certes, il n'avait fait aucune promesse, mais il ne se débinerait pas. Surtout qu'elle pourrait être utile au vu de sa position... et qui sait, la mission qu'elle souhaitait lui faire part, était peut être la dite épreuve, avec à la clé de quoi toucher un petit quelque chose en contre partie.

Il se présenta donc sur les lieux de son ''délit'' de la dernière fois et ne manqua pas de sourire, de manière un peu ironique. Dire qu'il avait osé pénétrer là dedans.... Il n'y avait pas à dire, de jour, cela avait plus de panache. Il y avait un intérêt certain à afficher la richesse dans la finesse et la splendeur. C'était éblouissant et cela signifiait, outre l'étalage de ce luxe structurel, que la défense devait être de haut niveau. Et pourtant le renard avait tenté une petite intrusion...

Cela ne l'empêcha pas de se gratter nerveusement derrière le crâne. Cette nuit avait été... hum, s'il devait la résumer en un mot ? Aventureuse ? Voilà ! c'était le bon terme. Bon, allez traîner. Il était temps de se pointer. Il ne devait pas être trop en retard.

Ce fut donc un mercenaire, en tenue quelque peu adapté pour affronter les températures un peu trop fraîches de cette journée ; tout ce qu'il y avait de plus classique dans les Duchés qui, qui se présenta à la splendide demeure de Tullia, se préparant à frapper une immense porte ouvragée qui appelait déjà à être contemplée

Dès que la porte lui fut ouverte et qu'on le fit entrer, Artane eut tout le loisir d'observer le jeune serviteur, pendant que ce dernier lui demanda son identité et la raison de sa visite. Avant de répondre, il découvrait que la jeune femme se plaisait à s'entourer de belles choses, et pas que matériel.

''Je suis le mercenaire Altahir, que Dame Azul, Maîtresse de ces lieux, m'a demandé à venir pour un travail. J'ai une lettre en bonne et due forme pour prouver mes dires. ''

Il sortit la lettre hors d'une de ses sacoches de ceintures, pour la garder bien au sec et la moins froissée possible. Le servant s'assura qu'elle était authentique, il invita le nouveau à se rendre avec lui dans le hall, qui explosait d'élégance et de raffinement. Artane ne put s'empêcher de contempler tous les ornements à portée de regard. Il n'eut pas à patienter bien longtemps. Entre son observation des lieux et de regarder de temps à autre le serviteur qui sait ses tâches ménagères ; pour s'assurer qu'il restait bien à distance surtout, il avait eu de quoi patienter, jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle personne. Il crut la reconnaître. Ah oui, c'était bien sa garde du corps. Quelle délicate intention de la part de Tullia de se faire escorter, histoire qu'il ne fouine pas partout. Il se retint de sourire. Il y avait les convenances aussi, qu'il y avait à respecter.

Une fois que la Kitsune l'eut froidement fixé, elle s'inclina doucement, respectant l'étiquette en le saluant et l'invitant à le suivre. Artane, pour faire bonne figure, s'était incliné aussi, comme un merco quoi.

''Mercidit-il, ''Je vous suis. ''

Une nouvelle fois, son regard brun manqua de se perdre dans le décorum d'esthétisme et de couleurs qui les accompagnait durant tout leur parcours. Puis, enfin, ils arrivèrent devant une porte en bois sculptée tout en finesse. La Kitsune toqua et annonça la présence de l'invité. La voix de Tullia résonna derrière la porte. Bon, il était temps d'y aller non ?

Une fois à l'intérieur, le luxe et la beauté matérielle des lieux explosait presque aux yeux de l'Estien. Mais ce n'était pas là où ils se posèrent. C'était sur la silhouette féminine de la Dame de l'Oiseau Bleu. Il était comme figé, comme la rencontrant pour la première fois. En fait, c'était un peu de cela, de manière officielle. L'autre fois, c'était de manière assez.... officieuse. D'ailleurs, elle ne manqua pas de le lui rappeler non sans malice et sourire.

Puis, elle se leva , une fois sa pipe de chicha déposée. Doucement et avec une parfaite élégance, elle se rapprocha de l'humain. Artane ne put empêcher son coeur de battre un peu plus fort qu'à l'accoutumé. Allons bon ! Allez, un peu de calme, Artane ! Que diantre ! Il repoussa la capuche qui couvrait sa tête.

''Une telle invitation ne se refuse pas, Dame Azul... Permettez moi de me présenter comme il se doit, en tant que mercenaire se tenant modestement devant vous et non comme un chat de gouttière passant par les fenêtres....''

Il avait fait un sourire malicieux à son tour, et prit délicatement la main de la maîtresse de ces lieux, avant de s'incliner comme le ferait un parfait gentilhomme et lui gratifier du traditionnel baise main pour parfaire la salutation d'un homme à une femme de haut rang.

''C'est un plaisir de vous rencontrer, Dame Azul. Laissez moi me présenter à vous. Altahir Atvar, simple mercenaire duchéen. Et j'ai déjà hâte que nous abordions l'affaire pour laquelle vous m'avez fait demandée...''

Il était gentil, il donnait un nom complet de son identité ; sa fausse identité, celle d'un mercenaire qui prenait de petits boulots ici et là, comme tout mercenaire qui vendait sa lame, si jamais elle venait à faire des recherches, plus en profondeur sur sa personne. En attendant, il avait hâte de voir ce qu'elle lui proposait, réellement.

C’était une magnifique journée, pourtant nous étions au beau milieu de l’hiver et les rues et murs de Liomaida étaient pour la plupart recouvertes d’une fine pellicule blanchâtre de givre fin à peine visible qui troublait la balance habituelle de la farandole de couleur duchéenne. Beldurande arpentait le marché de saison d’excellente humeur en fredonnant de manière absente. Il portait une robe en velours vert orné d’entrelacements de cuir qu’il avait acheté il y a quelques jours à un marchand itinérant d’Ikhyld, bon certes c’était une robe pour femme, mais il adorait la couleur, l’odeur et le style de la couture. Bien emmitouflé à l’intérieur du précieux textile, l’ me profitait de sa journée libre pour se détendre un peu, récemment entre les nouveaux arrivants à l’École, les retards de commissions de certains élèves et les trois conférences qu’il avait dû organisé cette dernière semaine Beldurande avait été sous une pression constante. Bon, en fait ce n’était pas juste ça, il ralentit son pas et enfouis son visage dans son écharpe pourpre en repensant à la visite difficile qu’il avait eue il y a maintenant sept jours, non seulement ce fut un moment fort désagréable à passer, mais en plus il avait… il a dû… il fallait faire ce qu’il avait fait. Il avait beau savoir que c’était la bonne décision, il se sentait sale, la petite lueur de malice qui brillait habituellement dans les yeux du professeur avait expiré, tout comme une dizaine des anciens hôtes de pierre de l’École. Seul une petite paire de statue demeurait encore, pour d’autres raisons que la couardise de Beldurande. Il devait se changer les idées, c’était pour ça qu’il était là à la base et ça tombait bien parce qu’il savait exactement comment le faire.

Il se promenait à travers les étales provisoires du marché saisonnier et regardait avec curiosité les babioles, épices, objets, vêtements, fleurs, tissus, comestibles, produits, bijoux tous aussi exotiques les uns que les autre disponibles à la vente. Bel cherchait quelque chose, un petit n’importe quoi hétéroclite et suffisamment loufoque pour pouvoir arracher un rire au premier regard de quiconque y poserai les yeux. Là il y avait une boîte à musique qui imitait les voix, sympa mais trop gadget, ici une grand-mère vendait un moule à gâteaux polymorphe, pourquoi pas mais il ne savait même pas si la personne à qui il allait l’offrir savait cuisiner. Quoiqu’il avait déjà mangé un plat qu’elle avait préparé une fois après être resté chez elle tard le soir alors que ses suivants étaient tous endormis, ils avaient dû se faire à manger eux-mêmes et elle avait insisté pour s’y essayer. Beldurande ne savait toujours pas si c’était dû au talent de cuisine ou à l’ébriété partagée avec la chef en herbe mais le reste de cette soirée était flou. Le massacre dans la cuisine au réveil avait été lui bien réel… Soudain ses yeux se posèrent sur un marchand de droguerie qui vendait des produits personnalisables très particuliers parmis lesquels des tabatières enchantées, des cigares à fou rires ou encore des pipes à chicha en verre bariolés qui une fois chaudes changeaient de… oh… oh ho ho ho, oui ce serait ça. Il formula donc au marchand sa demande et celui ci l’écouta attentivement puis se mit à graver une des pipes tout en altérant définitivement la composition du verre. Une fois finis, Beldurande sorti du marché saisonniers ses achats en poche, il avait prévu de passer voir son amie dans la semaine de toute façon pour lui parler d’un sujet un peu plus sombre qu’à l’accoutumée mais avec ces emplettes il allait changer de plan et venir lui rendre visite à l’improviste, il savait qu’elle était là de toute façon.

Un petit caisson en bois dans une main, un écrin en ébène dans la poche et une lettre dans le rabat intérieur de sa robe, Beldurande toqua donc à la porte de la Maison de l’Oiseau Bleu, il avait hâte de voir la tête de Tullia quand il lui montrerai sa trouvaille, elle allait être surprise héhé.

Artane n'avait pas manqué de sourire face aux sous-entendus qui étaient dissimulés avec subtilité dans sa réplique.

''Qu'est ce qu'être une personne simple de nos jours ? Qu'un chat soit de gouttière ou de toit, ne chercherait il pas à faire simple puisqu'il est naturellement opportuniste ? ''

Peut être qu'il n'aura pas de réponse à cette petite question amusante. Maintenant qu'elle plaisait à le considérer comme un félin voleur, il ne pouvait qu'en sourire. C'était là une petite pointe d'humour qui restera sans doute longtemps. Il était normal elle le considérait plus comme un chat que comme le Renard, vu comment il avait pénétré sa demeure, presque comme cela, et ce qui a provoqué leur première rencontre... Bon d'abord, Artane avait croisé son chat ailé, créature née de l'alchimie... Mais passons.

Il prit place dans le canapé, acceptant l'invitation à s'y asseoir de son hôtesse. Puis, elle-même prit place dans celui présent à côté, placé de manière perpendiculaire. Ainsi, elle gardait un oeil sur son invité, tout en gardant un regard sur son environnement. C'était une manière silencieuse d'afficher qu'elle avait la maîtrise de son lieu de vie? Ca et la posture qu'elle prit. Artane ne put guère s'empêcher de revoir celles qu'elle avait prise à son égard lors de cette rencontre nocturne. Pourquoi cela lui revenait en tête, là maintenant ? Parce qu'il croisait le regard de Tullia, qui était presque celui qu'elle avait eu lorsqu'elle attendait de lui de la surprise, de quoi égayer sa soirée ? Il sentit son coeur palpiter plus fortement dans sa poitrine. Diantre, c'était pas le moment.... bien que.... bien que cette soirée avait été des plus mémorable, il ne pourrait pas s'en cacher. Mais là, il était là pour ''affaires''. Nul doute que Tullia remarque l'éclat lumineux dans son regard brun.

Pour lui, nul doute qu'elle s'amusait à le fixer comme la dernière fois, guettant telle une prédatrice avide de nouveautés, ce qu'il aurait à dire pour se vendre. Il était loin de penser que c'était pour elle un moyen de savoir ce que lui, savait de ses activités. Il ne s'était pas plus investi que cela à chercher la teneur exacte de ce qu'elle faisait, de ce qu'elle contrôlait, ou de ce qu'elle ''dirigeait''. Elle était pour lui une femme doté d'une grande intelligence, savant employer son charme pour arriver à ce qu'elle désirait. Même lui, avait fini par céder ; non sans... euh... plaisir, il fallait l'avouer hein ! Et dans ce qu'elle affichait, elle ne pouvait pas se contenter de tenir qu'une boutique réputée dans la vente de biens précieux et magiques. Cela lui suffisait amplement, pour l'instant. Car s'il avait cherché à creuser plus loin... qui sait sur quoi il serait tombé et les ennuis que cela aurait provoquer. Il avait une identité à préserver pour ce qu'il menait réellement au sein des Duchés ; et d'autres contrées de temps à autre.

Bon, allez, une petit inspiration longue et discrète pour reprendre le contrôle, et il pourra réponse à Tullia. Il retrouva son sourire malicieux quand elle soulignait qu'aux yeux du monde, il était mercenaire. Ca, c'était pour bien affirmer qu'elle avait cherché à en savoir plus sur lui. La petite maligne. Il s'en serait douté....

''Bien, si tel est votre bon plaisir, Ma Dame. ''

Elle prit une tasse de thé présente sur la table basse.

''Je ne suis pas un mercenaire qui court après de gros contrats. les plus petits sont des fois les plus discrets, même s'ils sont moins rémunérés. L'avantage de répondre à l'attente des commanditaires qui ne roulent pas sur l'or ou qui cherchent à ne pas trop ébruiter certaines activités. Des affaires simples et tout à fait légales dans la plupart des cas. Ou alors, il m'arrive de répondre à des demandes plus particulières. ''

Il prit à son tour une tasse de thé. Les effluves qui en émanaient était promesse d'un thé délicieux et de qualité.

''Je suis capable de mener quelques petites missions là où d'autres mercenaires s'y refuseront, car considérés comme de la basse besogne. Cela m'a apporté un avantage.... comme je suis un beau parleur.... Il la regarda avec une malice pétillante dans ses yeux. ''....cela m'a permis d'avoir un petit réseau de connaissances dans bien des domaines....ce n'est pas vraiment une compétence, mais connaître les bonnes personnes pour certains types de travail, ca aide...Mais j'omets ce que vous attendez réellement. Mes compétences plus.... merco. Je sais monter à cheval, je me débrouille très bien à l'épée. Je ne rechigne pas à l'effort qu'il faut fournir pour le boulot. ''Là il se râcla discrètement la gorge avant de reprendre. ''Je ne suis guère regardant à ce qu'on me demande, sauf quand il est question d'assassinat. Ca, je ne fais pas. Tuer pour de l'argent, ce n'est pas pour moi.... Je ne tue que si j'ai épuisé toutes les autres alternatives et que ma vie est extrêmement menacé ou pour préserver celles de mes amis....Et je m'égare... Pardonnez moi...

Il prit une gorgée du thé, la tenant comme il se devait quand on était en présence d'une noble dame.

''Mes compétences qui pourraient vous être utile est déjà mes quelques contacts... j'en ai un ou deux qui font dans la vente de denrées rares. Je peux toujours trouver des informations compromettantes de vos possibles concurrents... ou concurrentes... pour entacher leurs réputations ou faire pression sur eux.... Je peux...''Il essaya de garder un petit sourire malicieux, malgré un étrange rictus qui naquit au coin droit de ses lèvres. ''Je peux compromettre un mariage, ou un futur mariage.... de la manière la plus classique...Je peux me faire passer pour un bourgeois ou un mercenaire à la retraite qui cherche à entrer dans les affaires... je peux aller repêcher des cargaisons que des tempêtes auraient fait sombrer.... j'ai un ami qui a un navire équipé. D'ailleurs, j'ai eu un contrat pour repêcher des marchandises duchéennes. Je vous dis pas la taille du poisson qui a goûté un mélange alchimique d'une des caisses... ''

Il rebut une autre gorgée.

''J'ai une certaine polyvalence et si un contrat s'avère être dangereux, pour vous rassurer, là, je ne jouerai pas...''

Tout comme il n’avait pas l’habitude de passer par la grande porte principale, Beldurande n’était pas non plus très familier avec l’équipe de réception et de personnel officiel de la Maison de l’Oiseau Bleu. Normalement c’est à dire quand Tullia recevait par avance une notice annonçant sa visite ou lorsqu’à l’inverse c’était l’Essence qui était invité à la maison par son amie, il entrait dans l’immense établissement par une autre entrée bien plus discrète que Tullia n’utilisait qu’à titre privé. Lorsqu’il passa sous le cadre de la grande porte sans pour une fois avoir besoin de se baisser, il fut accueillit par tout un petit comité de domestiques nettoyant la salle des ventes principale. Il avait rarement mit les pieds dans la boutique en elle même et il en profita pour laisser son regard fureter agréablement entre les porcelaines, les argenteries, les textiles et les tapisseries hors de prix affichées directement en arrivant. Il savait que les produits devenait de plus en plus niches et exotiques au fur et à mesure qu’on s’enfonçait dans les rayons et les petites salles d’exposition annexes, il avait déjà eu une conversation avec Tullia sur l’optimisation des ventes en fonction de la disposition des produits dans un magasin -cette soirée là n’avait pas été leur plus drôle souvenir, mais il s’en rappelait comme tout de même intéressante. Tandis qu’un des domestiques tenta de l’accueillir il fut pourtant coupé dans son envol -parce que c’est un azuréen- au milieu de sa formule de politesse par une femme à l’autre bout de la pièce, enfin pardon se mépris le Professeur, une kitsune. Il n’avait toujours pas ouvert la bouche pour s’introduire mais la servante connaissait visiblement son identité puisqu’elle l’appela par son prénom. Familier. Était-ce parce qu’elle le reconnaissait comme un ami de la Maîtresse ou parce que sa réputation connue de Liomaida l’avait précédé en ces lieux ci comme quelqu’un de peu formel lui-même? Elle l’informa toutefois que Tullia était actuellement plongée dans un rendez-vous et indisposée à le recevoir, la guigne, bon après il aurait pû s’y attendre, il la savait toujours terriblement occupée et plongée dans son travail parfois de jour comme de nuit. Il répondit donc:

”Oh je vois, son rendez-vous est-il de nature professionnel peut-être? Dans ce cas je suppose qu’il vaudrait mieux que je repasse une autre fois, dites lui que je suis venu dire bonjour.” Il commençait tout juste à se retourner lorsque la kitsune dit vouloir aller la prévenir de sa présence avant de rajouter autre chose.

”-C’est une affaire qui est certes professionnelle, mais qui n’est pas d’une importance aussi significative que vous le croyez. Une… obligation par politesse, si vous comprenez. Mais ne vous en faites pas, je suis certaine que cela ne va pas durer longtemps, et elle sera ravie de converser avec vous.”

L’Essence fronça légèrement le haut des pétales de son visage, mouvement difficilement relevable par ceux n’ayant pas l’habitude de le fréquenter en raison de l’aspect unique de son apparence. Qu’est-ce que c’était que ce charabia? Enfin pour le moment il allait juste obtempérer.

”Dans ce cas avec plaisir, je vous suis.”

Ils se mirent tout deux à marcher vers la pièce adjacente dans laquelle une courte cage d’escalier débouchait sur une cour à travers laquelle il purent emprunter le dédal de promenades, marches et couloirs qui menaient jusqu’au petit boudoir. Sur le chemin Beldurande marchait derrière la kitsune, il avait sa petite idée sur la personne dont il s’agissait et la posture rigoureuse d’une part, la démarche régulière de l’autre il demanda alors:

”Tu dois être Eleonore n’est-ce pas?” Il se permit de la tutoyer, déjà parce qu’elle l’appelait Maître et ensuite parce qu’il n’allait pas se donner la peine de prendre des pincettes si elle l’appelait Bel aussi. ”Tullia m’a beaucoup parlé de toi.”

Au détour d’un escalier il la vit esquisser un très fin sourire de fierté, tout juste captant la remontée de ses pommettes sous la satisfaction de recevoir un compliment, elle dit de façon poli:

”-En effet, vous êtes bien renseigné Maître Beldurande, et je suis flattée que vous ayez entendu parler de moi.” Elle marqua un cours silence avant d’ajouter ”J’assiste Dame Azul dans de nombreuses tâches, mais je ne suis qu’une aide parmi tant d’autres.”

”-Elle m’a pourtant vanté la qualité de ton assistance mais pas celle des autres… Je connais Tullia depuis plus de trente ans et c’est la première fois que je t’y croise, depuis combien de temps travailles tu ici?”

”-Je suis à son service depuis un peu plus de 50 ans.” fit-elle après avoir réfléchit un bref instant.

”Tout de même… Ha! En plus de ce temps, avec le cadre professionnel tu dois la connaitre d’une façon que j’ignore totalement, comment est la vie en sa compagnie?”

Beldurande tentait de lire le visage de son interlocutrice, exercice auquel il était naturellement bon et avait raffiné plus loin ce talent à travers près d’un siècle de pure pratique. Pourtant lorsqu’il vit le sourire espiègle et malicieux de la kitsune ainsi que son regard de connivence, il comprit que ce serait là la seule réponse à cette question. Ça en disait déjà long, il connaissait le caractère et le mode de vie un peu mystérieux dans lequel Tullia aimait s’envelopper, comme un linceul de brouillard qui non seulement attirait les regards curieux mais aussi l’encensait auprès des nobles comme un produit inaccessible que l’argent seul ne permettait pas de s’offrir. Ce partage d’une même mentalité autour du culte de l’inconnu entre Eleonore et sa maîtresse renseignait également un peu plus le Professeur sur la proximité qui régnait entre ces deux là. Avec un peu plus d’informations il pourrait sans doute extrapoler pour savoir si elles comptaient l’une pour l’autre d’une manière différente de celle du simple patronat, ce n’était pas tiré par les cheveux pour deux personnes ayant travaillé cinquante ans ensemble quotidiennement. Ils arrivèrent devant l’entrée du petit boudoir, l’endroit n’avait de petit que le nom. Cependant ce n’était pas ce qui intéressait Beldurande pour le moment, il y avait quelque chose qui le préoccupait un tant soit peu, il s’arrêta devant Eleonore dans le cadre de la porte alors que celle ci s’apprêtait à partir pour prévenir Tutu:

”Une obligation par politesse… dans un rendez vous professionnel, c’est très cryptique comme description, est-ce que tout va bien? Serait-il possible que Tullia ait des ennuis?” demanda l’Essence sur ton inquiet. Il plaça une main sur le cadre pour subrepticement barrer le passage et ainsi signifier que cette fois il attendait une véritable réponse. En guise de quoi il eut un rire à la place d’un regard mesquin.

”N’est-ce pas l’essence même des affaires de Dame Tullia? Je ne peux en révéler plus, cela relève de la décision de Dame Tullia. Si vous le permettez vous pouvez attendre dans ce boudoir.” Elle tenta alors de passer sous le bras du grand élémentaire mais Bel baissa son bras.

”Eleonore dis moi, d’une proche de Tullia à un autre. Est-ce que Dame Azul s’est déjà ouverte à toi sur son passé?” Il se rendit compte que son ton sonnait beaucoup plus inquisiteur qu’il ne l’avait voulu, ce n’était pas du tout son intention. Il chercha à se corriger ”Enfin je veux dire, si tu… En fait, euh… Simple curiosité? À propos de…”

Le sourire de la kitsune disparut et elle lui jeta un regard froid. Là pour le coup il parvenait tout à fait à lire l’expression non seulement de méfiance mais aussi d’alerte qui s’affichait sur son visage.

”Oh allons tu sais de quoi je parle, cette noirceur qu’elle a, je ne te demande pas de me dire de quoi il s’agit, puisque de toute façon je n’ai pas envie de savoir de quoi il s’agit. Je veux juste savoir si elle en a déjà parlé à quelqu’un. Qu’elle ne garde pas ça toute seule pour elle, elle n’a pas l’air d’avoir beaucoup de confidents… Tu comprends non?”

La servante se mouva d’un coup agilement sous son bras en passant en dessous de son aisselle et au dessus de la jambe tendue du Professeur, le geste paraissait toutefois gracieux et fluide. Se trouvant à nouveau dans le couloir elle l’invita de la main à prendre enfin place dans le somptueux boudoir d’attente et le toisant d’un regard plus froid que les hivers de Teïder elle lui dit sèchement:

”Je suis désolée mais je ne vois pas de quoi vous parlez.”

Ses pas qui s’éloignaient tonnaient le rythme des battements du coeur déçu de Beldurande. Déçu non pas du fond de la réponse, mais de sa forme. Il s’assit tranquillement sur de grands coussins en laine de buffle rocheux et se plongeait dans ses pensées. D’après Tutu, Eleonore était une personne intelligente, astucieuse, efficace ”et mauvaise menteuse.” laissa-t’il glisser entre ses dents. Quand on ne sait vraiment pas de quoi il parlait, on serait sans doute confus ou étonné, si on pensait qu’il se méprenait on défendrait Tullia, mais dans tout les cas on ne partirai pas soudainement de la sorte. Il était évident qu’elle savait très bien ce à quoi il faisait référence, mais quant à savoir si elle en savait plus que lui là dessus ou pas… Ah la garce!