Eirina s'arrêta quand l'homme-arbre attrapa la manche de sa veste, lui jetant un regard un peu surpris, mais écoutant tout de même ce qu'il avait à dire, levant un sourcil quelque peu circonspect en réponse à son avertissement.

« Mouaaaaaaaai... donc tu t'as mis en place tout un tas de pièges, puis tu m'as croisé dans une taverne et tu t'es dis « tant pis pour les pièges, on risque tout sur un concours de boisson » ? Je dois dire que le fait que t'ai eu un autre plan avant rend ça encore plus dingue, mais ça me plaît, bwahahah ! »

Riant devant ce qu'elle percevait fortement comme une forme de culot, la guerrière elfique accepta donc de bonne grâce de s'asseoir devant l'école, se sentant évidemment un peu plus stable, assise sur la pierre froide de l'entrée, qu'elle ne l'avait été debout en pleine rue, en effet ! De là à voir si cela suffirait à la laisser entièrement maîtriser ce qu'elle cherchait à atteindre, c'était une autre question, mais c'était un bon début.

« Même s'il y a peu de chances que je tombe en avant en étant assise, met là dans mon dos, ça me tranquillisera ! »

Elle eut un sourire malicieux en répondant ainsi aux propos de Beldurande sur l'endroit où placer sa main, avant de fermer les yeux et de se concentrer, reprenant l'exercice qu'il lui avait inculqué plus tôt, tout en écoutant le récit de l'Essence en même temps... visiblement, il avait fait partie d'une bien drôle de bande dans sa jeunesse, et elle ne fut pas spécialement surprise d'apprendre qu'ils étaient tous morts au final... à vrai dire, que l'un d'eux ait survécu et ce soit assagit était déjà presque plus surprenant que le reste, en fait ! Et bien qu'elle tente de se concentrer sur l'exercice que lui avait donné à faire le professeur, elle rouvrit un œil un instant quand il eut fini son histoire.

« Hmmm... j'suis content pour toi que tu sois sorti de ce genre de vie,  et désolée pour tes potes qu'ils l'aient pas fait avant de mourir. C'est pas le genre de carrière qui a une très longue espérance de vie, après tout. J'dois dire que c'est un délire que j'ai jamais trop compris, personnellement. On peut avoir de bonnes raisons d'en vouloir à certaines personnes, mais de là à en vouloir au monde entier... »

La jolie blonde haussa doucement les épaules avec un léger soupir, et ferma à nouveau les yeux, tentant de faire revenir ses pensées dans une direction plus conforme à ce qu'en attendait Beldurande, plutôt qu'aux images de massacres que son récit avait amené dans sa petite caboche ! Elle eut de fait un petit grognement en réponse quand il lui dit qu'il s'absentait, pouvant ainsi mieux se concentrer, au final. Bien sûr, ce n'était pas le silence parfait, mais le silence parfait n'existait pas, sauf peut-être dans un monastère, et c'était pas le genre d'endroit où Eirina avait jamais foutu les pieds ! Les bruits de la ville nocturne ne la gênaient pas, d'autant que la place où elle se trouvait était plutôt calme à cette heure, ce n'était pas non plus une rue avec des tavernes où les chansons à boire auraient pu amener son esprit vers d'autres distractions !

Pourtant, au bout de quelques minutes, elle rouvrit les yeux avec un soupir. Les émotions, cela n'avait jamais été ce qui faisait le moteur de sa magie, sauf quand sa colère la faisait déchaîner sa pleine puissance, et elle avait des doutes sur le fait qu'elle y parviendrait comme ça. Elle regarda sa main gantée, y faisant naître de légères flammèches – après tout, Beldurande avait dit de ne rien faire dans l'école, mais là elle était devant, pas dedans, donc ça allait – tout en réfléchissant. Peut-être que, partant de la base qu'il lui avait donné, elle pourrait mettre ça à sa propre sauce ? Elle réfléchit aux sensations qui l'avaient parcourues quand la griffe c'était éveillée et avait semblé définitivement fusionner avec elle, faisant courir en elle le feu intense d'un sang qu'on aurait dit changé un instant en lave, même s'il ne la brûla pas, avant de faire plus tard bien...

L'elfette interrompit brusquement le fil de ses pensées en claquant des doigts ! C'était ça, bien sûr ! Sur le moment, le gantelet n'avait pas vraiment changé son sang en lave, ça n'était venu que bien plus tard ! Non, c'était la sensation qui comptait, ici, cette sensation de magie pure qui était passée dans tout son corps. Il lui suffisait de faire la même chose, mais avec du mana différent ! Fermant les yeux à nouveau – et bien que ce soit imprudent sans doute dans la mesure où l'homme-arbre n'était pas là pour empêcher son sang de se changer en acide – elle rassembla à nouveau l'énergie en elle, mais cette fois l'imagina couler, imprégner tout son être... elle l'avait imaginée partant de sa main, comme l'avait fait après tout la magie du gantelet, et, peut-être pour cette raison, peut-être pour une raison toute autre, cela partit à nouveau de sa main, emplissant son être...

Elle eut une émotion étrange, comme le sentiment de se reconnecter à toute une nature longtemps perdue, à la sensation de la pierre sous ses fesses, et au-delà à la terre sous les pavées... elle poussa un doux soupir alors que son esprit s'éclaircissait, et rouvrit les yeux. Elle n'était plus ivre, ça avait donc marché... mais est-ce que c'était permanent ? Elle aurait pu tenter de le voir en refaisant le coup de l'acide sur sa main non gantée, mais comme elle n'était plus ivre, elle se contenta de fouiller sa besace pour en sortir une petite fiole dont elle sortit une flasque, en buvant une gorgée et... grimaçant. Elle sentait toujours l'effet de l'alcool ! En se reconcentrant, pourtant, elle en élimina de nouveau les effets négatifs... visiblement, elle touchait au but, mais ce qui était sensé être permanent était encore intermittent. Et, sur ses entre-faits, elle entendit les pas de son hôte revenir, redressant le regard vers lui.

« Ah, de retour, Monsieur l'Arbre? J'ai fais des progrès, même si c'est pas encore parfais. Je réussi à... je sais pas comment dire ça, à m'harmoniser avec l'énergie de la terre ? Mais seulement quand je suis concentrée, ce qui est bien pour dégriser un coup, mais pas encore ça, bwahah ! Et toi, t'as désamorcé les pièges qui se déclenchent pas par magie, genre la dalle piégée de l'entrée qui aurait dû me faire tomber un rocher sur la tête en entrant ? »  

Eirina ne pouvait évidemment rien savoir de ce qui se passait dans l'école pendant qu'elle se concentrait au-dehors, et du reste était loin de se douter de l'ampleur des pièges déployés par Beldurande ! Elle imaginait des choses beaucoup plus... prosaïques, qui n'auraient pas risquées de détruire encore plus l'école que son assaut initial. Mais bon, n'étant pas au courant elle ne pu toutefois rien en commenter, et accueillit simplement le retour de l'homme-arbre d'un sourire, avant de lui expliquer le point où elle en était arriver, et de hocher doucement la tête en réponse à ses encouragements.

« Je dirais que je suis en bonne voie, en effet ! Après tu sais je m'attendais pas réellement à tout maîtriser en une nuit... enfin, si, quand j'étais encore totalement ivre je m'y attendais sûrement, mais plus je dessaoulais moins ça me semblait réaliste, bwahaha ! »

Après tout, amener sa magie à un autre niveau de maîtrise était toujours une entreprise complexe et difficile, même pour quelqu'un de plutôt naturellement douée comme elle ! Quoiqu'il en soit, elle se redressa donc finalement et suivit Beldurande vers l'intérieur de l'établissement, haussant un sourcil quand il lui dit qu'il restait beaucoup de pièges à désamorcer – du moins, c'est ainsi qu'elle le compris sur le moment – avant de s'étonner devant le type de piège qu'elle avait commencer par cité, ce qui la fit doucement rire une fois encore.

« Bwahahah, je suppose que tu aurais pu lancer la pierre toi-même, oui, mais bon, tout l'intérêt du piège c'est qu'elle tombe sans que je le vois venir ! Du coup je me demande ce que tu avais prévu au-dessus de la porte... je dirais bien un seau d'acide, mais tu me dirais que ça aussi tu aurais pu le lancer sans aide, bwahha ! »

Et ce fut sur cette base moitié-sérieuse moitié-malicieuse que leur conversation repris à l'intérieur de l'école, Eirina prenant bien garde, évidemment, à ne pas convoquer la moindre particule de magie, et surtout pas de feu, au passage. L'homme-arbre entreprit, comme promis, de lui faire visiter rapidement l'école et ses différentes zones, même si Eirina commença à bailler avant d'avoir fini le rez-de-chaussée. Elle se défendit en riant que la visite soit ennuyeuse, en réponse à la question posée non sans malice, sans doute, par Beldurande, et mis plutôt en avant que la journée avait été longue, et que maintenant que l'énergie donnée par l'ivresse n'était plus là pour la soutenir, elle sentait le poids de la fatigue peser sur ses épaules !

La belle elfette obtint donc le sac de couchage promis, et fini sa nuit tranquillement dans un coin abrité de l'école. Le lendemain fut bien remplis également, entre la fin de la visite des lieux, y compris la saisissante galerie de statues de Beldurande, la reprise de l'entraînement sur des bases plus classiques, le professeur lui donnant des conseils pour maîtriser les autres sortilèges qui étaient l'apanage des mages plus avancés dans leur maîtrise de l'élément terrestre que ce qu'elle n'était encore, et les négociations autour du contrat de la belle elfette. Finalement, après avoir obtenu les garanties de rigueur sur le fait que, en cas de défaut de payement du client originel, elle serait tout de même payée, Eirina fournit le contrat, laissant Beldurande apprendre que le nom du vieux Nain bourru qui dirigeait une académie à Gyldnebjerg, à l'intérieur des terres du Duché, et qui avait mis ce contrat sur son école !

Eirina resta encore une nuit sur place, et finalement le jour suivant repris son chemin après une nouvelle salve de conseils et de leçons de l'homme-arbre, qu'elle aimait finalement plutôt bien, ne regrettant pas un instant que leurs routes se soient croisées dans ce bar, et pas seulement parce que grâce à lui progresser dans sa seconde magie allait être plus facile que prévue, loin de là !