3 Juin de l'An 2000 de l'Âge d'Acier

C'est aujourd'hui qu'Otmar devait revoir la duchesse de Vinche, ce à une réception qui avait été organisée dans la demeure d'un prestigieux membre de la famille Arcadia qui avait voulu y inviter des prestigieux acteurs économiques de la province Orzanienne, ou des étrangers faisant du commerce avec, comme par exemple quelques personnalités notables des Duchés, d'Ikhyld et d'Eïrn qui avaient bien voulus venir. La duchesse de Vinche faisait étonnamment parti des invités, tout comme l'empereur, en vérité c'était en bonne partie car cette réception était un bon prétexte de retrouvailles entre les deux dirigeants.

C'est ainsi que le soir du 3 Juin cette petite réception avait débutée et que disons après que la soirée se soit bien avancée et que les invitées soient tous venues, pour ceux qui avaient acceptés l'invitation du moins, Otmar alla aborder la duchesse de Vinche qui était miraculeusement dirons-nous, libre pour une conversation.

« Salutations dame Maria, à ce que je vois vous vous portez à merveille depuis la dernière fois. Vous m'en voyez ravi. » Dit donc poliment l'empereur en l'abordant avant de lui faire un baise main, autant après tout se comporter comme un homme galant. Ceci fait et constatant que le garde du corps de la duchesse n'était pas loin avec amusement, il reprit avec amabilité.

« Dîtes-moi, comment se porte votre belle cité depuis la dernière fois ? J'ai entendu dire que le bal d'intronisation du nouveau duc d'Inveïs avait été agité et que vous y aviez été présente, j'espère que rien de grave ou de désolant n'est arrivé là-bas à vous ou l'un de vos proche ou ami. » Cela il le dit avec une prévenance sincère, même si teinté de l'habituelle politesse diplomatique et politicienne, en effet il n'était pas homme à souhaiter de mauvaises choses à son prochain, même d'éventuels rivaux politiques. De plus, lui-même ces événements ne l'avaient pas arrangés, après tout cela aurait pu causer de graves problèmes et troubles dans la région des Duchés, ainsi que la mort d'un diplomate de l'empire et de sa délégation, rien de bien souhaitable en somme...

La salle était bondée. L'air était étouffant malgré les grandes baies vitrées ouvertes qui laissaient un fin courant d'air s'engouffrer. Elle était trop loin pour le sentir et, un sourire poli plaqué sur son visage, elle s’éventait nonchalamment tout en observant la populace, se demandant la vraie raison de sa présence ici. La duchesse se trouvait dans une demeure de taille honorable, richement décorée, d'un membre de la famille Arcadia. Il était vrai que cette famille avait été, un temps, de fervents marchands mais elle n'avait eu aucunes conversations assez intéressantes qui lui auraient fait penser qu'ils souhaitaient s'allier à Vinche ou à la famille Galante.

De sa main libre, discrètement, elle tenta de desserrer le corset qui lui collait à la peau. Ce soir, elle portait une longue robe argentée qui recouvrait jusqu'à ses pieds. Elle était dotée d'un corset qui lui affinait encore plus la taille, ce qui était ravissant si tenté qu'elle puisse respirer convenablement. Sans se plaindre, elle avait adopté une respiration courte et calme mais la chaleur de la pièce ne l'aidait pas vraiment. Maria tenta tant bien que mal de s'éventer la nuque car les rubans de la robe, qui tombaient au dessous de ses épaules, l'empêchait de mouvoir ses bras comme bon lui semblait.

Elle sentait sa longue tresse de cheveux reposer dans son dos, ce qui lui tenait encore plus chaud. De petites fleurs en argent l'ornait et un ras du cou noir en tissu amenait le regard sur son décolleté ravageur. Elle était simplement vêtue, comme toujours. Tout en continuant de balader son regard sans chercher quelque chose de précis, elle se rendit compte que personne ne l'avait abordé depuis un certain temps. Alors qu'elle commençait à s'ennuyer et à s'en apercevoir, elle vit un homme, qu'elle connaissait déjà, se diriger vers elle. Refermant son éventail à fleurs blanches, elle lui lança un sourire séduisant alors qu'il la saluait courtoisement.

L'empereur d'Akkaton était un homme charmant malgré un âge avancé. Si leur première rencontre n'avait pas été des plus calmes, elle était ravie qu'il n'ait pas été vexé d'avoir presque été empoisonné. Cela semblait se confirmer puisqu'il prit délicatement sa main pour la baiser.

- Monsieur l'empereur, dit-elle avec une légère courbette, en effet j'ai suivi mon traitement à la lettre ou presque. Je me sens bien mieux.

La jeune femme était contente qu'il s'enquiert de sa santé même si elle se doutait que ce n'était que politesse. Elle l'écouta attentivement, se permettant même un petit coup d'oeil à sa tenue. Il était, encore une fois, d'une classe sobre qu'elle appréciait grandement.

- Vous avez été bien informé à ce que je vois. Il y a eut de malheureuses interventions extérieures de nos amis teïderiens et comme toujours quelques trahisons mais je suis enchantée que le nouveau duc s'en soit sorti sain et sauf. Je trouve que son prédécesseur à fait un excellent choix.

Elle affichait là son soutien sans failles au nouveau duc d'Inveïs. Bien que la dame n'aimait pas prendre partie, même au sein des Duchés, son accord avec l'ancien duc ne devait laisser de place aux doutes à personne. Ses bonnes relations avec Inveïs pourraient être très utiles un jour proche.

- Comment se porte Akkaton ? Je dois dire que je suis contente de vous voir ici ce soir, j'attends toujours mon invitation pour notre prochaine rencontre, lança-t-elle avec le sourire séducteur qu'elle avait en stock.

Il faudrait vraiment que le gentleman qui possède cette demeure investisse un jour dans la climatisation pensa Otmar qui pour sa part se réjouissait que le palais lui soit climatisé, car même si l'empire faisait un effort très louable pour domestiquer le désert, disons qu'il était difficile en pleine journée d'éviter que le soleil tape dur comme il le faisait aujourd'hui et donc que naturellement même à l'intérieur pour peu que l'on soit habillé l'on se sente un peu mal à l'aise.

Néanmoins par la force de l'habitude il arrivait heureusement à supporter cet inconfort pour sa part alors que la duchesse qui était à son avantage visiblement avait semblé satisfaite, du moins en apparence d'avoir maintenant sa compagnie. Par Akkat, il se disait qu'elle faisait bien de ne pas être trop habillée, pas qu'il était du genre à regarder ce genre de choses indiscrètement, mais sinon elle serait sans doute en train de souffrir d'une légère hyperthermie.

Dans tous les cas elle semblait aller mieux depuis la dernière fois et ce n'était pas plus mal. Avec de la chance aujourd'hui les choses seraient plus calmes heureusement, après tout on n'employait pas vraiment avec autant de générosité le poison dans l'empire pour régler les litiges politiques… C'est peut-être aussi ce qui expliquait la difficulté de se débarrasser d'un rival politique en Akkaton, mais bon des règles protégeant de ce genre de choses concernaient tout le monde et pas seulement ceux que ça arrangeait.

Pour sa part sinon il était habillé comme toujours sobrement et ni lourdement, ni légèrement. Aucun éventail à ses mains d'ailleurs et il semblait supporter la chaleur avec un certain stoïcisme ou une certaine indifférence, l'expérience peut-être, en même temps ce n'est pas comme s'il n'avait pas vu pire lors de ses voyages dans des parties moins civilisées du grand désert...

« Je suppose qu'il fait un meilleur choix que les autres candidats qu'il y avait, ce Giovanni me semble être un homme raisonnable après tout, même si je ne l'ai pas encore rencontré personellement. Je suppose que pour votre part vous savez déjà comment tirer votre épingle du jeu à ce sujet, n'est-ce pas ? » Glissa t-il sinon d'un air amusé suite aux paroles de la duchesse, ce avant de répondre avec plus de sérieux.

« L'empire se porte bien, du moins pour le moment, quant à votre invitation. Pourquoi ne pas en profiter pour vous la donner maintenant, je suppose que vous allez rester un certain temps dans la cité d'Airain après tout ? » Demanda t-il avec un sourire cordial, ce avant d'ajouter en servant un verre de vin à la dame.

« Que diriez-vous par exemple, je ne sais pas… Avoir une sorte de guide concernant la cité en ma personne ? Après tout il est bien de découvrir de belles choses en bonne compagnie, n'est-ce pas ? Pour ma part ce serait un véritable plaisir de vous rendre ce service. » Conclut-il donc avec un aimable sourire, ce avant de prendre pour sa part une petite gorgée de whisky .

La duchesse s'était déjà permise de visiter Airain ces deux derniers jours mais l'idée de passer un peu de temps avec l'empereur ne la rebutait pas. Au contraire, ce serait l'occasion de resserrer les liens entre Akkaton et Vinche, probablement de négocier des avantages pour le Duché sans être interrompu par son conseiller ou encore victime d'une tentative d'empoisonnement. Elle acquiesça :

   - Je trouve que c'est une excellente idée et je serais honorée que vous preniez du temps sur votre planning surchargé pour m'accompagner. Devons-nous rendre la rencontre officielle ?

S'il était d'accord, il était certain que ses détracteurs se feraient un malin plaisir de crier sur tous les toits des Duchés que Vinche tentait une alliance avec Akkaton. Intérieurement, elle soupira face au travail qui l'attendait pour démentir les rumeurs. C'était un mal pour un bien car l'empire pouvait apporter énormément à la cité. Elle passa son pouce entre le tissu argenté et sa poitrine.

   - Dites moi messire Deffarès, ne pourrions-nous pas continuer notre discussion dans un endroit plus frais ? Je suis persuadée que même à l'extérieur, il fait moins chaud qu'ici.

Sans attendre sa réponse, elle attrapa délicatement le bras du vieil homme et s'avança vers la première porte ouverte. Le couloir était presque vide et le calme fut aussi agréable que pesant. La duchesse porta le verre à ses lèvres que lui avait offert l'empereur. Se rendant compte qu'il s'agissait de vin, elle ne put retenir un rire cristallin :

- Dois-je me méfier de vous messire ? Tenteriez-vous de m'empoisonner avec du vin ? Ironisa-t-elle tout en faisant un clin d'oeil à son compagnon.

Depuis l'apparition de l'empereur, elle se sentait un peu plus légère. En fait, elle se sentait un peu plus à sa place. Elle en avait presque oublié la chaleur insupportable de la salle de la réception. Avec une certaine puérilité, elle fit un grand sourire à Otmar, synonyme de l'état dans lequel elle se trouvait.

« Hum, rendre la rencontre officielle ? Je ne sais pas, qu'en pensez-vous ? Pour ma part je ne pense pas que ce soit forcément obligatoire, mais l'un comme l'autre ne me dérange pas, à vous de voir dame Galante. » Se contenta t-il de répondre poliment quand celle-ci lui demanda si ils devaient rendre la rencontre officielle, dans les faits il n'était pas spécialement contre, mais comme l'un comme l'autre lui irait, autant laisser le choix à la dame, après tout c'était là une preuve de politesse et amabilité que celle-ci apprécierait peut-être.

Quant au fait de poursuivre leur discussion plus au frais, Otmar sourit d'abord au petit commentaire de la duchesse quant au fait qu'il faisait probablement moins chaud à l'extérieur qu'ici, ce qui n'était pas forcément faux, c'était cela après tout de vivre dans un désert aride, puis avec plus de sérieux et courtoisement il finit par répondre.

« Mais bien entendu dame Maria. » En faîte il n'avait même pas eu le temps de répondre qu'elle lui avait déjà prise délicatement le bras et l'avait incité à se rendre avec elle dans un couloir de la demeure où il faisait effectivement bien plus frais et surtout il y avait quelques fenêtres ouvertes qui laissaient passer un courant d'air plutôt agréable, ce qui n'était pas plus mal en soit. Ce avant de répondre avec humour à la petite remarque de la duchesse.

« Oh fichtre, j'aurais dû vous servir du whisky dans ce cas ma dame, mais je n'ai pas l'impression que ce serait très convenable de vous proposer un tel breuvage alors que vos goûts raffinés ont depuis si longtemps pu goûter aux meilleurs vins et breuvages des Duchés du Sud je suppose. » Il l'invita sur ce à s'approcher un peu de l'une des fenêtres ouvertes car mine de rien sentir un petit courant d'air était agréable puis reprit en désignant le paysage civilisé offert à l'extérieur de la baie vitrée du couloir.

« Et dire qu'il y a plus d'un siècle de cela tout ce qui nous entourait n'était que sables arides en permanence assaillit par un soleil implacable. Il est beau de se dire ce qu'est capable d'accomplir la civilisation avec une certaine détermination, n'est-ce pas dame Maria ? De se dire qu'au final le monde et la nature peuvent aisément être domptés si on y met les efforts nécessaires et que chaque jour les frontières de l'impossibles sont dépassés ? Dîtes-moi, êtes vous de ces dames qui aiment sans cesses explorer de nouvelles possibilités et faire ce qu'aucun n'aurait pu croire possible ? » Demanda t-il alors avec une curiosité polie ce avant de conclure aimablement.

« Dîtes moi dame Maria, avez vous des fois des aspirations qui n'ont aucun rapport avec la politique et les responsabilités qui sont votre ? Je suppose après tout que chaque être à ses rêves et que des fois il n'est pas plus mal de se détacher un peu de ses devoirs de temps en temps, qu'en pensez-vous ? » Était-ce une question un peu personnelle ? Peut-être, restait à voir si la dame désirait y répondre ou non et comment surtout...

Elle écouta attentivement l'empereur tout en portant le verre à ses lèvres. Le liquide couleur sang était délicieux bien que ses propres vendanges étaient bien meilleures. Du whisky ? Pourquoi pas. Maria n'aurait pas dit non à un petit verre du liquide ambré. Elle l'appréciait vraiment lorsqu'il avait un petit goût de miel. Ils s'arrêtèrent à la fenêtre où de l'air frais s'engouffrait. Elle lâcha le bras qu'elle agrippait presque par habitude à présent. Posant sa tête sur le rebord de la fenêtre, quelques mèches rebelles se mirent à virevolter au vent. La duchesse de Vinche écouta l'empereur d'Akkaton tout en fermant les yeux.

Il était vrai que cela devait en impressionner certain de voir la réussite d'Akkaton. Domestiquer un désert n'était pas une mince à faire. Elle aurait volontiers applaudit poliment mais pas plus, le coeur n'y était pas. Elle aimait beaucoup la nature et plus elle utilisait sa magie de l'eau, moins elle avait envie de la conquérir. Elle aurait largement préféré une cohabitation équilibré, mais ça, elle ne l'avouerait jamais à l'homme qui se trouvait à ses côtés. Elle ressentait bien cette fierté qu'il ne fallait absolument froissé, surtout si elle voulait continuer la bonne entente entre Akkaton et Vinche.

- Je...

La jeune femme avait voulu lui répondre mais sa voix se perdit dans la brise. Il lui posait une colle ! Rien ne lui venait vraiment à l'esprit, elle était toujours tellement occupée par son rôle de duchesse qu'elle ne profitait pas vraiment de sa jeunesse. Oui, elle aimait le commerce, faire de la magie, gagner de l'argent, user de ses charmes, mais n'étaient-ce réellement pas lié à son rôle. Rien n'était moins certain. Elle lança un regard légèrement désemparé à l'homme tout en se détachant de la fenêtre. Elle prit une large gorgée de vin avant de continuer :

- N'ai pas vraiment l'occasion de prendre du temps pour moi. Gardons donc votre visite officieuse, dit-elle en lui souriant. Et vous messire Deffarès, avez-vous le temps de faire autre chose que régner ?

Otmar lui-même fut étonné de voir la duchesse qui sembla hésiter devant ses dernières questions. Hum, venait-il d'aborder un sujet sensible sans le savoir ? Difficile à dire, mais la réponse de la dame finit finalement par s'esquisser assez vite. Et elle avait prit sur elle d'être sincère ? Intéressant pensa t-il après l'avoir écoutée non sans une certaine attention. Dans tous les cas elle lui renvoya sa question et à cela il répondit avec honnêteté.

« Disons que j'ai sans doute plus de temps pour moi on va dire, après tout la charge d'empereur d'Akkaton n'est pas aussi totale est absolue que celle d'un roi étant donnée que l'assemblée du peuple et le Sénat s'occupent d'autres aspects du pouvoirs importants que les miens. » Dit-il avec une légère satisfaction, car même si en effet ça faisait moins de pouvoir pour lui, il ne croulait pas autant sous le travail qu'un vrai roi, même si dire qu'il n'avait rien à faire serait idiot… Sur ce il reprit avec légèreté.

« Eh bien, j'ai en effet assez de temps libre pour en consacrer un peu à moi. Que ce soit en le consacrant à entretenir des amitiés datant d'avant ma prise de fonctions, à la découvertes de nouvelles activités quand j'ai la curiosité et le temps de le faire, ou en me penchant encore un peu sur les découvertes qui sont faîtes dans de multiples domaines tel l'ethnologie, l'histoire et la science même si c'est là aussi un devoir de dirigeant je suppose. Je vous passe sinon les loisirs un peu banal que j'ai à côté tel lire des livres et écouter de la musique. » Il sourit avec amusement, puis reprit avec plus de sérieux après avoir prit une gorgée de vin.

« Cela fait d'ailleurs quelques mois que j'ai adopté une jeune orpheline, je ne sais pas si vous avez pu l'apprendre avant d'une manière ou d'une autre, mais maintenant vous le savez. Et disons que même si elle n'est pas de mon sang, je considère que c'est ma vraie fille en quelque sorte, cela et puis ça fait du bien d'avoir le sentiment d'être père. » Il ne manqua pas d'ajouter alors pensif. « Après tout cela met en perspective beaucoup de choses et vous savez que la destinée d'une personne est à coup sûr sous votre responsabilité et qu'il est de votre devoir de faire votre mieux pour elle. J'ai conscience que tous n'apprécient pas cette idée, mais pour ma part je suis content de pouvoir aider Lilyneska à avoir une meilleure existence, j'avouerai après tout l'avoir en partie adoptée par compassion. » Il sembla légèrement nostalgique après avoit dit cela, puis finit par reprendre avec amabilité et enthousiasme.

« Et vous, qu'en pensez-vous dame Galante ? Les enfants sont-ils une bénédiction à leur manière ? Seriez-vous prête à adopter une ou un enfant possiblement ? Peut-être pour ne pas avoir le poids sur les épaules que celui qu'est l'idée que comme il serait de votre sang, de votre pouvoir il héritera forcément ? » Un poids dont il se passait avec joie pour sa part. Après tout il avait tendance à penser que la politique sans forcément empirer les rapports humains, avaient tendance à doter ces derniers d'une touche de gravité des fois attristante.

Elle écouta sa réponse avec un doux sourire, très ressemblant à celui que l'empereur portait lui-même. Il semblait apprécier le moment autant qu'elle. Si on lui avait dit auparavant qu'elle aurait pu penser ça un jour de l'homme qui régnait sur la plus grande puissance d'Orzian, elle n'y aurait pas cru. Elle fut étonnée d'entendre qu'il avait adopté un enfant. Non qu'elle considère qu'un homme seul ne soit pas capable d'élever un enfant, mais ses antécédents familiaux n'aidaient pas au contraire. Elle reprit une gorgée de vin mais s'étouffa en entendant la question qu'on lui posait.

   - Eh bien... Vous avez l'art de trouver les bonnes questions, dit-elle tout en essuyant la goutte du liquide grenat qui avait coulé sur son menton. Disons que ma famille n'est pas connue pour avoir un arbre généalogique très fourni et je suis encore trop jeune pour penser à ma progéniture, enfin c'est mon avis. De plus, je n'ai pas été élevé dans l'idée qu'il m'était possible d'adopter qui que ce soit. Si c'était le cas, cependant, il aurait le même poids du pouvoir sur ses épaules. Cela ne changerait rien.

La famille Galante avait une conception très personnelle de ce à quoi devait ressembler la nouvelle génération. Tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins, surtout dans les Duchés. Cela amenait à de vilains secrets de famille et Maria n'échappait pas à la règle. Elle n'avait pas le droit d'évoquer cela à quiconque extérieur au cercle familial alors elle replaça un masque de politesse sur son visage avant d'ajouter à l'encontre du vieil homme :

  - J'avoue que je ne doutais pas de votre descendance, adoptée ou non. Je suis tout de même étonnée d'entendre que vous n'ayez aucun enfant de sang à votre âge. Je connais bien des dirigeants, avec moins de pouvoir que vous, qui ne se seraient pas gêné d'aller faire leur ménage un peu partout dans le monde. Auriez-vous quelques enfants cachés par hasard ? Ne put-elle s'empêcher d'enchérir sur le ton de l'humour.

Otmar sourit malicieusement dans les faits concernant l'art qu'il avait de poser les bonnes questions, quant aux paroles suivante de la dame, il les écouta non sans un certain sérieux ou une certaine gravité. Il aurait dû s'y attendre supposa t-il, après tout contrairement à lui elle n'était pas une dirigeante élue temporairement par ses citoyens, mais à vie et dont la lignée était héréditaire… En somme disons qu'il y avait beaucoup plus d'influence de cela sur sa vie personnelle que pour un empereur d'Akkaton qui n'avait pas forcément à élever un enfant dans l'idée d'en faire le meilleur souverain possible ou imaginable, ou même qui serait obligé de faire un enfant tout court. Bon, Otmar ne demanda pas ce qu'elle comptait faire si jamais elle apprenait qu'elle était possiblement stérile, on ne savait jamais après tout, mais c'était indiscret, par contre il ne manqua pas de répondre avec franchise.

« Disons que si je ne dédaigne pas la compagnie des femmes dame Galante, loin de là-même, j'apprécie beaucoup celle des hommes d'une certaine manière et vous devinerez que c'est compliqué de faire des enfants avec de tels partenaires. » Il semblait réfléchir alors, puis reprit avec le plus grand sérieux. « De toute manière si je devais faire un enfant avec une femme, ce serait ce que j'appellerais l'élue et pas une autre. Bon après vous savez ce que c'est dans l'empire, il n'est pas si dur que cela de divorcer quand on se lasse de son partenaire finalement, mais j'ai quand même une conception assez romantique de la chose. Enfin bon, de toute manière je commence sans doute à me faire trop vieux pour cela. » Conclut-il en haussant les épaules, il ne savait même pas si c'était une bonne idée après tout de faire des gosses à son âge. Mais dans tous les cas il ne manqua pas d'ajouter sinon avec complicité, ce sans lui demander si elle aimait elle aussi les personnes du même sexe que le sien, après tout ce serait un epu trop franc du collier.

« Dîtes moi sinon, je suppose que cela doit vous faire du bien de prendre un peu de distance pendant un temps avec la cour de votre duché, n'est-ce pas ? Par hasard... » Il finit alors par demander avec réflexion et curiosité. « Ne vous arrives t-il pas des fois de vous demander ce que vous auriez pu être et vivre si vous n'aviez pas été duchesse de Vinche, mais je ne sais pas… Fille d'un riche marchand qui ne se mêle pas à la politique ou bien voyageuse ? Enfin, ne voyez aucun sous-entendu à ma question, disons juste que j'avais remarqué qu'il est commun chez beaucoup d'êtres quel que soit leur race de rêver des fois d'autre chose que ce que la vie leur offre, comme si l'herbe était toujours plus verte ailleurs, amusant n'est-ce pas ? » Oui, pour sa part il trouvait aussi cela intéressant comme l'accent sérieux que semblait avoir prit ses paroles à la fin le laissait sous-entendre.

La duchesse de Vinche garda un masque impassible sur son visage mais au fond d'elle, elle faisait des gros yeux étonnés. S'il y avait bien quelque chose dont elle ne s'attendait pas, c'était la préférence de l'empereur pour les hommes. Une petite voix lui fit remarquer que c'était sûrement la raison pour laquelle son charme ne semblait lui faire aucun effet. En entendant la suite, elle ne put s'empêcher de sourire. L'élue. L'empereur était un homme bien romantique, se disait-elle. Maria n'avait jamais cru au grand amour, à l'élu comme le nommait l'homme. Sa lignée n'aidait pas à cela : des âmes soeurs inexistants et des infidélités qui ont mené à cette inexistence. De plus, pensa-t-elle, cet homme ne serait jamais vraiment trop vieux pour avoir des enfants, puisqu'il était un homme pardi.

Elle vit un sourire malicieux sur le visage de l'homme avant même d'entendre sa question. Rêver d'une autre vie, c'était bien une question d'une personne libre. L'empereur d'Akkaton n'était pas un descendant d'une lignée mais plutôt quelqu'un d'élu parmi nombre d'autres. Son destin n'était pas tracé comme le sien et pourtant :

- Non. Je suis chanceuse car je pense être née à la place qui me convient. Il faut dire qu'avant de régner sur Vinche, la famille Galante est une famille marchande et depuis peu vigneronne. Cette diversification me convient parfaitement messire Deffarès. Je ne...

Elle ne put terminer sa phrase puisqu'un garde aux couleurs d'Akkaton vint les interrompre. Il s'approcha d'Otmar et lui chuchota quelque chose à l'oreille qu'elle peina à distinguer. Elle vit l'expression de l'empereur changer, se demandant s'il s'agissait de quelque chose de grave. Elle sentait déjà que ce moment léger se terminait et la jeune femme ressentit une vague de tristesse.

Avant qu'Otmar ne puisse répondre aux paroles de dame Maria qui était sincère à son égard concernant le fait qu'elle ne regrettait pas son existence, on vint tout à coup les interrompre pour lui faire part de quelque chose. En l'entendant, Otmar hocha la tête et remercia le garde qui prit alors congé. Semblant songeur quelques instants, il reprit ensuite aimablement à l'égard de dame Maria.

« On m'a juste prévenu qu'une livraison que j'attendais depuis quelques temps est arrivée, un nouveau garde du corps ô combien particulier je dirais et plus discret que des automates. Il devrait arriver bientôt… En attendant sachez que je suis sincèrement heureux que votre existence vous convienne parfaitement, après tout tous n'ont pas cette chance malheureusement, il est donc bien d'en avoir conscience » Sur ce, ils entendirent alors un petit bruit de déplacements mécaniques et virent une sorte de grosse araignée mécanique qui faisait la taille d'un chien respectable qui vint vers eux et qui s'arrêta au niveau d'Otmar avant ensuite de sembler se rétracter sur elle-même et prendre la forme d'une boule cuivré qui pouvait rouler au sol. L'empereur amusé devant cela dit alors avec amusement.

« Une araignée mécanique, ne vous inquiétez pas elle est très bien conçue, elle ne me protégera que si je suis en danger ou lui en donne l'ordre. Ne trouvez vous pas ce genre d’œuvre mécanique plutôt charmante d'aspect ? » Pour sa part il avait l'air de beaucoup apprécier, puis sur ce il reprit avec amabilité à l'égard de la dame en entendant de la musique venant de la salle de réception. « Je crois qu'il est venu le moment où les invités sont conviés à danser… Je suppose qu'il serait donc de bon ton que nous retournions dans la salle principale. » Il lui présenta alors son bras comme un parfait gentleman et dit galant. « Me feriez-vous donc l'honneur Dame Galante de m'offrir une danse ? Je tâcherai évidemment de vous faire honneur au cours de celle-ci. » Restait à voir si elle appréciait l'idée, pour sa part il aimait bien celle-ci.

La duchesse de Vinche qui pratiquait la magie n'avait pas particulièrement d'affinités avec la technologie contrairement à l'empereur. Elle n'avait pas non plus une fascination comme celle de son conseiller. Non, elle était plutôt réservée à ce sujet, n'ayant pas d'avis très tranché sur la question. Cependant, lorsqu'elle entendit le bruit mécanique non loin d'elle, elle ne put retenir un frisson qui lui hérissa les poils. Elle tourna doucement la tête en direction du bruit jusqu'à voir l'araignée de métal. Elle sentit ses jambes flancher. Autant, un robot humanoïde ne lui posait pas de soucis, mais un insecte ayant triplé de taille ne plaisait à personne... Ou presque puisque l'empereur d'Akkaton semblait ravi de la bête alors qu'elle, elle était au bord de l'évanouissement en voyant la bête former une boule presque parfaite à côté de son maître.

Oh elle n'était pas inquiète contrairement à ce que pensait Otmar. Non, elle était légèrement effrayée d'avoir cette chose à côté d'elle toute la soirée. Elle hésitait même à abandonner la compagnie de l'empereur et à l'éviter au possible. Le destin en décida autrement puisqu'ils purent entendre de la musique s'élever de la salle qu'il venait de quitter. Apparemment il était l'heure de danser et le gentleman se proposa comme cavalier à la duchesse.

- Euh, eh bien... Hum. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas que je ne le désire pas mais... Est ce que cette chose va nous coller toute la soirée ?

L'empereur s'approcha d'elle et l'araignée fit un mouvement. Maria ne put alors s'empêcher d'attraper le bras qu'on lui avait élégamment tendu. Si elle était déjà pâle en temps normal, la peau de son visage semblait avoir atteint une couleur trop proche de la transparence.

« Ah, je vois… Si elle vous gêne, je peux toujours lui intimer l'ordre de s'éloigner temporairement, sauf en cas de nécessité. » Répondit-il aimable et conciliant à la dame lorsque celle-ci demanda si l'araignée mécanique allait les coller toute la soirée. Maria put entendre alors Otmar qui siffla d'une certaine manière et l'automate juste après entreprit de s'éloigner hors de vue de la duchesse, l'empereur glissa alors amusé. « C'est pour cela que ce genre d'automates prend du temps et est cher à construire. Ma foi, ceci réglé, je pense que nous pouvons pleinement nous concentrer sur notre danse prochaine n'est-ce pas ? » Il retourna donc à la salle principale où se déroulait les danses en compagnie de la dame qui lui tenait le bras...

Et quand ils furent arrivés dans la salle, la danse débuta pour eux aussi. Otmar prit de manière appliquée et exercée une posture de cavalier et commença à exécuter une valse avec dame Maria. Est-ce que la danse plairait à celle-ci ? Peut-être, en tout cas on ne pouvait pas reprocher au vieil homme de ne pas mettre du cœur à l'ouvrage quant au fait d'être le meilleur cavalier possible. Il se permit même au cour de la danse de recommencer à converser avec la dame d'un ton cordial.

« Sinon je me demandais… Se pourrait-il dame Maria que vous éprouviez une certaine passion ou au moins appréciation pour l'équitation ? Allez savoir pourquoi, mais j'ai l'impression que sur le dos d'un cheval vous seriez une excellente cavalière. Peut-être pourrions-nous faire une petite promenade équine si cela vous intéresse après cette réception, une promenade au sein de la cité d'Airain ? Après tout comme Vinche, celle-ci est si grande que pour pleinement la visiter, un jour ou deux ne suffirait jamais... » Cela et puis rien n'interdisait de faire du cheval en ville tant que l'on était doté d'un minimum de prudence et bon sens… Dans tous les cas, il supposait que ce serait une idée agréable, restait à voir ce que la dame en penserait. Il ne manqua pas d'ailleurs de glisser avec complicité. « Evidemment, je laisserai mon garde du corps de côté pendant ce temps. » Il avait bien remarqué le malaise de la dame après tout, alors autant ne pas entretenir maladroitement ce dernier.

Après un sifflement, la bête de métal disparut du champ de vision de la duchesse qui ne put qu'inévitablement se détendre instantanément. Les mains toujours posées sur le bras de l'empereur, elle n'eut pas le temps de réfléchir puisque celui-ci l’entraînait vers la salle de réception. Plutôt réactif pour un vieil homme, il fallait se l'avouer. En passant l'encadrement de la porte, l'air chaud la frappa de plein fouet. La sensation était tout à fait désagréable mais eu lieu de fuir, on l'attira au centre de la salle, là ou les lumières éclairaient pleinement le visage suintant de sueur des danseurs.

Son cavalier se tenait face à elle, droit et fier, l'empoignant par la taille fermement et tel un gentleman, il menait la danse. Ce n'est qu'au bout d'une dizaine de secondes que Maria réalisa ce qui se déroulait exactement. Elle était à une soirée Akkatonienne et dansait avec l'empereur. Une petite voix au fond de sa conscience ne put s'empêcher qu'elle venait de poser les doigts sur une immense mine de pouvoir. Ne l'écoutant que d'une oreille, un sourire doux accroché à son visage, elle détaillait sans vraiment le vouloir le visage de son cavalier. A ce moment exact, il dégageait un charme qui ne pouvait que l'emporter avec lui. Elle se laissa guider car même si Maria n'était pas mauvaise danseuse, au contraire, Otmar ne semblait pas prêt à céder sa place de meneur.

- Ce n'est pas vraiment une passion mais en effet, je sais monter. Merci du compliment messire Deffarès, je vous le renvoie. J'ai l'impression que ce n'est pas l'équitation qui vous rendrait élégant, mais plutôt vous qui viendriez amener la touche manquante à celle-ci. Quoi qu'il en soit, j'accepte avec joie la proposition. Cependant, je dois vous prévenir de ne pas avoir trop d'attentes envers ma personne, je suis loin d'être une professionnelle, la plupart du temps, on ne fait que me transporter d'un point A à un point B.

Elle jeta un oeil autour d'elle avant de reprendre :

- En effet, s'il était possible d'éviter votre garde du corps, je vous en serais grès. Mais dites-moi, êtes-vous vous même bon cavalier ? Je dois avouer que j'apprécie beaucoup ces bêtes même si je n'en possède pas pour mes activités récréatives. Disposez-vous d'une écurie ?

« Que de compliments dame Maria, c'est presque à se demander si je les mérites vraiment. Ma foi, nous verrons bien lorsque je me mettrais en selle à vos côtés. » Dit-il à la duchesse alors qu'il executait une valse avec celle-ci, ce avant de reprendre en faisant un peu abstraction du fait qu'il avait assez chaud, fichtre, il ne manquerait pas de dire au propriétaire des lieux d'installer un système de climatisation, même si cela coûtait cher en électricité, après tout qu'on aille pas lui dire que l'autre n'avait pas les moyens, surtout quand il voulait inviter du haut gratin chez lui…

« Quoiqu'il en soit, ne vous inquiétez pas ma dame, je suis en effet un bon cavalier et de plus fait je serais disposé à vous montrer comment faire si vous le désirez. En espérant que je serais bon professeur si tel est le cas, mais sachez le, je trouve que vous pourriez faire une très noble cavalière au vu de votre élégance habituelle, alors ce sera avec plaisir que je vous y aiderai. » Par contre il ne manqua pas alors de confier avec un léger sourire.

« En faîte… Disons que je ne dispose que d'un ou deux chevaux, pas vraiment d'une écurie… Vous savez je suis un homme simple au fond, l'argent dont je dispose soit il sert à ma fille, soit je l'économise, soit je le donne à des œuvres caritatives, ce qui représente une belle somme par rapport à ce que je garde pour moi. Je ne suis pas mal à l'aise concernant le luxe, mais je n'ai jamais sentit la nécessité d'y plonger fréquemment, en vérité mon mode de vie s'approche sans doute de ce qu'on pourrait qualifier chez vous de petit bourgeois... » Alors qu'il semblait légèrement relâcher son emprise sur la valse, comme pour inviter la dame à la mener si celle-ci le désirait, l'empereur conclut alors avec aménité. « Néanmoins, je suppose que ce serait sans doute un geste diplomatique fort appréciable si je vous offrais une monture, n'est-ce pas ? Du moins si vous n'en disposez pas déjà… Soit, si vous le désirez, demain nous n'aurons qu'à visiter une de ces écuries proposant plusieurs purs sang venant d'Akkaton ou Aros, le genre de race de chevaux rares en Orzian je suppose. Je vous offrirais alors celui de votre choix. » Il pouvait bien faire un geste diplomatique après tout pensa t-il, surtout qu'en effet ce n'est pas vraiment comme s'il était accroché comme une tique à ses économies...

Elle sentit son corset coller à sa peau, la sueur roulant à grosses gouttes en dessous du tissu. Cette fois-ci, elle ne put y passer le pouce pour le décoller. Ses mains étant prises par son cavalier, lancé en pleine valse.

   - Oh c'est sûr, vous êtes bon cavalier. Rien qu'à cette danse je peux le dire, répondit-elle sur le ton de la blague en lui faisant un clin d'oeil.

La chaleur lui faisait faire des jeux de mots, cela devenait vraiment n'importe quoi. Quoi qu'il soit, c'était une pluie de compliments que chacun se lançait ce jour là. Des compliments qui semblaient sincères plutôt que politiquement réfléchi. L'empereur, qui était particulièrement bavard, continua sur sa lancée. Il n'était pas très dépensier, préférant conserver son argent pour des choses utiles. Sur ce point, elle le rejoignait assez. Maria était peut être la duchesse de Vinche, mais celle-ci n'avait pas pour habitude de lancer l'argent par les fenêtres. Elle n'avait pas non plus de progéniture à gâter alors elle se contentait de s'offrir quelques coups de coeur de temps à autre.

Elle ne put, par contre, pas empêcher sa mâchoire de choir légèrement lorsqu'il lui proposa d'acheter un cheval, toute en désignant cela comme un geste diplomatique. Elle appréciait sa franchise, bien plus que celle du diplomate d'Ikhyld. Il fallait bien avouer qu'elle avait toujours le cadeau de ce dernier en travers de la gorge. Quelle idée ? Quel geste manipulateur que de lui offrir un bien si précieux ! Elle préférait de loin ce que lui proposait l'empereur. Elle lui offrit un sourire satisfait :

   - Je me sens honorée par votre geste messire Deffarès. Rien ne pouvait me faire plus plaisir que cela.

Elle sentait dans les mouvements de valse d'Otmar qu'il était prêt à la laisser le guider, ce qui, encore une fois, l’impressionnait. Elle connaissait l'ego des hommes et leur besoin constant de montrer leur supériorité alors pour un gentleman tel que l'empereur, elle n'aurait pas imaginé cela. Pourtant tout ne se passa pas comme prévu car en relâchant le corps de la duchesse, celle-ci se sentit faillir. Ses jambes ne voulaient plus supporter son poids et elle se sentit glisser dans les bras de l'empereur. S'évanouir dans ses bras devenait vraiment une mauvaise habitude pensa-t-elle alors qu'elle se passait une main sur le front, l'autre se retenant au bras de son cavalier.

Otmar sourit légèrement quand la dame affirma sans doute avec tout de même une certaine sincérité qu'il était un bon cavalier. Bien pensa t-il, après tout il aurait été un comble qu'il leur fasse honte à tous les deux. De plus, cela prouvait que le vieil homme était encore loin d'être rouillé dans ce domaine et évidemment pour quelqu'un comme l'empereur… C'était préférable à l'inverse. Qui sait ? Peut-être vieillirait t-il bien sur le long terme et serait-il encore assez en forme à 80 ans… Peut-être, cela ils le verraient…

Dans tous les cas, cela l'étonna presque quand il remarqua la mâchoire de la duchesse choir légèrement de surprise devant sa proposition de cadeau. Il espérait que ce soit un bon signe d'ailleurs, après tout il serait dommage qu'il la vexe par exemple en lui proposant quelque chose qui pourrait lui paraître insultant. Néanmoins, ce fut tout le contraire au final car elle fit part avec une visible sincérité de son appréciation pour la chose.

« Oh, mais ce n'est rien dame Maria, voyez cela comme une marque d'estime de ma part à votre égard, de plus je suppose qu'une dame telle que vous doit avoir eu plus beaux présents, même si évidemment pour ma part je considère que ce qui importe c'est surtout l'intention, du moins dans une certaine mesure... » Soyons sincères après tout, il y aurait de quoi se vexer même si avec les meilleures intentions du monde il lui offrait un bout de bois par exemple…

Par contre, avant qu'elle ou lui ne puisse poursuivre la conversation et alors que la danse continuait, la dame se mit tout à coup à choir. Otmar s’apercevant de cela, eut alors une réaction tout à fait salvatrice et saine. Il fit de son mieux pour rattraper la dame et l'empêcher de tomber au sol, ce qu'il arriva heureusement à faire. Evidemment la scène attira un peu l'attention, même si personne ne vînt s'en mêler, sans doute parce qu'ils ne savaient pas si c'était grave... Pour sa part en tout cas l'empereur était concentré sur la dame qu'il aida à se relever alors qu'il entreprenait de l'amener en douceur hors de la piste de danse pour qu'elle puisse s'asseoir sur quelque chose de confortable dans les environs, de préférence dans le couloir un peu frais qu'ils avaient quittés. Et bien entendu, pendant qu'il faisait tout cela, il ne manqua pas de demander avec une pointe d'inquiétude...

« Dame Maria ? Est-ce que vous m'entendez ? Nous allons chercher un fauteuil pour que vous puissiez vous asseoir et de l'eau pour vous rafraîchir… Si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas. » Alors qu'il disait cela, évidemment il faisait de son mieux pour ne pas être brusque, après tout elle devait se sentir particulièrement mal en cet instant, alors autant se comporter comme un vrai gentleman.

Elle ne sut pas vraiment ce qu'il se passa dans les minutes qui suivirent. Tout semblait flou autour d'elle. Il lui semblait, à bien y penser, que le son était comme mis en sourdine. Elle ne réussit pas à entendre les paroles de l'empereur à son égard. C'est seulement lorsqu'ils atteignirent le couloir dans lequel ils avaient été précédemment que la duchesse de Vinche se sentit revivre. Une brise fraîche vint caresser son visage comme la première fois. On l'asseyait dans un fauteuil tandis qu'elle s'agrippait toujours à l'ombre qui la retenait de tomber. En reprenant contenance, elle put se rendre compte que sa main se trouvait dans celle de l'empereur, ce qui, d'une manière étrange, la rassura un peu.

En relevant les yeux, elle lut l'inquiétude sur le visage de son cavalier et lui fit, par réflexe, un petit sourire doux.

   - Ne vous inquiétez pas, ce n'est que cette vilaine chaleur. L'air marin de Vinche est bien plus doux, j'ai du mal à m'habituer à celui-ci. De plus... Je suis désolée, j'ai l'impression de toujours choir quand je suis dans vos bras, ajouta-t-elle avec un petit rire et un sourire d'excuse.

Au fond, elle n'oubliait pas qu'il n'était pas tout jeune. Cela devait commencer à l'agacer qu'elle fasse toujours cela. Maria ne put s'empêcher de soupirer d'un léger agacement. Avant que quiconque ne puisse ajouter mots, une voix s'éleva qui leur fit tourner la tête.

   - Oh très chère duchesse, vous sentez-vous bien ? Je vous ai vu défaillir du bout de la salle. J'espère que ce n'est rien de grave !!

Il semblait que l'organisateur de ce bal ressemblait beaucoup, dans ses traits, à un certain Fortuna. Clairement, on pouvait distinguer un ton imbu de sa personne, le timbre sonnant particulièrement faux. Il ne s'inquiétait pas réellement pour la jeune femme, il souhaitait surtout se montrer. Là était son apparat de gros homme bedonnant, portant des habits voyants et luxueux. Après une discussion avec l'homme, elle avait fini par conclure pour elle même que si elle souhaitait commercer avec la famille Arcadia, il lui faudrait trouver un autre interlocuteur ou elle finirait par le noyer sous ses faux semblants.

   - Tout va bien, tout va bien. Il semble seulement que mon corset soit légèrement trop serré. Rien de bien inquiétant, indiqua-t-elle tout en amenant le regard sur son sublime décolleté.

Au moins elle allait mieux pensa t-il assez rassuré quand après l'avoir aidée à s'asseoir, la duchesse semblait avoir assez reprit ses esprits pour lui dire de ne pas s'inquiéter. L'empereur ne put même s'empêcher de sourire avec amusement aux paroles de la duchesse et de glisser avec humour.

« Je vais finir par me demander si vous aimez tout simplement que je vous rattrape pour vous empêcher de tomber. » Il se disait aussi que pour sa part il l'inviterait la prochaine fois dans une demeure assez climatisée si possible. Après tout ce n'est pas parce qu'on vivait dans un désert que l'empire était en train de domestique qu'il fallait y mourir de chaud... Akkaton la capitale de l'empire n'était-elle pas après tout elle aussi en grande partie bâtit sur un désert ? Si, alors autant prendre l'exemple...

Et avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit sinon, quelqu'un vint les voir, visiblement l'organisateur de l’événement. Otmar se disait que celui-ci avait l'air bien en retard pour quelqu'un qui se voulait aussi prévenant, mais il finit par se dire aussi que tout s'était passé bien vite, donc il était normal que l'autre n'ait pas forcément pu intervenir aussi vite que l'empereur. Par contre, il devinait que dans les faits il avait un exemple un peu ridicule de certains préjugés existant au sujet de la famille royale Arcadia pensa t-il en détaillant légèrement l'homme du regard sans vouloir indiscret. Non pas tant par l'apparence physique que l'attitude qui sonnait assez fausse finalement.

« Oui, ne vous inquiétez pas pour cela mon ami, la situation est sous contrôle. » Rajouta donc l'empereur aimablement à l'égard de l'Arcadia sans paraître le moins du monde agacé ou embêté par celui-ci, puis il reprit d'un ton prévenant à l'égard de la dame, mais à voix basse.

« Désirez-vous que nous allions chercher les latrines les plus proches pour que je vous aide à défaire légèrement votre corset dame Maria ? Il ne faudrait pas après tout que vous subissiez à nouveau un tel malaise... » Cela il semblait le dire en tout amitié, comme s'il ne pensait absolument pas à profiter de la chose pour regarder un peu. Un vrai gentleman sans doute, ou bien il était trop préoccupé par le fait d'améliorer les choses pour éviter à nouveau un tel incident pour se concentrer sur des préoccupations comment dire… Moins superficielles.

En entendant les paroles de l'empereur, la duchesse ne put s'empêcher de rougir, si tenté que ses joues rouges de chaleur pouvaient accentuer leur teinte actuelle. L'aider à défaire son corset ? Il en était absolument hors de question. Pas que cela la dérange spécialement, pas non plus qu'il aurait quelque chose à y voir, mais c'était pour le principe. Oui, voilà, pour le principe. De plus, un homme dans les toilettes pour les dames, cela ne ferait que nourrir encore plus des ragots en Akkaton. Connaissant les Duchés, il était même possible qu'ils soient au courant dans l'heure qui suivrait. Elle fit un léger sourire à l'empereur tout en retirant sa main de la sienne.

   - Allons messire Deffarès, ce ne serait pas très correct de votre part de m'aider pour ceci. Cependant, notre ami et hôte ici présent à sûrement une dame à sa disposition qui saurait m'être d'une grande aide n'est ce pas ? Dit-elle à l'encontre du gros monsieur qui les observait toujours, ce sourire dérangeant sur son visage.

   - Evidemment, évidemment. Je reviens de ce pas avec quelqu'un pour vous aider.

Il disparut dans la salle surchauffée alors que Maria s'adossait à sa chaise, laissant sa tête reposer contre le mur du couloir. Un calme s'installa d'une certaine manière alors qu'on entendait la musique dansante en fond, qui avait repris depuis l'incident. Sans ouvrir les yeux, elle ne put s'empêcher d'ajouter à l'empereur qui n'avait pas bougé depuis qu'elle s'était assise :

   - Je ne voudrais pas vous retenir messire. Après tout, nous sommes à un bal et vous devez sûrement avoir de nombreuses prétendantes qui souhaiteraient avoir une danse avec vous. Si je reste assise jusqu'au retour de notre hôte, rien de bien grave ne devrait m'arriver vous savez.

Tout en disant cela, elle ouvrit un oeil pour observer sa réaction.

Otmar perçut bien, même si très légèrement que sa proposition pourtant amicale et désintéressée gênait la duchesse, ou plutôt l’embarrassait légèrement même si celle-ci évidemment arriva à n'en rien laisser paraître dans sa manière d'être. Chose tout à fait compréhensible supposa t-il, après tout même s'ils s'entendaient bien, ils ne devaient pas encore être intimes comme de vieux amis, si tant est qu'ils le soient un jour. On ne savait jamais après tout dans ce genre de relations ou les affaires d'états pouvaient interférer avec celles plus personnelles…

« Je comprend dame Maria et veuillez excuser mon éventuelle maladresse, je ne désirais évidemment que vous aider. Sans doute que mon inquiétude a parler un instant à la place de ma raison. » Répondit-il donc aimable à celle-ci après que leur hôte soit repartit pour aller chercher de l'aide. Sur ce, Otmar qui avait évidemment entreprit d'attendre le retour de celui-ci et qui était resté là par prévenance pour s'assurer que la duchesse allait bien, ne manqua pas d'écouter attentivement ce que celle-ci désira apparemment lui dire… En entendant cela l'empereur parut alors réfléchir un court instant en se grattant la barbe d'une main d'un geste digne, ce avant de répondre cordialement.

« Vous savez, cela fait plus de 10 ans que je suis dans la politique, même si seulement 1 que je suis empereur, à force l'on connaît ce genre d’événements sur le bout des doigts, et pour tout avouer s'isoler un peu de ces derniers de temps en temps ne fait pas de mal, surtout quand c'est pour profiter d'une compagnie qui n'est guère ennuyeuse comparée à d'autres. » Il sourit alors aimablement et conclut en regardant par une des fenêtres se trouvant dans les environs.

« La politique est un jeu passionnant n'est-ce pas ? Pour ma part je le pense, même si ma vision en est certainement idéalisée par rapport à d'autres, mais comme tout jeu, il faut évidemment savoir prendre de temps en temps ses distances avec pour ne pas se lasser ou faire possédé par lui. Tout ceci pour dire, que je vous promet que demain nous prendrons tout les deux nos distances avec le temps d'une journée, du moins si cela vous convient. » Pour sa part cela lui semblait une idée tout à fait valable.

S'il fallait résumé cette soirée pour Maria, elle pouvait simplement dire qu'elle avait reçu et donné bien des compliments. Encore une fois, l'empereur lui fit comprendre que sa compagnie lui plaisait. Tant mieux puisqu'ils allaient passer la journée ensemble le lendemain. De plus, elle eut le droit à une promesse de tranquillité. Et si, d'un côté, elle appréciait sa place, les étouffantes réunions politiques, les catastrophes imprévues, elle ne pouvait décemment pas dire non à l'empereur.

   - J'accepte avec grande joie messire Deffarès.

Ils se sourirent mutuellement puis l'hôte revint accompagné de deux femmes. L'une d'elle était plutôt jeune, plus que Maria. Elle avait le regard baissé, n'osant pas croiser le regard de ces deux importantes personnalités. A ses côtés se trouvait une femme plus âgée, probablement plus que l'empereur. Ses cheveux étaient remontés en un chignon stricte. Elle avait le regard digne et nous jugea sans impolitesse de sa part. Toutes deux portaient des vêtements simples et sobres, parfait pour se fondre dans la foule. Décidément, la famille Arcadia avait l'art de parfaire les clichés.

   - Voilà pour vous dame Galante. Elles seront parfaitement capable de vous aider.
   - Je vous remercie, dit-elle en se relevant.

Elle fit un mouvement de tête pour remercier l'hôte avant de faire une légère révérence aux deux hommes.

   - Merci encore pour l'invitation messire Arcadia. Quant à vous, messire Deffarès, si je n'ai pas l'occasion de vous recroiser ce soir, nous nous retrouverons demain. Je tâcherai de vous transmettre mon lieu de repos afin que vous me fassiez parvenir notre lieu de rendez-vous. Bonne soirée à vous.

Elle s'éloigna dans le couloir à l'opposé des deux hommes et de la salle de bal. Les deux domestiques s'empressèrent de la suivre et le petit groupe finit par disparaître à l'angle du couloir.