Mais alors que j’attends de voir qui tentera le jeu en premier, un p’tit malin se permet de demander qu’est-ce qu’il a y gagner. Fichtre, moi qui espérais laisser la surprise pour le vainqueur. Mais après tout, ça ne m’étonne pas. Les duchéens sont ce qu’ils sont, et tous ne sont pas moi. Bien peu le sont, d’ailleurs. Enfin bref. Quoiqu’il en soit, je commence d’abord à me marrer, ce qui crée un drôle de rire-chorale de la part de plusieurs renards. Mais je suis coupé, avant d’avoir pu répondre, par un petit bourge, probablement notaire, avocat ou je ne sais encore quel gugusse, qui me demande s’il a la possibilité de partir, si la récompense ne lui semble pas assez intéressante. En effet, c’est une bonne question. Je préfèrerais qu’ils restent tous, mais suis-je obligé de trouver une raison pour les faire rester ? Bref. Je me tourne vers le premier petit malin tout en ricanant :

« Vous voulez une récompense autre que la vie sauve ? »

Bien sûr, c'est une plaisanterie, bien qu'il soit légitime de se poser la question. Mais il fallait que je fasse la blague. C'était bien trop tentant et facile. Bref. Je me calme, avant de rajouter, afin de ne pas les laisser dans l'oubli trop longtemps :

« Il n’y a absolument aucun danger dans ce jeu, c’est simplement quelque chose pour m’amuser et m’occuper un peu, en cette belle nuitée ! Vous n’êtes pas non plus obligés de participer, mais ce serait stupide de manquer une si belle récompense si facile à atteindre. »

Je hausse les épaules tout en indiquant, d’un signe de tête, un très gros coffre d’un peu moins d’un mètre de haut, de large et de profondeur, derrière moi. Entrouvert, il laisse apercevoir un joli tas d’or, de bijoux et de gemmes, dont certaines sont tombées au sol. Le coffre est enfermé dans une cage d’un mètre cube de contenance. Ce n’est pas un vrai coffre, et j’espère qu’aucun de ces gugusses n’est capable de voir à travers. Non, parce que, avouons-le, je ne suis pas assez riche pour me permettre de donner tout ça à des inconnus. Je comptais m’enfuir en courant une fois la plaisanterie terminée. Et comme il n’y aura aucun blessé, ils ne m’en voudront techniquement pas. Pas trop. Enfin on verra.

Quoiqu’il en soit, je les laisse observer le coffre et décider de s’ils vont partir ou non, laissant chacun d’entre eux réfléchir. Je garde un œil sur Azaïm, veillant à savoir s’il sait ou non lequel des renards je suis. Il s’approche alors de l’un des doubles, le plus proche de sa personne, avant de me demander ce qui est prévu pour lui. Je ricane à nouveau, tout en reculant d’un bond.

« Toi ? Tu es mon assistante. Leur objectif est de m’attraper, ton objectif est de leur rendre la tâche plus ardue. Pas de blessures, bien sûr, juste ta ruse naturelle. Il ne faudrait pas qu’ils réussissent à m’attraper trop vite, tout de même, tu n’es pas d’accord ? »

Je me mets à rire doucement, une nouvelle fois. Oh, je lui fais confiance. Je sais qu’il parviendra à rendre le jeu plus intéressant. Je n’ai juste pas dit qu’il fallait aussi qu’il se méfie de moi. Ni de mes pièges, s’il ne les a pas encore vus. Quoiqu’il en soit, je me retourne vers les quatre personnages, attendant leur accord ou leur refus.

L’azurienne, lorsque je propose de leur offrir la vie sauve, semble rire sous cape. D’autres aussi semblent amusés, même si le p’tit notaire a l’air blasé. Bah ! Tout le monde ne peut pas rire à mes blagues ! En tout cas, l’azurienne se met à faire des hypothèses sur moi, que je ne m’amuse ni à approuver ni à démentir. Un riche qui s’ennuie ? Je suis pas si riche, en fait. Et je ne m’ennuie pas spécialement, je prouve ma supériorité en matière de blague.

Quoiqu’il en soit, aucune de nos victimes ne semble sentir le pot aux roses, ce qui semble déjà être un très bon point. Enfin… Tout du moins, s’ils sont sceptiques, ils sont suffisamment cupides pour ne pas s’enfuir. Et une fois dans le jeu, ils ne pourront rien faire d’autre que de finir ! Azaïm me demande s’il doit juste les enquiquiner et je souris d’un air malicieux, tout en hochant doucement de la tête. Enfin de mes multiples têtes. Il se transforme en élémentaire d’eau, avant de les préparer à ce qui les attendra. Bien. Je suppose que le jeu peut commencer, alors ? Mes doubles et moi-même nous dispersons, sans dévoiler les aspérités de l’arène. Ce serait bête de gâcher le jeu dès le début !

« Bien ! Alors j’imagine que le jeu peut être lancé ! »

Pour commencer, je vais les laisser s’approcher, les laisser voir que des pièges se trouvent partout. De toute manière, il y a quelque chose entre chacun d’entre eux et moi, donc ils le découvriront forcément ! Et une fois assez proches, non, je ne me laisserai pas faire.

Les gens commencent alors à partir comme des flèches, visiblement appâtés par le possible gain. Héhé. Au pire, je n’ai rien à perdre, Karma O’Barai est connu pour être un mercenaire peu sérieux lorsqu’il s’agit de contrat, puisqu’il n’accepte que des missions amusantes. Naako, lui, est professionnel et droit. Mais cette forme de renard ? C’est juste la forme que j’utilisais quand j’étais plus jeune et plus con, pour faire des conneries en toute impunité. Ma réputation ? Je n’ai pas peur pour elle. Donc si je dois fuir rapidement pour leur laisser le temps de réaliser qu’ils ont joué gratuitement à un jeu… Hé bien ça arrivera. De toute manière, qu’on se le dise, certains sont déjà peu sûrs de la véracité de cette mise en scène. Et ils ont pas tort. Mais qui ne tente rien n’a rien, comme on dit !

Quoiqu’il en soit, j’observe les différentes personnes se faire victimiser, mais très vite, je me stoppe dans mon observation malicieuse. Un jeune elfe, qui n’a pas dit un mot depuis son arrivée est en train de foncer sur moi. Je l’observe sans crainte. Je n’arrive pas à déterminer s’il sait parfaitement que je suis le vrai ou s’il est juste né sous une bonne étoile, mais aucun doute : c’est moi qu’il veut. Bien. Alors jouons, gamin !

Je ne vais pas jouer son jeu, tant que je ne serai pas certain qu’il est persuadé que je suis le vrai. Je vais jouer le clone, quitte à feinter s’il le faut. Aussi, je me projette sur le côté avant qu’il n’arrive, cherchant à me cacher discrètement derrière un poteau. Je ne sais pas s’il lévitera en le voyant ou non, mais ça me donnera un bon aperçu. En attendant, je suis toujours évidemment prêt à esquiver chacun de ses assauts, voire même à user de la magie si nécessaire.

Quant à mon élémentaire préféré, qu’il se méfie également ! Très rapidement, j’ai un regard derrière l’elfe, j’imagine un cri. Le genre de cri flippant, un peu monstrueux, qui déconcentre bien comme il faut. La suite ? On avisera si mon plan fonctionne !

Mais l’elfe semble bel et bien capable de voir à travers mon illusion. Alors qu’il évite élégamment le poteau derrière lequel je me suis réfugié pour le tester, je recule à nouveau. Ce n’est pas parce que tu vois, petit elfe, que tu vaincras ! Je lui offre mon plus beau sourire moqueur. Qu’il sache réellement ou non n’a plus d’importance, maintenant, le jeu est presque entre lui et moi ! J’esquive son assaut sans mal, me réfugiant en haut du poteau, puis m’éloignant rapidement de lui.

Et tout en gardant l’œil sur lui, je détourne légèrement mon attention de sa présence pour embêter Azaïm. Le cri semble parfaitement fonctionner puisqu’il se retourne rapidement, l’air parfaitement surpris. Et à l’instant où il se retourne, j’effectue un petit saut arrière en visualisant une transformation en toute petite souris. Je garde évidemment une apparence similaire à la mienne afin de ne pas perdre les gens, et alors que la transformation s’exécute pour moi-même, je tire un clin d’œil en direction de l’elfe. Et aussitôt cela fait, je visualise deux vortex, l’un derrière moi, l’autre au-dessus d’Azaïm. Je passe à travers et, alors qu’Azaïm se retourne dans une direction normale, j’atterris brusquement sur sa tête avec un « bouh » aigu.

Mon arrivée semble légèrement surprendre Azaïm, mais vraiment pas assez pour que je puisse considérer cela comme une victoire. Il veut jouer ? Alors on jouera ! Je suis bien loin d’avoir dit mon dernier mot et j’ai encore une idée dans ma tête, héhé. Je le laisse m’attraper sans riposter, puisque je compte rester proche de lui, pour le moment. Il se moque en disant que s’il avait joué, il aurait gagné et je lui tire la langue d’un air moqueur.

« C’est dommage, tu aurais pu gagner plein d’argent ! »

J’ai insisté sur le « plein » avec un clin d’œil et un sourire moqueur, mais vu ma taille, je pense qu’il est le seul à l’avoir vu. Mais au pire, ça n’est pas bien grave, comme le jeu n’est pas encore terminé ! Quoiqu’il en soit, nous remarquons tous les deux que mon poursuivant, même s’il a été surpris un temps, se ressaisit bien vite pour venir me chercher. Je souris d’un air satisfait en constatant que les autres semblent s’épuiser. Hé bien, heureusement qu’il était là lui ! Azaïm me demande s’il doit me laisser m’enfuir ou s’il doit courir pour moi et je ricane en grimpant sur son épaule et en lui montrant un poteau de ma petite main griffue.

« Grimpe, petit sous-fifre plaisantin ! »

Mon ton est moqueur et amusé, comme notre relation. Bien sûr que je suis le plus grand blagueur, et il le saura vite, très vite, ahahah ! Azaïm m’obéit alors, même s’il semble que ça ait été aussi son idée de base. Je constate qu’il n’est pas mauvais en escalade, mais vu qu’il a la forme d’une elfe, je suppose qu’il triche un peu. Nous arrivons en haut alors que le petit bonhomme arrive là où nous nous trouvons et l’esprit des ténèbres me demande quand est-ce qu’on gagne. Je me mets à rire avant de me mettre à gueuler :

« Cinq secondes et c’est terminé ! »

Et sur ces mots, à moi d’invoquer un seau juste au niveau de la tête de l’autre elfe, qui grimpe avec d’autant plus d’ardeur qu’il sait qu’il reste peu de temps. Le seau chute, attiré par la force gravitationnelle pendant que je compte « quatre ». Il va devoir lâcher pour éviter de ne se le prendre — renversé évidemment — sur la tête, ce qui va lui faire perdre quelques précieuses secondes. Le « trois » survient juste à ce moment, alors que l’elfe semble frustré, mais toujours confiant. Les autres semblent puiser dans leurs dernières ressources, mais certains semblent avoir déjà abandonné mentalement. Le « deux » intervient alors que l’elfe est à la moitié du poteau. Et au « un », je grimpe sur la tête d’Azaïm. Et au « zéro », l’elfe tente sa toute dernière chance, alors que je saute pour passer au-dessus de lui et de mon pote l’esprit. Et, aidé d’une petite dose de magie, je me change subitement un élégant oiseau de lumière, bien lumineux et franchement pas très agréable pour qui que ce soit, vu qu’on est dans la nuit. Mais même si ma lumière n’est pas assez puissante pour blesser Azaïm — qui est, de toute façon, dans une forme physique pas spécialement craintive de la lumière — je me doute qu’il doit être le plus emmerdé et c’est pour cela que je viens volontairement lui tourner autour en piaillant :

« C'est bien dommage tout ça ! Quoique, pas forcément puisque le trésor n'en était pas un vrai. »

Je me mets à ricaner avant de faire disparaître le coffre, sans oublier, bien sûr, de me mettre hors de portée de l’elfe. On sait pas trop comment il va réagir après tout.