Alors que l'inquisiteur réfléchissait aux paroles du grand-père, Alice se disait que, définitivement, Teïder était rempli de cas désespérés. Comment un pays pouvait-il bien se tenir alors que les femmes étaient prises pour des moins que rien, que les faibles étaient rejetés et qu'on appréciait par dessus tout la violence laissée aux gens, sans rien faire pour eux ? C'était à croire que ce pays était remplis de masochistes... Évidemment, à commencer par ce genre de personnes qui aimaient se faire souffrir.

« Un bon espion doit savoir se défendre en éffet et puis si elle doit œuvrer en terres ennemies à l’avenir, il faut toujours être prêt à défendre sa vie ou sa nation. Après tous les hérétiques et étrangers ne sont pas le genre d’êtres fréquentables. »

La jeune fille, si son air semblait docile et complètement réceptif aux paroles des hommes en face d'elle, était en réalité plutôt embêtée. Étant elle-même une hérétique et une étrangère. Bien heureusement, ce n'était pas Bonnenfant qui s'en douterait.

"De toute manière, ce genre de type n'a strictement aucune raison d'être. Si son dieu existait vraiment, il aurait mieux fait s'aller se pendre. J'aurais pas été fier de ce que j'avais fait, à sa place."

Enfin, ledit type n'avait évidemment pas fini, et, toujours en direction du grand-père et sous l'oreille attentive d'Alice, il continua :

« Et puis, les espions sont tous serviteurs de l’états, si vous désirez que votre famille monte en importance au service du souverain et du royaume, c’est une bonne piste. Il y a après tout peu de professions aussi honorables qu’espion ou assassin au service du royaume après tout. Je dirais bien inquisiteur, mais les femmes sont d’une qualité variable quand il s’agit d’être pieuses et ne pas succomber au vice, mais sur ce point je ne vous apprend rien. »

Si, encore une fois, la jeune fille semblait calme, en vérité elle ricanait sous cape.

"Ahahah, mais moi, Inquisiteur, j'ai trop d'estime personnelle pour pouvoir devenir comme vous. Je ne m'abaisserai jamais à votre rang."

Le ton aigre qu'utilisa ensuite l'homme pourrait laisser sous entendre que les pensées d'Alice étaient connues, mais sachant parfaitement le contraire, l'air neutre et docile de la jeune fille ne flancha pas.

« Cela et puis je parie que finir dans un monastère ce n’est pas ce qui inspire une jeune enfant comme toi, n’est-ce pas ? »

Elle se contente de sourire, avant de répondre gaiement :

« J'espère que je deviendrai aussi forte que l'Ombre ! Il est vraiment trop cool ce monsieur ! »

Ce avant de sourire, toute aussi joyeuse. Une partie de ses paroles n'étaient, cette fois, pas tout à fait fausses. Alice connaissait le savoir faire de cet étrange personne, et, si elle n'était pas en camp ennemi, il aurait volontiers pu suivre sa voie. Malheureusement, les origines Teïderiennes de cette ombre n'étaient plus à redire...

L'homme sembla réfléchir un peu, comme si le "rêve" de la fillette était impossible à réaliser. En soit, la demoiselle s'en fichait pas mal. Elle n'allait jamais devenir comme l'Ombre, et le savait pertinemment. C'était plus qu'impossible.

« Tu désires donc être comme l’ombre ? Il est vrai qu’on ne sait même pas si c’est un homme ou une femme, soit, il y a pire sans doute comme désir, néanmoins j’espère que tu es consciente de l’exigence des services de renseignements de notre pays, surtout si tu désires devenir un élément aussi prestigieux. Il faut du zèle, du dévouement et surtout ne jamais avoir froid aux yeux. Car à chaque instant tu peux mal finir de la main d’hérétiques ou d’infidèles, mais d’un autre côté il doit être exaltant de triompher de ces derniers par la ruse. »

"Il y a pire comme désir". Ces paroles en disaient long sur ce que pensait l'inquisiteur. Mais elle se contenta d'hocher la tête avec le sourire face à la suite du discours de Bonnenfant.

Exaltant de triompher par la ruse, hein... Il est vrai que c'est ce que je fais avec vous, et ça marche.

Suite à cela, l'homme se tourne vers le grand-père afin d'ajouter :

« Si jamais vous avez un peu de temps libre pour cela, n’hésitez pas dans quelques temps à lui apprendre un peu à se battre. »

La jeune fille opine du chef, mimant la joie et l'excitation à la perfection.

« Bien sûr, je m'y attellerai, puisque c'est pour rendre Alice utile. »