Grrr. Le matin. Encore. Toujours. C'est lourd, à la fin ! Non, j'plaisante. Le plus chiant, c'est juste le moment de quitter la couverture. Le reste, c'est cool. Enfin, sauf quand ton père t'agresse de bon matin.

« Karma, t'as du courrier ! »

Chouette. Ma vie en sera irrémédiablement changée. Hé mais... Je me redresse en sursaut, la couette vole et mes trois potes enflammés tournent la tête dans ma direction.

« Les gars, c'était pas aujourd'hui mon rendez-vous avec la duchesse ?! »

Zara et Arezu éclatent de rire, alors que Naghi soupire. Je me lève d'un bond, faisant dégager mes draps au passage et m'élance vers ma commode. Zut, faut que je me prépare, ou je vais arriver en retard. C'est pas très pro tout ça. Je regarde l'horloge et souris. J'ai encore le temps d'arriver à l'heure. Si je me dépêche. Je prends en vitesse mes habits, mon ensemble préféré, habituel. Ce n'est pas parce que c'est une duchesse que je vais changer mes habitudes. Ni mes envies. J'enfile mes habits rapidement, avant de sortir de ma chambre. Je me dirige vers la cuisine et attrape une pomme dans la coupelle de fruits. Sur la table, il y a quelques lettres. L'une d'entre elle doit m'être adressée. Soit, ça pourra attendre.

« Tu vas où aujourd'hui ? »

J'observe mon père après avoir croqué dans ma pomme. Il est pas bête. Il sait très bien que si je me lève et que je ne prends qu'un fruit, je vais partir immédiatement. Autrement, je me fais un bon p'tit dej' consistant à la Karma ! J'opine du chef, finis ma bouche et lui répond :

« J'ai un rendez-vous avec la duchesse de Sarassi. »

Mon père ouvre alors de grands yeux. Il sait qu'elle est riche. Il tourne le regard vers la fenêtre et hoche la tête. À ce moment précis, Naghi et les filles me rejoignent. Ils prennent leur temps le matin, eux. Ils n'ont pas besoin de s'habiller, ni de manger. C'est parfois utile, mais ils ne peuvent goûter aux petits plaisirs de la bouffe ! Et rien que pour ça, je ne les envie pas. Bref. Mon père tourne à nouveau le visage vers moi et me demande.

« Qu'est-ce que t'attends ? Tu vas être en retard ! Fiche le camp, Karma ! »

J'éclate de rire avant de croquer dans ma pomme et d'en attraper une autre dans le panier. Puis je me dirige vers la porte d'entrée, je l'ouvre et avant de sortir, je croise le regard de mon père et lui lance en riant :

« T'inquiète l'Ancien, je fais jamais de bêtises ! »

Pas besoin d'être un intello pour savoir que c'est la seule chose qu'il veut que je fasse. Après tout, elle doit être sacrément bien entourée cette si grande dame, ahah ! Je ferme la porte en vitesse pour pas entendre sa réponse, mais par la fenêtre, je vois qu'il vient de parler. Sans doute pour me dire d'arrêter de l'appeler "l'Ancien". Bref ! Allons-y ! On a une duchesse à rencontrer, et un contrat à empocher, si ça trouve !

☼☼☼

Il a fallu faire une bonne partie de la route sur le dos de la gentille Zara, demoiselle des ombres. La fin, c'est également grâce à elle qu'elle s'est faite. Ayant déjà été à Sarassi, il n'est pas difficile pour elle d'y arriver. À treize heure trente, j'étais dans la ville, dans un coin sombre et sans vie. Pas envie de montrer Zara a tout le monde. La demoiselle se retransforme en feu follet, et je souris aux trois nimbus. Allez go ! Faut trouver le palais, ce qui ne sera pas difficile, au vu du monstre que c'est.
Quatorze heure pétante, j'étais dedans, et les gardes étaient au courant de mon arrivée. Ils m'emmènent à travers les couloirs et j'observe les décorations. C'est chouette ici. Sûre qu'elle est plus riche que mes parents. La différence est la même que celle entre un mendiant et nous. Pourquoi a-t-elle besoin de moi ? Elle doit pouvoir se payer des centaines de types plus connus que moi. Cela dit, ça ne me dérange pas. Non seulement ça peut m'aider à mieux me faire connaître, mais en plus, ça m'apportera sûrement de l'argent. Et puis, si elle me demande, c'est sûrement pour une bonne raison. On verra bien.
Je remarque alors que les gardes se sont arrêtés devant une porte et qu'ils attendent que j'entre. Je les remercie d'un signe de la tête, avant de passer le pas, suivi par les affreux, tout proches. La salle devant moi n'est pas bien grande, mais richement décorée. Woaw. Y a des trucs qui valent vachement cher ici. Je pense que mon regard circulaire n'a pas dû échapper à la duchesse, et je retourne le museau vers elle.

« B'jour m'dame ! »

Pas une salutation des plus polies, je sais. Mais je n'ai pas l'intention de jouer un autre rôle. Cela dit, je reste bêtement campé là, alors que Arezu se fiche de moi. J'entends ton ricanement, petite. Je ne veux pas que la duchesse le sache, mais t'inquiète, je retiens, vieille.

La duchesse me laisse le temps d'observer les alentours, et je ne m'en prive pas. Petit, mais chouette. Elle a le goût du luxe la dame. En même temps, rien à y redire : quand t'as de l'argent, autant en profiter. Ce serait un peu bête autrement, et j'avouerai ne pas trop la comprendre. Tant de gens se perdent dans la luxure sous prétexte qu'ils sont riches. Grrr. Et l'autre patate qui se fiche de ma gueule. Je vais devoir me venger, Arezu. Méfie-toi.

« Salutations à vous jeune homme, je vous en prie prenez place sur l'un des fauteuils non loin, ils sont là pour cela après tout. »

J'opine du chef avec un sourire, avant de me déplacer vers l'un des fauteuils. Restons tranquille. Les caractère bouge-bouge et intenable est souvent moins apprécié que les tranquillement calme. Donc je me place confortablement dans un fauteuil moelleux, mais certainement pas de manière royale ou simplement riche. Vous ne me verrez jamais assis droit comme un "i". C'est pour les bourges, ça. Enfin, vous ne verrez pas assis comme une merde non plus, hein. Et je ne mets jamais les pieds sur la table. Y a un minimum de politesse chez moi, quand même ! Je ne suis pas un bourgeois dans mes façons, mais quand même pas un idiot. Car ce ne sont que les idiots et les sans-respects qui mettent les pieds sur la table. Tout juste assis, et la duchesse continue. Hé, c'est une rapide, ahah !

« J'espère que le voyage jusqu'ici n'aura pas été désagréable pour vous. Vous avez déjà pu venir à Sarassi par le passé je suppose ? »

Je hoche la tête avec un sourire mystérieux. Je ne réponds pas, pas par impolitesse, mais plutôt pour garder un certain suspens. Bien sûr que je suis déjà venu ici, sinon, je n'aurais jamais pu venir grâce à Zara, et mon père le sait très bien. C'est lui qui m'y a emmené la première fois. Bref, c'est sans rapport. Et puis elle, elle ne peut pas savoir que je suis déjà venu, ni que, sans ça, Zara n'est pas des plus utiles. Alors la duchesse attend encore un peu, sans avoir de réponse pour autant, puis elle continue :

« Paraît-il que vous n'acceptez que les contrats qui vous amusent ? C'est bien cela ? Quoiqu'il on m'a dis que vous étiez un mercenaire très spécial sinon, mais aussi talentueux à sa manière malgré votre flagrante jeunesse. J'ose espérer que c'est vrai ? »

Ses questions me font sourire. Un très grand sourire, qu'on pourrait dire jusqu'aux oreilles. Elle est bien informée, faut croire ! Bien sûr que je n'accepte que les contrats qui m'amusent, c'est ce qui a fait une bonne partie de ma réputation actuelle. Voire quasiment 60% de cette même réputation. J'entends déjà les gens : "Regardez ! C'est le Chat du Cheshire !" Évidemment, le talent m'a aussi aidé, ahah ! Et je ne me vente pas, je ne dis que la vérité. Je me redresse un peu et place mes coudes sur mes genoux, la tête dans mes mains et, encore et toujours, le même grand sourire sur le visage.

« Hmm... Vous avez de bons informateurs. »

Je me redresse, toujours souriant, avant de me lever et de faire deux pas. Bon ok, j'ai pas réussi à tenir sur place. Me jugez pas. C'est pas d'ma faute. Faut que je bouge, sinon, je suis pas bien. C'est ainsi, et pas autrement. Bouger me détend, j'y suis pour rien. C'est mes parents qui m'ont fait ainsi. Et si on pouvait le changer dans ma jeunesse, bah c'est quand même leur faute. Bref. Je me lève donc, sans trop me déplacer quand même, puis je reprend :

« Mais si vous m'avez appelé, c'est bien pour une raison, un contrat, je ne me trompe pas ? Et comme vous vous êtes informée sur moi avant de me faire venir, je suppose que vous avez l'une de ces missions "amusantes" ? »

J'aurais aussi bien pu me la péter. Non pas que je n'aime pas ça, car dit avec un peu d'humour, c'est très sympa. Et ça permet de se donner une première opinion de la personne en face. Cela dit, je préfère savoir pourquoi je suis là avant autre chose. Ce n'est pas le vrai moi qui parle ? Si, je suis juste curieux en demandant cela. Viendra le temps des frivolités après, en attendant, je veux juste savoir si la duchesse et moi avons le même sens du mot "amusant". Après tout, je suis là pour un possible contrat ! Donc autant y venir, et après on est tranquilles. D'autant que, si ce contrat ne m'intéresse pas, je ne serais pas curieux bêtement et trop longtemps. D'une pierre deux coup, la meilleure chose à faire !

La duchesse me sourit tout en m'observant, laissant planer un silence. Bien, c'est une marque de mystère, elle veut me faire réfléchir avant. Soit, si ça peut lui faire plaisir. Beaucoup de monde le fait, en plus. Même moi. Mais bon, de toute façon je suis pas de ceux à se faire chier aussi simplement. J'attends simplement sa réponse qui, finalement, ne finit pas par tarder.

« Oui, une mission qui devrait vous intéresser. »

Ahah, parfait. En soit, tous ceux qui viennent avec une mission qui est soi disant dans "mes habitudes de contrats" et que je refuse pensent qu'il s'agit d'une mission qui peut m'intéresser. Alors qu'ils ont tort.

« Voyez-vous j'ai quelques petits problèmes à gérer que je ne peux pas confier à n'importe quel mercenaire. Disons que j'aimerai organiser quelques petites vengeances, mais rien de grave ou vraiment malfaisant. Certaines personnes à mon service n'ont pas pris leur devoir au sérieux ces temps-ci et d'autres pensent que je ne suis pas au courant de quelques petites fautes qu'ils ont commis. Rien qui ne nécessite un véritablement châtiment donc, mais j'aimerai leur rappeler avec humour et légèreté que je ne suis pas idiote ou naïve, ni aveugle, ce du moins avant que je ne sois forcée d'en faire plus et avec moins de gentillesse. »

Je n'ai pas cessé de sourire depuis le début. Des problèmes de vengeance. Rien que ça, c'est assez intéressant. Même si certaines mission vengeance sont communes. Mais pas la sienne. En bref, elle veut que je fasse chier mon monde. Être payé pour emmerder des gens... Elle pouvait pas toucher au plus juste ! Cette idée me plaît déjà.

« Certains ducs démontreraient cela de façon plus cassante après, mais pour ma part j'aimerai disons le faire avec quelques petites farces plus ou moins gênantes pour eux pour commencer. Et vous pourriez m'y aider, après tout en plus d'agir vous pourriez peut-être avoir quelques idées qui changeraient de celles qui sont les miennes d'habitude... »

La lueur de défi dans son regard me fait ricaner. Elle me demande de faire chier les gens. Elle ne risque pas d'être déçue la p'tite dame. Je pourrais m'auto-proclamer "emmerdeur du peuple", un jour. Surtout si je suis payé pour ça. Ahah, en voilà une qui me plaît bien. Finalement, je crois qu'elle m'a plutôt bien cerné. Tant mieux. Je ne vais certainement pas m'en plaindre.

« T'aime trop cette mission pour pouvoir la refuser. T'es vraiment pas croyable. »

Ouais Arezu. Mais en même temps, si je l'avais refusée, elle aurait été déçue. Elle aime autant que moi embêter les gens. Et on peut même se servir d'elle et des autres pour servir la vengeance de la duchesse. Mais Arezu fera mieux son taf. Naghi est plus calme et Zara est trop gentille. Donc si on doit se servir de l'un d'entre eux, ce sera A'zu. Pour son plus grand plaisir.
Bref, je soutiens donc le regard de défi de la duchesse avec plein d'amusement dans les yeux.

« Alors ? Cela vous intéresse ? Ou bien je dois m'en occuper moi-même ? Ne croyez pas après tout que la mission sera facile parce que le but visé par celle-ci n'est pas gravissime… Quant à comment je vous paierai, j'ai une proposition. Je pourrais vous payer en argent évidemment, mais si vous en savez un minimum sur moi vous savez aussi que je suis une ancienne mercenaire très compétente, si vous le désirez je pourrais donc vous apprendre quelques astuces, après tout c'est important de former la jeunesse n'est-ce pas ? »

Bien sûr que ça m'intéresse ! Je suis à 100% pour. Peut-être que ce ne sera pas une mission facile, mais c'est tant mieux, ça apporte une dose supplémentaire d'amusement. Quand au paiement, les deux sont aussi intéressants, mais...

« J'vous suis madame ! Paiement par astuces, on dira donc ? »

Simple et concis. Et sans doutes. Mon choix était vite fait. Si je refuse des missions, c'est forcément pour une raison. Et les trucs et astuces de la duchesse ne peuvent être qu'enrichissants. Ne serait-ce que pour en apprendre plus sur elle. Sans idées étranges dedans, je veux juste apprendre comment vit la haute société. Ou les gros bourges, comme vous voulez. Je n'y suis pour rien, j'ai toujours été curieux. Et bon, il y a un peu de profit, évidemment. Plus je me ferais connaitre, mieux ce sera. Plus de missions, pkus de popularité, plus de... Tout !

La duchesse ne perd pas temps pour répondre qu'elle est d'accord et qu'elle a bien compris, ce qui me fait sourire. Sa satisfaction et son amusement n'en sont que perceptibles et je ne retiens pas l'agrandissement de ce même sourire. C'est qu'elle a l'air ravie, la p'tite dame ! Bon ok, elle est bien plus grande que moi. Pas la peine de me le rappeler, merci... !

« Et je viendrais vous aider en plus, après tout autant faire les choses en grand pour que le message passe assez clairement pour qu'ils le comprennent. »

Je ne peux m'empêcher de ricaner doucement. Effectivement, si la duchesse s'y met, alors ces guss ne peuvent que se calmer et arrêter leurs conneries. Logique ! Cela dit, ça m'empêche de faire quelques conneries. Seulement celles concernant Arezu, en fait. Je ne tiens pas à dévoiler mes secrets, même à cette grande dame ! On ne sait jamais de quoi sera fait le futur, donc tant qu'il n'y a pas nécéssité absolue de lui montrer, je me contenterai de mes bêtises habituelles.

« D'ailleurs, je pense si vous n'avez rien contre que je vais vous payer d'avancer, cela pourrait vous être utile pour votre mission après tout et puis je pourrais voir plus en détail ce que vous valez peu avant. »

Ahah, cette fois, je rigole. Pas à pleins poumons quand même, c'est juste un petit rire. Elle veut voir ce que je vaux ? Très bien, alors elle verra. Sans dévoiler mes secrets, mais elle verra tout de même. Je suis un invocateur transformiste, et ce duo est très utile. Sans appeler Arezu, Zara et Naghi, certes. Je ne pourrais pas donner le meilleur de moi, car le meilleur, c'est avec eux ! Hm. Zara dirait que je me la pète un peu trop. Même si je les complimente, en même temps. Bref, je suis donc la kitsune qui s'est levée en me faisant signe de la suivre. Ne faisons pas attendre les dames, voyons.

« Allons nous entraîner au sein du jardin du palais, vous me direz en chemin ce que vous voulez dans l'art du transformisme, ou bien du combat à mains nues, selon le domaine où vous voulez que je vous montre quelques-uns de mes petits secrets. »

Je souris, me disant que je sais déjà ce que je veux. Le combat à main nues est, certes, fort intéressant mais... On parle d'une kitsune en chef là. Elle n'aura aucun mal à m'apprendre des choses sur ses pouvoirs transformistes. Mais sais-t-elle ce que je suis réellement, ou pas ? Cette proposition peut laisser supposer que oui, comme elle peut n'être que purement innocente. Bref, ça n'a pas forcément d'intérêt pour l'instant. Quoique. La kitsune me guide donc à travers les couloirs, vers ce jardin, dont elle parle. Je souris toujours en observant les décorations. Visite gratuite du palais de madame.

« Qu'est-ce qui vous dit que j'ai des dons pour le transformisme ? »

Oui, j'avoue, je n'ai pas pu résister à lui demander maintenant. Mais autant le le faire en ce moment précis, c'est tellement plus pratique et logique.

La duchesse ne met pas longtemps à me répondre.

« La magie qu'un mage a en lui quand il ne la cache pas, émet une aura, et un mage extrêmement puissant émet une aura encore plus visible qu'un mage peu puissant et donc évidemment encore plus difficilement dissimulable, et une mage aussi puissante que moi peu ressentir cette aura en se concentrant, elle peut même ressentir la voie magique précise à laquelle vous êtes affilié, et il n'y a pas à dire, vous maîtrisez ne serait-ce qu'en partie la magie transformiste, mais surtout vous êtes un mage de haute volée très cher, ça se sent... »

J'hoche la tête en écoutant attentivement ces paroles. Voir les auras, apprendre à les cacher. Si elle s'y connait autant, peut-être qu'elle pourrait m'apprendre ? Oui je sais, en toute logique, on est là pour un entraînement transformation. Mais cacher sa magie est un truc vachement utile. Qui aide en toutes circonstances. Et voir les auras des gens est tout aussi utiles. Les mages que mon père avait payé pour m'apprendre ça n'ont jamais jugé bon de m'en parler. Et puis bon, j'avoue que je ne suis pas forcément d'humeur à me battre. Qui sait, peut-être que ça entraînera sur autre chose qui m'ira plus ?
Traversant les plantes et les superbes fleurs, la duchesse m'amène jusqu'à un parterre de sable entouré de haies. Je n'ai pas osé lui poser la question plus tôt, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en avait pas vraiment d'intérêt pour le moment. La duchesse s'arrête au milieu du cercle avant de se tourner vers moi et de me dire, une pointe de malice dans les yeux :

« N'hésitez donc pas à me montrer ce que vous valez très cher, n'ayez pas peur, après tout il est peu probable qu'une grande transformiste comme moi soit vraiment surprise par les tours et astuces que vous employés dans ce domaine. »

J'éclate de rire sans me gêner, observant la duchesse. À seulement deux pas d'elle, sa grande taille ne risque pas de m'échapper. Bah dis donc, j'm'en était pas vraiment rendu compte plus tôt. Peut-être parce que j'ai pas vraiment fait gaffe non plus, je savais qu'elle était grande.

« Je ne vous ai jamais dit sur quoi je voulais m'entraîner, m'dame ! »

Je penche la tête sur le côté, tout sourire, sans la quitter des yeux. Oui, c'est beaucoup par flemme et j'avoue, je n'ai pas la motivation de me battre. Même si c'est un entraînement. Peut-être que ce n'est que temporaire, mais n'empêche que le fait de pouvoir voir les auras des autres et cacher la sienne m'intéresse. Si j'avais su le faire plus tôt, la duchesse aurait eu plus de mal à savoir sur quoi ma magie était affiliée.

« D'abord, je voudrais savoir comment on cache son aura. On fait pas ça en un claquement de doigts, si ? Comment ça se passe ? »

J'imagine que, comme pour beaucoup de choses, il est nécessaire d'avoir de la concentration, peut-être beaucoup. Et s'il faut de l'entraînement après ça, je le ferai sans souci. Je veux surtout la base.

La duchesse répond presque immédiatement après moi, avec un air amusé :

« Vous n'avez jamais dis non plus que vous refusiez et pourtant vous êtes mercenaire et habitué à négocier des contrats je suppose, vous savez donc que quand l'on ne refuse pas clairement une offre, c'est à moitié de l'acceptation. »

Je souris, elle n'a pas vraiment tort. Mais un peu quand même, car je n'ai jamais eu l'intention de refuser ce contrat. Le truc étant que j'avais certes l'intention d'apprendre sur le transformisme, il n'y a pas de raison pour que je puisse pas changer d'avis. D'autant que je ne lui avais rien dit. Et puis, y a que les abrutis qui changent pas d'avis !

« Vous voulez donc apprendre à cacher votre aura ? Soit, je vais vous montrer dans ce cas, même si évidemment cela prendra la place de l'autre proposition d'entraînement. »

J'opine du chef. Bien sûr que ça va rendre la place de l'autre proposition. Je ne suis pas bête, bien qu'Arezu voudrait faire croire le contraire à bien des gens. Et que beaucoup peuvent le croire. Faut dire que je fais pas forcément croire le contraire. Enfin bref.
La kitsune se remet à parler et j'écoute attentivement.

« Fermez les yeux et concentrez vous sur vous-même, essayez de ressentir votre être, puis ensuite votre magie, elle est telle une sorte de flux qui à la fois entre en vous par l'extérieur et émane de vous après avoir circulé dans tout votre corps. Essayez de bien percevoir ce flux, mais aussi la magie extérieur à vous… Faîtes d'abord cela et dîtes moi si vous y arrivez ou non, certains ont disons plus de mal que d'autres à y arriver, selon leur discipline mentale, mais surtout leur capacité à rester concentré pendant plusieurs instants. »

Je m'exécute, sachant très bien que je fais partie de la catégorie de gens qui ne parviennent pas rester concentrés. J'essaie donc une méthode apprise il y a quelques années, soit le vide mental. Peut-être l'une des seules choses au monde qui puisse me permettre ce genre de prouesses. J'essaie alors de ne penser à rien, mais en me disant ça, je me dis que c'est stupide. Simplement que je pense. Zut, concentre-toi, vieux. Pense à ta réputation. C'est mieux de faire genre que t'es un génie ultra-doué plutôt qu'un imbécile ne parvenant pas à se concentrer.
Ce n'est qu'après une quinzaine de seconde que j'ai réussi à faire le vide dans mon esprit. Vous savez, ça donne ce genre de chose avec respiration lente, yeux fermés, vide intersidéral, et na na ni et na na na. Sans ouvrir les yeux, je demande à la kitsune :

« Vous avez des conseils pour y arriver mieux, plus rapidement et facilement ? Je crois que je vois, mais c'est léger. »

C'est vraiment faible. Mais c'est un début, on dira.

Osami ne me répond pas immédiatement. Je la sens qui s'approche de moi, puis elle prend ma main. Je souris. Elle a des plus grandes mains que moi, c'est marrant. Bon, en même temps, si l'on compare sa taille et la mienne, c'est pas étonnant. Enfin bref. La kitsune me répond ensuite avec une pointe d'amusement :

« Pas étonnant, vous êtes jeune, un petit prodige en quelque sorte, le souci c'est que quand l'on est doué aussi jeune, certes c'est admirable, mais vous n'avez pas forcément eu le temps de pleinement approfondir certains détails de vos dons. Comme une énorme pierre précieuse certes magnifique, mais qui demande encore à être bien taillée pour pouvoir resplendir de tout son éclat. Soit, je vais donc vous aider à mieux tailler ce rubis qu'est votre talent pour la magie. »

Je souris. C'est moi la pierre précieuse de l'histoire, ahah ! Certains pourraient en prendre la grosse tête, si on leur disait ça, moi je peux pas. Pourquoi ? Parce que j'ai toujours su que j'étais un rubis ! Nan, j'rigole, c'est surtout que le "jeune prodige" n'a pas encore assez d'expérience pour que son rubis soit parfait. Et l'on ne peut être fier qu'en atteignant la perfection, non ? Même si c'est assez... Concentre-toi zut ! Je réussis à en perdre ce que j'avais déjà pu voir... Quel navet je fais.

« Vous m'avez l'air du genre de personne ayant du mal à rester longtemps immobile ou sans rien faire, n'est-ce pas ? C'est en soit un problème pour cela évidemment, mais il y a des astuces très simple, vous êtes capables je suppose d'observer quelque chose longuement, non ? »

Je hoche la tête pour répondre à sa question. Ouaip, c'est clair que je suis pas le genre de gars hyper calme qui aime faire la statue et réfléchir à des questions existentielles... Quant à observer quelque chose assez longuement, oui. Je sais que ça stresse certaines personnes, alors c'est marrant de les fixer juste pour les embêter. La dernière fois que j'ai fait le coup, c'était avec ma mère et si j'avais pas attrapé le coussin qu'elle m'avait lancé, je l'aurais pris en pleine poire. Tu t'éparpille encore. Zut.
Je rouvre donc les yeux pour observe la kitsune, sachant pertinemment qu'elle va demander à ce que je fixe. Et bien sûr, cette dernière observe quelque chose derrière elle, et je l'imite.

« Fixez l'une de ces fleurs, concentrez votre regard dessus comme pour la détailler du regard, servez-vous en comme une sorte de canal à la concentration. Si vous êtes capable d'observer en détail quelque chose du regard, vous pouvez vous détacher de cette vision dans lequel votre regard est fixé pour que votre esprit passe à autre chose. Par exemple, alors que vous la contemplez du regard, essayez de ressentir par votre esprit la magie en elle, qui entre en elle et s'en écoule, si vous êtes capables de le faire, vous pourrez le faire pour vous même assez aisément. Allez, essayez. »

J'opine encore une fois du chef et je fixe une joli fleur rouge. J'ai toujours aimé le rouge. Je la fixe, et une partie de moi a besoin de se dire que c'est pour embêter cette fleur. Qu'elle va virer au... Bah au rouge qu'elle a déjà. Mais en plus prononcé. Je fixe donc cette fleur avec un sourire, et j'entends la petite voix d'Arezu derrière moi.

« Bon sang, cessez de me fixer, vile malotru ! »

Elle a utilisé sa petite voix légèrement princière, et je ne peux pas m'empêcher de ricaner. Un petit rire bref, parce que bon, ça se fait pas envers la duchesse. Même si c'est pas du tout lié à elle. Je continue donc de fixer cette pauvre fleur, en essayant de faire ce que la kitsune m'a conseillé. À savoir : fixer, puis regard vide, et flux magique.

« Par hasard, il y a t-il des moments particuliers au cours de votre existence ou vous avez remarqué que vous vous concentriez plus aisément que dans d'autres ? Quel est leur point commun en général ? »

Je secoue la tête. Des moments particuliers où j'ai dû me concentrer ? Dit comme ça, ça ne me rappelle rien de spécial. Je me concentrais sur le prof lorsque j'ai appris à maîtriser mes pouvoirs, certes, mais rien de forcément très avouable. Simplement car il m'arrivait de rêvasser en cours, ce qui m'a parfois valu des sanctions. Comme de faire trente pompes en récitant le cours. C'est chiant ça. M'enfin. Mis à part ça... J'ai déjà dû me concentrer pendant des missions. Surtout celles d'espionnage. Trouver untel, le surveiller, et cetera. Des fois, les gens disparaissent dans les foules et faut se concentrer à fond sur le gars qu'on suit pour pas le perdre. Faut toujours faire semblant de se concentrer sur autre chose mais... C'est pas ce que je suis sensé faire, en fait ? Fixer la fleur, c'est fixer mon verre. Voir le flux, c'est écouter les paroles des gens qu'on espionne. C'est du kif-kif ! Alors je souris. J'ai fait ça tellement de fois sans spécialement m'en rendre compte, tellement c'était naturel, que j'ai même pas réussi à comprendre qu'il fallait faire ça. Comme quoi, quand on demande de faire un truc naturel, ça change la donne.
Je souris sans répondre à la kitsune. Plutôt que cela, je ne fixe même plus la petite fleur rouge, je reste concentré sur le flux qui s'échappe et rentre en elle. Ce n'est certes pas le truc le plus visible du monde, mais peut-être que c'est ça, de base.

« C'est joli. Et un peu marrant, en même temps. C'est bête d'avoir de la magie qui circule en soi et de pas pouvoir la contrôler. Je voudrais pas être une fleur, même si c'est joli. Et puis ça bouge pas. Bref, vous dites que je peux voir mon flux magique si je me concentre sur moi, faut encore que je teste, mais je voulais savoir comment c'est, à vos yeux ? Je veux dire, je vois comme un espèce de truc bizarre et translucide. Un peu comme une espèce de brume qui s'auto-contrôle. C'est normal ? »

J'observe la duchesse avec un sourire. C'qu'elle est grande par rapport à moi, c'est assez déstabilisant.

La kitsune semble réfléchir un instant, très court instant, puis elle finit par me répondre.

« La magie peut disons se percevoir de bien des manières, mais oui en général on peut la percevoir comme une sorte de brume, ou bien d’entrelacement d'énergie qui circule activement entre toute chose et qui disons obéit à ses propres règles. »

J'opine du chef en entendant ces mots. Parfait, comme je vois cette espèce de brume, je peux m'estimer heureux. Au moins je vois quelque chose. Même si j'avoue que j'aurais bien voulu voir cet entrelacs d'énergie, ça m'a l'air bien marrant. Il n'y a strictement aucune utilité à cela, puisque le principal est simplement de voir la magie, mais c'est juste pour comparer. C'est bien de voir les autres points de vue.

« ... Vous pourriez disons la sentir un peu partout, même si évidemment elle est plus active et énergétique en certains endroits que d'autres. Ces nuances... »

J'écoute attentivement, observant la duchesse qui me tient toujours la main. C'est si important que ça de me la tenir ? Non, parce que bon, c'est quand même un peu gênant. J'imagine un gars qui passe, peut-être un peu sourd, qui sait pas de quoi on parle et qui balance des rumeurs. C'est chaud. Même si c'est plus gênant qu'autre chose, en fait. Je ne... Enfin bref ! Il doit y avoir une raison. Dans tous les cas, je lui demande quand elle aura fini son monologue. Parce que c'est quand même vachement gênant. Et je viens de tilter que j'ai pas écouté ce qu'elle disait. Je me reconcentre donc sur ses mots.

« ... Savez arrêter de respirer pendant quelques instants n'est-ce pas ? »

Je hoche la tête. Ouais, je sais. Parfois pas le choix de le faire. Puis bon, c'est facile à faire, et ça fait chier des gens des fois. Ahah, c'est même le cas de le dire ! Mais concentre-toi, vieux.

« ... Dégage de vous et entre en vous en permanence aussi et une sorte de respiration, mais vous inspirez et expirez en même temps et tout le temps. Le but n'est évidemment pas de stopper cette respiration, mais disons de la rendre plus discrète. »

Ok, je note, rendre sa magie discrète, c'est la même chose que rendre sa respiration discrète. En fait, dit comme ça, ça a l'air très simple ! Comme écrire "bonjour" est simple, comme dire "chiant" est facile. En fait, tout est facile ! Hm, bon, je m'éparpille, là...

« ... En général ce mécanisme qui fait de vous un mage et qui permet à votre corps de canaliser la magie est parfaitement inconscient... »

Bon bah c'est génial. C'est comme tout à l'heure, ça devient un automatisme au bout d'un certain temps. Qu'est-ce que la nature est bien constituée ! Vive les automatismes ! Sans ça, en fait, je serais certainement bien embêté, dans ma vie de tous les jours.

« ... Fermez les yeux et respirez calmement, si vous voulez en pensant à des choses drôles ou qui vous amusent, mais l'astuce c'est en même temps de respirer calmement et lentement à un rythme régulier. »

J'opine du chef et m’exécute, ma main toujours dans celles de la kitsune. C'est gênaaaaaaant... ! Mais chut Karma, fais ce qu'elle te demande. Je ferme donc les yeux, avant de respirer calmement. Puis je souris en me demandant si la duchesse s'est rendue compte qu'elle me tenait encore la main. Je dois avouer avoir eu l'imagination assez rapide, puisqu'aussitôt pensé, aussitôt imaginé. En bref, c'est un dessin très rigolo de la duchesse qui s'éloigne d'un coup, ultra gênée. Ahah, c'est clair que l'idée me fait bien rire ! J'ai déjà fait exprès de faire ça. Gêner les filles, c'est marrant. Surtout quand elles virent au rouge pivoine et qu'elles savent plus quoi dire. Ahah, ça me fait toujours rire ! Hm, bref.

« ... Une bonne minute ou deux, tentez consciemment de faire la même chose pour le flux magique en vous, imaginez votre magie comme une sorte de respiration que vous pouvez réguler et imaginez vous en train de la réguler tout en régulant votre respiration. »

Toujours les yeux fermés, toujours souriant, et toujours calme, j'essaie de visualiser la brume. Suffit de voir plus loin que la réalité, même si elle est définissable en un mot : noir. Noir un peu rouge, à cause de la lumière. Mais noir quand même.

« C'est un bon moyen disons d'arriver à le faire au début, car la magie ou plutôt ce flux joue beaucoup sur la capacité de notre esprit à lui imposer des choses… »

Ah, imposer les choses. Voilà qui me pose problème. Imposer les choses aux autres n'est pas toujours chose facile. J'ai tendance à vite me saouler et a abandonner. Trop laxiste ? Sûrement. Mais quand il s'agit de m'imposer des choses... Concrètement, mon cerveau vit dans l'objectif "Contourne les obligations, fais-leur un joli pied-de-nez et ignore-les ensuite". Je suis d'humeur poétique moi ! Alors m'auto-forcer... C'est assez étrange à imaginer, je ne sais pas si j'en suis capable.

« ... Pensant à peine ou sans réguler votre respiration en même temps, mais on va d'abord commencer par cela... »

Ouais tu m'étonne, ça va être dans cent ans chez moi. Voire deux cent. En fait, peut-être que mes profs ont jamais jugé utile de m'apprendre ça car ils se sont dit que j'allais lamentablement échouer. S'auto-imposer des choses... Rien que l'idée me fait froid dans le dos. C'est une chose étrange, chez moi. Finalement, je relève la tête vers la kitsune, qui semble teeeeeeeellement grande si proche, puis je lève la main qu'elle tient.

« Est-ce que c'est sensé m'aider à me concentrer, madame ? »

Je lui souris bêtement, et certaines personnes pourraient me traiter d'...

« Abruti. »

On lit dans mes pensées ! Non, en vrai ce n'est pas possible, mais n'empêche qu'elle a sorti ça au bon moment. Si j'avais pu t'applaudir, Arezu, je l'aurais fait volontiers.

Lorsque l'immense Kitsune me fait un sourire amusé avant de me lâcher, suite à ma remarque, je ne manque pas de l'imiter. Bien sûr que la situation à quelque chose de comique, je vais pas le nier. Du moment que les gens restent loin de nous et que personne ne nous a vu, tout va bien. Enfin, en soit elle me tenait juste la main, c'est pas comme si c'était gravissime, mais voilà quoi !

« Vous avez quand même mit un certain temps avant de me faire la remarque et vous n'avez même pas eu l'impertinence de m'interrompre pour le faire, on va dire que c'est bon signe concernant votre patience et capacité à être poli. »

Ahah, cette fois, je peux pas m'empêcher de rire. Bien évidemment. J'ai un minimum de respect, surtout. Je suis en compagnie d'une duchesse, et elle doit avoir de la thune. Et si à l'avenir elle me confie à nouveau ce genre de mission... Moi je dis "oui chef !" Je serais bien idiot de refuser, en même temps.

« Essayez donc de faire avec application ce que je vous ais dis, ensuite nous allons tenter quelque chose que vous n'allez sans doute pas réussir car il est bien trop tôt pour que cela fonctionne, mais sait-on jamais, surtout que ça peut vous donner une piste d'amélioration future. »

J'opine alors du chef et m'exécute, sous l'oeil inquisiteur de la dame. Je concentre mon regard sur la petite fleur, sans prêter attention aux moqueries qu'Arezu répète, mais en réalité, mon esprit est tourné sur ma respiration. Je ne tente pas de voir ma magie, cette fois, j'essaie simplement de m'arranger pour la cacher. Oui, j'sais bien, c'est pas facile d'essayer de cacher un truc qu'on voit pas, d'habitude, mais bon, autant essayer. Qui ne tente rien n'a rien.
Et au bout du compte, le jeu en vaut la chandelle, puisque c'est satisfait que la duchesse me fait passer aux choses supérieures.

« Lancez un sort, n'importe lequel en essayant en même temps de cacher votre aura magique. Je vous le dis tout de suite, il est impossible de cacher la magie qui va émaner du sort en lui-même, mais vous pourrez peut-être cacher celle qui émane de vous en même temps. Pour ainsi lancer un sort discrètement sans qu'on devine forcément que c'est vous qui l'avez lancés, du moins qu'un autre mage puissant le devine. »

J'opine du chef avant de sourire. Bien, le sort que je vais utiliser n'est pas difficile à trouver. Simple, utile et toujours marrant, si bien utilisé. En plus de ne pas demander beaucoup d'efforts, le Murmure me permettra de me concentrer autant sur le sort en lui-même que sur la demande de la duchesse. Discrètement, mon regard se porte plus loin encore que sur la fleur, sur un point situé derrière des buissons. Je reste calme, ma respiration ne change pas, tandis que je réfléchis à un son qui pourrait surprendre la mage. Finalement, mon choix se pose assez rapidement. Sans changer de position, j'essaie de rester concentré sur les deux choses en même temps. J'ignore si j'ai réussi lorsqu'une voix s'élève :

« Madame ! Madame la Duchesse ! »

La duchesse se tourne alors, certes calmement, mais tout de même incertaine. J'attends patiemment sa réaction en l'observant, tout sourire. Bien sûr qu'une partie de moi est fière, je vais pas vous le cacher. Si elle s'est retournée, c'est qu'elle n'est pas sûre que ce soit moi. Et si elle n'est pas certaine de cela, c'est que j'ai plus ou moins réussi mon objectif. Au moins suffisamment pour qu'elle aie des doutes.

« Il va falloir travailler cela, mais c'est un bon début… Évidemment, je suppose que vous savez un minimum suivre un possible régime d'exercices de votre côté ? Il faudrait dans l'idéal que vous méditiez de temps en temps pendant une heure ou deux… Mais, au pire contentez vous juste de tenter de dissimuler votre aura dans des situations pratiques qui ne sont pas trop dangereuses pour votre intégrité physique et ça devrait venir à terme. »

J'opine du chef avec un grand sourire. Si c'est un bon début, alors c'est déjà cool, je suis content. C'est pas encore ça, mais pour un premier essai, je suis fier. Bien sûr que je dois travailler ça, c'est logique et le contraire m'aurait étonné. Mais je vais m'entraîner et tâcher d'améliorer cela. La prochaine fois que je vois la duchesse, ce n'est pas mon aura qui me trahira !

« Si cela vous va, je pense que nous pouvons terminer l'entraînement sur ceci pour l'instant, je vous offrirais quelques conseils supplémentaires après que vous ayez accomplis votre mission, mais en attendant autant s'occuper de cela. »

Je hoche la tête. No souci, je suis prêt à faire ce pour quoi je suis là. J'ai déjà quelques idées, mais je verrai sur le tas. Après tout, chaque blague est différente ! Il faut savoir varier selon les gens.

« La première cible est un certain Thomas Orblanc, un humain. C'est un capitaine assez proche de ses sous, mais là n'est pas le problème. »

Je souris d'amusement. Orblanc aime son or. C'est... Étonnant avec un nom pareil. En tout cas, on peut faire plein de choses avec ça. Un gars qui aime l'or... C'est beaucoup de choses à faire.

« Le problème c'est qu'il est l'un de ceux de temps en temps chargé de prélever les taxes et qu'il prend souvent plus que ce qu'il est nécessaire. Qu'il s'amuse de temps en temps à faire cela n'est pas la question, mais il le fait trop souvent et avec trop de cupidité… »

Tss, l'argent appelle l'argent. C'en est la preuve brute. Je vais devoir lui montrer un sale coup. Les voleurs comme lui, j'les ai jamais aimés. Mais bon, y a plein de gens chiants. C'est certainement pas le seul, mais si celui-ci est suffisamment traumatisé, ça fera un bouffon moins bête.

« Une petite leçon aux allures de sale tour lui ferait du bien et surtout lui soulignerait que si j'ai encore de la patience à son égard, il ferait mieux de se tempérer assez vite. Actuellement il patrouille dans les alentours de la cité état et donc en dehors de la ville, cela vous dirait de lui rendre une petite visite discrètement ? »

J'opine du chef. Bien sûr que je vais lui rendre une petite visite. Je peux même faire mieux que ça. Je souris d'un air malicieux à la duchesse avant de tendre ma main, paume vers le ciel. Une grosse bourse apparaît dans ma main. Quand je la secoue, un bruit métallique retentit, et on devine sans mal la quantité de piécettes qu'elle possède. Bien évidemment, il n'y en a aucune de vraie. Que des fausses aux airs de pièces d'argent. J'ai toujours mon sourire, cette fois énigmatique, avant de répondre à la kitsune :

« Une petite leçon aux allures de sale tour, dites-vous... L'avantage avec les gars de ce genre, c'est qu'on peut bien s'amuser. »

Je lâche un petit rire amusé avant de reculer d'un pas, invitant la duchesse à me suivre du regard. Je ne lui dévoilerai pas l'étendue de mon plan. Elle sait qu'il y a de l'argent, mais elle n'en saura pas plus. Je ne lui dirai rien, ça enlèverait tout le charme de cette histoire.

« J'ai carte blanche quant à ce que j'ai le droit de faire, sommes-nous bien d'accord ? Enfin, évidemment, pas de blessures, je resterai gentil. Disons simplement des sales tours qui joueront en votre faveur. Je doute que vous en aillez besoin, mais n'hésitez pas à me rappeler si ça ne suffit pas. Certains ont la tête dure. »

Et nouveau sourire. Ouais, j'aime beaucoup cette histoire !

« Oui, vous avez carte blanche tant qu'il n'y a pas de blessures graves évidemment. Après tout si je demande votre intervention c'est pour ne pas à avoir à agir plus durement envers eux à l'avenir, quoiqu'il en soit comme je l'ai dis je vous accompagnerai, même si je vais le faire discrètement. Je ne tiens pas après tout à vous empêcher de vous exprimer et puis je tiens aussi à savoir s'ils ont bien retenus ou non la leçon... »

Je souris en entendant sa réponse. Bien, c'est exactement ce que je voulais entendre. C'est quand je peux faire ce que je veux que je suis le plus à l'aise. On appelle ça la liberté, vous connaissez ?
Quoiqu'il en soit, la duchesse se transforme alors en chat et je ne fais pas disparaître mon sourire. C'est donc comme ça qu'elle va me suivre. Bien, je ne vois pas en quoi cela va me déranger. J'observe donc le petit félin, et sa voix me rappelle :

« Je propose que nous y allions de ce pas si cela ne vous dérange pas, sauf si vous avez une dernière question ou demande à me faire. »

J'opine du chef et commence à marcher. Je sais qu'elle va me suivre, là n'est pas le problème. Je range alors la fausse bourse dans l'une de mes poches, avant de réfléchir à mon plan. Va falloir adapter celui-ci. J'ai déjà la grande base, mais il faudra sûrement faire avec les moyens du bord. Voir en fonction des gens qu'il y a autour ou son caractère. Il est parfois facile de duper quelqu'un grâce à ce qu'il aime le plus, mais il n'est pas rare de croiser quelqu'un qui ne se fait pas forcément avoir. Voir juste quelqu'un de méfiant. Je vais probablement devoir utiliser mes pouvoirs mais ça n'est pas bien embêtant. De toute façon, ce sera clairement le plus pratique. Je jette un regard vers le chat, lorsque, soudain, je pense à sa voix et je lui lance avec un air amusé :

« Si vous comptez me suivre discrètement, va falloir apprendre à miauler, madame ! »

Boarf, c'est juste pour la taquiner. Et puis, je suis certain qu'elle sait comment faire ! Mais c'était une plaisanterie facile et quelqu'un comme moi ne peut résister à ces choses. C'est impossible, voyons ! Demandez à un alcoolique de ne pas boire, vous verrez à quel point ça le traumatise. En quelque sorte, c'est une blagolémie.

« Depuis quand les chats miaulent-ils pour un rien ? »

Je rigole en entendant la phrase du petit félin, suivi de son miaulement fidèlement reproduit. Personnellement, j'ai souvent entendu des chats miauler pour pas grand chose, des fois peut-être juste par envie d'emmerder le monde, mais bon... Après tout, "pas grand chose" n'est pas "rien" et emmerder le monde est bel et bien une chose ! Je le sais, je m'y connais bien, sur ce sujet.
Aussi, je ne réponds rien à la dame, me contentant d'un rire, qui, en soit, résume bien les choses. J'entends, derrière moi, Arezu qui chuchote quelque chose à Naghi ou Zara, mais elle s'es arrangée pour que je ne comprenne rien. En soit, une autre chose la trahit : le rire de la demoiselle des ombres. Enfin bref, je ne m'y intéresse pas vraiment. Pour tout vous dire, je suis plutôt en train de me poser des questions. En quelles circonstances allons-nous rencontrer Orblanc ? Est-ce que je pourrais exécuter mon plan tel que je l'ai imaginé un peu plus tôt ? Sera-t-il accompagné de sbires ? Et cetera, et cetera. En bref, plein de questions existentielles auxquelles je n'ai aucune réponse.
Finalement, c'est après quelques minutes de marche que nous finissons par tomber sur Orblanc. J'ai marché discrètement le long du trajet, et dès l'or que le grand homme maigrichon est apparu dans mon champ de vision, j'ai comprit que c'était lui. Ok, j'avoue que le chat m'a aidé en fixant ce type. Puis aussi, y a le fait qu'il surveille les alentours, comme s'il avait peur d'être pris. Généralement, les mauvais voleurs agissent comme ça. C'est stupide, ça attire l'attention sur toi, tellement c'est pas naturel. Je veux bien que t'aies peur de te faire surprendre ou que quelqu'un te suive, mais agir comme cela est purement et simplement débile. En plus, faire ça pousse ceux qui te suivent à se faire encore plus discret, et Osami et moi en sommes les preuves vivantes. Enfin bref. On suit donc ce type tellement discrètement que, malgré sa surveillance, il ne parvient pas à nous remarquer. Aussi, admettons qu'un chat accompagné de son chaton n'attirent pas spécialement l'attention. Quoi, j'vous ai pas dit que je m'étais transformé ? Normal, il n'y a rien de gratifiant à dire qu'on est discret parce qu'on a pris la forme d'un truc si petit qu'il disparaît dans la plupart des herbes.
Donc nous avons suivi l'homme jusqu'à sa planque. Car oui, c'était forcément ça. Il devait vouloir planquer le coffre et son contenu dans... Probablement un souterrain, au vu de l'ouverture. Je ne suis pas parano, mais je n'aime pas ce genre d'endroit. Trop facile de tendre un piège ici. Enfin bref, cette fois, la minette m'observe, attendant probablement que je prenne l'initiative. Je souris. Personnellement, je ne vais pas chouiner ou rechigner pour pénétrer dans cette caverne, mais ce ne sera pas sans prudence. Aussi, au revoir la forme de chaton, bonjour la chauve-souris. C'est une forme que j'utilise souvent lorsque je dois être discret dans le noir. C'est très pratique, une fois qu'on s'est habitués aux ultra-sons. Je pénètre donc à travers l'ouverture avant d'activer mon super-pouvoir de chauve-souris. Et au passage, tout en me concentrant sur la réponse auditive de chaque son, je tente de mettre à exécution ce que la duchesse m'a appris précédemment, à savoir : cacher son énergie magique. Mieux vaut prévenir que guérir, comme on dit. Il n'est peut-être pas seul dans cette grotte, et si personne ne fait attention à une simple chauve-souris, il n'en est pas forcément de même si cette chauve-souris est douée de magie. Encore moins transformiste.