L'homme s'enfonce dans son souterrain pendant un bon nombre de minutes, pendant lesquelles Osami et moi le suivons.
Finalement, on finit tous les trois par déboucher dans un espèce de petit temple, avec cerf au centre et plantes partout. Il y a un peu de lumière qui filtre et j'observe la beauté du lieu. Je ne peux pas faire autrement. C'est difficile. Le temple semble honorer la nature, et j'oublie immédiatement l'idée qui avait émergé dans mon esprit, quelques temps plus tôt. En réalité, il y a plus à faire avec tout ça. Pourquoi Orbalnc cache-t-il son or volé ici ? J'en sais fichtrement rien. Il a peut-être pas trouvé mieux, comme endroit.
J'observe alors l'homme, intrigué. Il pousse la statue et pose la boite au milieu d'autres, probablement vols d'autrefois. Puis il remet la statue en place, ce qui n'est guère étonnant, avant de faire demi-tour. Je m’apprête donc à relâcher la plante que j'ai accroché en arrivant, mais je n’amorce finalement même pas le geste. Pourquoi ? Simplement parce qu'Orblanc ferme la porte, et soudain je me demande s'il ne nous a pas remarqué. Mais non. Au lieu de nous attaquer ou nous parler, il se place devant la statue et... Se met à prier. Quoi ? Ce type serait donc un religieux ? Mais je n'ai strictement aucune idée de quelle religion il fait partie. Et c'est à ce moment que je regrette de ne pas m'être plus renseigné sur ce genre de choses. Enfin, cela dit, rien ne change. Il suffit de trouver un autre plan. Ce n'est pas bien difficile, j'ai déjà vu pire situation. Et puis, le fait que je ne connaisse pas le nom de sa religion ne veut pas dire que je suis dans la merde. Il suffit juste d'ignorer ce mauvais début. La solution de facilité me pousserait à opter pour cette solution. Au change, il n'est pas bien difficile de faire ça. Rien de bien compliqué en soit. Une invocation, du blabla. Mais c'est trop facile. Même s'il y a du challenge, en soit, s'il n'est pas dupe. Mais je ne vais pas me laisser abattre pour ça. Et puis... J'ai une autre possibilité.
Aussi, je relâche le lierre, et en pleine chute, me transforme en papillon. Plus exactement, en morpho bleu. J'aime ce papillon, tellement stylé. Je me pose sur le museau du cerf, avant d'imiter le brame du cerf, insufflant une petite quantité de magie. Le but ? Une fausse invocation spectrale. Je ne veux pas une vraie, ça ne conviendrait pas. J'ai conscience que l'homme a ouvert les yeux, j'ai entendu ses pas, lorsqu'il s'est levé et qu'il a reculé. Je n'ai pas besoin de voir pour sentir sa surprise, en voyant le gros cerf qui est apparu devant lui. Tellement soudainement qu'il n'a probablement pas remarqué le papillon derrière le cervidé. Je laisse alors l'homme et l'invocation se regarder, le temps que le premier se calme et comprenne, et pendant ce temps, je m'envole une seconde fois, cette fois pour me poser sur l'un des bois de la statue, en observant la tête de cette dernière. Sachant que l'homme face à moi n'est pas mage, je me permets de lancer ces sorts sans cacher ma magie. Donc, je disais : en observant le front du cerf de pierre, je lance un nouveau murmure.

« Bonjour, Orblanc... Sais-tu qui je suis ? »

Je sais, y a mieux pour commencer une discussion. Mais au moins, cette question me permet de poser les choses au clair. Et puis, selon sa réponse, il y a pas mal de choses à répondre.

En observant l'homme, craintif mais respectueux, je ne peux retenir un rire intérieur. On peut évidemment dire qu'il tombe dans le panneau, mais ce n'est pas pour me déplaire, avouons-le ! Cela dit, ce n'est pas une raison pour se laisser distraire.

« Je, je, c'est vous le père des sommets ? Je, je ne faisais que prier, comme vous le verrez j'ai bien entretenu le sanctuaire… Mais, je ne pensais pas que vous vous manifesteriez ainsi. »

Je souris intérieurement - la forme de papillon ne laisse pas vraiment cette capacité physique - avant de faire répondre le cerf, de sa voix sortie des cavernes, résonnant en écho dans cette petite salle.

« Bien, Orblanc. »

Petite phrase sans grand intérêt, mais au moins, l'humain sait que je - enfin, le cerf - l'écoute. Puis soudain, l'homme s'agenouille, observant le sol. Parfait, un signe de respect, comme s'il était convaincu que ma magie était le véritable père des sommets. J'aime beaucoup voir en quoi tourne cette histoire, elle a un petit côté marrant.

« Que puis-je faire pour vous honorer honorable patriarche ? »

Nouveau rire intérieur. J'ai pas mal d'idées concernant cette question. Le cerf se contente d'observer Orblanc avec un regard inquisiteur, suivant parfaitement les ordres. Puis je fais une nouvelle fois appel à ma magie, en me disant que ce n'est pas aujourd'hui que je vais pouvoir économiser mes réserves de mana.

« Je sais que tu as déjà récolté beaucoup d'argent, Orblanc. »

Cette phrase seule peut laisser supposer que la suite aura un lien, mais je fais marquer une pause au cerf, pendant laquelle sa tête se tourne vers le socle de pierre, comme pour désigner la cachette de l'argent. Puis avec un sourire, je continue :

« Je vais te confier une mission avec, que tu devras respecter pour me prouver ta loyauté. »

Je laisse ensuite un silence planer, afin de voir si Orblanc à quelque chose à dire contre cela. Après réflexion, il est possible qu'il vole cet argent pour le cerf. Je ne sais rien de cette religion, et aucune piste n'est à écarter. Après tout, rappelons qu'il cache son or sous la statue du père des sommets, alors qu'il vénère ce père. Et puis, il est fier d'avoir bien entretenu le temple, et qui se vanterait de cacher de l'or dans un temple s'il n'est pas pour ce dieu ?
En bref, beaucoup de questions, peu de réponses. Il vaut mieux se renseigner avant de continuer.

« Est-ce quelque chose qui a un lien avec le monde naturel ou la civilisation ? Je suppose que je dois vous prouver mon attachement à votre domaine honorable patriarche, mais je vous assure que malgré mes responsabilités au sein de la cité état je n'oublie pas mes origines moins citadines. »

Je vois à cet instant qu'Osami se transforme et je fait simplement hocher le cerf de la tête, avec un air pensif. Le nouveau papillon se pose près de moi, avant de me chcuchotter, de sa toute petite voix d'insecte :

« Le patriarche des sommets est l'incarnation de la nature originelle et de l'âme des montagnes dans l'une des religions anciennes du Duché. Mais surtout le désir d'une vie plus simple et proche de cette nature au dépend d'une civilisation qui serait corruption et avilissement des êtres l'intégrant. Il méprise notamment l'or et la richesse et apprécie qu'on s'en déleste. »

J'opine de ma minuscule tête. Bien, voilà des informations fort intéressantes. Peut-être que cet or est donc tout simplement une manière de l'enlever aux gens, afin qu'ils s'en délestent, comme l'a dit la duchesse. J'aurais tendance à vouloir le laisser continuer, pour voir où cela le mènera, mais ma mission m'en empêche. Je suis un mercenaire digne de ce nom, moi ! J'exécute les demandes de chaque patron, comme si c'était moi qui avait eu chaque idée. Vu les missions que j'accepte, je suppose que je peux au moins faire cela.
Aussi, une nouvelle idée émerge dans mon esprit et le grand cervidé répond à l'homme :

« Je ne doute pas de ta fidélité, Orblanc. C'est pour cette raison que je vais te demander une chose. Emmène Osami Nakajima ici, et convainc-la de suivre la voix de la nature. »

Je sais, c'est pas très franc-jeu, que ladite Osami est à côté de moi mais... Je pense que la suite peut être marrante. Puis comme on dit : ça passe ou ça casse. Et si c'est le deuxième cas qui se présente, on ira carrément sauter les pieds dans le plat !

L'homme semble réfléchir un instant et je patiente, sans que le cerf ne bouge d'un poil. J'espère ne pas avoir fait de gaffe. Mais finalement, il s'incline poliment, avant de dire respectueusement :

« Je ferais ainsi, si cela prend des mois ou des années qu'il en soit ainsi, je ferais ce qu'il faudra pour vous prouver mon amour et ma fidélité ô père des sommets. Est-ce parce que c'est la duchesse qui règne sur vos saintes terres je suppose qu'il serait légitime qu'elle noue des liens avec les justes coutumes ? »

Je souris. Bien, bonne réponse. Mon cerf hoche la tête, semble réfléchir un instant, histoire de lui donner un air crédible, mais j'observe Orblanc. Je me demande comment il va s'y prendre. Après tout, la duchesse est au courant de tout, elle va jouer son coup finement, et je n'ai pas l'impression que cet homme soit le mieux placé pour la faire changer. Mais rassurez-vous, tous les deux, je n'ai pas épuisé mon stock. J'ai d'autres cartes dans ma manche. Alors que je réfléchis un instant quant à la prochaine phrase de mon cerf, l'homme demande :

« Mais, si vous me permettez une autre question ô vénérable père, pourquoi moi entre tous vos disciples ? Qu'est-ce qui fais que je suis plus fiable ou digne de mener cette mission d'une importance visiblement cruciale ? »

Je souris encore une fois. C'est une bonne question à ses yeux, et sûrement à ceux de la duchesse, évidemment. Il ne doit pas être la meilleure personne pour, je suppose. Mais le nombre de réponses qui s'offre à moi et grand, et je peux même profiter de cette question pour jeter une autre carte sur la table. Sans doute la dernière pour cette histoire.

« Qui a dit que tu étais le seul à qui j'ai confié cette mission ? »

Nouveau silence, mais cette fois vite coupé par le cerf, puisque je n'ai pas l'intention de laisser Orblanc répondre entre temps.

« Je ne souhaite pas encourager la compétition entre vous, Orblanc. Mais si je peux te donner un conseil, ou devrais-je dire, un ordre, garde cette mission pour toi. Ne dis à personne que je te l'ai confiée. »

Suite à cela, un sourire énigmatique se dessine sur le visage du cerf, qui laisse enfin la possibilité de répondre à Orblanc. Par ces mots, je laisse sous-entendre qu'il fait passer un test à l'homme, mais en soit, j'avais l'idée de faire dire qu'il n'était pas le seul testé par là, mais j'ai réalisé sur le tas qu'un test ne se fait pas dévoiler aussi rapidement. Reste à voir si l'occasion se présente pour la suite, mais il faut attendre.

L'homme finit par se lever, avant de reculer. Je vois bien que son visage n'est pas fermé, qu'il croit en mon illusion comme si c'était sa mère qui lui disait tout cela. Et ça me fait sourire. Une partie de moi ne peut s'empêcher de ressentir une certaine dose de fierté, car après tout, j'ai accompli ma mission. Même si bon, j'ai parfois laissé pas mal de place au destin. Enfin, ce n'est pas interdit, et puis le principal est que j'ai terminé cette partie, et qu'Orblanc soit totalement tombé dans le panneau.

« Je ne vous faillirai pas... Je vais tout de suite commencer à m’atteler à cette tâche, en m'informent sur la duchesse pour savoir comment possiblement influer sur cette dernière. Puisse les sommets continuer à prospérer sous votre juste tutorat pour les millénaires à venir. »

Je souris toujours alors que l'homme s'en va. Il disparaît alors dans les couloirs et j'observe le papillon à mes côtés. Un battement d'ailes pour le style, puis l'idée de reprendre ma forme me vient, avant de disparaître. On ne sait jamais, peut-être que l'homme guette la disparition de mon cerf. Qui d'ailleurs, reste planté là. Alors, plus pour le style que pour autre chose, je fais rentrer le cervidé dans son homologue de pierre, comme s'il rentrait au bercail. Ah bah ça c'est cool.

« Bien joué, cela se voit que vous avez un certain talent mon cher, j'ai hâte de voir comment il compte s'y prendre pour me faire adhérer à son culte montagnard… Je verrais bien si je lui donne l'impression d'être intéressée par cela pour jouer un peu avec lui ou non. »

Je souris à la phrase de la duchesse. Avoir un talent pour jouer des tours, ça c'est stylé. Faut pas la décevoir sur les suivants alors ! Avec un peu de chance, elle me rappellera une prochaine fois avant de sévir. Ce serait cool. Et puis, ce qui serait marrant aussi, c'est que d'autres me demandent. Mais pas trop non plus. Les gens vont se poser des questions sinon. Ils se feront plus avoir car ils sauront qu'un clown se fait payer pour emmerder des gens. Et au final, ça sera pas bon pour les affaires et faudra que je trouve autre chose pour... M'exprimer ? Non, exprimer mon talent, voyons !
Tiens, j'ai cru percevoir un rire d'Arezu. Sans doute dans a tête, elle n'est pas télépathe.

« La prochaine victime se nomme André Durerock. C'est un homme fier et arrogant, trop, le problème est qu'il y a peu de temps de cela il a humilié sèchement un de mes capitaines un peu trop timide et peu assuré, mais très prometteur. Je n'ai pas envie qu'il y ait de mauvaises relations qui s'instaurent entre mes subordonnés, surtout que le deuxième m'est sans doute plus fidèle que le premier. J'aimerai donc sans non plus l'humilier en public, qu'André apprenne l'humilité... »

On dirait qu'elle attend une chose spéciale de moi. Personnellement, j'aurais pas été contre une humiliation en public, bien au contraire, et c'était même le plus facile à imaginer. Cela dit, j'avais prévu quelque chose pour Orblanc, mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Disons que cela va dépendre de ce Durerock. J'aurais bien pris la forme de ce gars qui avait été humilié, pour coller une raclée à ce type, mais non seulement ça ne respecte pas les critères de la duchesse, mais en plus ça va pas forcément marcher. Si ce type est si arrogant que ça, alors il va en vouloir à ce petit gars. Cela dit, ça aurait eu au moins le mérite de forcer ce mec à se faire respecter. Ou abandonner, s'il est vraiment si peu assuré et timide. Mais non, ce plan n'a rien de très fin. Faut que je trouve un truc qui permette de mettre la goutte d'eau dans le vase, sans risquer de renverser le verre.

« Lui n'est pas très religieux par contre et pas très crédule, par contre il est très confiant en lui et ses capacités… C'est un humain sinon, comme Orblanc, mais plus musclé et grand. »

J'opine du chef avant de m'envoler, puis de reprendre ma forme normale. Je fait signe à la kitsune de me suivre avec un regard, tout en me demandant à quoi ressemble exactement cet homme. Allez savoir, mais "Durerock" me fait imaginer un gars chauve. Peut-être aussi chauve qu'une pierre.

« Allons voir cet humain alors ! Mais avant cela, pourrait-on passer par la case du gars qui a été humilié ? Peut-être que ça me sera utile. »

Après tout, j'ai peut-être eu la bonne (ou mauvaise ?) idée de changer de plan, mais n'empêche que tout détail peut se trouver important.

La duchesse semble d'accord, puisqu'elle me répond quasi immédiatement.

« En effet, c'est une bonne idée, allons le voir de ce pas… Par contre, évitons qu'il nous reconnaisse, il risque de se poser des questions s'il me voit ou s'il vous voit. »

J'opine du chef. Ce n'est pas chose difficile, nos talents en transformisme nous permettant de passer inaperçu à peu partout et à peu près tout le temps. Aussi, je prends une forme humaine banale, bien que charmant et gracieux - quand même, voyons ! - mais tout à fait normale. Cheveux bruns, yeux bruns, etc etc.

« Vas pas prendre la grosse tête parce que t'as réussi la première étape, Tête de Nœud. Il te reste un bout de chemin encore. »

Je lève les yeux suite à la remarque très désobligeante - bien qu'habituelle - d'Arezu. Comment ça "Tête de Nœud" ?! Cette demoiselle n'a vraiment aucun respect pour les gens. Ce qui, en soit, n'est absolument pas nouveau. Et dire qu'elle représente les souhaits. Peut-être celui de la voir se taire ? De pouvoir lui faire fermer son clapet ? Bref, quoi qu'il en soit, malgré sa phrase, je n'ai aucune autre réaction. J'ai appris à ignorer Arezu en public. Peut-être pour pas qu'on me considère comme étant un vrai fou. Ce que je suis peut-être, en fait, mais les gens ne pensent pas ça de la même manière. Enfin bref, ça ne sert à rien de cogiter pour ça.
La duchesse, mes trois abrutis de copains et moi-même rentrons donc à Sarassi, avec l'intention de rencontrer ce p'tit gars. Enfin, du moins de le voir, car dans les faits, c'est ce que j'ai demandé à la duchesse. Mais en soit, j'ai quand même l'intention de lui parler. L'intérêt serait moindre sinon.
On finit par arriver dans le lieu de travail du messire, chargé d'entraîner des soldats. Enfin, en pratique c'est ce qu'il est sensé faire, mais le bougre a l'air obnubilé par des pensées qui ne regardent que lui. Peut-être pense-t-il à l'autre bouffon qui lui a mis une raclée - je suppose ? - ou bien à autre chose qui m'échappe. Quoi qu'il en soit, je vois le visage cerclé de cheveux blonds et ses yeux olive, et je note chaque trait, chaque cicatrice dans ma tête. Mieux vaut prévenir que guérir, j'aurais peut-être besoin de cela une autre fois.

« Vous voulez l'aborder pour savoir quoi faire ? Ou aviez-vous autre chose en tête quand vous aviez l'envie que je vous mène à lui ? »

J'observe la duchesse avec un sourire. Ce n'est pas tout à fait l'idée que j'avais, en vérité. Enfin, du moins, pas toute l'idée. Sans quitter mon sourire, je demande à la duchesse :

« Vous me faites confiance, madame ? Enfin, sûrement pas entièrement, ce qui serait assez compréhensible, mais dans le sens où j'ai pour unique but d'accomplir ma mission en respectant les clauses de notre contrat, ce malgré toute chose plus ou moins étrange que je pourrais faire ? »

Oui, bon d'accord, ce n'est pas vraiment très... Enfin, elle ne peut pas me faire confiance, avec de tels mots. Ce que je peux comprendre, ce que je comprends en fait. Mais je tiens à mettre plus ou moins les choses au clair, avant que ça ne dérape et qu'elle n'arrête ma mission. Parce qu'en soit, je compte rien faire de mal, au contraire, mais à première vue, ça pourrait apparaître comme tel.

Alors que la duchesse m'observe étrangement, j'entends Arezu qui rigole derrière moi. Et, allez savoir si la suite s'est déroulée uniquement dans ma tête, étant donné que je connais bien mon invocation, ou bien si elle l'a réellement prononcé, mais suite à ça, elle m'a dit que j'étais sacrément bête. Il est possible que ce ne soit que dans ma tête, car ni Naghi, ni Zara n'a eu de réaction. Mais il est également possible que ce soit le cas, car elle me le répète tellement souvent qu'au final, il n'y a plus rien à en dire et à en tirer. 'Fin bref, je lui demanderai plus tard, put-être.
Quoiqu'il en soit, la kitsune m'observe étrangement et j'ai soudain le doute qui s'impose dans mon esprit. Ai-je bien fait de lui en parler ? J'aurais peut-être dû faire ce que je voulais faire sans lui en parler. Mais en même temps, il y avait des chances pour qu'elle m'arrête. Quoique, oui et non. Elle sait bien que mes pouvoirs font partie du domaine de l'invocation et du transformisme. Rha, cesse de te triturer les méninges, pauvre abruti ! Elle va bien finir par te répondre.

« Disons que tant que je ne vous rappelle pas à l'ordre, je vous fais confiance pour accomplir votre mission à bien, alors faîtes ce que vous avez en tête sans craindre que possiblement je ne vienne vous interrompre. Dans le pire des cas je ne vous engagerai pas à l'avenir pour un nouveau travail, en attendant au pire je saurais réparer les pots cassés je suppose s'il y en a. »

Je souris, retenant de justesse le soupir qui a voulu s'échapper. Très bien. Comme j'ai son accord, qu'elle sait que je m'apprête à faire une giga connerie mais que tout ira bien, alors tout roule. Je m’éclipse dans la direction contraire de celle où se trouve l'homme que j'ai voulu rencontrer, tout en cherchant discrètement une cible. En vérité, rien de vivant, rien d'embêtant. Juste une porte. Une porte simple et ouverte, dans l'idéal. Pas un truc mirobolant qui permette à tout le monde de savoir où elle mène.
Finalement, je finis par trouver une porte assez sobre, qui conviendrait à mon plan. Mais fermée. Tant pis, je la crochèterai quand la duchesse aura le dos tourné. Je pioche alors dans mon sac le nécessaire pour graver des runes, mais avant de le faire, je me tourne vers la kitsune, ce avant de lui demander :

« Vous savez où se trouve Durerock, je suppose. Dans l'idéal, faudrait que dans vingt minutes, il soit pas trop loin d'ici, mais pas avec l'autre type, vous pouvez vous arranger pour, s'il-vous-plaît ? »

Rien de bien sorcier pour la duchesse en soit, et moi ça m'arrange. je vais être bloqué pendant tout ce temps, et la duchesse va pas rester vingt minutes à m'observer incanter devant une porte. Enfin, après c'est pour elle que je dis ça, évidemment. Elle fait bien ce qu'elle veut, et s'il le faut, j'envoie une invocation.

La duchesse me répond directement après ma question et cette réponse me fait sourire.

« Hum, je peux en effet faire en sorte que Durerock vienne non loin d'ici, mais pas ici exactement, ce sans qu'il sache que je suis mêlé à cela. Je vais donc faire en sorte qu'il vienne non loin en effet, du moins je suppose que c'est nécessaire à votre plan. »

J'opine du chef. Bien sûr que c'est nécessaire, sinon je ne lui aurai pas demandé. Je lui souris donc toujours, signifiant "merci" dans un langage muet, avant de me concentrer sur les rune que je dois graver dans la porte. Derrière moi, la duchesse s'éloigne afin de mettre son plan à exécution. Quant à moi, je grave mes runes, commençant une incantation.

« J'vais voir ce que la duchesse fiche, j'te laisse à ta porte ! À toute ! »

Sur ces mots, je sens la présence d'Arezu qui s'éloigne, mais je ne dis rien. Inutile de couper mon incantation pour cela. Pour la même raison, je ne m'amuse pas à suivre la position de mon invocation, préférant me concentrer totalement sur la porte. C'est une partie nécessaire de mon plan, sans elle, il sera plus difficile à mettre en place.

« J'espère que t'es sûr de ton plan. l'Autre Destination n'est peut-être pas la seule chose que tu as prévue, et même pour moi, c'est assez inquiétant. »

Tu t'inquiète pour rien, mon grand. Je suis sûrement l'être le plus gentil de ce monde, ahah ! Bon, j'exagère sûrement... Non, j'exagère clairement. Mais c'est inutile de le préciser.

Finalement, la kitsune revient alors que j'ai quasiment terminé. Parfait, c'est le bon timing.

« Voilà, il est là où vous désirez qu'il soit, du moins si vous n'avez pas besoin d'une bonne heure pour faire ce que vous avez en tête. »

Je me redresse, avant de m'étirer. J'observe la porte, les runes discrètement tracées, tout en sourire. Voici une bonne chose de faite. Je sais exactement où mène la porte, et je piétine d'impatience en observant la duchesse.

« Bien, merci madame. Maintenant, j'vais m'occuper du reste ! »

Je fais un rapide calcul dans ma tête. Un pour la duchesse. Trois pour moi et Durerock. Quatre pour mon retour. Six pour l'autre et moi. L'en reste quatre. On est quatre. Parfait. Faut juste trouver un moyen d'empêcher d'autres de passer par la porte ensuite. Je rappelle immédiatement Arezu, Zara et Naghi dans ma tête, déclenchant quelques protestations, aussitôt tues par un "chut" mental.
Sur ces belles paroles, je désigne la porte à la duchesse.

« Je vous conseille de vous cacher pour un certain temps, tout en restant dans le coin. Personne doit passer cette porte, sinon ça va être casse-pied. Je vais entraîner Durerock là-dedans puis en ressortir. Vous resterez dehors. Je reviendrais avec un autre type et là vous pourrez rentrer, si vous le souhaitez. Sous une autre forme, évidemment, y aura des gens capables de vous reconnaître ! Des questions ou est-ce que je peux y aller ? »

J'accompagne ces derniers mots avec un sourire amusé. Bien sûr que cette histoire m'amuse !

« Tu es trop bête Karma ! »

« Hum, vous pouvez y aller, même si je ne comprend absolument pas quels sont vos projets avec cette porte même si je suppose que vous avez dû placer sur elle un sort de portail si cher aux invocateurs. »

J'offre un grand sourire à la duchesse. C'est effectivement ce que j'ai fait. Mais chut ! Le principal étant qu'elle me fasse suffisement confiance pour me laisser continuer, je n'ose pas perdre cette confiance en batifolages. Aussi, je m'eclipse discrètement, sans oublier de prendre la forme d'un... Lutin. Qui n'aime pas ces charmantes bestioles, franchement ? Je me dirige donc dans la direction qu'Arezu me montre, c'est à dire vers Durerock, première de mes cibles.
Arrivés sur place, je le trouve en train de chercher quelque chose ou quelqu'un. Arezu m'explique aussitôt :

« La duchesse a pris la forme d'un chien et lui a volé son steak. Il doit être en train de chercher le chien. J'lui en aurai collé une bonne, moi ! »

J'acquiesce discrètement, ce avant d'invoquer un petit morceau de steak dans mes mains. Je m'approche de Durerock, mâchant le steak - notons que je ne croque pas ce morceau de viande, je me contente de le mâcher, et j'avoue que, d'un point de vue extérieur à cette mission, c'est absolument dégoûtant -, ce avant de lui gueuler :

« Hé grand steak ! Ta bouffe elle a un goût de vomi ! »

Je lui jette le morceau de viande mâché et remâché sur la tête, juste avant de m'enfuir en volant, gueulant et riant. L'homme me suit en hurlant des insultes de tous types dont je parlerai pas, par simple politesse. C'est qu'il en connait des insultes, le bougre ! J'ai rarement entendu quelqu'un dire autant de mots vulgaires en une phrase. Enfin bref. J'amène l'homme jusqu'à la porte avant de faire semblant de me glisser dans l’entrebâillement de celle-ci - que j'avais au préalable laissé dans cet état. En vérité, je n'entre pas, car je viens de penser que je ne pourrais plus en sortir sans libérer l'homme au passage. Aussi, je me contente de me changer en moucheron avant d'entrer, sans que l'homme ne s'en rende compte. Il gueule que j'en ai plus pour longtemps, que je vais être coincé ici et qu'il me fera la peau, ce avant d'entrer. Et hop, en voilà un coincé. Sur ce, je prends une forme de fée luciole, avant de lancer en direction de la duchesse - bien que je ne sache pas où elle se trouve - :

« Et d'un ! »

Je repas aussitôt en direction de mon autre cible, dont je ne connais pas le nom. Toujours en train d'entraîner - surveiller plutôt - ses soldats, je m'approche de lui, tout en discrétion. Il semble très loin et les gens autour de lui ne m'ont pas vu. Je m'agrippe à sa bourse sans un bruit, l'ouvrant discrètement. Mes deux petits bras me laissent prendre seulement deux pièces d'argent, et je m'envole en direction du visage de l'homme, tout en étant assez loin pour ne pas qu'il m'attrape. Il m'aperçoit, fronce les sourcils, et je lui lance timidement :

« Je vais acheter des pommes, avec votre argent de poche. Merci, monsieur. »

Il jette un oeil à sa bourse ouverte, comprend qu'il s'agit effectivement de son argent et je continue :

« Je vous les rend si vous venez éliminer une vermine qui se cache chez moi. Je n'ai aucun doute qu'un soldat fort comme vous ait du mal à cela, vous pourriez l'écraser d'une pichenette. Mais venez seul, sinon vos mercenaires risqueraient de casser ma maison. S'il-vous-plaît, monsieur le soldat, c'est urgent et ça ne vous prendra que quelques secondes... »

Je ne sais pas si c'est pour que je lui rende sa monnaie ou bien parce que ma fausse tristesse est facilement palpable, mais l'homme hésite. Il n'a pas l'air de vouloir abandonner son travail, et ce n'est qu'en lui promettant que ce sera l'affaire d'une ou deux minutes qu'il finit par céder. Je mens, certes, mais tant pis, c'est pour les besoins de la cause. Il ordonne donc à ses mercenaires de continuer l'entraînement et leur explique qu'il reviendra d'ici quelques minutes.
Suite à ces mots, je l'entraîne en direction de la porte, alors qu'il court à vive allure, la minuscule fée que je suis posée sur son épaule, lui indiquant le chemin à prendre. Il est surpris quand je lui montre à la poste et je dois lui expliquer qu'il s'agit d'un raccourci magique posé par un ami. Absolument nécessaire pour que cette mission soit rapide et efficace. Il me demande si mon ami ne pouvait pas m'aider et je secoue la tête.

« C'est un froussard. »

L'homme opine du chef avant d'entrer dans la demeure, et je sais qu'Osami nous suit. L'endroit où nous nous trouvons se trouve être la caverne de Blanc-bec, euh, Orblanc, et le premier homme s'y trouve déjà. Il semble essayer de trouver une sortie et lorsque mon homme entre, il est largement étonné.
Bien, passons donc à la suite du plan.

« Qui ose venir dans ma demeure ? »

La voix du cerf de tout à l'heure résonne encore dans la salle, et je souris.

Une fois tout le monde à l'intérieur, je souris d'impatience. Avant de me retrouver comme un con, à fixer Orblanc. Mais qu'est-ce qu'il fout là ce bouffon, sérieusement ?! "Il a dû revenir alors que t'étais avec la duchesse. Peut-être qu'il a oublié quelque chose." Sans doute, Zara, mais n'empêche que c'était pas prévu. Je n'avais pas du tout pris ça en compte ! Faut que je change mon plan, et en vitesse...

« Ô Grand cerf, mais… Qu'est-ce que font ces deux là ici ? Je ne savais pas qu'ils suivaient aux aussi votre saint enseignement ? Enfin, je suppose que s'ils sont ici c'est par votre volonté ? »

Je fais la grimace. Oui c'était ma volonté, mais pas pour toi, espèce d'idiot ! T'as de la chance que mon cerf doit se montrer aimable avec les gens qui suivent sa religion, sinon je t'aurais fait dégager par ordre divin... Et peut-être pas de la manière la plus douce qui existe ! "Calme-toi, le vioc, t'as mal géré ton coup, assume !" Merci Arezu, ton soutien me touche. "Y a pas de quoi."

« Mais bon sang ! Qu'on me fasse sortir d'ici et qu'on me foute la paix ! Je te jure Orblanc que si c'est un sale coup monté contre moi avec ce guignol, vous allez tout les deux le regretter ! »

"Ce guignol". En d'autres circonstances, j'aurais bien rigolé de ce nom. Mais là, pas vraiment. Faut que je reprenne mon calme. Et mon sang-froid. Sinon ça va clairment pas se passer comme prévu. J'inspire puis expire en discrétion, puisque je sais que le type sur lequel je suis perché pour le remarquer. Heureusement, il a l'air suffisement occupé, puisqu'il fixe Durerock. Peut-être une envie de meurtre ? Perso, j'aurais plutôt voulu éliminer Orblanc.
Bien, une fois mon calme retrouvé, c'est à dire juste après l'avoir pensé, la voix du cerf se fait de nouveau entendre, grâce à un Murmure - d'ailleurs, je me dis que j'ai bien fait d'utiliser sa voix, Orblanc n'y a vu que du feu.

« Ma volonté n'a rien à voir avec cela, Orblanc. Mais... Je vais te laisser te charger de ce problème. »

Bien une chose de faite, une en moins à laquelle penser : plus besoin de faire parler ce fichu cerf. Plus pour l'instant, quoi. C'est clairement une bonne chose. Suite à ça, j'observe l'homme sur lequel je suis perché, avant de lui désigner Orblanc, puis de lui souffler dans l'oreille :

« Il vénère ce cerf... C'est lui qui parle. »

Le "guignol", seule personne que je compte aider dans cette histoire, - je ne compte évidement pas la duchesse - est donc au courant de la présence d'Orblanc. Reste à expliquer la présence de l'autre. Chose qui se produit de secondes plus tard puisqu'un lutin, que personne n'avait vu, - normal étant donné que je viens de l'invoquer - sort des lianes au plafond. Durerock peut le reconnaître, car j'ai invoqué ce petit être de la même couleur que celle que j'avais en étant transformé - un joli brun roux, pour préciser. Un Murmure, et le lutin crie :

« Hé l'Abruti ! T'es encore plus moche vu de près ! »

De quoi joliment l'énerver. "Et bien sûr, c'est l'objectif." Évidemment !

Orblanc finit par réagir assez vite de ce que le cerf lui avait dit, ce qui me fit sourire.

« Dans ce cas, vous n'êtes pas censés être là vous deux… Je vous prierai de partir au plus vite. »

Bien sûr, c'est ce que tu voudrais. Pas moi. Cette situation dégénère, mais faut que j'en reprenne le contrôle. Je ne te remercie pas, Orblanc, car c'est ta faute. Cela dit, Durerock semble bien énervé.

« Je vais t'apprendre à me mettre en rogne espèce de crevard ! »

Je ne peux empêcher un sourire d'apparaître sur mon visage, mais j'arrive néanmoins à m'empêcher de rire, alors que Durerock saute sur Orblanc, bien décidé à lui refaire le visage. Mais Orblanc semble avoir plus de ressources que l'impression qu'il laisse et l'asperge a du mal à le battre. Beaucoup de mal. Hé bien, je suis content de ne pas avoir eu besoin de me battre contre lui. Non pas que j'estime que je n'aurais pas eu de chance de le mettre KO, hein, plutôt qu'il aurait été bête de le fatiguer ! Voir Durerock qui se prend une raclée, c'est amusant, je dois l'avouer.

« Et, je peux savoir ce que je fiche ici ? Pas que voir Durerock se prendre une leçon de la part d'un de ceux qui gère les impôts me déplaît, mais je doute que tu ais seulement voulu m'offrir ce petit plaisir... »

Je lève la tête pour observer le p'tit gars, avant de lui afficher un sourire. Certes, faut pas que j'oublie ce petit détail. Je lui souris, tout en secouant la tête.

« Certes, ce n'était pas mon but, mais avouez que tout ce cirque fait perdre un peu de crédibilité à cet homme. Il n'est pas aussi fort qu'il le prétend et son honneur va en prendre un coup, ahah ! »

Sur ces mots je rejette un oeil sur les deux idiots, avant d'éclater de rire. Voir Orblanc monté sur Durerock de telle manière n'a aucune raison de m'empêcher de vouloir rire. Mais reprenons. J'observe alors une nouvelle fois l'homme, avant de lui désigner l'endroit d'où j'ai fait apparaître le lutin.

« Enfin bref. L'homme des impôts est là parce qu'il vénère le cerf. Et si j'ai bien tout suivi, le lutin qui s'est caché là-bas a fait venir Durerock pour son propre amusement. Mais il me mène la vie dure, et je n'ai aucun moyen de m'en débarrasser. »

J'ai essayé de broder une excuse au plus vite, mais je doute qu'elle soit efficace sur le long terme. Disons que j'ai été pris de vitesse et que là, ça m'embête un peu. Mais bon, en soit, jusqu'à maintenant, mon objectif est tout de même assez proche de ce que j'obtiens... Durerock semble en position de faiblesse alors qu'il voulait justement paraître fort, et comme dit à l'homme, sa fierté va en pâtir. Orblanc... Je me fiche de ce qu'il va lui arriver, disons que ça servira de punition pour m'avoir embêté. Et l'autre semble plutôt amusé et j'espère que ça va marcher.

L'homme répond d'abord à ma première remarque, et je sens une dose de réflexion dans sa voix.

« Ce n'est pas déplaisant en effet, cela m'étonne d'ailleurs de voir Orblanc aussi agressif. En général ce dernier est un peu timoré, je suppose que c'est la présence du cerf qui doit jouer... »

J'opine du chef. Certes, ça se comprend. Après tout, je l'ai bien vu tout à l'heure, ce type adoooooooore réellement son cerf. Même s'il ne s'agissait que d'une illusion. D'ailleurs, ça commence à faire cher en mana, pour une simple mission de farces. Mais j'm'en fiche, elle me plaît cette mission ! Même quand des types relous vous gâchent la vie.

« Vous voulez que je m'occupe du lutin ? D'accord, mais je vois mal comment je vais pouvoir l'attraper… Surtout que je ne vais pas lui tirer dessus uniquement parce qu'ils vous enquiquine. »

Une nouvelle fois, je hoche la tête en regardant, cette fois, la zone où est théoriquement planqué le lutin. Va falloir que j'aide ce gars, sans que ça ait l'air trop faux. Mais j'ai aussitôt une idée, et je suppose que, si je joue bien cette carte, ça peut fonctionner.
De leur côté, les deux zouaves commencent à fatiguer, et j'en profite pour mettre mon plan à exécution.

« Je vais l'attirer à l'extérieur, vous n'aurez qu'à l'attraper une fois à votre niveau. »

Sur ces mots, je m'envole dans la direction du lutin, et au moment où je pénètre dans l'enchevêtrement de lianes dans lequel il doit avoir élu domicile, je me mets à crier :

« Sors de chez moi, toi ! Tu n'as rien à faire ici ! »

Je me transforme alors en lutin - il me semble que si le type m'attrape, ce sera plus réaliste que si c'était une illusion - et sors en trombe en gueulant à la fée qu'elle est folle, tout en invoquant une illusion mineure pour la faire sortir à ma poursuite. Je fais semblant de m'en foutre complètement, avant de rejoindre Durerock et Orblanc, puis de planter un doigt pointu dans le dos d'Orblanc :

« Allez le banquier ! Montre-lui qui est le patron ! »

Je m'éloigne en riant, hors de portée d'un coup, le regard rivé sur Orblanc et Durerock. Et c'est en les voyant que je me dis qu'il faudrait que je me trouve une boutique, afin de m'acheter des enchantements corporels. Un truc de discrétion pourrait être cool. Un autre pour ma magie. Ou plusieurs autres. Faut voir avec ce qu'ils ont en stock. "Toi t'es vraiment bête." Merci Arezu, toi t'es vraiment sympathique. "Et l'autre, là, le gars d'Osami ?" Erf, vai que j'ai été distrait...

Les choses s'enchaînent rapidement, alors que l'homme qui devait m'attraper tente une première capture, qui échoue, le fait tomber dans la bagarre. Je ne peux retenir un rire éclatant de lutin, chose extrêmement aiguë et désagréable même à mes oreilles. Le petit commandant réussit à s'en sortir à coup de coup de pied. Les deux abrutis en sont sonnés et ils restent à terre, à se lamenter. Et moi... ? Bah je rigole encore ! J'avoue que, même si le rire est un Murmure, en vérité, je rigole aussi. Faut dire, cette aventure est réellement amusante !
Le capitaine tente alors une attrape, échoue, puis réessaie. Je ne donne pas tout pour fuir, car rappelons que mon but est de me faire attraper, et finalement, après de nombreux essais, il finit par me chopper, sans réelle brutalité. En fait, plutôt comme s'il souhaitait simplement m'attraper, plutôt que pour me filer une raclée.

« « Quelle est cette farce ? » »

Il pose cette question à moi, pauvre petit lutin attrapé. Je ricane tout en l'observant avec affront, et il se tourne vers l'illusion de la fée, qui nous a rejoint.

« « Et maintenant ? » »

Elle lui sourit, mais n'a pas le temps de répondre puisqu'à ce moment, un bruit attire toutes les têtes dans la direction d'Osami. La duchesse a reprit forme humaine et a tapé dans ses mains, comme pour nous appeler.

« « Je ne sais pas pourquoi je suis ici, mais j'ai tout vu et je dois dire que cela donne à réfléchir sur votre cas à tous les trois, pas forcément en bien pour certains, ou en mal pour d'autres. Je m'attend à avoir de bonnes raisons dans peu de temps d'oublier tout cela pour ceux que la chose gênera, sinon ça risque de s'ébruiter… N'est-ce pas lutin ? » »

Le début de la phrase de la duchesse me fait comprendre qu'elle souhaite garder notre contrat discret, alors je conserve ma forme de lutin.

« J'y peux rien, moi, m'dame. Certains d'vos gars sont pas plus futés qu'un troll en rut ! Heureusement que certains hommes peuvent rattraper la stupidité des autres parce que sinon... L'espèce humaine serait au bord du gouffre ! Ahahah ! »

J'ai fait exprès de provoquer encore une fois Durerock. D'ailleurs, c'est lui que j'ai fixé tout au long de mes paroles. Je sais que c'est pas bon pour les affaires, mais quitte à devoir m'attirer plus encore les foudres de ce type, j'ai encore une carte dans ma manche... Et je suis certain qu'elle pourrait bien se fondre dans ce décor loufoque !