Odric regardait le paysage terrestre défiler sous ses yeux. Son visage n'affichait guère d'expression, si ce n'était peut-être qu'il était songeur. Du moins, en donnait-il, cette impression. Son œil valide regardait au loin, cherchant à contempler quelque chose de précis. Où alors était-ce pour passer le temps. Ici, c'était la terre, un environnement différent de la mer. Ici, le monde ne se mouvait pas sous ses pieds comme sur le pont de son navire. Et en prime, il n'était pas sur le [i]le Cetus. Il était dans un carrosse qu'il avait loué à ses propres frais, ne désirant aucunement se retrouver assis à côté d'un des cochers qui guidaient les chevaux traits, ces chevaux puissants aptes à tirer de lourdes charges. Le fret de la Comtesse était réparti dans plusieurs chariots prévus pour le transport de marchandises qu'il fallait protéger du vent ou encore de la pluie. Une véritable petite casemate sur roues. Cela s'était avéré utile pour caler convenablement chaque caisse de la marchandise à préserver et surtout pour continuer à garder un certain niveau de glace pour maintenir le cycle du frais pour les denrées périssables. Odric y veillait en personne. Et comme ce n'était pas la première fois qu'il transportait des denrées alimentaires, il veillait à ne pas briser la chaîne froide qu'il avait imposée depuis le départ d'Haesan.

Et maintenant, il accompagnait la marchandise, sous l'escorte d'une dizaine de mercenaires qui portaient les couleurs de la Comtesse. Odric avait pu avoir en main propre de la part du capitaine-mercenaire un parchemin portant le sceau du Comté. À la lecture de celui-ci, à travers les mots inscrits par une écriture à la calligraphie soignée, il y avait tous les détails nécessaires pour confirmer ces combattants loués étaient bien employés par la Comtesse. Bien entendu, la missive était signée de la main même de la jeune femme, avec un souhait de bon voyage.

Et à présent, le convoi approchait du Comté. Odric se retint de soupirer à cette idée. Il n'avait jamais aimé voyager en chariot, aussi confortable pouvait-il être. Le rythme de la mer, ses variations, ses humeurs... tout cela était incrusté dans son sang et ses os depuis des décennies... alors que de voyager à bord de véhicules terrestres... Il y avait la lenteur, les mouvements sans grâce et une telle raideur dans les lames de ressorts qui servaient à la suspension... Le grincement des moyeux à chaque tour de roue, malgré leur graissage, n'offraient aucun plaisir à être écoutés. Les sons de la mer étaient des chants divins en comparaison.

Il ouvrit la veste de sa tunique, attrapant dans la poche intérieure une petite flasque argentée. Après avoir retiré le bouchon, il but une petite gorgée de son contenu. Là, cette fois, son soupir fut celui d'un léger soulagement. Son estomac cessa lentement son début de révolte. Il ne serait guère appréciable d'avoir les conséquences de son malaise provoqué par le transport terrestre. Heureusement, il était prévoyant. Quand il venait à faire ce genre de voyage, il avait toujours ce petit remède liquide fait à base de gingembre et de menthe poivrée. Cela lui permettait de mieux supporter ce calvaire

Celui-ci ne se prolongera pas dans la durée. À entendre l'échange en duchéen des mercenaires, il sut qu'il venait de pénétrer sur les terres de la Comtesse Rosamonde.

Il fallut encore un peu de temps avant de rejoindre l'entrepôt du Havre d'Emeraude, prévu pour accueillir la marchandise. Une fois son carrosse stoppé devant celui-ci, Odric n'en descendit guère mécontent de plus être malmené par l'inconfort de son mode de transport. Deux hommes descendirent avec lui, en livrée d'une seule teinte unie ; bleu marine. Il demanda à ses deux hommes d'attendre près du carrosse et alla s'assurer du bon déroulement du déchargement des marchandises. Son œil suivit chaque mouvement, chaque déplacement des caisses, les unes après les autres, de la glace encore bien présentes et adhérents aux parois boisés de ces dernières. Pour s'assurer que tout s'était bien passé, comme prévu, il ouvrit deux caisses au hasard. Les denrées qui s'y trouvaient étaient fraîches, comme si préparées la veille. Il fut satisfait. Il aimait quand les choses se déroulaient comme prévu. Bien, maintenant, il était temps de se rendre auprès de la comtesse.

Il fut donc escorté par les hommes du Comté au domaine de la jeune Rosamonde. Ses deux hommes en livrée le suivaient lui. Il était peut-être capitaine, mais il était aussi plus que cela en même temps. À terre, il y a toujours un minimum à avoir en tant que noble Ikhyldien... Bien entendu, ses deux serviteurs étaient des membres de son équipage également, deux hommes qu'il savait apte à tenir cette place. Le reste de son équipage était resté à bord du Cetus pour veiller son bord. Son second devait voir ce qu'il pourrait embarquer d'intéressant comme nouvelle cargaison pour Ikhyld, pendant que lui terminait cette affaire-là avec la Comtesse

Voilà près de quatre jours que la Comtesse était retournée à sa vie aux duchés du Sud. Et une chose est sûre, elle n’avait pas chômé pour préparer l’arrivée du majestueux Cetus. Car en plus de ses tâches habituelles dues à son rang, elle devait en premier lieu envoyer une escorte de mercenaires à Esperanza afin de protéger son convoi, y affréter de nombreux chariots tirés par de magnifiques et puissants chevaux Emeraldiens, faire préparer l’étendard du Comté d’Emeraude pour en équiper le navire pour un autre voyage, ainsi que faire préparer la cargaison d’émeraudes disposée dans des coffres des plus communs pour ne pas attirer l’attention. Des coffres qui pèseraient plus que lourd dans le ventre du Cetus sans nul doute. Au moins la logistique et le délai seraient plus permissif pour la Capitaine Shiromizu pour ce voyage. Toujours est il que les jours passèrent bien vite pour la bourgeoise avec toutes ces occupations. La lettre a l’intention du Capitaine avait été rédigée avec grand soin, tout était prêt à accueillir le magnifique voilier à présent. D’ailleurs elle ne tarda pas à recevoir des nouvelles de ses mercenaires cavaliers une fois que le convoi eut franchit ses frontières. Cela lui laissait exactement le temps de se préparer à la venue en son domaine du propriétaire du Cetus. Le cuisinier fut mit a l’œuvre, le vin fut débouché et la table fut dressée dans le grand salon. De la vaisselle de première qualité comme il convenait pour recevoir des invités de marque. La route aura sûrement été longue et rien de tel qu’un bon repas pour s’en remettre.

Le capitaine sera donc escorté sur le domaine aux jardins spacieux et parfaitement entretenus, jusqu’au manoir de la Comtesse. Pour ce faire, Odric avait été obligé de traverser le Havre et passer par l’unique porte donnant sur le chemin escarpé donnant sur le domaine fortifié avec des gardes mercenaires surveillants les murs. Le point le plus haut en altitude du Comté d’Emeraude et dont le chemin d’accès ne permettait pas à une armée d’avancer en rangs serrés car large d’à peine cinq mètres. Tout semblait prévu pour parer à une attaque.
Toutefois, il arriva sans encombres finalement au manoir, où le hall décoré d’œuvres d’art en tout genre et multiracial se mêlait aux toiles de maîtres avant d’être guidé par un escalier de marbre jusqu’au salon ou l’attendait la maîtresse des lieux, accompagnée de ses deux charmants Néméïdes. Cette dernière accueillera le Capitaine et ses hommes de main d’un sourire aimable, ordonnant au personnel de dresser deux couverts de plus pour la garde personnelle d’Odric, ce qui sera fait dans les plus brefs délais.

« Capitaine Shiromizu. Quel plaisir de vous revoir! Messieurs. J’espère que le chemin n’a pas été trop long et fatiguant? »

S’enquiert elle après avoir effectué une élégante révérence les invitants s’ils le désiraient a s’asseoir à table. Le salon lui, était comme le hall. Décoré de multiples œuvres d’art ou d’instruments anciens dont elle ne savait jouer, mais qui étaient magnifiques esthétiquement et accrochés au mur.

Odric eut le privilège d'être mené au domaine de la Comtesse. Il apprécia de voir d'abord les jardins, qui étaient étonnamment étendus et parfaitement entretenus. Il y avait myriade de plantes, qui apportaient une magnifique touche de nature avant d'arriver à la grande demeure de la Dame, bien que contrôlée et bichonnée par les mains expertes du ou des jardins. Puis, son escorte le mena au domaine. Ses fortifications contrastaient fortement avec la splendeur du jardin traversé à l'instant. Chose était qu'elles étaient là pour être fonctionnelles, pour assurer la défense des lieux, et non pour faire dans l'apparat. Plus encore que tout l'ensemble avait construit sur une hauteur naturelle, comme toute forteresse digne de ce nom. La montée escarpée pour atteindre la seule porte d'accès ne fut en tout cas pas un souci physique pour le vieil homme, qui ne fut nullement essoufflé une fois arrivé au point culminant.

Un bref instant, il se retourna pour observer la vue depuis sa position. La Comtesse avait de quoi voir l'ennemi arriver de loin. En même temps, il se trouvait dans les Duchés, là où les conflits entre dirigeants locaux étaient monnaie courante. Abandonnant la contemplation de la vue et de l'ensemble des points de défense de l'enceinte fortifiée, il reprit le chemin vers le manoir, en compagnie de l'escorte. Une fois à l'intérieur, il se permit de jouer les curieux, regardant chaque œuvre d'art visible à son passage. La Comtesse avait un goût certain pour l'art, et pas des moindres. Odric n'aurait pas refusé de s'arrêter quelques instants devant certaines toiles de maître, qui avait attisé son intérêt. Il n'était pas un expert avéré en art, mais il savait apprécier l'art et la maîtrise de certains artistes. Peut-être tout à l'heure, pensa-t-il, avant de gravir les marches d'un magnifique escalier de marbre. Et il arriva dans le salon, où la Comtesse Rosamonde les attendait.

Elle accueillit aimablement Odric et ses deux hommes. Ces derniers eurent un teint légèrement livide en voyant les deux puissants Lions. Mais voyant leur capitaine nullement impressionné, leurs visages retrouvèrent leur couleur.

Aux salutations de la maîtresse des lieux, Odric s'inclina dignement, comme le ferait un noble ikhyldien envers un autre.

''Le plaisir est partagé, Comtesse Rosamonde. Si je ne compte pas le voyage par voie terrestre, le chemin a été serein. Je ne peux que vous féliciter pour les splendeurs que j'ai eues le plaisir de contempler en arrivant. Et en contemplant ce qui est exposé ici, vous m'invitez déjà à ma perdition quant à aller voir chacune de vos œuvres présents ici. ''

Ses deux hommes d'équipage parurent un peu gênés de se voir invités à la table de la Comtesse. Ils fixaient leur capitaine. Odric n'avait eu qu'un faire un mouvement de la tête pour leur permettre de s'asseoir en leur compagnie. Après tout, il n'y avait pas de raison à ce qu'ils demeurent debout. Si deux couverts avaient été rajoutés par la Comtesse auprès de son personnel, ce n'était pas pour rien.

Odric attendit que la jeune femme presse place pour l'imiter.

''Pour ma part, j'espère que vous n'avez pas eu trop à patienter de l'arrivée de votre cargaison et qu'elle sera demeurée fraîche comme souhaitée. ''

Ne manquant pas de remarquer la crainte des hommes du Capitaine vis à vis de ses deux amours, la Comtesse les congédia d’un élégant geste de la main vers le fond de la pièce. Un coin où étaient disposés deux gros coussins et où ils se dirigèrent nonchalamment , leurs muscles roulant sous leur pelage avant de s’y allonger. S’asseyant à son tour ensuite, elle écouta le « récit » de voyage d’Odric. Cela manquait un peu de détails et de panache pour un marin, mais bien qu’un peu déçue par cela, elle n’en montra rien. Elle servait pertinemment que le voyage dans le comté pour atteindre les hauteurs était souvent éreintant pour certains non initiés des régions montagneuses. L’altitude empêchait souvent de respirer correctement, les chemins escarpés rendaient la marche difficile et la température parfois ajoutait encore au supplice. Quoiqu’il en soit, un léger sourire éclaira son visage quant aux compliments sur son intérieur. D’un geste ample de la main, elle l’invita s’il le désirait à aller observer les différentes œuvres du salon.

« Je vous en prie Capitaine. Faites donc si cela vous fait envie. L’Art après tout est fait pour le plaisir des yeux. »

Et le fait est que si elle s’adaptait souvent à ses interlocuteurs pour faciliter les transactions, concernant le domaine de l’Art, elle n’avait pas mentit.

« Comme je vous l’ai dit lors de notre première rencontre, je suis une amatrice d’Art. Elfique bien sûr de par ses courbes élégantes tel que votre navire, mais aussi celui d’autres races d’Orzian. Le tout étant qu’il me provoque un sentiment particulier au premier regard. Qu’il me happe dans son monde en quelques sortes. »

Elle fit ensuite un signe de tête à son personnel qui attendait avec des carafes en main, pour qu’ils commencent à servir du vin à ses invités ainsi qu’à elle même, pendant que le Capitaine s’il le souhaitait, observerait les œuvres. Et quant au fait de patienter, et bien le voyage devait s’être passé plutôt sans encombres pour lui d’après ses calculs approximatifs. Ce qui était de bonne augure pour la marchandise.

« Je ne m’en fait guère pour la fraîcheur des denrées. De toute façon, d’ici la fin du repas, s’il y a un problème, mes mercenaires viendront me prévenir… L’entrepôt n’est pas très loin après tout. »

Sourit elle aimablement en portant son verre ainsi servit à son nez afin d’en apprécier les senteurs.

« Pour le reste, le temps que vous avez mis à arriver, m’a tout juste laissé le temps de mettre en œuvre ce que nous avions convenus Capitaine. Et si cela vous intéresse toujours, j’ai une cargaison prête à alourdir grandement le ventre du Cetus… mais nous avons le temps d’en discuter. Profitez donc du repas qui va être servit et du vin.

Après tout il venait de faire un long trajet pour venir jusqu’ici, elle n’allait pas le faire repartir directement. Et comme elle avait prévue l’escorte de retour avec un lourd chargement depuis leur première rencontre, enfin plutôt son retour au Comté, autant le laisser se reposer et se détendre un peu. Cet homme devait avoir plus de contacts qu’il voulait bien en dire en Ikhyld. Car tout dans ses manières, sa façon d’être et ses paroles jusqu’aux mots employés le mettait hors de la case de simple Capitaine de navire marchand. Il cachait au moins un petit secret. A le côtoyer un peu elle s’en douter, mais elle devait manœuvrer habilement pour en apprendre un peu plus. C’est donc après une petite gorgée de vin qu’elle reposa son verre délicatement sur la table avant de demander sur le ton de la conversation.

« D’ailleurs je ne vous ai guère demandé la dernière fois que nous nous sommes vus… cela fait longtemps que vous êtes l’heureux propriétaire du Cetus? Et de ce fait Capitaine? »

Le vieil homme n'était pas homme à être dans la grande vantardise et demeurait relativement modeste, même quand de nouveaux échanges commerciaux étaient encore en négociation. Peut-être entrera-t-il plus dans les détails de son voyage entre Haesan et les Duchés si jamais la Comtesse venait à aborder ce sujet. En tout cas, il ne remarqua pas sa déception. Elle n'affichait rien de tel sur son doux minois. Oh, Odric savait qu'elle possédait sans aucun doute d'une grande maîtrise des émotions à faire apparaître ou non sur son visage. Elle était Comtesse pour commencer, et ce n'était pas un rang que le premier venu pouvait se targuer d'avoir. Et en plus d'être intelligente et une habile négociatrice. Il sourit intérieurement. Cet échange était comme une petite partie d'échec amicale, l'un cherchant à amadouer l'autre pour anticiper d'un coup d'avance sur lui. C'était cela aussi, le commerce maritime, un petit plus qui plaisait au vieil homme. C'était aussi une bonne manière de garder un esprit vif et aiguisé.

Face à la permission de la comtesse, il afficha déjà un léger sourire.

''Vous souhaitez donc ma perte, et que j'accepte cela avec grand plaisir''fit-il non sans un ton légèrement enjoué. Cela lui permettra de chasser le déplaisir d'avoir voyagé en carrosse et d'avoir à refaire le retour par le même mode de transport. Des fois, l'inconfort auquel il ne pouvait pas réchapper avait une très belle contrepartie. Ici, dans le Havre d'Émeraude, il avait le privilège de contempler une magnifique collection de toiles. Peut-être même était-il le premier Ikhylidien à poser le regard sur cette dernière depuis leurs mises en place au sein du manoir de la Comtesse.

''Vous êtes modeste, Ma Dame. Vous êtes plus qu'une amatrice d'art. Et c'est tout à votre honneur de réunir l'art des autres races. On omet souvent qu'il n'y a pas que nos nations respectives capables de telles prouesses. ''

Son œil bleu avait déjà repéré une œuvre de style eïrnienne, qui présentait un décor où la mer paraissait affronter le monde montagneux, dans des nuances de couleurs qui donnaient vie à la tempête qui composaient le thème de la peinture. Mais avant d'aller l'observer de plus près, il accepta de prendre un verre de vin. Ses deux marins, qui avaient été soulagés tantôt de voir les deux Néméïdes se retirer dans un recoin aménagé pour eux, eurent à nouveau un moment d'hésitation. Le plus téméraire donna un léger coup de coude à son congénère, lui jetant un certain regard. Ils avaient beau être dans des livrées de serviteurs, si leur Capitaine ne leur avait pas donné de consignes, c'est qu'ils avaient le droit... Tant qu'ils n'exagéraient pas et qu'ils demeuraient à leur place. Ce fut donc deux verres de vin qui furent servis en plus de celui de la Comtesse et du Capitaine.

Odric s'approcha du tableau qui avait marqué son attention, observant le moindre détail mis en avant dans l'affrontement même de la Nature entre deux de ses éléments. Le verre en main, il donnait l'impression de se plonger dans la nature morte magnifiquement encadrée. Puis, il porta le verre à ses lèvres, pour goûter la boisson duchéenne. Il n'était pas un amateur de vin, mais il sut reconnaître le caractère goûteux de celui-ci. Les Duchéens étaient passés maître pour ce qui était de produire ce genre d'alcool.

''J'attendrai alors leur compte-rendu. J'aime à savoir que la marchandise arrive à sa destination comme exigé. Il me serait impossible de repartir sans savoir si vous avez été satisfaite ou non de ce que vous avez demandé. ''

Il appréciait le travail bien fait. Et si jamais il y avait eu, malgré ses précautions avec l'emploi de sa magie, quelques dégâts dans la fraîcheur des denrées, il y aurait moyen d'apporter une compensation.

Son œil suivait la courbure des vagues, qui ressortait du tableau avec l'aide d'un subtil jeu de nuances de bleu, de blanc et de gris. Il était clairement happé, si on reprenait les mots de la Comtesse. Bien que paraissant concentré sur l'étude de l'œuvre, il demeurait attentif à la conversation. Il quitta la contemplation de la magnifique scène peinte pour regarder la Comtesse.

''J'espère que je n'ai pas provoqué de pression quant à l'annonce de mon arrivée. Si tel est le cas, veuillez m'en pardonner. Je puis vous confirmer que j'ai plus que du temps à revendre. Je n'ai pas d'impératif actuellement. ''

Le Cetus étaient dans les bonnes mains de son Second et son équipage, il n'était pas dans un territoire hostile, il n'y avait pas de danger immédiat. Oui, clairement, il avait du temps. Il se retint de se perdre à nouveau dans la contemplation du tableau de tantôt, un autre attirant déjà son regard à l'œil unique. Mais chaque chose en son temps.

''Votre nouvelle cargaison ne sera point un poids pour mon vaisseau. Et cela m'intéresse toujours''

Quitte à rentabiliser son voyage, autant le faire. Le Cetus était peut-être un navire de taille moyenne, ses soutes étaient spacieuses. Après avoir savouré une très fine gorgée du vin duchéen, il se retourna pour faire totalement face à son hôtesse. La question qu'elle posa était intéressante. Elle cherchait à en savoir plus sur sa personne. Odric n'avait rien à cacher.

''Je navigue sur le Cetus depuis moins d'un an. Sa conception et sa fabrication ont été longues et minutieuses, mais le temps en valait la peine. Vous avez pu le constater lorsque votre regard s'est posé sur lui. Et je suis Capitaine depuis près de 265 ans... ''

Observatrice qu'elle était, elle n'aurait pas manqué de voir les traces de son sang elfique sur ses traits burinés par le temps, ses combats et la mer.

La Comtesse observait non sans un léger sourire le Capitaine regarder ses œuvres d’art. Un amateur d’art lui aussi donc. Voilà qui était somme toute intéressant. Après tout, il avait sans doute plus de contacts qu’il voulait bien lui laisser entendre. Cela elle en était certaine. Et cette petite partie d’échec ou chaque pièce se déplaçait droit à tour sur l’échiquier de leur discussion avait quelque chose de très agréable.

« Oh vous savez Capitaine, en plus d’apprécier l’art je suis aussi une férue de savoir en tous genre. Je n’aime rien de plus qu’apprendre. Et en cela de nombreuses races peuvent être une source intarissable d’apprentissages en tous genres. »

C’était possiblement dû en partie à son statut d’Archimage et de ses longues années à étudier la magie, ou juste son caractère qui fut comme cela depuis sa naissance au final. Toujours est il que pour elle, savoir rimait avec pouvoir. Disant cela, elle l’observait s’arrêter devant une toile représentant une mer en pleine tempête. Il n’était guère étonnant pour un marin d’apprécier ce genre de peinture après tout. Elle souffla alors à son attention.

« La mer déchaînée… venant peu à peu éroder la puissance brute de la montagne… je trouvais dans cette œuvre une certaine moralité. La mer sur le moment est moins puissante que la puissance de la montagne. Mais avec le temps et de l’abnégation, elle finit par l’éroder et prendre le dessus sur un adversaire bien supérieur… c’est plus une ode à la persévérance qu’une ode à la puissance selon moi… qu’en pensez vous? »

Lui demande t’elle finalement sur un ton aimable. Car au final, chaque œuvre ici présente avait une signification propre à ses yeux. Une vision de son esprit. Comme un certain rappel à des valeurs chères à son cœur et qu’elle ne devrait jamais oublier si elle voulait espérer pouvoir continuer de faire prospérer son Comté et surtout le garder.

« La mer peut être à la fois une compagne en se faisant douce et docile, autant qu’une meurtrière en déchaînant ses flots pour briser avec une facilité déconcertante même le plus solide des navires…d’ailleurs, je serais curieuse d’entendre quelques anecdotes concernant vos voyages Capitaine. Je suis certaine qu’un homme tel que vous soit en avoir de nombreuses à me conter? Et j’adore entendre les marins conter leurs récits épiques de duels avec ce qui leur permet de voguer… »

Oh elle ne doutait absolument pas qu’il soit bien capitaine et marin. Et ne doutait nullement de ses compétences de navigateur non plus. Mais elle tenait à la fois à lui permettre de gonfler son égo car c’était important dans toutes transactions, et aussi de se montrer agréable par une conversation plus légère. Ce qui généralement avait pour effet de faire un peu baisser la garde de son interlocuteur qui pour le moment était des plus hermétique… il semblait toutefois très impatient d’avoir un compte rendu de l’état de ses marchandises. Ce qui fit sourire la Comtesse de plus belle.

« N’ayez aucune crainte quant à l’état des marchandises. Si tout est en ordre, mes mercenaires ne viendront même pas m’en parler. Dans le cas contraire, vous en serez informé avant la fin du repas… »

S’excusant ensuite presque d’avoir été trop rapide dans sa livraison, cela tira un léger rire qu’elle cacha élégamment comme à son habitude derrière le dos de sa main.

« Voyons Capitaine… vous n’allez quand même pas vous excuser d’avoir livré vos marchandises avec la meilleure célérité possible? Ces denrées étaient importantes pour le peuple vivant dans le Comté. Et elles étaient très attendues. De mon côté, je me devais de tout préparer au plus vite justement, afin d’honorer notre accord et ne pas que vous vous sentiez entourloupé en arrivant à bon port. Oh d’ailleurs! Suis je sotte! J’ai totalement oublié de vous montrer le magnifique étendard que pourras arborer le Cetus en quittant le port… »

Se levant prestement, elle se dirigea vers un coffre ou était pliée une étoffe de bonne qualité mais assez solide pour résister même aux tempêtes les plus violentes. Une étoffe de couleur émeraude bien entendu, qu’elle déplia sur le sol avec délicatesse laissant apparaître en son centre un lion rouge.

« La voici! »

Dit elle avec une certaine fierté dans la voix de part la finesse des coutures autant que parce qu’elle était aux couleurs de son Comté. D’ailleurs si le Capitaine s’approche, il pourra de nouveau sentir ce doux parfum floral émanent de la Comtesse.

« N’est elle pas magnifique?… »

Ajoute t’elle en l’observant sans vraiment attendre de réponse. Et satisfaite d’entendre Odric répondre par l’affirmative quant à la cargaison en partance pour Ikhyld, son sourire s’élargit quelque peu. Son regard émeraude venant chercher le sien, elle hocha doucement la tête pour le remercier poliment, bien que le regard à lui seul se passait aisément de mots quant à sa satisfaction. Elle apprit ensuite qu’il était capitaine depuis plus de deux siècles. Intéressant. Difficile de savoir avec un elfe qu’elle âge il pouvait réellement avoir. Le moment était donc venus de jouer la carte de la diplomatie.

« J’avais bien noté vos traits Elfique Capitaine Shiromizu. Je suis donc en présence d’un Capitaine on ne peut plus expérimenté… »

Sourit elle.

« Et vous avez toujours navigué? Pour Ikhyld je suppose? »

Demande t’elle ensuite sur le ton de la conversation en regagnant d’une démarche élégante sa place, pendant qu’une personne de son personnel s’occupait de replier l’étendard pour le remettre dans le coffre.

Il ne manqua pas de montrer une lueur d'intérêt aux dires de la comtesse. Il joua un instant avec son verre, lui imposant de légers mouvements circulaires pour que le verre s'aère un peu, afin de libérer plus ses arômes.

''Comtesse, passionnée d'art, autodictate, négociatrice commerciale... Je me demande quelle autre facette intéressante, vous me réservez en surprise. Et je ne peux que vous confirmer que les autres races, dans le monde entier, ont toujours quelque chose à nous inculquer, Quel que soit le domaine. La lassitude n'est pas un terme qui doit composer votre vocabulaire, n'est-ce pas ? ''

Lui-même ne cessait jamais d'apprendre. Il avait beau être d'un âge qu'on pourrait dire de vénérable pour un être de sang-mêlé comme lui, il estimait ne pas tout savoir, même de ses propres domaines connus depuis bien des décennies. Pour lui, une personne qui affirmait ne plus avoir besoin d'apprendre quoi que ce soit était condamné à régresser, et ce rapidement. Pour la Comtesse, il était un peu curieux de savoir l'étendue de ses acquis. Elle assurait n'aimer qu'apprendre et rien d'autres. Pourtant, du peu qu'il avait vu, elle devait tenir à la gestion de son Comté. Au sein des Duchés, la moindre faiblesse pouvait vite devenir une catastrophe. Et puis, ne l'avait-elle pas approché, durant sa visite à Haesan, pour profiter d'une affaire juteuse ? Elle ne faisait pas qu'apprendre, mais chose certaine était qu'elle n'était pas comme certains de ses pairs ducaux, qui visaient plus la gestion de leurs troupes et que de chercher à peaufiner leurs savoirs. La jeune femme savait ce qu'elle faisait dans les faits, elle le poussait à être curieux. La partie d'échec amicale continuait à son aise.

Elle avait remarqué l'insistance qu'il avait eu pour une de ses toiles ; celle qui affichait la bataille naturelle entre la terre et la mer. Elle apporta son avis quant aux significations qu'elle voyait, elle, en cette peinture. Odric y perdit son œil quelque instant, contemplant une nouvelle fois l'œuvre.

''L'approche est intéressante. Dans un sens, on finit par avoir son adversaire à l'usure. Persévérance, mais aussi patience. ''

Et la mer avait toujours le dernier mot, peu important le temps qu'elle mettrait pour y arriver. D'ailleurs, en parlant de son élément de vie, la Comtesse fit une magnifique transition entre la scène de son tableau et son intérêt quant à ce qu'avait pu vivre son hôte. Lentement, elle amenait Odric à parler un peu de lui, de se dévoiler comme on découvrirait une passionnante histoire, page après page.

''Mes anecdotes sont tellement nombreuses que je ne saurai pas où commencer... pour ce qui des duels, parlez-vous des duels à mener contre la mer elle-même ou contre d'autres adversaires tangibles comme des pirates ? ''

Il la laissa réfléchir un petit laps de temps, avant d'enchaîner avec une des histoires qu'elle était avide d'entendre.

''Je pense qu'un des plus beaux moments qu'il m'a été donné de vivre était dans les mers d'Ikhyld. Nous étions en plein milieu de la nuit. L'eau était d'huile et limpide. Le vent soufflait à peine. Imaginez pouvoir voir les étoiles se refléter comme dans un miroir à la surface de la mer, avant de voir des luminescences naturelles bleutées remonter des obscures profondeurs, pour se rajouter aux éclats des astres. Et rajoutez à cela, le chant des baleines à bosses, qui libèrent leurs douces complaintes pour raconter, elles aussi, leur propre histoire... ''

Un spectacle de la Nature et de la Mer comme jamais, il ne pourrait en revoir sans doute. Mais qui sait, un jour prochain, reverra-t-il pareille beauté. La mer était toujours emplie de surprises.

Bien, on en revenait maintenant aux affaires plus commerciales. Il accorda un hochement de remerciements pour ce qui était de l'état de marchandises. Il apprendra donc bien assez tôt si tout avait tenu ou pas. Il ne s'inquiétait pas outre mesure. Pour la suite, il ne put retenir par contre un petit rictus amusé au coin de ses lèvres. La jeune femme avait bien ficelé l'enchaînement de la conversation et la remaniait à sa convenance pour la remettre sur sa voie. Vint donc la présentation de l'étendard évoqué il y a quelques jours déjà.

Elle s'était levée pour ouvrir un grand coffre et en sortir une étoffe soigneusement pliée. La couleur émeraude se dévoila aux yeux de tous quand elle la déplia avec précaution sur le sol de son salon. Le lion rouge s'afficha dans toute sa noblesse. Odric s'était approché, captant les délicieuses effluves du parfum qu'aimait la comtesse. Décidément, elle tenait à s'assurer que tout se déroule comme elle l'espérait. Odric n'avait pas changé d'avis quant à arborer ses couleurs en plus de celles de l'Empire

''Elle est splendide. ''

La jeune femme sera ravie de la voir déployer dans les airs, une fois à bord du Cetus. À la vue de la splendeur de cette bannière aux couleurs du Comté, nul doute qu'il allait se faire remarquer par les Duchéens qui déployaient leurs propres navires dans leurs eaux. Il contempla le fruit des désirs de la comtesse, qui bientôt côtoierait les étendards ikhyldiens de son voilier.

Il porta le verre à ses lèvres, prenant toujours qu'une petite gorgée. Le vin s'était adouci après s'être aéré. Il observa son hôtesse, qui usa de sa perspicacité pour confirmer ce qu'il avait songé tantôt. Elle avait bien vu ses traits elfiques. D'avoir cette information devait être une aubaine pour elle : un capitaine doublement centenaire, qui naviguait toujours... Il apprécia son compliment. Sa douce approche était toujours plaisante.

''Je navigue encore, depuis que je suis capitaine, en effet. Et bien entendu, pour Ilkhyld. Ma loyauté va à ma nation... ''

C'était là un petit point qu'il tenait à mettre en avant, histoire de pas laisser la comtesse s'emportant dans quelques courants ambitieux qui pourraient la décevoir plus tard si elle venait à y demeurer trop longtemps. Pendant ce temps-là, un des membres du personnel de la Dame replia déjà l'étoffe du Comté, pour le mettre dans le coffre. Il ne faudrait pas qu'il oublie de repartir avec. Cela serait du mauvais effet. Mais connaissait la Comtesse, elle veillera à ce qu'il reparte bien avec.

« Archimage Nécromancienne et Dompteuse? »

Répond aimablement la Comtesse avec un sourire. S’ouvrir un peu pour en apprendre plus. Car en effet, c’était elle même qui avait dressé ses Néméïdes Rubis et Diamant. A ce moment de la partie, elle sacrifiait un pion pour espérer peut être prendre la tour.

« Et vous donc Capitaine Shiromizu? Je ne peux croire que l’on devienne Capitaine d’un si majestueux navire, sans quelques faits d’armes à son actif ou quelques talents cachés ? »

Demanda t’elle ensuite toujours d’un ton léger. Comme si elle menait une simple conversation cordiale entre nobles. Après tout, la réponse du Capitaine au sujet de la toile, lui donnait là une fantastique métaphore. La mer finissait toujours par gagner à l’usure. Et la Comtesse avait de plus une certaine fourberie et un certain savoir faire pour orienter les conversations. Elle venait de lui donner deux informations à son sujet et il aurait été sans doute un peu impoli de sa part de ne pas accepter de lui en donner au moins une petite en retour. Néanmoins, c’est un avec un sourire non feint qu’elle répondit à la question.

« Toutes les anecdotes qu’il vous plaira de me conter Capitaine… tant que je peux imaginer votre situation à ce moment là et vivre à travers vous cette scène de votre vie que vous consentirez à partager avec moi. »

Elle écouta ensuite avec intérêt ce petit moment de sa vie qui semblait l’avoir marqué. Ce devait en effet être magnifique. Elle ferma un instant les yeux pour mieux s’immerger dans le récit du Capitaine. Elle aurait aimé y être en effet.

« Vous me vendez là un rêve éveillé Capitaine… c’est si romantique comme vision quand on se l’imagine… alors je n’ose imaginer ce que ce devait être de vivre un tel moment dans ce cadre idyllique. Un cadeau que vous a fait la mer pour vous remercier du respect dont vous avez longuement fait preuve à son égard au fil des années sans doute? »

Suggéra t’elle de façon courtoise. Et heureuse que l’étendard plaise au Capitaine, elle ne put s’empêcher de profiter de son petit moment de fierté personnelle.

« Les meilleurs couturiers et couturières du Comté ont travaillé jour et nuit à la réalisation de cet étendard… je suis heureuse qu’il soit à votre goût. Et j’ai grand hâte de le voir fièrement flotter sur un navire Ikhyldien aussi magnifique que le Cetus… »

Souffle t’elle. Et surtout que cela attire l’attention des autres Ducs. Mais cela elle ne le dira pas au Capitaine.

« De toutes les autres nations Capitaine, Ikhyld et son histoire empreinte de magie est bien celle que je préfère… mais ne le répétez pas d’accord? »

Dit elle ensuite sur le ton de la confidence avec un petit sourire malicieux, en profitant pour rebondir subtilement sur les mots clairs d’Odric concernant sa fidélité à sa nation.

« De ce fait, je suis sincèrement enchantée d’avoir l’insigne honneur de voir la bannière du Comté d’Emeraude flotter fièrement au vent aux côtés des couleurs Ikhyldiennes. Un symbole fort pour moi, d’une possible alliance entre nous. »

Le mot « possible » était important et laissait la porte ouverte quoiqu’il en soit. Se faire accepter peu à peu en Ikhyld en commençant petit lui paraissait une bonne chose. Peu à peu à force de diplomatie et d’accords commerciaux, elle pourrait peut être en tirer quelques enseignements intéressants au niveau de la magie tout en faisant prospérer son Comté. Et en cela le plan lui paraissait parfait.

« Oh mais je parle, je parle, mais sans doute devez vous avoir faim? Je vais faire venir les plats. »

Elle fit un signe de tête à son personnel qui après s’être incliné bassement, se mit en route dans un défilé bien rodé et parfaitement orchestré, faisant des aller et retour vers la table avec différents plats qui avaient en apparence l’air succulents, pendant que d’autres resteraient près de la table, carafe de vin en mains afin de servir les convives. L’un d’eux du moins était moins serein parmi tout le personnel. Car celui ci s’occupait d’amener le repas des deux Néméïdes. Et il était légèrement tremblant avec ses grosses pièces de viandes alors qu’il approchait lentement des lions, dont la queue battait la mesure en regardant le serviteur approcher.

« Rubis… Diamant… sage hein? On attend! »

Ordonna t’elle afin que le membre de son personnel puisse déposer le lourd plateau contenant quelques bons kilos de viande. Viande sur laquelle les Néméïdes se jetèrent avidement à peine eut il retirer ses mains, alors que quelques gouttes avaient perlé sur son front. Il ne tarda pas d’ailleurs à rapidement reculer pour quitter la pièce.

« Doucement mes chéris… personne n’essayera de vous la voler votre viande… »

S’amusa la Comtesse en regardant ses lions voraces.

Elle avait profité d'une ouverture pour s'y engouffrer, dévoilant d'autres expériences. De ce qu'elle dévoila confortait une des hypothèses du vieux capitaine. Elle était donc bien une mage, dans un domaine de magie assez particulier. Bien, elle avait concédé à se dévoiler plus qu'il ne l'avait espéré. Après avoir concédé à cet effort, elle invita Odric à faire de même, via une question subtile et espérant que lui aussi, fera comme elle. Le demi-elfe n'avait pas son impétuosité. Chaque chose devait se dévoiler en son temps ; où serait le plaisir de la découverte sinon ?

'' Des facettes intéressantes, dites-moi. Pas étonnant que vous soyez si avide de connaissances''

Il porta son œil unique vers les deux immenses lions, toujours présents et attentifs à leur maîtresse. Voilà qui confirmait parfaitement son niveau qu'elle avait révélé. Ce n'était pas tout le monde qui pouvait se vanter de dresser des Néméïdes. Au moins, l'emploi de sa magie se portait dans un autre domaine. La nécromancie, avait-elle dit. Est-ce que la mort ou la communication avec les défunts étaient une forme d'art pour elle ? La question appelait à une plus grande réflexion. Il se retint de porter une fois encore son verre à ses lèvres. Il avait le temps de savourer ce vin, donc point d'empressement.

''Ma famille est dans le commerce maritime depuis bien des générations, si ce ne sont pas des siècles. C'était alors d'office une porte ouverte pour moi. Et en Ikhyld, on ne peut prétendre à certaines places que si nous nous trouvons dans les hautes sphères... ''

Si elle avait connaissance de la ''hiérarchie'' en Ikhyld, elle aurait tôt fait de comprendre qu'il n'était pas qu'un simple capitaine. Il ne doutait pas qu'à sa manière de s'exprimer et de se comporter, il était bien au-dessus du rang de simple bourgeois. Puis, il rajouta un petit effort pour complaire à la jeune Comtesse, pour la rassasier un peu.

''Avant d'être capitaine, j'ai appris les bases de la profession comme simple mousse. Rien ne vaut l'apprentissage en partant de rien, en termes de connaissances. ''

Et dès qu'il avait eu à mettre le pied, en tant que jeune adulte, sur le pont d'un navire pour apprendre les ficelles du métier de capitaine, les anecdotes ne manquaient pas. Qu'elles soient magnifiques ou terribles. Magnifiques à partager, comme il venait de le faire en narrant une des splendeurs de l'océan rencontrée durant un de ses traversées, brutales à se rappelant quand d'autres le marquaient à même le visage. Bien entendu, Odric privilégiait toujours la beauté de la mer que de l'horreur apportée par la guerre qui avait sillonné sa surface et qui pouvait persister dans d'autres endroits.

''La mer offre très souvent des cadeaux à contempler. Il faut juste être là au bon moment et surtout, savoir où regarder. La mer est exigeante en termes de respect. Si on croit la maîtriser, on apprend chèrement ses leçons. Mais en effet, je la respecte et la respecterai toujours. Et j'espère qu'un jour, il vous sera donné de contempler un de ses spectacles, qui sauront dépasser la splendeur d'une de vos peintures. Mais il y a déjà une chose que vous saurez immédiatement apprécié quand elles seront déployées. ''

Ça, c'était pour répondre à son impatience marquée de voir ses couleurs comtales flotter dans la brise marine quand Le Cetus prendra la mer, voiles et étendards déployés.

''Vous remercierez vos couturières et couturiers. Ils ont accompli un travail conséquent et en peu de temps. ''

La Comtesse avait dû mettre tout son personnel le plus compétent pour arriver à terminer l'étoffe et avec des matières capables de résister à des voyages en mer. Puis pour la suite, il eut un étrange petit sourire.

''Nul besoin de répéter ce qui est l'évidence même aux yeux de ce monde. Mais je tiendrai sous silence l'intérêt plus que certains que vous avez à l'égard de l'Empire. ''

La jeune femme avait de l'ambition, elle ne le cachait pas. Elle était magicienne et il était presque naturelle que des gens étant doté de la capacité de la maîtriser puisse sentir son appel au travers de la nation qui la comprenait et là respectait le plus. Après, pour ce qui était de l'alliance qu'elle espérait avoir au travers du Capitaine, tout ne serait qu'une question de temps.

''Un symbole fort, qui j'espère, ne provoquerai pas d'animosité auprès de vos voisins. ''

Puis, la Comtesse fit mine d'être légèrement désolée de parler autant, n'omettant pas totalement qu'il y avait un repas qu'elle avait fait préparer pour son invité ; et ses deux serviteurs qui s'étaient rajoutés à la liste. Odric avait pris place dès que la maîtresse des lieux s'était installé. Son personnel de maisons s'était activé pour faire venir les plats un à un. Odric put reconnaître certains mets. La Comtesse avait dû veiller à ce qu'il se sente à l'aise en ayant quelques spécialités ikhyldienne. Il sourit intérieurement à cette attention, pendant que ses deux marins gardaient un bien étrange silence en voyant un des serviteurs approcher des deux lionidés. Un des deux déglutit même, espérant que tout se passerait bien pour lui.

Avoir deux Néméïdes, affamés, forcément, il était impressionnant de les voir se jeter sur leur repas tout juste apporté.

Une fois que la Comtesse eut choisi quelques mets présentés, Odric avait fait la même chose. Son verre avait été resservi, mais il attendra un peu avant d'y retremper ses lèvres. Il n'était pas là pour plonger dans l'ivresse.

''Je présume que vous souhaiteriez, dans un avenir proche, voir Le Cetus transporter certaines de vos marchandises à des intervalles réguliers ? ''

Un fin sourire illumina le visage de Pandora quant aux multiples facettes. Si elle avait consentis à lui donner ses informations, elles étaient incomplètes. Le reste était bien plus secret. Même aux Duchés personne ne connaissait son véritable pouvoir. Et d’ailleurs elle s’appliquait à le cacher pour garder une carte dans sa manche et profiter d’un effet de surprise des plus conséquent s’il advenait que la guerre venait aux portes de son Comté. Elle acquiesça aimablement à ses petites révélations. Elle ne prenait pas la tour qui se cachait derrière la Reine pour ce tour, mais si l’esquive avait été de toute beauté et fortement habile, elle appréciait néanmoins la capacité du Capitaine à manier les mots justement.

« Hummm… une certaine habileté à manier les mots, une bienséance à toutes épreuves, autant qu’une élocution des plus plaisante… »

Dit elle en faisant tourner doucement le liquide carmin dans son verre.

« Je me doutais déjà que vous étiez issue de la haute société Ikhyldienne Capitaine… ce qui m’intriguait le plus en revanche était de savoir à quel niveau… »

Ajoute t’elle ensuite d’un ton doux en reposant son regard émeraude dans le sien, stoppant la rotation de son verre. Il avait été mousse avant de gravir les échelons… comme c’était attendrissant… bien qu’elle n’y croyait que peu, elle ne le montra pas ce contentant d’entrer dans son jeu.

« Avoir des bases solides. La clef de voûte d’un apprentissage bien fait. »

Après tout elle aussi avait commencé par les bases avant de devenir une Nécromancienne connue dans les duchés pour ses compétences. Et ses histoires de paysages marins avaient quelque chose de féerique. Tout en prenant une petite bouchée de son plat, elle écoutait avec attention. Elle prenait rarement le bateau. Elle trouvait cela trop lent. Mais après tout, pourquoi n’essayerait elle pas un jour. Elle hausse les épaules en souriant amicalement.

« Et bien qui sait? Peut être qu’un jour vous me ferez l’honneur de m’offrir une croisière sur votre magnifique navire si je dois me rendre en Ikhyld par exemple?

Une façon pour elle de montrer autant son intérêt pour ce qu’il lui racontait qu’une opportunité de poursuivre quelques échanges. La suite revenait à des discussions plus « diplomatiques » ce qui étira largement son sourire. Il est vrai qu’à la voir, elle était une jeune Comtesse, aimable et accueillante. Son autre facette était savamment cachée pour l’heure.

« Ikhyld et les Duchés ne sont pas en guerre que je sache? Et pour ce qui est des problèmes de voisinage, si actuellement vous me voyez telle une mer d’huile, calme et sereine, sachez que je peux me montrer aussi terrifiante et dévastatrice que l’onde déchaînée en pleine tempête… comme vous l’avez dit vous même, les femmes sont comme la mer Capitaine… il faut manœuvrer avec prudence et respect avec elle…

Oh ce n’était guère une menace. Plus une façon d’appuyer sur ce qu’il avait pu observer en arrivant. La Comtesse maîtrisait sans doute la stratégie militaire mieux qu’elle n’en avait l’air et elle restait une Archimage possiblement puissante. Et suite à la dernière question du Capitaine, elle en profita pour re glisser le symbole du Cetus transportant ses marchandises. Elle avait absolument tout prévue en amont déjà.

« La prochaine cargaison que vous aurez à transporter pour le retour Capitaine, est des plus précieuse et coûteuse. Et c’est à un Capitaine Ikhyldien que j’ai choisis de la confier… voyez cela comme un pas que je fais vers votre nation. Une marque de confiance quant à une entente possible. Acquittez vous de cette tâche avec brio, ce dont je ne doute absolument pas d’ailleurs, et vous aurez bien d’autres marchandises à transporter à intervalles réguliers pour le Comté en effet. »

Explique t’elle avant de porter son verre à ses lèvres.

Spoiler:

La partie d'échec devenait un peu plus stratégique. Attentif à chaque mot qui roulait à travers ses lèvres, elle avait ouvert une porte dans lequel il avait doucement approché avant d'y entrer. Il avait consenti à se dévoiler un peu, mais en faisant comme elle, en n'offrant pas tout d'un coup. Et elle avait su depuis le début déjouer ses petites esquives, car elle était revenue à la charge. Elle était tel le cyclone. D'abord, il y avait eu une phase d'approche, pour franchir les premières difficultés. Et maintenant qu'il se trouvait dans le cœur de celui-ci, la sérénité qu'il offrait n'avait été que de courte durée, pour mieux affronter un nouvel assaut. Et elle avait fait son approche habilement.

Après avoir mis en évidence qu'elle était déjà plus ou moins au courant de sa noble position, en apportant les preuves par ce qu'elle avait découvert chez le capitaine, sans aucune peine, puisqu'il n'avait pas cherché à le cacher, elle souhaitait ardemment savoir où lui se trouvait dans le grand milieu de la haute société Ikhyldienne. Il ne pouvait pas rester indéfiniment derrière son rang de capitaine. Il était bien plus qu'un simple marin commandant son propre vaisseau. En même temps, on ne s'attendait pas à avoir un homme causer comme un rustre ou un pécore quand on était ikhyldien comme lui. Bien. Peut-être qu'il devait se montrer bon joueur et accepter qu'elle avait bien mené sa barque, pour l'instant. Et puis, il ne pouvait guère esquiver cela, vu qu'elle demandait cela avec une charmante politesse. Lui qui s'était attendu que même les dames de haut rang dans les Duchés étaient plus… Martiales. Et la Comtesse était clairement au-dessus de cela.

''Hum... parce que vous ne pensiez pas que je puisse être qu'un simple capitaine. Il y a trop de détails qui démontrent que je suis bien plus... même si j'ai appris tout ce que je sais par les bases… ''

Il joua à son tour avec son verre de vin, regardant les petites vagues marquer un peu l'intérieur du verre avant de rejoindre le contenu principal. Le cyclone reprenait son offensive, il tenait la barre. Il ne pouvait pas le fuir.

''Je suis Grand Armateur. Je possède ma propre petite flotte commerciale. ''

Et Le Cetus en est le joyau le plus splendide. Maintenant, il guettait la réaction de son hôtesse, vu qu'il n'avait pu que céder à ce qu'elle attendait depuis tantôt. L'effet inverse était que cela pourrait renforcer son approche chez les Duchéens. Certes, elle avait déjà évoqué que par son intermédiaire, elle l'aiderait à se faire une petite place sur le commerce des environs, mais il n'omettait des effets que pouvait avoir déjà provoqué l'arrivée de son navire dans le port d'Esperanza, qui pourrait poser quelques problèmes de convoitises dans un avenir assez proche. Ça, il ne le négligeait pas.

''Il y aura une place à bord, si jamais vous souhaiteriez venir à mon bord pour voyager par la voie des mers. Qui sait, vous pourriez y prendre goût… ''

Qui sait si elle disait cela avec franchise ou pas. L'essentiel était que chacun y trouve son compte. Après avoir narré une de ses belles observations maritimes, elle pourrait être, un jour prochain, être intéressée de voir la beauté de la mer même, en plein milieu de l'océan. Allez, cette fois, il prit la décision de retremper ses lèvres dans le vin, afin d'apprécier malgré la boisson locale. Et si la Comtesse pouvait se montrer redoutable, à ce qu'il venait d'entendre, il ne douta pas une seule seconde que c'était à prendre à la légère. Elle était Comtesse, elle était là, présente devant lui. Donc, elle savait faire front contre les conflits internes et tellement communs aux Duchés. Il posa son verre.

''Pas aux dernières nouvelles en effet. Et peut-être que vous savez vous faire respecter de vos... voisins, mais sur la terre. Par la mer, vos voisins pourraient avoir une autre influence et que là, vous pourriez ne pas anticiper. Esperanza n'est pas qu'un Duché proche de la mer.... Mais pour vous rassurer, je ne redoute guère les pirates et les mercenaires des mers qui pourraient être engagé pour arraisonner mon navire. Ce sont eux qui se mettraient sérieusement en danger. M'affronter n'est pas une bonne idée, en plus d'avoir votre courroux derrière… ''

Et le Cetusétait rapide et surtout… Armé. Mais avant d'en arriver à de telles extrémités, il avait une grosse et belle marge. Dans cette conversation, il mettait en avant que la Comtesse, bien qu'elle était une femme volontaire et sûre de ses capacités, ne l'effrayait pas non plus. Terrifiante comme la pire des tempêtes... Il avait déjà affronté bien pire.

''J'y veillerai comme à la prunelle de mes yeux dans ce cas. Et elle sera assurée d'arriver à bon port ''

Il reprit son verre et imita la Comtesse, en reprenant une énième gorgée, tout en petite quantité. Restait à savoir comme la jeune femme envisageait de conclure les prochains transports. Et là, il lui laissa un coup d'avance...

Et le fou prenait finalement la tour au prix de son sacrifice quand le pion fut avant mangé par la reine… une partie difficile à mener mais néanmoins des plus intéressantes. Il fallait parfois avancer quelques pièces et les mettre en danger pour espérer remporter la partie. Elle venait de sacrifier deux de ses pièces pour une seule sur l’échiquier de cette conversation, mais le jeu en valait largement la chandelle. Car ce qu’elle apprit était des plus digne de son intérêt. Ainsi donc la Capitaine Shiromizu disposait d’une flotte entière voilà qui était merveilleux même! Un sourire étira légèrement son visage alors que ses yeux se plissèrent légèrement, amusée par la cachoterie dont il avait fait preuve.

« Voilà qui est des plus intéressants Capitaine… et impressionnant aussi… »

Cependant elle laissa planer ses mots, comme un vent apaisant venant caresser le visage lorsque l’on était près de la mer. Une sorte de calme après une tempête. Faire naître une certaine intrigue dans l’esprit du Capitaine. Tel était le but de la manœuvre. Pourquoi était ce intéressant? C’était à présent à elle de protéger sa tour et au Capitaine de passer à l’offensive s’il le souhaitait. Et à « l’invitation » d’Odric elle ne put qu’acquiescer lentement, toujours avec un sourire aimable.

« Ce sera un réel plaisir de partager ce moment auprès de vous Capitaine Shiromizu. Habituellement je ne prends pas de navire de transport pour me rendre au plus vite en Ikhyld. Mais quand le temps me le permettra, ce sera un honneur pour moi de faire cette traversée et découvrir les beautés de l’océan que vous me contez depuis tout à l’heure. »

Et en parlant d’Esperanza, elle lâcha un léger rire cristallin qu’elle cacha derrière le dos de sa main. Elle connaissait plutôt bien les autres duchés et savait pertinemment que ce port était plus un repaire de pirates qu’autre chose.

« Je sais parfaitement qu’Esperanza n’est pas qu’un Duché proche de la mer. Et c’est exactement pour cela que je vous ai demandé de vous y rendre Capitaine. Je devais voir si cela allait vous rendre hésitant ou non. Et je dois reconnaître que vous avez passé ce petit test avec brio! »

Le félicita t’elle avec un sourire courtois et un regard malicieux.

« Pour vos prochaines livraisons vous pourrez passer par Storsenia. Ce sera bien plus sûr. »

Ajoute t’elle ensuite en retrempant doucement ses lèvres dans son verre en prenant une petite gorgée.

« Je vous accorde que le Comté ne dispose pas de flotte maritime. Pour une raison évidente bien sûr… toutefois voir arriver un navire arriver avec les couleurs du Comté d’Emeraude, devrait intriguer les autres Ducs et Comtes justement… »

Et ainsi elle garderait un certain contrôle sur les Ducs et autres Comtes souhaitant profiter du Cetus indirectement. La bienséance voudrait qu’ils se renseignent avant de venir parler au Capitaine du navire. Ce qui lui assurait possiblement d’autres accords lucratifs.

Le vieil homme ne rajoutait rien de plus sur sa flotte. Elle n'était pas impressionnante au regard d'autres armateurs. Mais pour la Comtesse, c'était déjà quelque chose. Elle voyait sans doute d'autres navires venir aux Duchés avec ses couleurs. Elle était ambitieuse, elle ne le cachait pas. Mais là, peut-être l'était-elle un peu trop ? Il était encore trop tôt pour réellement se projeter dans l'avenir. Pour l'instant, Odric était dans l'idée de rester à faire les traversées uniquement avec Le Cetus. Plus tard, probablement, s'il avait des ''ancrages'' sûrs et certains, qu'il y trouvait son compte, il pourrait étendre ses affaires. Mais pour l'instant, Les prémices de cet échange étaient à prendre à son rythme. Le Capitaine avait le temps de toute façon.

Il reposa son verre sur la table, gardant toujours son œil bleuté scruté sur la dame.

''Très bien. Je comprends que vous avez des charges et des devoirs à accomplir pour votre domaine. Être d'un haut rang reste et demeure un travail chargé. Je ne doute pas que vous arriverez à trouver le bon moment. Je me permets la suggestion suivante : optez pour une traversée en dehors de la saison des tempêtes. Il serait fâcheux de demeurer en cabine à cause du gros grain… ''

Et surtout guère agréable si elle était sujette au mal de mer.

Et pour la suite, pour sûr qu'elle était parfaitement au courant de la réalité qu'était le Duché d'Esperanza. Il demeurait impavide quant au fait que c'était pour tester sa témérité, ou son assurance de maîtriser sa venue dans des eaux un peu dangereuses. Maintenait-elle une certaine pression dans son jeu ? Ou bien était-ce pour tester son égo ? Un peu des deux, semblait-il... Bien souvent, les femmes se plaisaient à titiller la fierté masculine.

''Si j'avais estimé que le voyage se serait avéré trop dangereux, je ne serai présent, au sein de votre beau Comté''

Il gardait toujours son œil unique braqué sur elle, avec une étrange lueur qui passa à sa surface ? Était-ce un brin d'amusement qui venait d'y passer ? Qui sait…

''Je prends bonne note de cette destination. Sachez que cela dépendra du temps. La mer commande la navigation, mais également du vent. ''

Il tenait à rappeler qu'il était encore décisionnaire de son navire et de ses voyages, voyant la lente et douce approche de la Comtesse pour lui dicter quoi faire. Il comprenait parfaitement, qu'elle avait l'habitude de commander et de se faire obéir. Mais si elle espérait avoir la totale main mise sur lui, elle se trompait un peu. Mais elle était intelligente, elle trouvera une parade pour arriver à ses fins. Et à cela, il en sourit intérieurement. Sûr qu'elle n'en restera pas là.

''Ils seront intrigués et plus tard, certains essaieront des approches pour m'attirer dans leurs filets. Ils découvriront rapidement que sous vos couleurs, il y a aussi les miennes. Il sera intéressant de voir leur tête à ce moment-là. ''

Il ne doutait pas qu'il y aurait possiblement des pressions à son égard. Mais celles ou ceux qui auront cette idée apprendront vite à déjanter, surtout qu'il y aura le pavillon d'Ikhyld au sommet du mât de son navire. Mais actuellement, les Duchés se préoccupaient plus de Teïder avec la guerre qu'ils avaient déclenchée. Bien, il était temps pour lui de revenir sur la cargaison évoquée précédemment

''Dites-moi, la cargaison qui viendra alourdir mes cales, pour reprendre une partie de vos termes, est-elle conséquente ? ''

Hummm… aucune question ni remarque sur sa phrase laissée en suspend… voilà qui la surprenait intérieurement bien qu’elle resta impassible, cachant sa surprise. Un armateur qui ne serait pas intrigué quant à ses desseins étant duchéénne en prime… que pouvait il bien cacher d’autre? Mais pour l’heure, il fallait faire retomber la pression et savoir faire preuve de patience. Elle ne menait pas un interrogatoire et il était son invité. La finesse et la subtilité étaient de mise. Elle laissa donc ce point de côté dans son esprit. Pour le moment du moins… elle acquiesça ensuite quant à la saison.

« Bien entendu Capitaine. De même que quand vous serez disposé à me laisser prendre place à bord bien entendu. Après tout vous êtes le maître de votre navire. »

Sourit elle aimablement. Il s’agissait tout de même de ménager l’entente entre deux nations et il était le premier vrai contact important qu’elle avait actuellement en Ikhyld. Un Armateur avec une flotte de navire qui plus est, ce qui lui permettait d’en plus profiter d’un moyen de transport fiable et relativement rapide.

« Je vois que vous n’êtes guère impressionnable facilement Capitaine. J’avais cru le remarquer lors de notre première rencontre quand Diamant et Rubis se sont mis entre vous et moi… mais aller à Esperanza sans crainte des pirates, cela force le respect… »

Admet elle.

« Vous avez dû voir ou affronter bien des épreuves pendant deux siècles… »

Fait elle remarquer respectueusement. Après tout un Capitaine mais avant tout un marin avait bien du voir pas mal de choses effrayantes en mer. Bien que ses hommes d’équipage l’accompagnant semblaient moins sereins quant aux Néméïdes…Peut être était-ce dû à une expérience de vie moindre… elle se contenta d’acquiescer quant à Storsenia. Après tout, tant que la marchandise arrivait au Comté, il pouvait bien s’amarrer ou ça lui chantait… et pour ce qui était de la cargaison cela lui tira un léger sourire.

« Je ne saurais trop estimer n’étant pas marin ou Capitaine moi même, mais je pense que… votre ligne de flottaison? C’est bien comme cela qu’on l’appelle Capitaine? Sera à pleine charge? »

Elle semblait hésiter grandement sur les termes employés. Ou peut être le feignait elle… difficile à dire, tant son visage ne montrait aucun indice quant à cela.

« Il s’agit d’une importante cargaison d’émeraudes. Elle est donc des plus précieuse. Et il y’aura bien une dizaine de chariots…une partie ira au village de Vivemort ensuite, une autre au Cercle et enfin une dernière devrait normalement aller vers la Cité de Jade… »

Explique t’elle tranquillement tout en piochant un met dans un plat en plongeant son regard dans celui du Capitaine.

En effet, Odric n'avait pas répliqué. Il voyait sa flotte assez petite en termes de taille en comparaison de ce que possédaient sa propre famille et les autres éminents autres Grands Armateurs. Donc, face au "compliment'' de la Comtesse, il avait jugé bon de demeurer dans la modestie. Mais la jeune femme reviendra à l'assaut sur ce point-là, à sa manière.

''Pour vous, Ma Dame, il y a toujours de la place, dès que le souhaiterez. Même maintenant si vous le désirez. Ma cabine sera vôtre dès que le désir vous prendra de naviguerLe Cetus. ''

Prendre un passager, voir plusieurs n'était jamais un problème pour lui. Il fallait juste qu'il sache qu'il aurait des personnes en plus à bord, quelques heures avant de lever l'ancre, afin d'avoir le temps de faire les préparatifs nécessaires pour assurer un minimum de conforts à ces invités. Car ce n'étaient pas des gens de basse extraction qui prenaient pied sur le pont du vaisseau. Puis, vint l'offensive presque prévisible de la Comtesse, qui tenta une approche sous un autre angle. Elle avait noté que le vieux capitaine n'avait guère eu de frayeur ou de surprise en voyant la dame en la compagnie de ses deux puissants lions. Ça ou encore le fait d'avoir eu à naviguer dans des eaux réputées être tenues par les pirates duchéens du port où il avait accosté. Esperanza pouvait se targuer d'avoir des équipages compétents... mais prudents également. Voir un navire ikhyldien d'une forme peu commune ne poussait pas à aller le titiller. Mais qui sait, un jour prochain, un de ces pirates jouera un peu trop d'audace pour tenter un abordage. Et puis, il maîtrisait la magie de l'eau, donc il n'était pas dépourvu de défense.

''Vous avez parfaitement deviné, Ma Dame. Deux siècles de vie à naviguer et à voir le monde fait qu'on devient un peu… rôdé à ce qui nous entoure. Et puis, pour vos deux puissants Néméïdes, c'était plus votre personne qui a impressionné et formé un certain respect. Se faire obéir de ces deux félins n'est pas à la portée de n'importe qui. ''

Elle aurait bien compris qu'Odric ne laissait guère transparaître ses émotions sur son visage marqué. Mais elle aura saisi qu'il exprimait lui aussi du respect à son égard. Et pour les forbans des mers, il rajouta un petit point sur eux.

''Les pirates d'Esperanza sont majoritairement avisés. Ils ne joueront pas d'imprudence à l'égard de mon voilier ; du moins pas dans l'immédiat. Je ne doute pas que Le Cetus fasse déjà parler de lui au sein de quelques équipages en mal d'aventures et de capture en pleine mer. Comme le fait que son capitaine se soit rendu à votre Comté... Un navire Ikhildien qui accoste dans ce port, son capitaine qui se rend chez une comtesse à l'assurance certaine… J'imagine sans mal le nombre de rumeurs qui sont déjà en train de naître dans certaines conversations. Qui sait, à l'heure où nous parlons, certains hères frémissent déjà de voir débarquer vos deux Néméides...''

Bien, pour ce qui était de la cargaison maintenant… Il était déjà en train d'évaluer comment il la fera répartir en soute avant de reprendre la mer. La stabilité et l'équilibrage de cette dernière était important pour permettre à un navire de parfaitement naviguer. Mal réparti, dans une tempête, cela pouvait faire un contre poids néfaste et qui provoquait les naufrages. Le Cetus ne connaîtra jamais cela tant qu'Odric sera à sa barre.

''Vous employez le bon terme, Ma Dame.''

Heureusement que son Second attendait toujours son aval pour charger le navire en son absence. Peut-être qu'il aura déjà quelques promesses de cargaison, mais tant qu'il n'apportait pas son mot, rien n'était chargé à bord. Et cela était tout à l'avantage de la Comtesse.

''Si vous jugez que mon navire doit se rendre dans un autre port pour embarquer votre marchandise, qui est d'une valeur conséquente, ce ne sera pas un souci. À moins que je sous-estime la sécurité que vous aurez mise en place pour le voyage cette dernière ? ''

Il acceptait de se rétracter un peu vis-à-vis de la conversation. La Comtesse était une femme qui savait ce qu'elle voulait et qui savait ce qu'elle faisait. Que de mieux que de la complimenter de manière un peu parallèle avec sa question. Il tendit la main pour prendre un quartier de fruit qui était à sa portée de main, dans un plat proche. Sous ses dents, il était croquant et juteux à souhait.

« Vil tentateur que vous êtes Capitaine… vous venez de me faire miroiter de magnifiques paysages marins et à présent vous me proposez une place dans votre cabine… »

Répond la Comtesse sur un ton léger avec un léger rire cristallin. S’il y’a bien une chose avec laquelle elle aimait jouer, c’était avec les mots et la séduction. Après tout, même le plus incorruptible des hommes restait rarement de marbre longtemps face aux sourires enjôleurs et aux yeux d’émeraude. Et ce n’est pas l’un de ses Barons qui dirait le contraire, car elle le menait par le bout du nez depuis quelques années déjà grâce à ce stratagème.

« Prenez garde… je pourrais bien vous prendre au mot et vouloir assurer la livraison jusqu’en Ikhyld avec vous… »

Ajoute t’elle avec un regard faussement menaçant et sur le ton de la plaisanterie. Cela se voyait de par son sourire qu’elle ne cachait pas. Après tout il serait dommage ne se méprenne quant à ses intentions en prenant cela comme une véritable menace de sa part. Et le compliment qui suivit la fit sourire d’autant plus. Elle pouvait bien se montrer plus terrifiante que ses Néméïdes si elle le voulait. La nécromancie lui permettait cela aisément. Peut être d’ailleurs que même un Capitaine peu impressionnable comme lui n’y résisterait pas ou alors difficilement. Mais elle n’avait aucune raison d’utiliser de sa magie pour cela. Elle n’était guère menacée après tout.

« Et votre expérience autant que votre statut social vous ont appris à savoir utiliser les mots adéquats pour vous faire apprécier des dames… »

Souligna t’elle en reprenant une petite gorgée de vin. Et pour ce qui était des rumeurs cela lui tira un nouveau sourire satisfait. Il avait sans doute plus ou moins compris son plan à présent. Les rumeurs dans les duchés se répandaient aisément comme une traînée de poudre. Chaque Duc, chaque Comte, avait ses informateurs pour se tenir au courant des dernières nouvelles. Et elle comptait bien frapper un grand coup avec le Cetus au port d’Esperanza. Surtout quand celui ci hisserait l’étendard du Comté d’Emeraude en partant. Bien que ce ne soit pas le cas, cela s’affichera en quelque sorte comme sa propriété et fera parler d’elle. Les plus avisés des Ducs y verront bien sûr le stratagème, mais cela fera parler d’elle. Et si tout les duchés du sud ne la connaissaient pas personnellement, elle était tout de même connue comme une puissante nécromante par beaucoup d’habitants.

« Il serait en effet mal avisé que des pirates ou des brigands en mal d’aventure ne se hasardent a attaquer la cargaison sous escorte du Comté d’Emeraude… mal avisé et extrêmement dangereux pour eux en plus… les lois de mon comté sont très strictes quant aux vols… »

Le vol était puni d’amputation. Même si dans les faits ce n’était pas toujours le cas. Mais si l’on s’en prenait directement aux possessions de la Comtesse, il y avait de fortes chances qu’elle applique la loi avec une violence redoublée… et un nouveau sourire étira son visage à la mention de changer de port.

« La cargaison sera certes conséquente, mais guère plus protégée que celle que vous venez de livrer justement pour ne pas attirer l’attention sur elle. La seule différence sera que des mercenaires sur pégases voleront haut dans le ciel et prendront les devants afin de prévenir toute tentative d’embuscade à partir d’Emeraldia. Ainsi en apparence du moins, ce ne sera ni plus ni moins, qu’une simple cargaison de vivres ou d’alcool en partance pour votre nation Capitaine… »

Explique t’elle aimablement non sans un regard malicieux.

« Oh d’ailleurs en parlant d’alcool! Servez nous une Vipérine. Pour le Capitaine et ses hommes! »

Ordonne t’elle à son personnel qui se hâtera d’aller chercher une bouteille d’alcool ambré pour en servir quatre petits verre qui seront distribués aux convives. Un alcool très fort qu’il faut boire d’une traite.

« La Vipérine est la spécialité du Comté d’Emeraude. C’est un alcool à base de plantes macérées et de venin de vipère. Cela réchauffe le corps par temps de grand froid. »

Explique t’elle souriante en levant son verre avant de l’avaler d’une traite puis de le reposer sur la table, observant les réactions de ses convives.

Ne désirant pas que la conversation vienne à créer quelques malentendus, à cause de possibles sous-entendus, il se racla doucement la gorge, avant d'attraper son verre et taire rapidement la confusion qui montait quelque peu ; confusion bien entendu provoquer présentement par la jeune femme, qui n'avait pas manqué de lancer une attaque surprise sur un terrain souvent glissant quand on n'y prenait pas garde. Heureusement qu'il n'avait pas rougi. Manquerait plus que cela qu'il en vienne à afficher cela sur son vieux visage. Après avoir fait passer le léger trouble par une gorgée un poil plus grand que le précédent, terminant presque là le contenu de son verre, il darda son œil bleu sur la Comtesse. Pourrait-il la prendre au mot sans que cela recrée la petite perturbation de l'instant ? Il devenait évident qu'elle était une redoutable interlocutrice, usant pleinement de ses charmes pour espérer le mener là où elle voulait. Bien qu'il était âgé de deux siècles, il y a des choses où la lutte peut être bien plus difficile que d'affronter de face une vague scélérate.

''Mon retour vers Ikhyld pourrait être un beau défi à relever, avec votre présence à bord... ''

Il renfonça donc cette tentation.

''Il m'arrive d'apprécier certains challenges. ''

Et à voir son œil unique braqué sur la Comtesse, il était facile de comprendre que la Comtesse représentait une sacrée adversaire, sur le jeu de l'oration et de la négociation. Il y avait un petit moment qu'il n'avait pas eu ce genre de petits affrontements amusants et il avait l'air d'aimer ce moment, même s'il n'en faisait pas étalage. Naviguer pouvait être un combat en soi durant une tempête. Mais se confronter à une dame telle que la Comtesse était un combat différent, qui demandait beaucoup de subtilité. Car elle était forte, très forte.

''Vous me flattez, Ma Dame. Vous allez finir par me faire rougir... Des femmes de votre rang méritent qu'on ait les mots adéquats pour les respecter au plus haut point.''

Il nota les informations qu'elle apporta par après, sur les risques encourus par les brigands qui pourraient être dans l'idée de s'en prendre à sa cargaison. Elle tenait donc bien son comté d'une main ferme et ne tolérait guère les vols. En même temps, cela se comprenait. Quand on avait de l'ambition, les fonds financiers étaient vitaux. Hormis cela, il était heureux d'apprendre qu'elle avait prévu d'avance la sécurité de ses précieuses émeraudes.

''Comme les Duchés ont forte réputation pour la qualité de certains vins, il est normal de protéger les meilleurs crûs en vue de leur livraison à Ikhyld''dit-il comme pour se prendre déjà au jeu de la petite supercherie prochaine. ''[/b]Et puisqu'ils étaient sur le sujet de l'alcool, la Comtesse rebondit avec enthousiasme sur une dégustation à faire. Elle demanda à son personnel de sortir le nombre de verres assorti au nombre de ses convives et de sa personne.

Odric, en entendant le nom de l'alcool, se permit un petit plissement de sourcil. Quand la bouteille fut amenée et qu'on remplissait les verres, il s'était presque attendu à voir un reptile rampant en train de baigner, en pleine fermentation, dans l'alcool. Il ne fut nullement question de cela visiblement. Ou alors, on avait retiré l'animal pour rendre le breuvage plus présentable.

Les verres furent tendus. Odric ne pouvait guère refuser et avait pris le sien en main. Ses deux marins avaient déjà imité la Comtesse, se retenant pour l'un de tousser face à la force de l'alcool et l'autre, d'avoir eu une belle gourmandise liquide à boire. À voir son regard, il se retenait de demander s'il pouvait en avoir un autre et à voir son capitaine, il s'abstint rapidement.

Bien, le vieil homme devait se lancer et il fit comme la Comtesse, il but son verre d'une traite. Et lui qui appréciait plus les saveurs que la force de l'alcool, il dut cesser de respirer pour encaisser le choc de la force alcoolisée du breuvage. Il avait fermé sa paupière, le temps de tousser, avec un minimum de politesse pour faire passer la brûlure qui irradia sa gorge et son œsophage.

Après s'être un peu repris et surtout remis de cette forte réaction.

''Et bien... Une forte spécialité que votre Comté possède là. Pour réchauffer subitement, votre boisson réchauffe. Je ne pensais pas que nous étions si en froid que cela durant notre conversation. ''

Hum... ça lui brûlait encore la gorge, mais cela passait doucement. S'il n'y avait pas eu cette force éthylique, il en aurait apprécié les saveurs boisées qu'il avait eu que brièvement le temps d'apprécier avant de sentir la vague brûlante lui assaillir violemment les sens... et en prime, il se doutait pourquoi la comtesse lui avait fait boire cela. La teneur en alcool de cette liqueur était forte aussi. La comtesse avait un autre plan derrière la tête, pour essayer de lui faire tourner la tête. En prime de ses charmes, elle montait d'un cran. Vraiment habile de sa part. En tout cas, si jamais la Vipérine lui montait trop à la tête, il saurait y parer... À moins que… cherchait-elle à évaluer ce dont il était capable en termes de magie... Elle connaissait assez Ikhyld pour savoir qu'on n'était pas dans les hautes sphères sans posséder le talent magique qui allait avec.

Décidément, elle était vraiment redoutable, la Comtesse Rosamonde.

Un petit éclair de malice passa dans le regard émeraude de la Comtesse. Il prenait cela comme un défi donc? Elle, voyait cela comme un prolongement d’une partie d’échec intéressante qui continuerait sur le Cetus. Serait il en mesure de tenir toute une traversée?

« Voilà qui me comble d’aise! »

Répond la Comtesse enjouée en tapant dans ses mains une unique fois. Son personnel se regarda ne sachant pas trop s’il allait avoir une demande particulière ou non. Mais il n’en était rien. Avec un grand sourire elle reprit.

« Il faudra juste me laisser le temps de prendre de quoi me vêtir convenablement pour le voyage Capitaine Shiromizu. »

Et si rumeurs il y avait, avec son arrivée à Esperanza, son étendard flottant au vent au départ et son embarquement sur le Cetus, les rumeurs ne feraient qu’enfler encore plus. Bientôt tous les Duchés seraient au courant. Cela ne faisait aucun doute et cela l’enchantait au plus haut point.

« J’espère que le challenge dont vous parlez n’a rien à voir avec ma tendance à être exigeante? »

Demanda t’elle avec une petite moue et des yeux de biche. Car là il allait vraiment être au cœur de la tempête. Il ne pourra que difficilement souffler malgré ses occupations. Et le Cetus ne lui offrirait guère de distance pour « s’évader » bien longtemps de son contact… elle acquiesça ensuite à ses suppositions avec un sourire satisfait.

« Vous apprenez vite décidément… Dans les duchés il faut savoir faire preuve d’inventivité et de ruse pour faire passer certaines cargaisons sensibles sans encombres. »

Et de cela elle n’en manquait pas. Pinçant ses lèvres à la toux subite du Capitaine pour ne pas avoir l’air de se moquer quand il bu l’alcool de Vipérine.

« C’est un peu fort comme je vous l’avais dit Capitaine… »

Dit elle finalement sur un ton amusé.

« Mais je vous rassure… nous n’étions pas en froid… j’aime parfois faire monter la température d’un cran…comme je vous le disais le climat montagnard est parfois glacial… »

Souffle t’elle d’un ton doux en penchant légèrement la tête sur le côté laissant tomber une mèche de cheveux le long de son épaule. Elle leva ensuite doucement son index pour faire signe au Capitaine d’attendre.

« Vous allez voir d’ici quelques secondes, lorsque la brûlure de l’alcool sera un peu passée… une douce explosions de saveurs végétales viendra caresser votre palais… vous y retrouverez de nombreuses saveurs de plantes qui viendront l’une après l’autre se mêler… »

Elle tapa ensuite dans ses mains une fois de plus cette fois à l’intention de son personnel.

« Vous là. Remontez moi une caisse de Vipérine du meilleur crû et posez là près du coffre où se trouve l’étendard pour le Capitaine Shiromizu je vous prie. »

Le valet après s’être incliné bien bas s’exécuta prestement en quittant la pièce, pendant que ses yeux d’émeraude se replongèrent dans ceux du Capitaine.

« Ainsi, si pendant une conversation vous sentez un de vos interlocuteurs en froid avec vous, vous aurez de quoi réchauffer grandement l’atmosphère… »

Sourit elle. Et surtout s’il réservait cela pour des occasions particulières avec des contacts importants qu’il ne devait pas manquer d’avoir, la discussion reviendrait irrémédiablement sur son Comté. Et cela serait forcément bon pour ses affaires… avoir toujours des coups d’avance. Placer ses pions sans même que son interlocuteur ne s’en rende spécialement compte. Un petit cadeau innocent qui pouvait rapporter beaucoup. Mais pour encore plus faire oublier ce fait, qui restait envisageable pour un homme intelligent, elle s’empressa de l’enrober d’un nuage de séduction.

« Et puis… cela vous rappèlera notre délicieuse conversation n’est ce pas? Et peut être mon regard d’émeraude? Ou bien encore les beautés de la mer que vous m’aurez fait découvrir?… »

C’est avec un sourire aimable qu’elle laissa planer ses mots ayant glissé comme une douce brise contre un visage.

Prenait-elle vraiment ses propos au mot ? Il semblerait que oui. Il se retint d'afficher un rictus souriant à la commissure de ses lèvres. La journée n'était pas encore finie de toute façon, restait à voir si la jeune femme changera d'avis... ou pas. Mais commençant à connaître sa détermination, à son sens, elle pourra très bien demeurer sur sa ligne de conduite.

''Bien entendu. Si vous me permettez de faire une menue suggestion, prévoyez des vêtements qui ne craignent pas l'air marin... ''

Puis, silencieusement, il la fixa de son seul œil valide. Un pétillement amusé passa, comme la dernière fois, très brièvement à sa surface. Voir sa fausse moue avait de quoi attendrir certains cœurs, mais pas lui, car ses yeux émeraude reflétaient presque le contraire.

''Qui sait... peut-être. L'exigence est une chose. Après, il faut voir où et quand elle a sa place... ''

S'il prenait en exemple, la mer, comme toujours dans ses conversations, l'exigence pouvait venir d'elle, ou alors de lui, quand il avait à donner des ordres pour faire naviguer son navire, quand il fallait que son équipage réagisse promptement.

''Je suis curieux de voir la vôtre se confronter à celle de la mer. Cela pourrait être une bonne école pour nos personnalités... Après tout, je suis bon élève à la vôtre, selon vos dires. Et au sein de votre domaine, je ne peux que me calquer sur les leçons ''vitales'' à comprendre rapidement pour ne pas avoir trop de pertes sur certaines marchandises de valeurs''''

Il déglutit plusieurs fois pour espérer faire passer la brûlure de la Vipérine qui persistait encore dans sa gorge. Ses deux marins étaient moins tributaires des effets, car eux, étaient plus habitués à s'abreuver de ce genre de mixtures. Bien entendu, dans la limite du raisonnable et pas durant certaines phases ardues d'un voyage en mer. Lui appréciait l'alcool, mais plus texturé, plus doux et plus sucré. Alors, forcément, face une boisson plus forte, les sensations explosaient. Et puis, il buvait qu'occasionnellement, ce qui n'était guère à résister à la robustesse de la Vipérine.

''Fort est bien le mot approprié. Pour les saveurs végétales, il me semblait bien que j'en avais capté une ou deux. ''

Et en effet, l'effet sulfureux passant, il nota quelques notes florales dans la saveur qui imprégnait encore les muqueuses de sa bouche. Il était presque dommage que le taux d'alcool soit si élevée. Mais il était dans les Duchés, où on appréciait l'alcool différemment.

''En effet. Cela donne un autre goût que le premier qu'on ressent dès la première et unique rasade ingurgitée''poursuit-il, non sans omettre l'attitude de la jeune femme, qui montait d'un cran dans l'emploi de ses charmes. Ah ! Voilà qu'elle demanda à l'un de ses gens d'aller chercher une caisse complète de Vipérine.

''Bien heureux qu'il n'y avait pas de glace de mésentente en train de s'installer entre nous... Et je vous remercie pour ce cadeau, je sais déjà à qui en faire boire. Un pensera même que je chercherai à le faire prendre feu de l'intérieur. ''

Une bien délicate attention. Un petit cadeau qu'on rajoutait en plein milieu d'une conversation... un bon appât. N'avait-il pas fait pareil avec le coffre de denrées précieuses qu'il lui avait présentées à leur première rencontre sur le ponton d'Haesan, afin de capter son attention ? Certes, il n'avait pas fait don de l'entièreté de cette marchandise, mais au vu du prix bien bas sur le galuchat qu'il s'était permis d'énoncer ; et pas à perte, bien entendu, c'était presque un cadeau qui lui avait fait. Ah ! Elle relança une nouvelle approche.

''Il me sera impossible d'oublier cette savoureuse conversation, Ma Dame, surtout qu'elle n'est point terminée. Et quand je savourais prochainement un autre verre de votre Vipérine, en plus de revoir de l'émeraude de vos yeux qui va sans rappeler les forêts de vos montagnes, je redécouvrirai la profondeur de votre ténacité... ''

La Comtesse tapota sa lèvre inférieure de son index en regardant le plafond de la pièce à la suggestion du Capitaine. Pas évident pour elle de trouver ce genre de tenue… elle passait mentalement sa garde robe en revue en fait. C’est donc un bon moment qu’il lui fallut pour enfin reposer son regard sur lui.

« Une suggestion avisée Capitaine en effet… je devrais bien trouver de quoi me vêtir pour le voyage. Bien que je me devrais de prendre aussi de quoi me vêtir plus dignement une fois sur place. Je ne peux décemment pas me présenter en Ikhyld comme une souillon… »

Bien que même des vêtements un peu moins luxueux à son niveau n’étaient déjà pas à la portée de tout le monde. Sa réponse en revanche lui déplut légèrement, bien qu’elle n’en montra rien d’autre qu’un léger sourire effacé qui revint bien vite. Il tenait à lui faire comprendre que c’était lui qui tiendrait la barre sur son navire. Fort bien. Elle lui laisserait. De toute façon, elle n’avait pas la prétention de commander un navire sans en être capable ou en avoir les compétences.

« Il est connu que la mer est parfaitement indomptable Capitaine. Je ne pourrais me permettre d’exiger quoi que ce soit d’elle… toute Comtesse que je sois, je connais mes limites face à la puissance de la nature… mais j’en profiterai pour vous observer sur votre domaine et apprendre… »

Car si elle mentait beaucoup pour arriver à ses fins ou jouait avec la vérité, il y avait bien une chose sur laquelle elle ne mentait jamais. Sa soif d’apprentissages et de connaissances était inextinguible quelque soit le domaine qu’elle découvrait, jusqu’à le maîtriser parfaitement quand cela lui plaisait vraiment. Elle rit ensuite de ce petit rire cristallin la caractérisant, en écoutant le Capitaine parler de la Vipérine. Il est vrai que pour les non initiés cet alcool était très fort.

« On s’y habitue vite ne vous en faites pas Capitaine. C’est un alcool très apprécié des voyageurs qui viennent au Havre. Et un alcool que le Comté exporte aussi en bonne quantité. »

Sourit elle après sa petite explication écoutant ensuite le Capitaine parler d’une connaissance a qui il pourrait le faire boire. Intérieurement elle espérait que la connaissance en question était influente. Pour des raisons commerciales bien entendu, mais aussi diplomatiques… toutefois c’est avec un fin sourire qu’elle répondra.

« Et bien je pense que vos amis apprécieront certainement mieux les saveurs…épicées… de mon Comté après le second verre de Vipérine… vous devriez d’ailleurs essayer Capitaine! Vous sentirez tout de suite mieux les saveurs à présent que votre gorge s’est habituée à la puissance de cet alcool. »

Claquant des doigts, bien vite, quatre autres petits verres furent servis. Elle porta le verre légèrement en hauteur comme pour trinquer, avant de dire.

« Gardez un peu l’alcool en bouche avant de l’avaler… les saveurs exploseront tout de suite… »

Et elle bu l’intégralité de son petit verre, le gardant un peu en bouche avant d’avaler l’alcool puis reposa le verre délicatement sur la table en secouant un peu la tête. Les effets de l’alcool montaient assez vite en revanche avec la Vipérine par rapport au vin duchéen. Mieux valait qu’elle n’en abuse pas plus. Elle porta ensuite ses doigts vers sa poitrine en écoutant les mots du Capitaine. Des mots plein de poésie.

« Que ces mots sont doux à mes oreilles Capitaine Shiromizu… comme une douce brise marine venant caresser mon visage. Je puis en effet faire preuve de ténacité… c’est une de mes qualités… mais savez vous pourquoi j’ai choisis des Néméïdes et pas une créature plus grosse ou impressionnante?… »

Ce qui laissait sous entendre qu’elle aurait très bien pu dresser beaucoup plus gros. Ce qui était en partie vrai au final, mais pas totalement non plus. Seulement parfois montrer ses compétences par des mots subtils laissait supposer que… sans pour autant tout dévoiler et garder une part de mystère.

Comme bien des femmes de rangs nobles, la question de la toilette appropriée pour certaines circonstances poussait à la réflexion. Odric ne fut nullement surpris de la voir réfléchir un bref moment, tout en tapotant ses lèvres. Cela laissa du temps pour que le fort goût de la Vipérine s'étiole, et non sans plaisir. L'alcool fort n'était décidément pas fait pour son palais délicat. Oui, délicat était bien le terme qui lui correspondait et il ne s'en cachait pas. Surtout que la tête lui tournait très légèrement. Heureusement, cela n'altérait pas ses capacités, pour l'instant.

''La simplicité peut être très digne. Même dépasser la complexité de certains atours. Soyez vous-même… ''

Peut-être que cela l'aidera à parer à son petit souci vestimentaire du moment. L'habillage dans toute sa sobriété lui convenait parfaitement. La preuve était qu'il avait beau être noble, appartenir à une grande et ancienne famille, d'avoir servi en tant de guerre dans la flotte impériale, il était vêtu comme un capitaine Ikhyldien, d'un certain rang, mais qui n'affichait pas des tonnes de fioritures ou de panache sur lui. En pleine mer, il n'y avait personne à impressionner et puis… il estimait avoir personne à impressionner. Il en avait assez fait par le passé.

''Veuillez pardonner mon dérapage, je ne voulais pas vous froisser, Ma Dame''

Le message était passé, elle l'avait bien compris. Mais pour demeurer dans la courtoisie et la politesse, il devait bien accepter de reculer un ou deux pions, pour parfaire sa défense pour les prochaines actions de la Comtesse. Qui ne tardèrent guère quand la conversation revint à la description gustative plus prononcée de la Vipérine. Elle fit resservir quatre verres, au grand plaisir des deux marins qui demeuraient silencieux. Odric ne les fixa même pas, concédant qu'ils pouvaient se permettre de boire encore une rasade de cette forte liqueur. Ils avaient l'habitude, après tout. Contrairement à lui. Il prit son verre.

''Je veillerai à conserver quelques bouteilles pour mes invités et une spécialement pour vous. Ne sait-on jamais. ''

Et Le Cetus aura droit à en avoir une dans sa petite ''cave'' personnelle, aménagée dans sa cabine, pour certaines occasions. Puis, il se prépara mentalement à reboire le fort breuvage, notant déjà le protocole énoncé par la Comtesse, pour apprécier plus intensément certaines saveurs. Puis, il but comme précédemment, d'une traite. Et garda la boisson plus longtemps en bouche. Pour exploser en termes de saveurs, cela explosait, en plus du flamboiement intense qui envahit sa langue et l'intérieur de sa bouche. Il ferma quelques secondes sa paupière avant d'avaler le liquide. Il inspira lentement pour faire passer la brûlure, bien que moins intense, qui traversa sa gorge. Même échauffé du premier verre, il n'était pas épargné par la puissance de la Vipérine. Au moins était-il préparé cette fois. Et déjà, il sentit cette nouvelle ingestion lui monter à la tête. Il était hors de question de perdre ses moyens par le biais d'un effet hautement éthylique. Il se concentra et porta sa main à sa poitrine, comme gêné par les effets enflammés de la Vipérine. Il inspira doucement quand il sentit avec un plaisir dissimulé l'effet retiré de ce qu'il avait bu.

Puis, il accorda un léger hochement de tête pour répondre au compliment de la Comtesse.

''Pourquoi vous n'avez pas opté pour plus gros animal ? Il serait facile d'affirmer que ce serait pour des questions pratiques pour le loger, le nourrir... Pour moi, ce n'est nullement cela. Je pense que vous avez choisi ces deux magnifiques Néméïdes, car ils sont le reflet de votre personnalité ? ''

Il darda son regard sur les deux animaux, avant de le reporter sur son hôtesse.

''Ils sont puissants, comme majestueux, tout en demeurant des prédateurs mortellement dangereux...''

Spoiler:

« Malheureusement, je suis une personne complexe Capitaine! Et venir en étant moi même, ne sera guère à votre goût pour une telle expédition je le crains! »

Rit elle de bon cœur. Derrière ce message subtil elle faisait passer quelque chose qu’elle seule était a ce moment là la seule a pouvoir comprendre. Car pour le moment, elle n’avait montré qu’une toute petite facette de sa véritable personnalité. Ce qu’il y avait de plus beau. Comme certaines plantes carnivores qui attiraient les insectes par leurs jolies couleurs ou odeurs afin de les dévorer. Le Capitaine fit d’ailleurs un pas en arrière ensuite, s’excusant de son dérapage vis à vis d’elle. Une faille dans laquelle elle devait s’engouffrer afin qu’elle ne se referme. Mais toujours en gardant une certaine subtilité. Il n’était pas un homme simple à manœuvrer et elle ne pouvait faire preuve d’une trop grande autorité vis à vis de lui. Elle devait privilégier la douceur de ses mots au choc des caractères. Cela lui serait plus profitable dans un avenir proche.

« Allons Capitaine… je vous en prie, ne vous excusez pas de faire passer votre vie et celle de votre équipage avant les petits caprices d’une dame… »

Les mots employés étaient choisis de façon à ce qu’elle se victimise un peu plus encore à ses yeux. Qu’il prenne cela pour de la politesse de sa part. Car le ton qu’elle utilisait était volontairement légèrement moins enjoué. Signe d’une légère déception mais bien vite effacée par la phrase suivante d’Odric.

« Ce sera avec grand plaisir que je partagerais à nouveau cette boisson avec vous. Dans votre cabine où se le pont du Cetus un soir où les étoiles se refléteront sur la mer… peut être aurais je même le privilège de voir quelques merveilleuses créatures marines éclairer l’eau de leur écailles rendues brillantes par les reflets de la lune? »

Dit elle avec un air un peu rêveur. Elle pencha ensuite légèrement la tête sur le côté en voyant le capitaine porter la main à son cœur. Une certaine perplexité dans son regard ou se lire aussi.

« Tout va bien Capitaine Shiromizu ? »

S’enquiert elle. Mais visiblement ça allait puisqu’il reprit le cours de la conversation répondant à sa question à laquelle elle acquiesça avant de faire claquer sa langue contre son palais. Ses Néméïdes qui étaient en train de se lécher nonchalamment leur grosse patte se levèrent alors pour venir près de la Comtesse d’une démarche tranquille avant de récupérer une caresse dans leur fourrure.

« Voyez comme leurs muscles roulent sous leur fourrure quand ils marchent… une force tranquille… majestueuse aussi… et pourtant tout à fait capable d’éventrer un homme de forte constitution d’un coup de leurs puissantes griffes si je la déchaînait… vous avez donc raison Capitaine… majesté, force et aussi symbole de mon Comté… »

Répond t’elle avec un sourire tendre en regardant ses puissantes créatures comme une mère regarderait avec fierté ses enfants.

Elle aussi reforma ses défenses, guettant les prochains mouvements du Capitaine sur l'échiquier de la discussion actuelle. Prudemment, les deux adversaires se jaugeaient à travers chaque mot, chaque échange verbal. Et ce qui était merveilleux dans cette situation était qu'il n'y avait aucune tension, aucune animosité, aucune tentative de la part de l'un ou de l'autre d'écraser l'autre. La Comtesse évaluait l'Ikhyldien, pour voir comment en user à son avantage, et elle trouvait fort partie. Peut-être pour ce que d'un regard extérieur, il serait facile de dire que les deux personnalités appréciaient grandement cette joute. Et elle n'était pas finie.

Donc, Odric, autant face au recul poli de la Dame vis-à-vis de ses excuses, que pour le côté complexité de la personne qu'elle était, se contenta de la regarder quelques secondes en silence, avant d'afficher un bien étrange sourire, empli de mystères.

"Vraiment ? ''Dit-il en toute simplicité. Puis il poursuivit sereinement. ''Il n'y a point de petits caprices, rassurez-vous. Je dirai plutôt, le souhait de répondre à des attentes précises quant à cette personnalité que vous énoncez complexe. Mais peut-on prétendre à se connaître soi-même dans son intégralité ? Si c'est votre cas, alors je ne peux que vous féliciter. Je suis loin d'être à votre niveau dans ce cas.''

Oh, il se connaissait bien assez, mais le mental et le physique évolue avec le temps, se forge en bien ou en mal en fonction des années passantes et des expériences vécues. Donc, en soi, il pouvait se surprendre à découvrir de petits points sur lui-même, même si cela était devenu rare, l'âge avançant vers le crépuscule de son existence. D'ailleurs, il n'omit pas la réaction quelque peu inquiète de la jeune femme quand il avait posé sa main à sa poitrine. Il ne fallait pas qu'elle croit à un début de malaise.

''Oui. C'était juste la protestation douloureuse de mon œsophage, guère habitué à sentir le passage de breuvage fort de caractères. Mais il sera préparé lorsque le jour viendra à partager une fois encore la Vipérine. Et j'espère que vous verrez bien plus que de simples créatures marines luisant sous la lumière argentée de la lune. ''

Il y avait la beauté offerte par la mer à sa surface, mais il y avait des merveilles qu'on trouvait dans ses profondeurs. Et des fois, il n'y avait pas besoin de plonger profondément pour contempler ce que jamais les terrestres ne verront de leurs yeux, à moins d'être des plongeurs expérimentés.

La Comtesse fit claquer sa langue. Ses deux massifs lions réagirent en se rapprochant d'elle, pour récupérer une caresse en échange de leur venue obéissante. Les deux marins d'Odric blêmirent un peu, regardant avec une certaine fascination leur déplacement souple et royale. Odric les observait, voyant que les deux félins étaient tout à fait calmes. Ils avaient parfaitement confiance en elle. Un rien suffirait pour qu'elle leur ordonne d'attaquer leurs invités. Mais comme il n'y avait aucune raison qu'elle fasse cela...

''Les ennemis de votre comté n'ont qu'à bien se tenir si jamais ils tentaient à atteindre votre personne en vis-à-vis''

« Oh je me connais fort bien Capitaine… et j’essaye autant que faire se peut d’évaluer chaque possible situation en amont afin de réagir au mieux… »

Sourit la Comtesse avant de reprendre.

« Après votre remarque n’est pas dénuée d’intérêt loin de là. Les êtres pensants sont voués à évoluer et apprendre. Toujours. C’est ainsi. Et votre expérience supérieure à la mienne, ne me prouvera sans doute pas le contraire. »

Car il avait bien quelques siècles d’évolution de plus qu’elle. C’était un peu la faiblesse d’être humain. L’on se confrontait presque toujours à des races d’un âge supérieur au sien, ayant connues bien des âges. C’est bien pour cela qu’elle devait apprendre vite et se confronter aux meilleurs dès que cela lui était possible. Et ce Capitaine était une cible de choix. Âgé, sage, intelligent, malin… il cochait toutes les cases plaisantes à explorer. Le mettre en difficulté était loin d’être aisé mais la partie n’en était que plus intéressante. Faisant une mine rassurée lorsqu’il lui expliqua que tout allait bien, un léger sourire soulagé revint sur son minois.

« Nous venons de frôler l’incident diplomatique… »

Plaisante t’elle. Il ne manquerait plus qu’il se soit trouvé mal pendant un repas dans son manoir et qu’il trépasse… elle le savait d’un rang important en Ikhyld. Alors sa nation n’aurait probablement guère appréciée qu’il meurt aux duchés…

« Et que pourrais je voir d’autre que des créatures marines Capitaine? Pas des monstres marins j’espère? »

Dit elle en faisant mine d’être un peu effrayée à cette idée.

« Bien que je ne doute guère que vous saurez aisément m’en protéger… »

Ajoute t’elle comme une jeune femme faible avec une petite moue. Car elle aimait cultiver son aspect de faible femme parfois. Quand ça l’arrangeait du moins… cela regonflait l’ego des hommes en prime. Bien qu’elle n’ait pas réellement besoin de protection. Ses Néméïdes et ses pouvoirs lui permettaient de se défendre seule. D’ailleurs, sa remarque suivante lui tira un fin sourire. Et bien qu’elle acquiesça, elle n’en pensait pas moins. Tout le monde voyait le danger que représentaient ses puissants Néméïdes, mais personne ne voyait en elle le danger qu’elle pouvait représenter. Ceci notamment sans doute grâce au fait qu’elle soit une femme en apparence douce et amicale. Et cela lui allait très bien. Car ce n’était sans doute pas des Néméïdes qu’il fallait le plus se méfier… mais bien de leur maîtresse…

« Rubis et Diamant me protègeraient au péril de leur vie si je leur demandais… »

Répond t’elle en déposant un baiser sur leur museau avant de leur flatter l’encolure. Puis elle reposa son regard émeraude sur le Capitaine.

« D’ailleurs, qu’avez vous comme créatures dangereuses en Ikhyld Capitaine? »

Demande t’elle avec intérêt.

Ça, pour sûr, elle savait parfaitement analyser chaque situation pour réagir presque spontanément. Odric pouvait en témoigner, car depuis le début de leur conversation, elle arrivait à s'adapter à la moindre petite difficulté que lui mettait le capitaine dans leurs dialogues. D'ailleurs, elle expliqua que pour parfaire cette rapidité de manœuvre, les êtres intelligents étaient voués à toujours apprendre. Il acquiesça à cette vérité, tout en comprenant que cela expliquait pourquoi elle était si avide de connaissances. Elle avait conscience d'avoir une vie éphémère et donc tenait à optimiser son existence à son maximum. Louable désir que voilà, qui avait abouti à être ce qu'elle était, bien que simple humain... Enfin simple. Elle était là d'être une humaine lambda. Comtesse, sachant dresser de redoutables Néméïdes, et voir capable de faire avec plus puissants... cela rajoutait des points conséquents à la personne qu'elle était et encore, il n'avait pas encore découvert toutes ses particularités. Lui non plus n'avait pas tout dévoiler ; Où serait le plaisir de cette partie de ce fait ?

''Ne vous dévalorisez pas, Ma Dame. J'ai certes de l'expérience, grâce à ma longévité, mais il y a des domaines que je ne maîtrise absolument pas et qui sont vôtres. Il y a certaines de vos acquis qui dépassent largement les miens. ''

Rien que de voir les deux grands lions à ses côtés. Lui, il maîtrisait Le Cetussur la mer indomptée, au lieu de savoir tomber des bêtes sauvages. Puis, il ne manqua pas de sourire, quelque peu amusé quant au prétendu incident diplomatique.

''Vraiment ? Avec mes deux hommes comme témoins... il y aurait eu qu'incidents de ragots au sein de votre comté. ''

Il savait que dans plusieurs décennies, la mort l'emportera, quand arrivera la dernière heure. A moins de périr dans une nouvelle guerre ? Qui sait... Il ne s'était jamais interrogé que les effets qu'engendreraient réellement son trépas. L'obscurité de sa vie approchait à chaque année qui s'écoulait lentement, il en avait conscience. Mais s'il devait commencer à s'interroger sur la venue de la mort en personne, il aurait de quoi déprimer. Alors, il vivait comme il l'entendait. Et s'il venait à expirer, et bien cela arrivera et c'était tout

Mais disait-on pas que la mort n'était que le début d'un nouveau voyage, avec ses merveilles à découvrir ? D'ailleurs, en parlant de splendeurs à contempler, la Comtesse désirait savoir si la mer réservait d'autres surprises, autre que sa faune aquatique.

''Déjà, cela dépend ce que vous appelez monstres marins, Ma Dame. Dans certaines nations, certaines grandes baleines sont considérées comme monstrueuses de par leur masse importante et de leur puissance de queue qui est capable de réduire à néant une petite embarcation. Après, certaines créatures sont réellement des monstres des mers, mais si on sait les éviter, il n'y a pas de risque. Mais en termes de merveilles sous la surface, il y a les barrières de corail, de véritables champs fleuris sous-marins, au mille et une couleurs chatoyantes, foisonnante de vie en tout genre. Il n'y a pas d'équivalence sur terre. ''

Le terme monstre marin l'avait fait sourire intérieurement. La mer était un environnement sauvage et qui était encore riches de mystère. Quand lui-même se rendait sous l'eau, pour diverses raisons, il n'oubliait pas qu'il n'était qu'un étranger dans ce monde immense et de silence. Il devenait même une proie pour certains grands animaux. Mais cela faisait partie des risques, quand on voyait la mer comme un second lieu de vie.

''Il est certain que je ne vous laisserai pas seul et que vous serez protégée.. Car malheureusement, je doute que vos Némeïdes soient amphibies. Si un jour, je vous montre une barrière de corail, ils ne pourront pas vous accompagner. Mais je doute que vous soyez totalement de capacité de défense...''termina-t-il non sans un ton mystérieux. Elle était nécromancienne. Sa magie devait être très étendue, bien plus qu'elle ne voulait le laisser transparaître.

''Quand aux créatures dangereuses en Ikhyld, elles ne sont dangereuses que si on leur manque de respect et qu'on empiète sur leur territoire. Certaines ne sont pas considérées comme une menace. Au contraire, certaines sont vénérées, comme le Kirin, une créature de magie qui ressemble à un hybride de cerf et de cheval. Il y a aussi le Liusnian, une créature marine qui vit dans les eaux de l'Empire. Je suis certain que dès que vos yeux se poseront sur elle, vous en tomberez amoureuse... ''