Le sortilège qu'avait employé le jeune homme avait porté ses fruits au delà de toutes ses espérances. Il n'avait pas pu en être autrement, puisque le Roi ne pouvait faillir quand à offrir la divine souffrance pour glorifier le Père de Tous. Par la souffrance, on s'élevait, on grandissait. On apprenait ! Par son sort qui empoignait le coeur de Varsaw, Zmeï inculquait une certaine forme de leçon à son Connétable. Mais laquelle ? Celle de ne pas oublier qu'il affrontait son Roi malgré tout, malgré sa fièvre combattive ? Celle que l'adversaire, même expérimenté, devait toujours garder une approche prudente sur les surprises que pouvait lui réserver le premier ? Ou simplement qu'il ne devait pas oublier qu'il devait être prêt à supporter n'importe quelle surprise de souffrance et réagir en conséquence ? La chose certaine était que cette douleur qui serrait l'intérieur de la poitrine de Varsaw n'avait sans doute jamais eu de précédent chez lui. D'ordinaire, c'étaient les mourants qui sentaient cette dernière extase avant de succomber, comme une ultime et dernière offrande à leur divinité, avant d'expirer définitevement.

Chose certaine était que cela avait suffisamment perturbé le redoutable guerrier qu'il ne put que reculer devant les coups reçus du jeune souverain, luttant tant bien que mal pour rester debout. Ce qui de base était un entraînement, devenait presque un pugilat ; sans les protections aux mains, évidemment. Varsaw, cette montagne de muscles et de nerfs, bien qu'amoindri temporairement par l'emploi de la magie de son Roi, était et demeurait comme du roc. Chaque coup que porta Zmeï engendrait une autre forme de douleur à ses phalanges. Mais elles étaient nécessaires pour mener à bien son chemin. La douleur le forgeait, amplifiant sa soif d'apprendre, d'en découdre. D'avoir le dessus !

Doucement, Varsaw reprenait ses esprit. Cela se voyait par ses réactions qui redevenaient plus vives. L'effet imposé par magie sur son coeur s'étiolait. Malgré tout, Zmeï arrivait à porter une partie de ses coups ? Avait-il progressé aussi vite, où était-ce un résidu physiques des conséquences magiques subis par le Connétable ? La question ne se posa même pas à l'esprit du royal blondin, trop concentré à se battre. Même s'il perçut les compliments de son adversaire, il resta sur la ligne offensive, bien déterminé à aller jusqu'au bout. Son propre coeur sourdait à ses oreilles devant les efforts qu'il déployait dans ce combat qui avait débuté si innocemment... ou presque. Ses phalanges pulsaient douloureusement. Sa poitrine était presque lacérante à chaque respiration, mais le souverain en avait cure. La souffrance n'était qu'une étape dans cet échange.

Varsaw, lui aussi, n'était pas prêt à céder une once de terrain. Il esquiva un direct du poing droit que cherchait à lui infliger son roi et se précipita sur lui, pour lui imposer une clé de bras. Violente, direct, effectué par des gestes sûres et précis. Cette fois, ce n'était plus un exercice. Varsaw devenait plus qu'un adversaire à réchapper.

Malgré la situation quelque peu critique, Zmeï n'en démordit pas ! Se préparant déjà à exécuter les gestes appris tantôt, profitant du contact corporel sur l'instant, il appela à nouveau sa magie. Varsaw était fort. Alors il le saura aussi, pour contrecarrer son action sur sa souveraine personne. Une fois sa magie lancée, il appliqua la leçon de sa libération du clé de bras que lui imposait son exalté Connétable.

Spoiler:

Au contact avec son Seigneur et maître, Mihkaï Varsaw lui présentait une situation en apparence dangereuse, le ton de leur affrontement ayant perceptiblement changé il était possible de comprendre l’étreinte de la clé de bras comme une véritable menace. En réalité il n’en était rien de plus qu’une question de cours. La clé de l’exercice du début s’articulait autour de la nuque, ce qui la rendait plus dangereuse pour le pratiquant que pour la victime qui pouvait utiliser ses cervicales comme levier et disloquer le coude si trop de force était appuyée. La clé que le Connétable appliquait désormais s’appliquait autour du cou de la victime, ce qui en plus de bloquer momentanément les voies respiratoires et la circulation sanguine au cerveau, présentait peu de risque pour l’utilisateur puisque le coude s'enfoncerait dans la chair molle du cou si un surplus de force venait tirer sur le bras et donner de l’espace.
Si ça pouvait être dangereux dans le cadre d’un combat à mort, le soldat était à l’écoute de la force de son élève, prêt à se détendre et à relâcher sa prise au moindre faiblissement de l’effort.

Il ne s’attendait pas à ce que le faiblissement vienne de lui.

”NNnnnNNN aaaAAArgh”

Alors qu’il coulait toutes ses forces dans le maintient de la clé, il commençait à sentir le Roi passer de la théorie à la pratique en forçant sur son épaule des deux bras pour écarter le Connétable de sa divine personne. Contrairement à l’exercice précédent Varsaw n’avait pas l’intention de laisser Son Excellence briser la prise sans le mériter pleinement, et agrippait fermement ses bras ensemble pour assurer la solidité de sa position. Malgré ses efforts, le Seigneur Nebojsa était simplement plus en forme que lui et les doigts graisseux d’huile de Varsaw commençaient à glisser entre eux, délivrant lentement de l’espace autour de la gorge du Roi. Le soldat était surpris, était-ce à cause des effets persistants de la magie tantôt ou bien simplement l’endurance de son élève était-elle meilleure que celle de son entraîneur? Peut-être bien, Varsaw n’était pas très familier avec les cavaliers drakes même si ceux ci constituaient la pièce maîtresse de l’armée de son Royaume, il savait de quoi ils étaient capable et comment les utiliser en bataille mais les unités en elles mêmes n’avaient jamais étées rien de plus que des pions sur une carte tactique. Se pouvait-il que ces cavaliers possèdent une meilleure longévité d’effort que des troupes au sol? Il n’y avait jamais réellement songé mais il lui semblait tout de même que les longues heures de marche, le travail manuel logistique et les combats rapprochés seraient plus éprouvant que l’équitation de drakes. Il cherchait peut-être simplement trop loin et c’était juste son coeur en rémission qui peinait à suivre la marche devant la fougue de la jeunesse.

Il céda.
Ses bras se séparèrent d’un coup et Varsaw passa derrière le Roi pour éviter de présenter une opportunité de frappe ouverte, avant de se redresser, en mettant une main légèrement tendue vers l’avant et l’autre le long du corps en signe que ça s’arrêtait là, ou du moins qu’il entendait qu’il n’avait plus rien à donner pour l’instant. Il était vrai qu’il commençait à fatiguer. Pendant un cours instant, ils se dévisagèrent tout deux, Varsaw n’avait aucune animosité restante dans son regard, seulement de la fierté d’avoir fait progresser son idole mais c’était difficile à lire sur son visage grotesque. Il désirait expliquer son attitude mais il hésitait sur la façon dont le faire, la meilleure idée qui lui vint fut de s’agenouiller, courbant la nuque et posant un poing à terre devant son Seigneur, et il dit:

”Votre Excellence, je crois que la Douleur est mère de l’apprentissage, et qu’il est impossible de s’améliorer sans affronter d’adversité -et donc de souffrance. Aussi je crois qu’il est plus difficile pour Son Excellence d’apprendre en raison de son statut divin et suprême, alors… si je peux apporter cette opposition nécessaire à l’amélioration de Son Excellence, je le ferai. Même si cela me coûterai la vie, je le ferai.” Il releva la tête sans croiser le regard du jeune Roi et cherchait à lire sa réaction sur son visage dans la périphérie de sa vision.

Si Varsaw l'avait réellement voulu, le jeune homme aurait fini par perdre connaissance, en raison de la prise qu'il lui faisait subir. Rien à voir avec l'exercice précédent, là, c'était de l'action pure, presque à l'équivalence d'un vrai combat. Presque, car cela restait un entraînement, le poussant dans ses retranchements. Enfin... Normalement. Car Zmeï eut un instant de doute, en sentant la pression que lui imposait le rude guerrier, lui coupant le souffle. Mais il ne pouvait pas se laisser prendre par le doute, car le doute menait à la peur et la peur engendrait une perte de ses moyens et donc de sa combativité... et donc de connaître la défaite. En tant que Roi, il ne pouvait tolérer cela... d'où l'emploi de son savoir magique pour contrecarrer l'acte bloquant de son instructeur. Et cela réussit.

Profitant de l'instant qui s'offrait désormais à lui, Zmeï passa à l'action, employant toute sa force en employait la méthode expliquée par Varsaw, bien décidé à ne pas se laisser et à montrer que l'élève s'apprêtait à dépasser le maître ; avec une once de tricherie magique, juste pour rééquilibrer le combat. Il perçut la tension musculaire de son adversaire, qui avait réagit dès que lui-même s'était mis en mouvement, pour repousser sa puissante étreinte. Est ce que le jeunot souverain arriverait à contrecarrer le titan de muscles et d'expérience ? Arriverait-il à tenir malgré sa poitrine encore douloureuse ? La douleur était un rappel qu'il était en vie, qu'il devait la surmonter, la dominer, en user pour le faire subir en retour à son ennemi. Sa volonté s'imposa à chaque fibre de son être. Et il se libéra !

Mais se libéra-t-il vraiment par ses propres efforts ? La question pouvait être posée. Car se préparant déjà à répliquer, Zmeï dut se faire violence pour retenir une riposte, ayant eu le temps d'entre-apercevoir la main levée de Varsaw, pour signaler l'arrêt des hostilités. Les poings serrés, les bras à demi pliés, Zmeï demeurait immobile, encore sous le coup de l'adrénaline qui pulsait dans ses veines. Doucement, il baissa ses mains, gardant un regard méfiant à l'encontre du Connétable. Jouait-il de ruse pour lui faire baisser sa garde et lui inculquer une autre leçon vitale à retenir ? Les deux hommes se fixaient l'un et l'autre. Varsaw n'était plus dans son extase combattive, et comme le jeune roi, sa poitrine se mouvait au rythme d'une forte respiration, après l'effort que les deux hommes avaient déployé pour se contrer l'un et l'autre. Puis, il s'agenouilla devant son élève. Là, la confirmation que le combat était bel et bien terminé s'était concrétisé. Zmeï put se détendre, commençant déjà à sentir une savoureuse douleur s'installer dans ses muscles ; celle qui nait quand on a fortement travaillé. Quelle satisfaction de ressentir la récompense de ses efforts dans cette leçon ! Elle est plus suave que celle qui demeurait à ses côtes, après le violent coup reçu du maître. Mais peu importait la différence. Un sourire à moitié assouvi naquit à ses lèvres.

''La Douleur demeura toujours une grande instructice en effet. Elle se rappelle toujours à nous, peu importe les raisons. Et quand elle frappe, il ne faut pas s'écraser face à elle, mais l'encaisser et l'avoir avec soi pour continuer à se battre...Est-ce cela que tu as voulu approcher dans la leçon, mon cher ? Quand tu as intensifié le combat ? ''

Il savait très bien que Varsaw s'était totalement accroché à l'extase du combat. Il fallait être aveugle pour ne pas l'avoir remarqué. Le connétable n'avait pas eu n'importe qui comme élève et il ne devait pas l'omettre si jamais le Roi décidait de faire une autre séance d'entraînement avec lui.

''La Souffrance t'a pris au coeur n'est ce pas ? J'ai veillé à te la partager, pour apporter ce qu'attend Notre Père à tous quand on s'écarte sans s'en rendre compte du Droit chemin. Comme tu viens de l'énoncer, la souffrance est un excellente guider sur la voie de l'apprentissage. La magie n'est pas à négliger. Par contre.... Tu as faibli, quand tu t'es imposé à moi avec la clé de bras, n'est ce pas ? '' demanda-t-il avec un sourire provocateur ? ''La fatigue, la faiblesse... ou toute réaction de notre corps n'est pas une excuse pour fléchir...''

Il laissa Varsaw décanter quelques secondes là dessus, avant de reprendre.

''Cette instruction a été très enrichissante . Quand j'estimerai qu'il me faille progresser dans la lutte où d'autres domaines dans lesquels tu excelles, je te fais quérir. Nous verrons le jour où tu devras offrir ta vie pour parfaire l'excellence de ma personne. Mais en attendant, Notre Père à tous a des projets pour toi avant cela...tu peux te relever...''

Un genou à terre, le gravier s’enfonçant dans sa chair à travers le fin textile en lin, le corps de Varsaw soufflait un peu, mais son esprit s’affolait. Qu’est-ce qu’il venait de faire bordel, qu’est-ce qu’il venait de faire? Qu’est-ce… qu’il, que lui… il venait là maintenant de faire? Avec ses mains, avec SES mains en plus, ces mêmes mains qu’il avait toujours voué au service du Roi, il avait osé le frapper avec… Qu’est-ce qu’il venait de faire. Il avait perdu la raison pour de bon ce coup ci c’est ça? Ça devait être ça, ça ne pouvait être que ça en fait il ne voyait pas d’autre explication possible. Il avait été stupide oui. Qu’est-ce qu- réponds au Roi déjà.

Il hocha la tête doucement sans la relever quand le Roi l’interrogea sur son intention lors de l’exercice qui venait de se dérouler, il n’allait tout de même pas prendre la parole. Le Roi savait ce qui c’était passé et Mihkaï savait qu’il savait. Vouloir s’expliquer ne reviendrait qu’à redoubler sur son manque de discipline honteux et finirait d’achever le Connétable à ses propres yeux. Ha! Il avait envie de mourir là tout de suite, il avait envie qu’un mage de terre vienne et l’enfouisse sous le sol pour disparaître à jamais et servir d’engrais pour le terrain d’entraînement. Il se demandait quel genre de fleurs pousseraient sur son cadavre, probablement des pissenlits ou des ronces vu ce qu’il venait de faire.

Oui en effet, la Souffrance l’avait saisit, elle ne l’avait pas lâché d’ailleurs, à la place de la douleur physique qu’il ressentait tantôt il s’attribuait maintenant un tourment moral équivalent, et il le faisait tout seul comme un grand. Hein?

Attends quoi?

Le Roi était d’accord avec lui? Le Roi comprenait. Qu’elle est grande sa miséricorde, Varsaw redressa lentement la tête pour arriver à l’horizontal, pas encore au niveau du regard de son Seigneur et maître mais suffisamment pour pouvoir le voir désormais.
Peut-être qu’il était juste trop dur envers lui même? Pas assez sûr de lui devant l’immensité que représentait son Suzerain, et en même temps comment le pouvait-il être? Le militaire avait parcouru un long chemin pour arriver jusqu’ici mais il ne savait pas s’il se croyait capable d’arriver à la hauteur que son Roi méritait. Son poing se resserrer un peu plus contre le sol, le Seigneur Nebojsa avait raison, il ne devait pas faiblir, se poser la question de savoir s’il parviendrait à surmonter l’adversité était du temps passé à ne pas essayer. Il donnerait tout ce qui serait en son pouvoir et si cela ne serait pas assez, il mériterait la punition adéquate. Mais ça n’arrivera pas. Pas à lui non.

Le jeune maître marquait une pause depuis quelques secondes pendant que Varsaw faisait de l’ordre dans ses pensées. Lorsqu’il fut convaincu de sa propre détermination il releva les yeux vers le Roi, cherchant guidance. Et guidance il trouva quand celui ci reprit la parole, le Connétable pouvait au final se sentir satisfait que son régent ait trouvé valeur à la séance, il indiqua même la possibilité de le rappeler, et ce serait avec une joie et cette fois avec une discipline inébranlable qu’il répondrait à l’appel, mais ça il était sûr que le Roi le savait déjà. Sur l’injonction de Nebojsa il se redressa complètement, droit comme un piquet et effectuant le salut militaire, quelques peu inconfortable avec la distance à laquelle il était de son Suzerain où ils seraient normalement séparés d’au moins une paire de mètres de plus lors d’une présentation classique.

Varsaw cherchait désespérément quelque chose à dire, à rajouter pour garantir à son Roi qu’il ne le décevrait pas, qu’il accomplirait sa mission, qu’il se jetterai corps et âme dans la quête de sa grandeur, mais quoi qu’il voulu dire, il n’y avait rien qu’il ne saurait pas déjà.

”Je remercie Votre Excellence de son temps.”

Quand le Roi le congédia enfin formellement. Il ne dit rien, marqua un demi-tour sur place et alla ramasser ses affaires avant d’aller rejoindre ses quartiers au pas. À l’intérieur de sa chambre, une lettre l’attendait détaillant son ordre de mission, son affectation, la liste des ressources à sa disp-

”Oh HO HO HO HO…” Il relu les nombres écrit à l’encre noire sur le parchemin. ”Ah Ha ha, aaaaaaah. Hmm oui ça, c’est quelque chose à célébrer.”

Mais pas maintenant ni même dans les prochains jours! Il venait de recevoir sa première consigne royale et il n’allait pas chômer jusqu’à ce que les Duchés apprennent leur leçon, la coalition n’avait qu’à bien se tenir. S’asseyant au bureau il commença à rédiger une liste de tout ce qu’il allait commander et emporter avec lui de la bibliothèque royale ainsi que des bureaux des registres de l’Inquisition et des Renseignements. Il esquissa plusieurs brouillons de compositions de régiments, non, plus de régiments. De Corps d’Armée! Esquissant un sourire il rajouta des zéros à côté de chaques quantités de troupes. Ils partiraient demain à la première heure, ils arriveraient dans les Duchés dans deux jours, ensuite il commencerait à expérimenter et prendre ses marques sur place, Czernyov était un abruti rigide qui pensait que les meilleures stratégies fonctionnaient partout. Il ne ferait pas les mêmes erreurs.