Palais Royal d'Orzus – 3 Octobrius de l'an 2000 de l'Âge d'Acier.

Vuksha avait été convié à une réception royale au palais d'Orzus, ce qui en soit n'était guère étonnant, vu son propre statut. Après tout, il était prince et membre de la famille royale, même s'il était un cousin éloigné de l'actuel monarque. Il ne s'en plaignait pas, d'ailleurs, autant parce que cela lui évitait la perspective de voir retomber sur lui la charge d'un pays, d'un peuple et de la mission divine qui accompagnait le ministère royal teïderien, ce qui aurait sans doute été un poids bien lourd sur ses jeunes épaules, que parce que cela lui évitait aussi, de manière plus concrète et immédiate, les possibles doutes et méfiances qui accompagnaient généralement un héritier du trône d'une branche collatérale. Il se satisfaisait largement de son statut actuel, qui lui offrait les privilèges de la famille la plus noble du continent, la liberté de mouvements associés à sa charge et une vie sans doute bien meilleure que celle de la plupart de ses compatriotes.

Au rang de ses privilèges, ou de ses obligations, cela dépendait du point de vue, se trouvaient donc des réceptions de ce genre, bien qu'on aurait aussi pu l'y inclure en raison de la charge qu'il occupait. On y trouvait d'autres membres de la famille royale et d'autres responsables territoriaux, mais également des hauts fonctionnaires d'autres sortes, des membres du clergé et des officiers de l'armée, surtout en ces temps de guerre. En somme, tout ce qui constituait la haute société teïderienne, milieu dans lequel Vuksha était dans son élément naturel, si l'on pouvait dire, lui qui était né dans ce palais fortifié qui était le cœur du pouvoir teïderien. On y discutait pas vraiment de vaines mondanités pour autant, bien sûr, mais d'un autre côté la mondanité vaine n'était de toute façon pas le mode d'expression favoris du prince.

Il passait ainsi parfois de groupe en groupe, discutant ici des manœuvres militaires récentes, là de la façon dont se présentaient les prochaines récoltes, là encore de la recrudescence de certaines créatures hostiles des marais. Le vaste champ des responsabilités auxquelles il devait se confronter dans le cadre de ses fonctions lui permettait d'avoir une connaissance assez large de nombreux sujets, et sa vive intelligence l'aidait à suivre dans l'ensemble des domaines au moins de façon éclairée. Peut être y avait-il d'autres groupes aux conversations plus vaines dans l'assemblée, mais dans ce cas Vuksha ne les fréquenta pas, et en tous cas cette lente progression dans la salle fini par l'amener devant le Roi, devant lequel, bien entendu, il s'inclina comme le voulait l'étiquette, avec la fluidité que donne l'habitude.

« Mes salutations, mon royal cousin, et mes remerciements pour m'avoir invité à une si plaisante occasion. »

Les respects du chevalier-phénix semblaient sincères, et son cousin le connaissait normalement assez pour savoir qu'ils l'étaient. Entre bien des choses, Vuksha était loyal, en dépit ou peut être à cause du sang royal qui coulait dans ses propres veines... et bien entendu, il était toujours satisfait de venir à Orzus pour ce genre d'occasion royale.

Zmeï jubilait. La soirée ne faisait que commencer, mais les choses se présentaient déjà sous de beaux hospices Les réceptions royales étaient toujours un moment passionnant pour lui. Là où d'autres s'ennuyaient, lui, il y trouvait son compte. Autant il pouvait danser, croiser de jeunes et jolies jeunes femmes toutes naïves des intrigues de la Cour, ou encore entendre discrètement les dernier ragots de ce qui se tramaient dans le monde. Oh, il savait ce qui se passait. Il avait son propre réseau d'espion, mais il s'amusait à écouter les déformations qu"'on en faisait, une fois que cela passait de bouche à oreille, répété mille fois et dans n'importe quel sens.

Il souriait, mais intérieurement, il jubilait... Il entendait bien des choses et savait qu'on évitait de parler de d'autres choses plus fâcheuses pour le bien du royaume. Des choses qui étaient à gérer par les roturiers, les tortionnaires, les gardes, mais le Roi était au courant... de tous... même de la fuite exceptionnelle d'un Estien, qui avait réussi à se sauver hors des frontières du royaume... Zmeï n'avait pas perdu de temps pour mettre un de ses meilleurs éléments sur l'affaire, avec un temps limité, sous peine d'en pâtir... Quand cet Estien sera dans ses murs, il veillera à s'occuper personnellement de son cas. Il était Roi, pas un simple artifice de gouvernance. Teïder était toute puissance après tout.

Il avait décidé de quitter son coin pour passer d'un groupe à l'autre, verre en cristal empli d'un hydromel hors de prix dans sa main gauche. Sa tenue était royalement sobre : tunique et pantalon de soir noir, brodés d'argent et en motifs presque floraux. Deux dragons stylisés remontaient en serpentant le long de ses manches. Un diadème simple mais taillé en finesse ceignait son front... Il était Roi, il ne pouvait pas être qu'un simple noble. Pour renforcer le côté simple mais à l'image puissante du souverain qu'il était, sa longue chevelure n'était pas attachée, offrant une somptueuse crinière qui tombait jusque dans le milieu de son dos.

Ce soir, il y avait une chose importante à noter : Le roi n'avait pas son familier avec lui. Le Drake ne pourrait entrer dans la salle de réception de toute façon et il n'était pas là, même à proximité. Un point qui pouvait délier quelques langues un peu trop pendues et sûres d'elles dans les situations ''propices''

Une personne arriva vers lui, s'inclinant avec une parfaite dignité. Le jeune souverain eut un large sourire. Il venait de reconnaître un membre imminent de sa famille.

''Mes salutations cher cousin. Et c'est toujours un plaisir de voir de la famillle participer à des festivités de ce genre. Ca manque même un peu, de ne pas en faire plus souvent. Alors, dis moi, Cousin Vuksha, comment te portes-tu ? Comment vont les affaires familiales de ton côté ? ''

Puis il but une brève et rapide gorgée de son excellent hydromel.

''J'espère que tu t'amuses autant que moi. N'hésite pas à être franc avec moi. Je suis Roi, mais tu es de la famille aussi. ''

Le puissant monarque qui était également son cousin était vêtu avec une noble sobriété, loin des tenues ornées de pourpre et d'or que des souverains plus portés sur le décorum auraient pu être tentés d'arborer. Mais c'était généralement là une tendance à laquelle se pliaient les souverains faibles, qui avaient besoin d'artifices divers et variés pour rappeler à tous, et en priorité à leurs sujets, la force qui leur venait légitimement de leur titre. Ce n'était pas vraiment une situation dans laquelle on pouvait dire que Zmeï se trouvait, pour le coup : sa simple présence suffisait à en imposer, sans compter l'aura que sa réputation, et la crainte du Drake qui l'accompagnait souvent, pouvaient développer naturellement autour de lui, même quand il était à pied et sans signe belliqueux particulier. Dans ces conditions, guère besoin d'artifices pour rappeler sa royauté, après tout, et quelques rappels discrets, comme la tiare sur son front, y suffisaient largement.

Quoiqu'il en soit, le monarque le salua en souriant, visiblement plutôt satisfait de le voir ici, ce dont Vuksha n'allait pas se plaindre. Il savait bien entendu que Zmeï pouvait très bien changer d'humeur plutôt rapidement, mais il avait appris avec le temps à gérer sans mal cette pensée, et ce fut en souriant lui aussi qu'il répondit à son royal cousin.

« Je me porte bien, je remercie Ta Majesté de s'en inquiéter. Les choses sont plutôt tranquille par chez moi pour le moment... parfois des vermines de à chasser dans les marécages, quelques affaires courantes à gérer, mais ma foi c'est là la marche normale d'un Duché ! »

Les vermines dont parlait Vuksha pouvait aller des nombreux animaux plus ou moins menaçants qui pouvaient venir des marais teïderiens aux monstres de toutes sortes qu'il convenait parfois d'y chasser, que ce soit pour en éliminer la menace, pour récupérer des matériaux ou pour les dresser ensuite, en passant par toutes les créatures non-humaines qu'il ne voyait que comme des nuisances à purifier, à commencer bien entendu par les Orcs.

« Je dirais donc que mes affaires se portent bien également, tout fonctionnant bien dans l'ensemble... et ici, qu'en est-il ? Je gage que sous ta conduite notre nation avance toujours dans la bonne direction. »

Cela aurait pu, de prime abord, passer pour de la flatterie, mais son royal cousin le connaissait assez pour savoir que non seulement ce n'était guère son genre, mais encore que son respect pour ses capacités était réel.

« Quant à la fête elle est tout à fait plaisante ! Le cadre est agréable et les conversations intéressantes... il est vrai que ce ne serait peut être pas un mal d'en mener plus souvent, en tous cas je ne m'en plaindrai pas ahah ! »

Le jeune souverain écoutait son cousin, même si son regard balaya un instant l'assemblée des invités. Car là était tout l'art d'être Roi : de savoir regarder et écouter tout ce qui se passait à sa portée de regard et d'oreilles. Après tout, il était au sommet de tous ces gens, il se devait de savoir faire bien des choses. Et comme il était le servant direct du Père de la Souffrance, il se devait d'être au summum de la place qui était la sienne.

"Très bien si tu te portes bien, et si tu arrives à gérer ce qu'il faut d'une main de maître. C'est un peu ce qui manque pour les gens que j'ai placé aux frontières, pour ce qui est de gérer la vermine et les non-croyants. Je devrai peut être te mettre en charge de les secouer un peu. "

Cela pouvait tout dire, comme cela laissait présumer des tâches supplémentaires à se voir confier. Mais même avec les membres de la famille, il fallait demeurer prudent. Ne pas trop donner à manger à un animal sauvage, il pourrait en réclamer plus et être incapable de se décoller de vous par la suite pour gérer son autonomie. Voir pire, il pourrait chercher à prendre la dominance. Mais rassurons les gens qui nous suivent, Zmeï ne considérait pas les membres de sa famille comme des sauvageons... ou presque, pour certains. Il rebut une petite gorgée de son nectar.

"Notre royaume se porte bien et si tout se passe bien comme le prévoit le Père de la Souffrance, il ira encore mieux et nous pourrons glorifier le nom de notre Dieu. Mais je ne peux t'en dire plus. Continue, tout comme moi, d'être un fervent croyant. Notre foi sera récompensé. Quand à la fête, je suis ravi qu'elle te plaise. Elle pourrait être l'occasion pour toi de trouver un bon partie, ou de chercher des alliés au sein de la Cour. On n'est jamais trop prudent et des alliés sont des valeurs sûres, à condition de trouver les bons. Mais revenons plus sur des sujets... intéressants. Que penserais-tu si j'envisageais moi, de trouver un beau partie féminin, auprès d'un des duchés frontaliers ? ''

La question était intéressante, il avait déjà une idée de pourquoi faire cela, mais avoir un avis d'un membre de la famille pouvait améliorer l'idée de base.

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