17 Mars de l’An 2001 de l’Âge d’Acier

Avec la guerre ayant lieu déjà depuis plusieurs mois et la multiplication des escarmouches avec Teïder, inévitablement le nombre de blessés militaires à gérer au sein du duché avait drastiquement augmenté, même selon les proportions et normes d’une nation de mercenaires comme les Duchés du Sud.

Cela faisait évidemment que tous les établissements de soins, guérisseurs et médecins du duché avaient souvent fort à faire avec ces blessés de guerre et affrontement divers à gérer, surtout qu’ils étaient loin d’avoir les mêmes types de blessures, certains étaient même assez exotiques…

Ainsi, divers forts autour de la frontière qui disposaient du nécessaire se retrouvaient avec un afflux important de blessés de toutes sortes qu’ils devaient gérer. Et Osami qui certes était surtout une combattante, n’hésitait pas néanmoins à des fois visiter ces lieux pour apporter son aide à son niveau. Pas encore néanmoins sous une forme permettant de la reconnaître, après tout elle était encore d’un niveau assez modérée en tant que mage de l’eau et préférait donc observer et apprendre, que de monopoliser l’attention sur elle...


C’est ainsi sous une forme elfique certes magnifique, mais qui n’était pas sa forme de dame kitsune reconnaissable, que la duchesse aidait de son mieux. Et si certes elle attirait pas mal l’attention à cause de sa magnificence, beaucoup moins que si on l’avait reconnue…

Et c’est alors qu’elle observait quelques mages d’eau plus compétents exercer pour apprendre, qu’elle discerna quelqu’un d’autre entrer dans l’hospice du fort, visiblement ce qui semblait être une moniale à son habillement ? Qui serait alors rapidement accueillit par le médecin en charge du bâtiment, qui lui demanderait aimablement, quoique un peu hâtif.

« Bonjour, vous êtes venu aider ou pour des soins ? » L’homme qui ressemblait alors à un azurien âgé au plumage bleuté qui se décolorait, observerait rapidement Vittoria d’un regard d’expert, comme pour distinguer rapidement toute blessure éventuelle...

Les conflits. Vittoria avait longuement vécu sans penser au monde autour d'elle, bien trop occupée à être perdue dans ses pensées et à trouver un sens à sa vie. Mais désormais, elle avait vécu beaucoup de choses durant la précédente année et pas mal de choses avait changées. Elle ne voyageait plus pour découvrir, bien que ça reste une part du plaisir de l'activité, mais surtout pour venir en aide à ceux dans le besoin. Et dans une guerre comme celle-ci ? Les plus démunis avaient plus que besoin de l'aide de n'importe qui d'assez bon pour en fournir. Alors, telle était le nouvel objectif de la moniale, partir en une sorte de pèlerinage où elle tend la main à son prochain et soutien les plus vulnérables.

Elle avait entendu parler que les points névralgiques des frais de la guerre étaient certains forts Duchéens, auxquels elle se mit directement en quête afin, comme dit précédemment, d'aider. Elle pénétra dans l'un deux, après avoir visité quelques uns ne nécessitant pas son aide. Elle observa, silencieusement, s'avançant telle une silhouette éthérée, souple, volatile... Bien qu'elle restait physique, bien sûr, simplement que sa démarche était continue, discrète.

Puis, repérant l'hospice, centre de toutes les attentions, elle y pénétra. Toute vêtue de sombre, son long manteau de voyage l'encapuchonnant, elle fit le geste de respect que d'ôter sa capuche à deux mains, de ses mains pâles, pour dévoiler son visage tout aussi pâle aux lèvres froides et mornes. Ses cheveux noirs, d'un noir profond, encadraient son visage et tombaient, raides, sur ses épaules. Elle fut aussitôt accueillie, inclinant doucement la tête pour répondre.

Bonjour. Je suis venue aider, en effet. Je ne suis guère soigneuse pour ma part, mais je peux aider à soigner les maux et soulager l'esprit de vos patients. Sinon, je suis une excellente combattante si vous avez besoin de défense, mais dans l'immédiat ma magie de l'âme reste la meilleure option, sans aucun doutes.

L’azurien médecin qui avait accueillit Vittoria, stoppa rapidement son examen visuel rapide, alors qu’elle prenait la parole, déduisant sans doute à première vue qu’elle n’avait aucune blessure visible à faire soigner. Ce avant de dire pensif.

« Oh pas besoin d’êtres défendus actuellement ne vous inquiétez pas. On ne sait jamais après, mais bon. » L’azurien se nettoyait alors ses serres un peu maculées de sangs et autres salissures avec du matériel désinfectant. Il en tendrait ensuite à la moniale avant d’ajouter.

« Mage de l’âme, je ne sais pas ce que ça fait, c’est ce truc naga qui a été redécouvert il y a peu ? Quoiqu’il en soit si vous pouvez gérer les angoisses ou peurs de certains patients ce sera bien. Les Teïderiens ne sont pas des ennemis très aimables et c’est des fois plus traumatisant de les combattre, que de juste frapper d’autres mercenaires... » Il désignera alors une partie de l’hospice qui accueillaient des gens soit soignés, soit pas blessés physiquement, soit blessés légèrement… Ces derniers, hommes ou femmes, souvent plus ou moins perturbés, semblaient parler ou êtres pris en charge par divers soigneurs moins physiques ou mages, notamment de ténèbres ou lumière…

Vittoria pourrait donc s’y rende, mais serait alpagué en chemin, par Osami sous forme elfique, qui demanderait aimablement. « Excusez moi, mais me permettez vous d’observer ce que vous faîtes ? Je suis là pour apprendre les soins. » En vérité, elle était fort curieuse de voir une mage de l’âme à l’action, mais en effet c’était une bonne excuse si elle se faisait passer pour une apprentie guérisseuse qui se faisaient les mains sur le tas…

Quoiqu’il en soit, sinon, Vittoria avait le choix, il y avait des patients qui avaient l’air un peu catatoniques, d’autres angoissés, ou d’autres à l’air visiblement furieux. Pas que, mais disons que c’était souvent des jeunes gens aussi, sans doute des mercenaires qui avaient faits leurs armes sur les Teïderiens, autant dire pas la plus confortable des premières expériences de combat.

La moniale était là pour aider, quelque soit l'aide. Elle ne pouvait malheureusement pas soigne mais elle savait pour sûr faire plus d'une chose utile ! Faisant face au coordinateur, elle acquiesça doucement avant d'aller lui répondre calmement.

Oui, c'est cela, en effet. Cette magie ouvre des possibilités insoupçonnées jusque là, ce qui en donne une certaine importance. Je ne doute pas que certains mages continuent d'explorer les possibilités et se surprennent eux même de leur découverte.

Puis dans plus de cérémonie, elle se dirigea vers les personnes dans le besoin avec un calme imperturbable. Cette pièce remplie de tant d'âmes souffrantes pesait d'une atmosphère particulière, comme si tout pouvait s'éteindre d'un coup, se casser, la fragilité du corps influant sur l'âme elle même...

C'est en se figurant cela que Vittoria n'en eut que d'autant plus la volonté d'aider et, à sa faible hauteur, apaiser ces âmes souffrantes. Alors, elle se mit à l'œuvre, ne sachant pas où commencer, pour s'accroupir auprès de la première personne qu'elle croisait. Sondant doucement son âme, comme pour capter son aura, elle se concentra doucement, ce qui ne l'empêcha pas de remarquer l'elfe à ses côtés et répondre à ses paroles.

Oh, oui, bien sûr. Je vous en prie. Je me nomme Vittoria Benedetti, enchantée.

Si la vampire était au visage glacial et surtout concentré, il n'était pas difficile de comprendre que son ton et son intention étaient avenants, ne refusant en aucun cas la présence de cette apprentie.

Je ne soigne pas les blessures physiques ou magiques, mais je suis qualifiée pour comprendre et apaiser les maux de l'âme. Voyez... La première étape, comme je suis en train de le faire, consiste à entrer en contact avec l'âme du patient, en douceur, la voir et la ressentir...

Et avec une douceur infinie, elle approcha sa main du front du patient alors que son expression faciale se crispe presque aussitôt, semblant encaisser un coup. Puis elle se calme, prenant une inspiration.

L'âme, voyez vous, a un impact sur ce qui l'entoure. Le bonheur sème le bonheur, la souffrance sème la souffrance... Et inconsciemment chacun de nous est influencé par l'âme d'autrui, dépendamment de sa force. Ressentir l'âme d'un patient comme ça est un exercice très difficile car il faut savoir protéger son âme de l'influence de celle du patient, qui alors devient intensément plus puissante. Seulement après, on peut l'observer.

Le premier patient sur lequel Vittoria tomba était un azurien au regard moins vigilant que bien des siens et plutôt perdu, comme s’il contemplait quelque chose qu’on ne voyait pas, cela où il était hagard. Il avait l’air plutôt cassé, certainement la preuve qu’il avait vécu récemment des épreuves difficiles qui l’avaient pas mal éprouvées. Et pas que physiquement, même s’il avait été bien blessé au vu des nombreux bandages étalés sur son corps plumeux. Sans doute qu’il avait besoin de se reprendre ou d’un soutien quelconque, la magie pouvait sans doute y aider aussi.

Quant à Osami qui était sous forme elfique, elle se contenta de hocher la tête aux propos de Vittoria qui sondait donc par magie le patient ? Ce qu’elle ne pourrait guère faire pour sa part, mais ça restait tout de même intéressant à voir… Quant au reste sa faisant sens supposa t-elle, même sans être mage de l’âme. On pouvait l’interpréter comme, les souffrances et émotions de chacun pouvait influer sur les autres… Quoiqu’il en soit, Osami ne commenta pas trop pour le moment, se contentant plutôt de regarder le patient.

Qui Vittoria pouvait le ressortir était en effet, perdu ? En tout cas son âme décrivait assez ce que l’on pouvait deviner en observant son être de l’intérieur. Comme quelqu’un ayant un blocage mental à cause d’épreuves difficiles qui devaient sans doute inclure pas mal de souffrance et de peur, aussi bien pour sa peut-être, que celles d’autres ? L’azurien en tout cas était traumatisé d’une façon ou d’une autre par les épreuves qu’il avait vécu récemment.

Il était aussi probable que si on se contentait juste de lui parler, il n’entende pas forcément grand-chose… En tout cas, c’était sans doute quelqu’un qu’elle pouvait aider aujourd’hui, probablement pas soigner totalement, mais aider de manière notable.

L'esprit de la moniale était entraîné et travaillé pour s'engager dans un tel exercice. Capable de faire face à l'âme de l'Azurien sans pour autant s'y perdre ni perdre pied avec la réalité, c'est comme si son esprit était scindé en deux ; une part communiquait avec l'apprentie elfe, et l'autre faisait face à l'âme torturée. Elle poursuivit ses explications, le regard dans le vide, uniquement son ouïe, sa parole et son esprit travaillant avec force.

Ca y est. Je la vois. Je ne peux vous le décrire car ce que je vois sont principalement des ressentis, des émotions. Je vois une âme perdue, déboussolée, enfermée dans un carcan qu'elle est incapable de briser d'elle même pour le moment. C'est ce qui arrive souvent suite à un traumatisme, la manière dont ce blocage est représenté diffère selon les patients mais... La forme reste similaire. Ce qu'il faut... C'est leur donner un chemin, un objectif... Un soupçon de lumière à suivre, une direction. Mon rôle n'est pas de le forcer à se reconstruire et à reprendre conscience, mais... A lui donner l'impulsion suffisante pour qu'il se reconstruise de lui même, le point de départ d'une nouvelle vie.

Elle marqua un temps, expirant longuement alors qu'elle se concentra sur la part de son esprit investie au contact de celle de son patient. L'observant très brièvement, elle passa à l'action et s'approcha de l'âme de l'Azurien. Elle lui parla, mentalement, sûrement en vain mais cela donnait une dimension humaine à l'opération, chaleureuse. Elle interagissait avec cette âme légèrement, sans chercher à la modifier ou la perturber, juste à attirer son attention. De douces paroles alors que, pendant ce temps, elle regarda une direction, direction au bout duquel un point lumineux apparu, agréable à l'oeil.

Tu n'es pas seul. Tu es fort. Suis la lumière et embrasse ton avenir.

L’apparente elfe écouta attentivement et avec une pointe d’intérêt les explications de Vittoria, qui faisaient du sens et allaient assez dans le sens, ou plutôt dans la manière dont Osami voyait les choses. En tout cas elle se doutait que l’âme était une chose aussi complexe que le corps et à sa manière aussi fragile, autant capable d’être blessée. Il y avait des blessures dont le corps guérissaient, mais l’âme en guérissait elle aussi bien ? En tout cas c’est car elle savait cela notamment que la kitsune n’avait jamais été spécialement plus cruelle ou dure que nécessaire, y compris envers ses ennemis.

En tout cas, elle n’ajouta rien alors que la moniale officiait et que l’azurien sembla, réceptif ? Ou peut-être plutôt troublé par la manière dont Vittoria commença à agir sur son esprit. Il faut dire, il était difficile de ne rien ressentir quant on interagissait avec votre âme même…

Mais bien entendu, il n’allait sans doute pas guérir aussi aisément ou rapidement qu’avec quelques douces et bienveillantes paroles, néanmoins sans doute cela lui fit-il du bien, car il sembla un instant hagard, il regarda alors Vittoria d’un air perturbé, puis éclata en sanglot, le genre de sanglot qu’un mercenaire évitait de laisser exprimer en temps normal… La moniale pourrait alors le laisser seul ou bien l’étreindre un temps si elle désirait, mais en tout cas il semblait avoir besoin de relâcher cela, comme une soupape ayant besoin d’éclater.

Ceci fait, quant elle en aurait finit avec ce patient qui aurait sans doute besoin de temps, de repos et d’un travail personnel aussi, Osami sous forme elfique dirait à la moniale, avec une certaine curiosité.

« C’est impressionnant, cela est-il étrange de toucher du doigt en quelque sorte, l’âme d’un autre être, son essence ? J’ai l’impression que c’est un contact extrêmement intime sans l’être vraiment, qui peut autant être curatif, que nocif. » Il faut dire l’âme était qui on était vraiment, plus que le corps. Donc d’une certaine manière interagir avec elle, devait toujours avoir une certaine gravité, car lorsque vous mouriez le corps ne l’était plus, mais l’âme toujours. Et elle emporterait dans l’au delà aussi bien ses malheurs, que ses doux souvenirs.

L'opération était presque devenue routinière pour l'apprentie mage de l'âme qui, à force de travail, de difficultés et de persévérance, était désormais capable d'effectuer ce genre d'opération sans risque et avec une maîtrise suffisante. La moniale ne voulait en aucun cas manipuler les âmes sans être sûre de ses capacités, estimant l'importance d'un tel matériel suffisamment pour le respecter et le manipuler avec le plus grand des soins.

C'est donc ainsi qu'elle procéda, avec soin et attention, alors qu'elle se détacha de sa projection mentale pour prendre pleinement pied avec la réalité et aviser son patient. Celui ci, se mettant soudainement à sangloter, prouva à la vampire qu'elle avait bien travaillé, et accepta la chaste étreinte, faisant preuve d'un peu d'humanité dans son travail, rassurant l'azurien et lui glissant quelques mots d'encouragement génériques mais sincères.

Puis, elle leva le nez l'elfe curieuse à ses côtés, lui adressant un léger acquiescement alors qu'elle s'affaira à lui répondre.

Lorsque j'ai apprit à manier cette magie, oui c'était plutôt étrange. C'est comme si un aveugle de naissance retrouvait subitement la vue.

Ekle se releva, embarquant ses maigres affaires pour s'écarter du patient. Elle glissa quelques mots aux soignants présents pour leur rendre les comptes de son intervention, puis revint vers son interlocutrice.

On s'y fait avec le temps, mais dans les faits oui ça reste un contact particulier. Dans ce rapport, d'âme à âme, il y a cette vulnérabilité que chacun côtoie. Il n'y a pas de corps pour nous séparer, pas de paroles pour nous faire comprendre. Tout se fait en instantané, en direct. Sans force mentale dirigée pour s'en préserver, l'émotion de l'autre a un impact instantané sur soi, et vice versa. Quant au cadre de mes opérations, il est vrai que me faire confiance c'est mettre son âme entre mes mains. Je pourrais décider de détruire cette âme à jamais, ou au pire l'enfermer dans un bijou sans échappatoire. C'est une magie très puissante, pouvant à la fois causer des cataclysmes ou faire des miracles. Bien sûr, réduire la vie n'est pas dans mes objectifs. Alors j'aide les gens à être prêt à poursuivre la leur.

Le soins de la moniale avaient été efficaces, sûrement pas totalement suffisants à eux seuls, mais Osami s’aperçut bien que la magie de l’âme était visiblement un puissant atout pour soulager l’esprit ou la conscience et interagir avec. Comme un mage d’eau ou transformiste interagirait avec le corps pour le guérir… Oh bien entendu elle voyait les aspects possiblement destructeurs, mais c’était comme dire qu’un chirurgien pouvait égorger son patient avec son scalpe. Certes c’était possible, mais seul un fou aliéné ou un sanguinaire le ferait…

Quoiqu’il en soit, elle comprenait aussi la métaphore de l’aveugle qui découvrait la vue, même si ce serait en sens inverse. Si elle était privée de ses dons transformistes, la kitsune se sentirait clairement handicapée ou diminué après tout, mais c’était sans doute normal quand un don magique devenait une base de votre existence, il devenait aussi important que le serait la vue ou l’ouïe…

Pour le reste, elle dirait calmement, mais légèrement amusée. « Oh je ne doute pas que vous puissiez faire du mal, mais ce serait comme dire que votre apothicaire peut vous empoisonner plutôt que vous soigner, on a quand même tendance à supposer qu’il fera bien son travail. » Ce avant de reprendre plus sérieusement, toujours empreinte de sa forme elfique, la kitsune voyait en tout cas que la moniale avait des connaissances précieuses pour un certain type de soins.

« Je vais vous mener à un autre patient, même si je pense que ce sera un autre type de trouble... » Ceci dit, elle le mènerait donc à une naine, visiblement le genre mercenaire, même si elle n’était pas armurée ou armée, mais disons que ses cicatrices le laissaient penser… D’ailleurs elles avaient des blessures qui avaient clairement besoins de soins, pas urgentes, mais inquiétantes... Pas le genre en tout cas qui se soigneraient seule. « C’est une thérianthrope ours, elle refuse de se laisser soigner depuis qu’elle est ici. Je crois que sa part animal, mélangée au côté nain font un mauvais mélange suite à l’excitation du combat… Pensez vous pouvoir la convaincre ? » Un autre type de mission en somme. Ce n’était pas en soit du soin à proprement parler, mais de la persuasion, sauf si Vittoria voulait user d’un moyen détourné, mais non violent ?

Vittoria était toujours aussi neutre, impartiale, mais semblait quelque part apaisée et plutôt satisfaite du résultat. Une satisfaction modeste et humble vis-à-vis de la personne qu'elle a pu aider à sortir de sa prison mentale. Son métier, depuis qu'elle était mage de l'âme, avait prit une tournure nouvelle et humaine, qui rapprochait davantage la vampire de la civilisation qu'elle n'a pu l'être à l'époque. Et cela ne lui déplaisait pas spécifiquement, elle y prenait même goût.

Tournant son attention vers la jeune elfe à ses côtés, elle acquiesça à ses propos avant d'arborer un air intéressé à ce qu'elle avait à lui montrer, puis écouta en silence les détails de la situation. La vampire imaginait déjà comment aborder le problème alors que la naine en face avait, de toute évidence, le comportement d'un ours.

Alors, assurant à son assistante du jour qu'elle allait tenter quelque chose, elle s'avança. Joignant ses mains sur son ventre tout en s'avançant, elle incanta avec douceur avant d'écarter les mains avec lenteur. En faisant cela, elle projeta sa puissance magique vers la naine, cherchant à envelopper son âme d'une aura douce et bienveillante. Avec l'objectif de l'adoucir et de l'anesthésier, elle continua de s'avancer pour s'asseoir aux côtés de la naine, avec confiance. La scène sort de l'ordinaire, offrant une atmosphère presque mystique alors que, sans toucher la patiente, Vittoria tenta de projeter son âme, dénuée d'influence, vers celle de la naine pour l'observer. Pas pour lui forcer quoi que ce soit, mais simplement partager ses souvenirs, ses songes. C'est alors qu'elle trouva ce qui l'intéressait, au fond de ces souvenirs...

La vampire reprit conscience presque aussitôt après avoir phasé, et se mit à murmurer, doucement. Un chant, qu'elle éleva suffisamment pour être entendu tout en restant maternel, il s'agissait de là d'une berceuse que la mère de la naine lui chantait dans son enfance. Et Vittoria chantait... En nain ? Un nain maîtrisé pour la chanson alors que, tentant d'enlacer la naine, elle continua de chanter avec douceur tout en lui glissant quelques mots par télépathie en parallèle, toujours en nain.

Tu es en sécurité, ma sœur. Lève toi et apaise la bête qui est en toi, dis lui que tout va bien, et de te faire confiance.

Osami se disait que la magie de l’âme avait sans doute dû s’employer de manière curative dans les temps anciens au sein de l’empire naga, en plus des manières militaires ou artisanales de l'utiliser. Après tout, il n’y avait pas que le combat dans la vie et elle-même par exemple savait fort bien user de ses magies pour aider les autres de diverses manières. Même si malheureusement, sa maîtrise du domaine de l’eau n’était pas encore assez grande pour procéder à de véritables soins… Quant à celle du transformisme, disons qu’elle préférait éviter d’avoir à soigner quique ce soit avec, car en général c’était plutôt le soin d’imputations diverses et variées…

Pour le reste, Vittoria n’avait pas une assez grande puissance magique dans la maîtrise de l’âme pour pouvoir fouiller la conscience d’un être pour extirper un souvenir aussi enfoui ou ancien. Elle ne pourrait donc sortir ainsi la berceuse de l’enfance de la naine, par contre… Il y avait des sorts de l’âme de son niveau permettant d’infuser des émotions et pensées diverses, elle put sans doute en user donc, aidé d’un chant ou d’une verbeuse apaisante pour calmer la naine… De quoi garder un côté mystique et solennel tout de même, assez pour que sa tentative ne soit pas interrompue en cours de route.

Cette dernière alors silencieuse jusque là, qui avait semblé surprise par la scène, finira par pester visiblement, comme si elle était gardée quand même en partie son renfrognement, ce avant de dire… « Dîtes aux guérisseurs qu’ils peuvent venir me soigner, l’ours est apaisé... » Elle laissera donc Vittoria se lever et repartir pendant qu’elle semblait plongée dans ses pensées. Celle-ci peut-être satisfaite pourrait alors revenir aux côtés de l’apparente jeune elfette qui dirait pensive. « Avec cette guerre les blessés vont continuer à se multiplier, surtout que les Teïderiens ne sont guère un ennemi tendre. » Elle regarde les alentours avant de dire ensuite pensive. « Aucun blessé n’a besoin de votre aide immédiatement, auriez vous besoin de quoique ce soit pour vous reposer un peu ? Vous avez l’air de venir de loin. » Sans doute en référence au fait les moines n’étaient pas des plus nombreux en terre duchéenne...

Vittoria avait fourni l'effort qu'elle pouvait pour aider la naine et, bien qu'il faille dépenser une certaine énergie et faire preuve d'une flexibilité d'esprit assez développée pour trouver et appliquer des solutions adaptées à chaque patient dans l'objectif de les aider et de leur permettre d'aller de l'avant et profiter de leur avenir, elle était capable de le faire et y était parvenu avec succès. La naine finit par demander du soin et, ne traînant pas pour la libérer, Vittoria s'écarta vers l'elfe qui l'accompagnait. Vittoria était satisfaite ; c'était là tout le plaisir et la raison de son voyage, aider les autres et leur permettre d'avoir une nouvelle chance qu'ils n'auraient pas pu avoir autrement. Le coup de main, l'aide généreuse de l'inconnue qu'elle était pour ceux qui l'acceptaient, était simplement désintéressée, et pouvait changer plus d'une vie.

La vampire avisa l'elfe face à elle, et acquiesça doucement, lentement, avec une certaine humilité qui lui était propre.

La guerre provoquera du malheur partout dans le monde, oui, et je sais que mes actions ne sont qu'un grain de sable dans ce sablier qu'est Orzian. Je suis tout de même soulagée de pouvoir aider à mon échelle, et c'est pour cela que je voyage en ce moment.

Elle marqua un temps, allant trouver un endroit pour s'asseoir, alors qu'elle s'empara d'une poche de sang Akkatonienne dissimulée dans sa sacoche qu'elle sirota à la paille, d'une manière respectueuse et propre qui pouvait faire douter de la nature du breuvage. Puis, sans tarder, elle répondit à son interlocutrice.

J'ai beaucoup voyagé, mais j'ai grandit dans un monastère en Ikhyld durant de longues années, et aujourd'hui je suis à la tête de ce même monastère où j'enseigne et supervise les rénovations. Cela fait de moi une Ikhyldienne, mais je ne vous cacherait pas qu'en réalité je suis née ici, aux Duchés, il y a bien longtemps de cela.

Je n'y ai vécu que mes premières années, ce qui en fait un détail anecdotique. Et vous, vous êtes d'ici ?

L’elfette un peu amusée par ce qui venait d’être dit, répondrait simplement.

« Oh, après je suppose que c’est grain de sable par grain de sable qu’on fait une brique et brique par brique qu’on bâtit un édifice. Pour ma part je considère que si l’on fait du bien à un seul individu, ça en vaut déjà en peine, il faut en aider le plus possible évidemment, mais on peut déjà faire beaucoup de bien en sauvant ne serait-ce qu'une seule vie. Soyez en un peu contente et dîtes vous que vous les avez aidés eux et que vous en aiderez d’autres, je suppose que c’est un peu comme voir le verre à moitié plein. » Dira alors Osami avec une certaine maturité, mais aussi en essayant de voir les choses de façon optimiste. Après tout, il était sans doute normal de culpabiliser de ne pas pouvoir aider tout le monde, mais on pouvait aussi être fier de ce qu’on faisait déjà après tout. Après, elle parlait plus de satisfaction que de fierté, son interlocutrice était une moniale après tout.

« Les expatriés dans un sens ou l’autre ne manquent pas. Je suppose après que vous êtes plus une Ikhyldienne que duchéenne dorénavant. » Dira sinon l’elfette pensive, qui pour sa part se contentait de manger une pomme qui était laissée à libre disposition dans les environs, ce avant d’ajouter en décidant de mentir, à moitié.

« Je suis Duchéenne, mais née en Ikhyld, je suis partit jeune voyager et j’ai décidée de rester ici. Les Duchéens sont à part, libres de penser, farouchement individualistes, très ouverts d’esprits aussi. Les Duchés sont une jungle, emplie d’opportunités et de danger, les gens pensent avant tout à eux en général, mais sont ouverts aux autres tout de même. Il y a autant moyen d’y vivre en tant que guérisseuse, que des fois de faire des bonnes actions. » Puis, elle demanderait ensuite curieuse. « Et qu’enseigne t-on dans votre monastère, une philosophie de vie ? » Ce qui était assez courant après tout !

La vampire observait les alentours un instant avant de se concentrer sur son interlocutrice. Les efforts que Vittoria avaient fournis jusque là allaient sûrement payer si ce n'était pas déjà le cas, et il est vrai qu'il suffisait de voir la chose de cette manière pour pouvoir avancer. L'inverse aurait été de se dire que l'objectif final n'est pas atteint et que rien n'a été fait depuis pour ça, mais la moniale arrivait aisément à chasser cette idée de son esprit grâce aux paroles de l'elfe. Oui, elle était capable d'aider et avait aidé de manière efficace, une sorte de parcours initiatique par la pratique et l'expérience.

Elle redressa légèrement le nez vers l'elfe à ses côtés, acquiesçant sobrement.

Oui, je suis sûrement plus Ikhyldienne que Duchéenne. Et les Duchés ont des aspects intéressant, en effet, même si je n'avais jamais pensé à cette opportunité que la région représente. J'imagine qu'il y a de quoi faire, dans plusieurs domaines.

C'était sûr que n'importe qui de n'importe quelle profession pouvait y trouver son compte, à condition de s'insérer dans le bon réseau et de saisir les opportunités qu'il s'y présentaient.

Mon monastère enseigne les arts martiaux, ce qui peut s'apparenter à une philosophie de vie basée sur le contrôle de son corps et de son esprit. Un art rigoureux nécessitant un travail quotidien, la construction d'une rigueur personnelle. J'utilise aussi cet aspect pour aider à la compréhension et à la canalisation de l'énergie magique de ceux qui rejoignent mon établissement. J'enseigne la magie, à ma hauteur, mais aide surtout à le canaliser. J'ai déjà eu un élève au potentiel plus grand que le mien, mais mes enseignements ont su l'aider malgré tout.

Une conversation fort intéressante en somme, qui se poursuivit quelques instants avant que les deux dames eurent à se séparer.