Une contrée reculée - Eïrn
18 Janus 2000 de l'Âge d'Acier


Belle était la journée, heureuse était la nature.  En ce lieu reculé, oublié de tous ou plutôt délaissé par toute forme de vie douée de raison,  le ciel nous gratifiait de son plus beau et chaleureux sourire. Le toit de notre monde semblait vouloir guider les âmes vers un état de plénitude contemplative, étant libre de quelques nuages que ce soit. Quelques cris d'animaux ça et là, des oiseaux et autres créatures volantes dans le haut lointain et tout semblait idyllique. Si je n'avais pas su pourquoi j'étais en ces lieux, j'aurais peut être pu apprécier la chose à sa juste valeur mais il n'en était rien. Pour moi, tout ceci sonnait faux. J'avais l'impression d'une grande supercherie, d'une mascarade. Oui cela m'avait tout l'air d'un décor de scène théâtral.  Tout me criait qu'il s'agissait d'un piège, un piège des plus pernicieux et pour cause. Si nous étions là, ce n'était pas pour  les vacances

Eirn, berceau de la république,  tel était notre sol du jour.  Ce pays abritant cette Cité aux mœurs étranges de mon point de vue, au système politique que je comprenais dans les grandes lignes mais qui échappait à ma logique d'Ikhyldienne. Une république régit par la religion... Il y a tant à dire ou à débattre mais nous en ferons fi pour cette fois, voulez-vous ?  Si je me trouvais là, presque un mois après mon aventure qui m'avait poussée à combattre un géant sur ce même sol,  c'était pour accompagner ma précieuse et ô combien Glorieuse Maîtresse. Dame Katsuragi elle-même avait fait appel à mes services pour la seconder et l'épauler. Joie, honneur. Je n'avais pu refuser, ne le voulant tout simplement pas. Sans compter qu'elle était ma supérieure incontestable, c'était de mon modèle qu'il s'agissait. Qui irait refuser une pareille demande de son idole ? Pas moi en tout cas. Elle m'accordait sa confiance une fois de plus et j'en étais des plus heureuse, des plus fière. Elle aurait très bien pu y aller avec un autre membre de la garde mais c'était moi qui l'accompagnait. J'étais sur un petit nuage, remontée à bloc, déterminée à lui faire honneur une fois de plus, à ne pas la décevoir et surtout, à tout mettre en œuvre pour que notre mission soit menée à bien et qu'il ne lui arrive rien. Le cas échéant, Imryll me tuerait certainement.

La Plus Grande des Dames d'Ikhyld avait ses raisons de venir ici en personne. Nous étions loin du foyer et de son champs d'action habituel. Peu m'importais, je n'avais pas à penser, simplement à lui être utile. La guerrière que j'étais, brûlait de désir d'en découdre, tout autant que mon sang de Karyoku. L'appel de la gloire, de l'épique et des légendes à créer par sa lame, quoi de plus exaltant pour nous autre ? Toutefois, sans en avoir peur, je n'étais pas sereine. Un dragon... Ces créatures, j'avais plus l'habitude de les côtoyer en tant que confrères qu'en tant que créatures malfaisantes décharnées. Pour le coup, là, c'était un mort-vivant.  Cela n'enlevait en rien ce que j'éprouvais. J'en avais mal au cœur. Oui, une sorte de pitié compassionnelle envers cet être autrefois débordant de vie dont l'âme torturée était souillée bon gré mal gré par la magie funeste et néfaste d'un quelconque nécromancien peu scrupuleux.  Vu les circonstances, nul doute qu'il soit mort et grand bien lui fasse. Sa mort avait due être horrible mais ce n'était rien comparé à ce que je lui aurais fait subir.

_  Vôtre Impériale Grandeur, pardonnez-moi de vous importuner ainsi de la sorte et loin de moi l'idée ou l'envie de remettre votre sagacité en doute mais Isamu n'aurait-il pas été d'un secourable renfort ? Son bouclier est des plus fiable. Moi, je ne suis qu'une lame dansante s'agitant devant vous, lâchant quelques gerbes de flammes. Êtes-vous sûre que je ne serais pas une gêne ou tout du moins, un appuis plus que suffisant ? Votre sécurité est primordiale, l'Empire ne peut se passer de vous, pas à cette heure-ci.

Comme pour accueillir mes propos, un bruit sourd, étouffé et lointain,  était parvenu à mes oreilles, si tant était qu'elles eussent pu l'entendre. En fait, ce son, je l'avais ressenti par onde pénétrante. Un onde faisant vibrer le sol et me traversant de bas en haut. Dans son côté visuel, une nuée d'oiseaux avaient pris leur envol soudainement, non loin de nous.  Dans son côté sonore, les cris d'animaux se faisaient plus agités mais plus harmonisés. Ils semblaient tous être de concert désormais et non plus raciaux. Tout sonnait comme un message d'alerte. Pire encore, ce bruissement de feuilles était des plus désagréable. Pour finir, pour le côté olfactif, le vent qui soufflait en venant de notre droite charriait une odeur des plus... disons... Raffinée. Une odeur noble et délicate, un parfum exquis que je ne doute pas que la noblesse Ikhyldienne s'arracherait. Cette fragrance, tuons cet interminable suspens, c'était celle de la décomposition mêlée à un soupçon de promesse de mort.

Mn cœur martelait contre ma poitrine, l'exhortant de le laisser sortir, frénétique, rythmique mais moi, je souriais. Ma poigne sur mon naginata s'était affermie. La peur ? non, l'excitation. Hisui Iki no Kinryû frémissant dans mon dos, je la sentais. Elle avait soif d'aventure à nouveau.  Je me mettais alors en position, parée à livrer ma représentation de danse, coupante et brûlant, après avoir échangé un regard avec mon Impératrice.

L'immonde créature fini par sortir de derrière une mince rangée d'arbres, balayant au passage plusieurs d'entre eux de sa silhouette immense pour se frayer un passage. Elle était gigantesque, avec un corps aussi gros que l'énorme golem, et de larges ailes qui le faisait paraître plus imposant encore. Sur celles-ci s'accrochaient encore de minces lambeaux de peau qui portaient l'odeur de putréfaction, mais il était clair qu'elles ne pouvaient plus le porter.

Une fois en espace libre, la créature eut une mimique qui aurait dû produire un cri, mais ne le pouvait plus guère, et jeta un coup d’œil à la créature de feu dans le ciel, avant de rapidement revenir sur le gros être de métal face à lui. Avec un feulement étrange, il se jeta directement sur lui, avec cette haine primale de toute vie qui le caractérisait, le heurtant de plein fouet en lui portant un puissant coup de ses terribles griffes au flanc.

Jets de dés et précisions: