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Orzian, engrenages et arcanes
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Orzian, engrenages et arcanes


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Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980]
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 :: Mémoires d'Orzian :: Sujets périmés :: Rps terminés
MessageSujet: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyDim 4 Aoû - 21:06
Et puis, le printemps était venu. La chaleur des jours avait cru avec lenteur, et les feux étouffés des mois durant étaient revenus régner sur les immensités : ils avaient fait taire les tempêtes, tari la rumeur des orages, et la poussière remuée au long des frimas s'était peu à peu tamisée avec le redoux pour enfin rouvrir les pistes anciennes qui irriguaient le pays. Pour Sahar et pour Salif, c'était l'heure de repartir. Quitter Nephtys et son refuge, la demeure désertée où on n'avait laissé que ceux qui le devaient, reprendre la route encore et encore, dans l'agitation de la caravane qui s'était ébranlée au seuil d'un jour neuf : toujours au cœur la même hâte, la même excitation de s'en revenir à la source, comme ces poissons qui remontent toujours le cours de la rivière pour s'en aller où ils étaient nés.

Et là où Sahar se rendait, c'était partout : partout chez elle au milieu des dunes, pour y retrouver des paysages familiers. Elle aimait la ville, du haut de ses treize ans, elle aimait la ville et tous ses gens, mais elle aimait plus encore le printemps tout brillant qui la ramenait sur les routes dans l'ombre de Salif et des autres. Toujours la même hâte, oui, qui lui resterait longtemps dedans le ventre et la tête. Partir sans fin, avec l'allégresse du jeune âge, malgré la fatigue et les dangers, parce que c'était tout ce qui faisait le sel d'une existence jetée aux quatre vents.

Alors, la terre avait défilé au rythme lent des chameaux et des chevaux, et la petite marchande juchée sur sa jument avait promené sa mine fière sous son chèche blanc, comme si d'invisibles ailes se déployaient plus encore à chaque pas qui la ramenait auprès des siens.

De loin en loin sous le soleil aveuglant, un contre-jour subtil dessinait les pierres et les aspérités dans le long écoulement des dunes lisses et poudreuses ; comme des arêtes vives, elles rompaient d’un éclat dur la suave forme blonde des montagnes de sable aux rondeurs fluides qui se gonflaient sous le vent chaud. Le soleil déclinait, et sur la piste, la lumière rasante révélait chaque aspérité, chaque relief, glissant des ombres immenses et des silhouettes dansantes sur le fond doré du sol incertain. Les combes, les vallées et les ruisseaux asséchés s’emplissaient d’une obscurité rougeâtre, parfois sillonnée d’éclats d’or pur quand un tourbillon de poussière s’y élevait dans la lumière.

Ses yeux d'enfant retrouvaient la brûlure des feux d'un soleil écrasant, mais elle trouvait là quelque chose d’apaisant, comme si le vide implacable de ce qui l’entourait, ce silence sifflant tout peuplé de vent et de poussière venait absorber et emporter le trop-plein de ses pensées vagabondes. Là, la sérénité, et elle souriait à la lueur déclinante du soleil trop ardent, à l’ombre bleue et rouge des dunes et des oueds arides, à la pureté du ciel vide où tournoyaient les silhouettes fantomatiques de quelques oiseaux.

Une grande écharpe d’or chatoyant était jetée sur l’extrémité du ciel, et la lumière se teintait d’un orangé flamboyant qui donnait au sable la couleur de l’ocre et de l’ambre, comme une poussière de pierres précieuses et d’agates. Le cyan du mitan des cieux se maculait d’indigo, et contrastait plus encore avec la couleur des dunes et des rochers, comme si une grande mer d’encre et d’azur avait jeté ses flots au-dessus d’eux. Son drapé lisse s’allumait peu à peu de quelques chandelles minuscules, et il y avait comme un frisson de se sentir suspendue entre ciel et terre, dans l’immensité muette de ces deux contraires qui s’affrontaient dans le murmure du vent. Tout déclinait, tout s’apaisait, dans le silence impassible du désert.

Et puis, soudain, de grands cris : les cavaliers qui formaient la tête du convoi et s'en allaient souvent au-devant des autres pour repérer la route revinrent en hâte avec aux lèvres la nouvelle attendue. Le clan Mahjtani était bien au point de rendez-vous et avaient dressé leurs tentes autour du puits où chaque fois l'an, on se réunissait toujours aux premiers jours du printemps. On se hissa sur les étriers quand les premiers feux vinrent étoiler le sable, et qu'on vit, sur la crête, une poignée d'hommes qui menaient leurs troupeaux dans un grand bruit de sonnailles. Une joie sonore saisit les gorges des voyageurs dans la clameur de leurs rires, on se fit de larges signes, et chacun pressa l'allure des montures pour vaincre la dernière distance qui les séparait du campement.

Oh, que ce fut, long, combien sont lents les ultimes pas, les quelques lieues à franchir encore jusqu'au repos. La torture était douce, et le tourment bien à l'aune du réconfort qui attendait les gens fourbus : le vent leur portait la rumeur des paroles, l'odeur des bêtes et des fumées qui rôtissaient la viande, et l'amertume des vapeurs du thé remué d'une main experte par les femmes auprès des foyers.

Sahar mit pied à terre avec les autres au milieu des éclats de voix et des embrassades, et courut tout droit vers son père qui la cueillit dans des bras aimants qui la soulevèrent de terre, parce qu'elle pouvait grandir tout ce qu'elle voulait, elle resterait toujours petite brindille dans les mains du patriarche.

–Parole, petite Nour, tu as encore trop bien grandi ! S'écria-t-il en perdant le souffle. Qu'est-ce qu'il te donne, ce renard de Salif, pour que tu pousses de la sorte ?

–Mais pas bien épaisse, avec ça, commenta sa mère en l'attirant à elle à son tour pour l'enfouir dans les pans de ses robes, tout contre son sein. J'espère que tu la nourris bien, akhi, sinon tu auras affaire à moi.

Elle claqua une volée de bises bruyantes sur les joues de sa fille et la laissa s'échapper enfin pour aller embrasser ses frères et sœurs qui attendaient leur tour autour de leurs parents.

–Ah, mais c'est qu'elle mange, ukhti, ma nièce est bien la digne enfant de sa mère, crois-moi, répliqua Salif en s'esclaffant.

Et à grands cris toujours on se salua, échangeant les grâces et les rudesses des parentèles trop heureuses de compter autant, sinon plus, de membres en bonne santé qu'à leur départ. Il fallut un long moment encore, et des cascades de rires et d'accolades, et des nouvelles, avant que l'on s'attelle au dernier labeur avant le repos. Il fallut décharger les bêtes et les mener au puits alors que le monde sombrait dans la nuit, mais eut égard à la fatigue, on laissa les plus fourbus aller se reposer auprès des feux qui jetaient leurs clartés au centre des tentes. Sahar fut installée près de l'un d'eux, on posa sur ses épaules une couverture, une timbale fumante entre les mains, au milieu de ses tantes attelées à la préparation du repas.

Étourdie par cette arrivée bruyante et la joie des retrouvailles, Sahar mit un moment avant de repérer un élément curieux dans le décor. La figure entrevue à la lueur des flammes lui était peut-être familière, croisée en coup de vent peut-être un jour, sans qu'elle ne puisse encore discerner clairement la chose. C'était un étranger, la peau trop blanche sous la vêture des nomades, avec son foulard noué autour des cheveux aussi noirs que les siens : il ne portait pas l'indigo des caravaniers, et même s'il semblait se mêler à eux avec la plus grande familiarité, elle lui trouva quelque chose d'un peu à part, comme un élément rapporté.

–Lalla, s'enquit-elle en tirant sa tante par la manche, qui est donc notre hôte ?

–Ah, lui ? C'est sidi Otmar, un ami de ton père. Il est arrivé chez nous il y a déjà quelques temps, on le garde comme invité. Yahya voudra te le présenter sans doute, c'en est un qui vient du nord pour se mêler à nous.

Et de fait, une fois les dernières tâches expédiées, le patriarche et sa femme revinrent s'installer près d'eux. D'un geste de la main, il convia l'étranger à se joindre à eux sur les épais tapis qui les protégeaient du sable encore brûlant.

–Viens t'asseoir, sidi, tu en as assez fait pour ce jour. Je voulais te montrer la cause de toute cette agitation, je crois que tu ne l'avais jamais rencontrée, celle-là. Ou peut-être bien que si, mais tu ne t'en souviens peut-être pas.

Ce disant, il posa sa longue paume sur la tête de Sahar, qui ouvrait tout grand ses yeux verts pour observer le curieux personnage. La jeune fille était maigrichonne comme le sont les petiots de cet âge, un pied encore dans les joliesses de l'enfance, avec cette expression grave et farouche qu'ils ont parfois. Le front était brun sous ses boucles échappées des replis d'un voile de jeune fille, encore vierge de bijoux, et l'allure un peu maladroite, toute en énergie rentrée. Elle dégageait cette même impression d'ébauche que les œuvres à leur essor, toute en genoux cagneux et en articulations saillantes, en ossature malingre sur laquelle flottait son grand burnous de drap clair.

–Voilà encore une de mes filles, reprit Khadija en couvant sa progéniture d'un regard vibrant de fierté. Celle-là s'appelle Sahar, c'est elle qu'on a confiée à mon frère Salif pour qu'elle apprenne son métier de marchand. C'est une petite voyageuse, comme nous.

On se gardait bien de tristesse, en ces heures de réunion : après tout, la séparation au gré des vents et des temps était le quotidien des nomades, fait d’éloignements et de retrouvailles passagères, comme ces oiseaux qui se rejoignent toujours au même endroit sans se souvenir vraiment ce qui les poussait là.

Sahar se fendit d'un salut profond et poli, courbant l'échine en portant le bout de ses doigts à son front.

–Puissent les ancêtres garder leur regard sur toi, sidi, récita-t-elle avec une application perceptible. C'est toujours un plaisir de rencontrer les amis de mon père.

La solennité des paroles avait quelque chose d'étrange, dans une bouche aussi jeune. Très vite toutefois, cela passa, et elle se replia sur elle-même, ses jambes gardées tout contre elle, pour flairer avec délices le contenu de son gobelet blotti dans ses paumes. Seul son regard perçait encore alors qu'elle buvait à petites gorgées et accrochait la lueur du feu comme de profonds joyaux d'ocre verdoyante.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyLun 5 Aoû - 20:22
Tout cela prenait évidemment place à une époque où Otmar ne revêtait pas encore la fonction impériale ou n'aspirait même pas encore à l'obtenir par une longue campagne électorale menée comme une véritable bataille législative sur trois continents entiers, même si moins en Orzian que les deux autres. Une époque où il était plutôt un ethnologue estimé au sein de sa profession et des universitaires des lettres Akkatoniens, un spécialiste de cette profession qui visait à l'étude de diverses peuplades plus ou moins exotiques, lui se spécialisant plus dans l'exotique et de diverses races, lui fréquentant pas mal les nagas et elfes mais pas que. Et aujourd'hui, était une belle journée, il appréciait déjà bien cette tribu dans laquelle il s'était immiscé pour son travail et dont il essaya rapidement d'adopter les mœurs, enfin plutôt de vivre comme eux. Après tout pour qu'un ethnologue puisse vraiment étudier le quotidien des populaces étudiées, mieux valait le moins possible perturber celui-ci.

Et évidemment il essaya de se mêler aux gens comme tous les jours plutôt que de rester à l'écart, visant autant à devenir une figure familière par pragmatisme professionnel que parce qu'il était de nature sociable, il aimait les rencontres, converser, interagir et y était habitué que ce soit dans de nombreuses langues ou accents différents. Dire qu'il était polyglotte ne serait pas faux d'ailleurs, il savait même parfaitement parler l'elfique avec les accents s'il le fallait et la bonne dose de double sens à la moindre phrase anodine. Mais là, il parlait surtout une sorte de de dialecte peut-être proche de l'akkatonien ou du naga avec l'accent convenable, tout en étudiant sans en donner l'air la façon de se mouvoir et de converser de chacun pour essayer de deviner le sens implicite de chaque action.

Et au bout d'un moment alors que les gens du clan dans lequel il avait été invité furent rassemblés, on le mena auprès d'une jeune enfant, l'homme l'ayant accueillit voulant lui présenter une jeune femme qu'il se rappelait bien avoir aperçu, pas forcément beaucoup interagit avec elle, mais disons que la mémoire des visages d'Otmar était infaillible.

« Si, je m'en souviens, une charmante enfant. Même si je n'ai point converser avec elle. » Glissa t-il donc cordial, alors qu'il observait la scène. Pour sa part disons qu'il dégageait déjà à l'époque, même si moindrement une certaine aura. L'homme aux cheveux plutôt noirs donnait déjà une impression de noblesse, mais pas de sang ou de titre, plus de caractère et d'une certaine forme d'amabilité qui donnait presque envie de lui faire confiance, même si évidemment la prudence enjoignait par principe d'attendre avant de faire confiance à quique ce soit. Même si, la confiance n'était pas non plus un bien dont on devait se faire le gardien farouche sans raison, au risque de manquer des opportunités.

« En effet, je devine que c'est votre fille, elle dégage déjà en partie la grâce de sa mère et la noblesse de son père. » Complimenta quoiqu'il en soit non sans une touche de sincérité à ce sujet, après tout il était souvent polit de complimenter la progéniture d'autrui, sur l'apparence à la première rencontre, ensuite… Eh bien disons que quelqu'un de malin arrêtait en général de louer la beauté des gens quand il les croisait plus d'une fois, les compliments sincères sur le caractère étant alors plus appréciés. Souvent.

« Et c'est un plaisir pour moi de te rencontrer, votre peuple est fascinant et je dois dire que je suis flatté que ton père ais accepté ma présence. » Finit-il quoiqu'il par dire avant de saluer la jeune enfant comme on le ferait dans sa tribu envers une enfant, avant de glisser ensuite avec un léger amusement au père de celle-ci, mais tout à fait sincère sur ses propos.

« Il est bien de faire voyager la jeunesse, j'ai moi-même beaucoup voyagé jeune, on apprend beaucoup de choses quand on écoute et converse avec ceux que l'on rencontre au cours de ses voyages, je suis certain ainsi que votre fille a déjà beaucoup de sagesse à offrir malgré son jeune âge. » Ce avant d'attendre poliment ensuite la suite, il sentait après tout qu'on ne l'avait pas mené ici uniquement pour lui dire que cette enfant était jolie et leur fille, même si c'était déjà très bien évidemment. Mais disons qu'il avait une bonne intuition sociale en général...
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyJeu 8 Aoû - 23:26
Gorgée par gorgée, pas par pas, mot par mot, c'était reprendre pied dans un univers familier et sentir se refermer autour de soi le cocon de l'enfance, dans la rumeur des gens et le craquement des feux qui s'élevaient sous la lune. Autour, le désert chantait sa complainte dans le vent qui s'apaisait : dans les dernières lueurs du jour, tout s'enfonçait et l'obscurité avait englouti les tentes pour réduire le monde au seul flamboiement des foyers. Là, tout se repliait, un univers en miniature, silhouettes dansantes et ombres vagues projetés sur le sable piétiné. Elle se laissa bercer alors que les grands conversaient. La voix de Yahya, chaude et profonde, poncée par les années de sécheresse, et puis celle de sa mère qui lui répondait, et puis un rire. Ils parlaient d'elle, peut-être, mais l'espace de ce moment, elle n'écoutait plus, ou plutôt, elle écoutait tout : les paroles échangées, les bruit de sonnailles des bêtes parquées pour la nuit, les marmites et les gamelles qui s'entrechoquaient dans un fracas de fer blanc et de bouillons odorants, les tisons craquants, les bijoux remués, l'écho d'un chant, refrain lâché dans le noir...

Sahar revint au présent. Au moins, à un présent un peu plus circonscrit à son entourage immédiat, et aux yeux fauves de son père qui la regardait avec un sourire malicieux.

- Alors, tu as perdu ta langue en cours de route ? D'ordinaire on ne cesse de t'entendre.

Une pause, puis il posa de nouveau sa longue main brune sur la tête de la jeune fille.

- Je disais à l'ami Otmar à quel point tu étais savante en ce qui concernant les contes et les légendes de nos pays.


La petite s'anima un peu, entendant cela. Elle reposa près d'elle sa timbale vide, que Lalla Mani s'empressa de remplir, et se redressa en croisant ses jambes maigrelettes sous les replis de sa robe.

- C'est vrai, confirma-elle en hochant vivement la tête. J'ai écouté tout ce que j'ai pu, et j'ai retenu plus long encore. Je peux t'en conter, sidi, mais tu sais la coutume, j'imagine : on n'achète pas une histoire, mais on peut l'échanger contre une autre.

Les yeux curieux de Sahar s'ouvraient tout grands sous l'ourlet du voile entortillé qui lui ceignait le front. Emeraudes et agathes fauves sous la lueur des flammes avaient cet éclat qui vient aux chats intrigués et aux enfants qui ont soif d'apprendre, une lueur d'étincelles qui enflamme si vite les ardeurs du jeune âge.

- As-tu voyagé loin, avant ? As-tu vu d'autres pays que celui-ci ? Comment sont-ils ?

Khadija rit et éleva les mains en se dérobant un peu.

- Ah, la voilà lancée. Je te la laisse, Otmar, fais-nous signe lorsque tu en seras fatigué. Et toi, petite Nour, prends bien soin de notre invité et sois une bonne fille, d'accord ? Ne l'épuise pas trop, de grâce, il a bien travaillé ce jour.


Le chef et sa parèdre laissèrent là leur fille et l'hôte face à face, pour s'en aller vaquer à d'autres occupations et d'autres palabres. Sahar remua sur son séant pour se rapprocher avec entrain, serrant dans ses petites mains grêles le contour de son gobelet qui fumait dans la fraîcheur rampante de la nuit. Elle souriait comme à qui l'on promet une friandise, malgré ses yeux cernés et sa fatigue évidente.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptySam 10 Aoû - 14:59
Au bout d'un moment, ils finirent tous pas consacrer leur attention à la jeune enfant qui visiblement avait été ailleurs un temps, sans doute pour de nombreuses raisons, dont la fatigue se dit Otmar qui sourit avec bienveillance à celle-ci quand elle se mit finalement à vraiment prendre la parole. Surtout quand celle-ci parla d'échanger une histoire contre une autre. Et qui finalement lui posa quelques questions auquel il décida de répondre avec un calme enthousiasme, ce après avoir sourit avec amusement à son ami qui précisait que sa fille était visiblement lancée. Ami auquel il avait glissé avant sa réponse.

« Ne t'inquiète pas, je n'ai pas voyagé toute ma vie pour être lassé de l'idée de partager mes expériences, passe une bonne soirée quoiqu'il en soit. » Puis, vint donc sa réponse à la jeune enfant.

« J'ai vu beaucoup de pays en effet, aussi bien en dehors d'Orzian, qu'en Orzian elle-même et c'est de ces derniers que je vais parler. Que ce soit les terres fertiles et agréables des Duchés, animées et vivantes en tout point, où les gens sont à la fois d'un grand intérêt, mais aussi dangereux et cupide des fois sur certains aspects. Une terre où il y a toujours à faire et où on vit intensément. Les mystérieuses contrées d'Eïrn, alternant entre certains exemples éclatants de civilisation et de terres sauvages mystérieuses mais dangereuses. Une nation où chaque voyage est une découverte et une aventure exaltante, mais aussi périlleuse. Un pays singulier où il faut aller au moins une fois je pense. Viennent ensuite les terres enchantées d'Ikhyld, où la magie est presque en toute chose, où tout est agencé presque avec harmonie et où le culte du beau, métaphorique, est à son paroxysme, une terre d'émerveillement et grandeur. Akkaton aussi et son audace et ses rêves de lendemains meilleurs. Une nation voulant toujours aller plus loin pour repousser les limites de l'impossible. Je pourrais te parler de tout cela et bien plus sans doute, des aventures que j'y ai vécu, et je le ferais certainement selon ce que tu désires entendre en premier. Et toi jeune âme, de quoi pourrais tu me parler ? Après tout, rien ne coûte d'aiguiser la curiosité de ceux à qui tu pourrais conter une histoire. » Oui et puis il avait donné un bon aperçu, autant lui laisser le temps de réfléchir à ce par quoi elle voulait commencer, n'est-ce pas ? Quoiqu'il en soit, il ne doutait point que cette soirée se révélerait très intéressante à mains égards.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMer 14 Aoû - 14:16
Dans le noir, les yeux grands ouverts : la petite buvait les mots de l'invité comme on se repaît de la première gorgée d'un vin précieux, sa figure de chat toute tendue de curiosité, comme si elle faisait abstraction de tout le reste. La parole habile et le verbe alerte se teintaient d'un léger accent du nord qui faisait sonner d'agréable façon leur dialecte de gens du désert, et cela plaisait à son oreille qui y captait des inflexions nouvelles.

Elle remua gaiement sur son séant, et lui répondit par un large sourire espiègle :

– Tu en as dit un peu, je t'en dirais un peu aussi.


La jeune fille avait repris son gobelet plein entre ses paumes, et ses doigts grêles pianotèrent contre le rebord comme si on venait de lui présenter un assortiment de douceurs au milieu duquel elle ne savait pas encore faire son choix. Elle but quelques gorgées, et puis se drapa plus amplement dans le manteau qui la protégeait de ce froid intense que les premières étoiles faisaient tomber sur eux. La nuit s'avançait déjà et les ultimes lueurs du crépuscule avaient disparu derrière la ligne sombre des dunes et des rochers : elle regarda le ciel, fit mine de réfléchir, et puis eut de nouveau ce petit sourire mutin qui lui creusait des fossettes dans ses joues brunes.

– Oui, je crois qu'il est l'heure, reprit-elle.

Sahar se leva et fit un signe de main à son père, de l'autre côté des grands feux, et puis s'inclina devant Otmar.

– Suis-moi, j'ai quelque chose à te montrer.

Elle tâchait de masquer son impatience, mais il y avait dans le pas allègre qui l'emmena à l'écart du camp une sorte d'excitation de petite fille qui cherche à dissimuler sa hâte. À la lueur d'une lanterne, ils laissèrent derrière eux les tentes, les enclos des bêtes à demi endormies, la rumeur des gens et l'éclat des flammes auxquelles ils tournaient le dos. Elle lui fit franchir l'épaule d'une petite dune, puis s'en aller vers une crête rocheuse qui émergeait du sable et leur offrait un point de vue dégagé sur les environs : à quelques pas, derrière eux, on put percevoir, à peine audible, la course alerte de quelqu'un qui les suivit discrètement, à bonne distance. La précaution était ordinaire, et rien moins qu'essentielle, parce qu'il n'était jamais sûr de s'éloigner de la sorte et Yahya n'aurait pas laissé une de ses filles sans protection, fut-ce en compagnie d'un voyageur aguerri comme Otmar.

Sahar fit mine de n'en rien savoir et s'assit sur les rochers qui exhalaient encore la tiédeur du jour, bue à fleur de terre par le froid piquant qui s'était fait plus intense en s'éloignant des foyers. Elle ramena ses genoux contre elle, les entourant de ses bras, pelotonnée comme un chat dans les replis de ses longs vêtements amples, le regard tourné vers l'est enténébré d'où montait une nuit profonde et veloutée. La flamme qui les avait guidés fut occultée un moment et les laissa dans une obscurité passagère, le temps d'accoutumer leurs yeux.

– Regarde.

Au début, il n'y eut rien. L'infini très noir, vide de tout, qui projetait son ombre sur un sable rendu muet par le vent qui était tombé avec le jour. Et puis, timidement, les étoiles apparurent, d'abord des points brillants et vifs qui miroitaient à peine dans l'air pur, et puis d'autres, plus ténus, comme sertis dans l'épaisseur de la voûte céleste aussi limpide qu'un verre bleuté. Lentement, ils dessinèrent le contour tout juste perceptible de cette guirlande scintillante qui fendait le ciel comme une ceinture, une route, un jeté de diamants éparpillés sur le velours profond.

– Regarde, répéta-t-elle. C'est la parure de la mariée. La nuit vient reposer auprès de son époux.

Elle ferma à demi ses longs yeux, et reprit, un rien plus haut. La voix était jeune encore, mais elle s'élevait avec assurance, comme une récitation réconfortante, une oraison cent fois répétée qui sonnait comme un refrain, chargé de sa propre mélodie.

– Au commencement du monde, raconta-elle, ce pays était une terre verte et fertile, avec des lacs, avec des pâturages et des hautes herbes où les animaux venaient paître : sidi Geb a façonné une contrée riche pour y faire vivre ses enfants, mais cet ouvrage était un dur labeur, alors, il s'est couché pour se reposer. Il s'est assoupi sous le soleil, qui est resté près de lui : il a brillé, brillé, il a fait croître la verdure, il a mûri les fruits, parce que sidi Geb lui avait dit « ta lumière est bonne, elle est source de vie. Tu brilleras tant que je te le dirai. » Mais sidi n'a rien dit, il dormait, alors le soleil a brillé. Mille ans ont passé, et la brûlure est venue, elle a rongé les feuilles et les tiges, elle a asséché les cours d'eau, elle a tué toute vie sur les rochers. Le pays est mort lentement et lalla Nout, voyant que sidi Geb ne se réveillait pas, a étendu ses voiles et ses atours, elle a secoué son manteau pour chasser le soleil et couvrir la terre pour la garder dans son ombre, pour qu'elle puisse guérir. Elle a dit au jour « va ! Tu reviendras quand le pays sera neuf à nouveau ». Et elle s'est allongée là : son œil brille encore, rond comme une pièce, et parfois elle s'endort quand elle est lasse de veiller. Ce fut la première nuit.

Un instant de silence, le frisson d'une étoile, puis deux, puis trois. Le calme profond ne se troublait de rien, aucun son, sinon les rumeurs lointaines du camp, les battements des tambours et les chants qui s'élevaient, distants, comme surgis d'un autre monde. Là où ils étaient, il n'y avait que l'infini pour leur répondre, et les étendues du ciel et de la terre qui se mêlaient dans l'ombre.

– Sidi Geb s'est réveillé, et tout était noir. Il n'a trouvé que l'œil qui brillait, au zénith, et il a dit « où est le soleil, à qui j'avais commandé de rester ? » et il s'est lamenté, quand il a vu son pays mort et aride, il a pleuré toutes ses larmes qui ont noyé toutes les terres. Mais tout s'était tari, et c'est le sable qui a tout recouvert, comme une mer. C'est pour cela qu'il a un goût de sel, parfois, et que l'on trouve des salines dans le pays.

Dans le noir, la poussière murmura l'écho d'un pas. Les larmes du père ruisselaient en vagues fantômes qui se détachaient comme des ombres chinoises sur le velours du firmament. Un goût de sel, disait-elle, comme si la majesté aride de ces lieux désolés recelait en elle-même une mélancolie profonde qu'ils portaient tous au cœur comme un joyau.

– Alors, pour le consoler, lalla Nout s'est faite belle, elle a dansé pour lui, elle a convoqué ses sœurs et elles ont mis leurs plus somptueux atours. Elle a fait paraître toutes les étoiles de sa parure, et parfois, elle décroche de son manteau des astres et des diamants pour les faire fleurir dans le désert qu'elle tente toujours de reverdir pour plaire à sidi Geb. On les voit filer à travers le ciel, alors, on chante pour lui quand il s'afflige.

La mélancolie, oui, et puis la tristesse la plus profonde, mais elles allaient du même avec la miséricorde qui tombait sur eux comme un présent : la nuit était belle, aimante comme une mère, pour eux qui étaient ses enfants.

– Regarde ! La voici qui paraît.

À l'horizon, pointé par un doigt tendu, un œil fauve dessinait son croissant : l'astre énorme voguait à fleur de dunes, qui miroitaient comme une poussière précieuse. Sa lumière s'accentuait lentement, et dans l'éclat pâle qui jaillissait à l'orient, les contours d'un vol de ballons aux longs tentacules s'esquissaient à la pointe d'un pinceau trempé d'argent.

– C'est d'eux que nous sommes nés, tu sais, reprit Sahar d'une voix rêveuse, oscillant lentement d'un côté et de l'autre, comme au rythme d'une chanson qu'elle était la seule à entendre. Nous sommes nés de la nuit, d'un lâcher d'étoiles qui a pris racine dans le sable. Les nagas sont les enfants du soleil, et nous, nous sommes fils et filles de la lune.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyVen 16 Aoû - 18:36
Otmar apprécia l'enthousiasme calme de la jeune enfant qui visiblement n'était pas contre de raconter des histoires elle aussi, il aimait bien pour sa part cette idée d'échange, ce n'était certes pas présent dans toutes les sociétés d'ainsi s'échanger des choses de bon cœur naturellement, mais pour sa part ça l'arrangeait toujours pour apprendre à mieux connaître les peuplades qu'il fréquentait.

Et en vérité s'il y avait de quoi être étonné que la jeune femme veuille le mener quelque part, il accepta sans poser de questions, se disant qu'être trop interrogateur à ce sujet risquait de casser la magie de la chose pour la jeune enfant. Il la suivit donc sans commentaire, surveillant juste qu'il avait toujours un pistolet sur lui au cas où car le désert restait un peu dangereux même s'il doutait qu'ils se fassent attaquer par quelque chose juste en s'éloignant un peu du camp, puis se rendit compte qu'au moins ils pourraient profiter d'une petite solitude bien méritée.

Et aussi du ciel où les étoiles qu'il put contempler quand la jeune femme lui dit de regarder, étaient magnifiques et offraient en effet un spectacle splendide, le genre qu'on contemplait difficilement en pleine ville par exemple. Il avait déjà pu observer le ciel quelque fois par le passé, ainsi coupé de la luminosité de la ville, mais il appréciait toujours autant la chose sincèrement. Surtout que l'environnement désertique les entourant aidait à rendre la chose plus belle encore.

Et il apprécia l'explication poétique de la jeune voile qui décrivait le ciel nocturne comme le voile de la mariée se reposant auprès de son époux, il aimait disons ce côté poétique souvent donné à ce genre de choses, qui allait en plus bien avec l'histoire un peu mythologique qu'elle finit par lui raconter...

Bien entendu comme tout mythe, il entrait sans doute en concurrence avec de nombreux autres mythes ou même la science, mais il se doutait à la fois que c'était une métaphore sans doute, mais aussi que ce qui importait c'était le sens du récit et la beauté de celui-ci, qui délivrée par les propos d'une enfant était en effet sublime. Il n'en perdit quoiqu'il en soit pas une miette et se dit de creuser sans doute le sujet à terme auprès de la tribu d'une façon ou d'une autre, voir maintenant, mais en attendant il ne regretta pas d'écouter silencieusement la chose.

« Je comprend, c'est un beau récit en effet, merci de me l'avoir raconté. » Finit-il quoiqu'il en soit par dire après avoir contemplé avec une touche d'émerveillement tout ce qu'elle lui avait désigné, sans le cacher pour qu'elle apprécie la chose. Après tout, il savait qu'il était humain d'aimer partager, d'autant plus quand on était enfant, sinon quel serait l'intérêt de faire ce genre de choses autrement qu'en solitaire ? Quoiqu'il en soit, il finit par reprendre avec amusement. « Je suppose que c'est à mon tour maintenant. Que dirais-tu que je raconte un récit venant d'une contrée lointaine ? Qui a presque toujours été verte, un mythe qu'on racontait déjà il y a bien des millénaires de cela, lorsque l'empire d'or elfique recouvrait en bonne partie le reste d'Orzian et que les hommes ne marchaient pas encore en ce monde. » Il reprit alors de façon fluide. Racontant un des nombreux mythes qu'avait le peuple elfique, car évidemment comme les humains ces derniers n'avaient pas qu'une manière de raconter un temps que l'histoire elle-même ne connaît pas.

« Les elfes ou eldars aiment des fois se décrire comme enfants du ciel, mais aussi de la terre. Leur âme engendrée par le ciel, leur enveloppe physique par la terre, leur nature serait ainsi duelle, à la fois liée au vent mais aussi à la terre, pour les elfes une telle dualité n'est jamais vraiment une opposition absolue, mais peut au contraire être complémentaire. Ils résident ainsi sur la terre tout au long de leur vie, leur corps retournant à elle quand celle-ci s'achève, tandis que leur âme aime retourne vers le ciel à la fin de leur existence matérielle, pour s'élever ensuite vers les étoiles où elles ne feraient plus qu'un avec ces dernières. » Ceci dit et s'amusant à désigner les étoiles à son tour, il ajouta.

« Et d'après certains eldars, chaque peuple a des origines proches même si différentes. Les nagas seraient nés aussi de la terre, mais plus précisément des sables du désert, modelés par la volonté de leurs anciens dieux, leur âme elle viendrait du soleil donc. Les nains eux, seraient enfants de la terre, des profondeurs rocheuses de celle-ci plus précisément, mais leur âme, elle, proviendrait du cœur ardent du monde, là où la roche fait place à des mers de laves infinies, car le monde au plus profond est ardent, et c'est cette source qui alimenterait les volcans. Chaque peuple a donc une origine, y compris les plus récents, les humains et les azuriens qu'ils ont pu voir apparaître. Pour eux, les humains sont nés aussi de la terre par exemple, tandis que leur âme proviendrait en effet de la lune, quant aux azuriens, leur corps a été forgé par le vents qui balayent ce monde, tandis que leur âme est faîte de l'azur même du ciel. Quoiqu'il en soit, à sa mort chaque être verrait donc son âme retourner à sa source première et ne fait qu'un avec elle à nouveau, tandis que leur vie elle est une permanente union entre les éléments. L'eau et le feu, le vent et la terre, la lumière et les ténèbres... » Ce avant d'ajouter.

« L'on raconte que ce serait ainsi qu'est né le monde lui-même d'ailleurs dans de nombreux mythes tournant autour de la magie, des plans élémentaire, chaque monde de ce vaste univers serait connecté ainsi aux éléments, le notre serait issu d'un parfait mélange les six qui auraient permit la vie dessus. Et ce serait des plans élémentaires que serait issu une bonne partie de la magie s'écoulant en ce monde, mais aussi de lui-même. Dîtes-moi vous sentiriez par hasard un affinité avec un élément précis quand j'y pense ? Il arrive que tel soit le cas dit-on... » Puis ceci dit, il ajouta avec bonne humeur.

« Cela vous semblait être un récit intéressant ? J'en ai bien d'autres, mais peut-être aimeriez-vous faire un choix cette fois-ci, pour ma part je me demande comment votre peuple est né. » Il parlait évidemment de ce réseau de tribus humains, pas que toutes les tribus humains du désert soient toutes cousines entre-elles, mais certaines l'étaient et c'était celles là qui l'intéresseraient. Et certes c'était mythologique et lui un athée qui n'y croyait pas de façon littérale, mais ça ne l'empêchait pas d'être prit par la beauté des récits ou même la complexité des métaphores qu'ils pouvaient avoir, des fois du moins...
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyVen 30 Aoû - 0:12
Sahar avait parlé, Sahar à présent écoutait. Un donné, un rendu, c'était ainsi que cela fonctionnait. Dans le secret de la nuit, laisser éclore les histoires, les tisser, les rendre et les offrir en présent aux âmes vagabondes qui croisaient leurs feux solitaires. Dans l'obscurité, tout s'effaçait un peu, tombé sous la rêverie du ciel immense où la lune élevait son halo qui dissipait la lueur des étoiles semées comme des écharpes de poussières brillantes. Le sable reposait en silence, tout doucement, tout lentement, et l'heure très douce tamisait les songes qui éclosaient à la faveur de leurs voix entremêlées.

- Il y a de la vérité dans tout cela, répondit-elle, tout bas. Je le sens.

Ce fut dit avec la hardiesse d'une enfant de cet âge, et ses yeux reflétaient l'éclat de la lune, comme des miroirs, quand elle les leva vers lui.

- On dit ici aussi que les nagas sont les enfants du sable et du soleil. Nous les respectons et les craignons car ce sont eux les véritables maîtres de cette terre où ne ne faisons que passer, nous qui sommes si brefs.

La gravité de ces paroles qui disaient la mort des hommes avait quelque chose d'étrange, dans la bouche d'une petite fille, mais elle avait toujours en elle cette gravité extrême, une sollenité innocente qui puisait aux racines les plus profondes de l'âme de son peuple. Peut-être n'était-elle qu'à peine consciente de ce que cela signifiait, ou peut-être le savait elle très bien. On ne peut vivre dans un monde aussi rude que le leur sans avoir déjà connaissance de la fragilité de leurs existences, et de l'imminence d'un trépas qui les guettait tous.

- J'entends ce que tu dis, sidi, et j'entends que toutes les races du monde ont dans le coeur et dans la tête des choses qui sont de la terre, et du ciel, et du feu. D'autres que nous sont nés de la lune, alors, peut-être que d'une certaine façon, nous sommes tous des frères, tous nés de la même mère. Tout serait lié, alors, comme... Comme une tapisserie. Comme des fils. Tout s'entremêle.


Ce disant, elle noua ses doigts entre eux, mimant le tissage d'une étoffe. Le regard brillait, curieux, passionné, avec l'ardeur juvénile d'un esprit assoiffé.

- Pour ce qui est de nous, une de nos histoires raconte que c'est lalla Nour qui a décroché un joyau de sa couronne pour le jeter à travers le ciel et ensemencer le désert. Elle a tenté d'y faire éclore des choses : elle a fait des roses de pierre et des choses belles, mais stériles. Mais ce joyau là, il a pris racine, il a roulé dans la poussière, il a roulé, roulé, et il a fait le corps de notre première aïeule. Sidi Geb a pris de la terre, et il lui a façonné un compagnon, pour que jamais elle ne se sente seule. Alors, lalla Nout s'est penché sur eux et leur a soufflé dans la bouche pour lui donner la vie : elle a dit "vous serez brefs, vous serez fragiles, comme les fleurs que je voudrais faire pousser ici bas. Vous chanterez comme les oiseaux, vous danserez comme les serpents, vous marcherez sur la terre et vous y ferez votre demeure, et celle de vos enfants". Notre corps est fait des larmes de notre père, notre âme appartient à la lune, et entre les deux, nous existons pour que sidi Geb se rappelle que son pays est aimé.


Elle sourit, clarté céleste au creux de l'obscurité.

- Nous avons tous un endroit où retourner, quelle que soit notre race, reprit-elle, pensive, comme si elle répétait les choses à sa manière pour mieux les retenir. J'aime cette idée. On dit chez nous que nos os retournent à la terre où nous enterrons nos morts, et que notre esprit retourne au ciel d'où il est né. Nos ancêtres ont leur demeure parmi les étoiles, d'où ils peuvent nous voir.

Sahar étendit la main au dessus d'elle, et le doigt infime effleura la nuit pour y chercher la caresse des astres.

- Puissent-ils garder leurs yeux sur nous tous, et ne jamais nous perdre de vue. C'est ce que l'on se souhaite, tu sais.

Elle demeura silencieuse un instant, et ce mutisme bref était chargé de pensée, de réflexions, dense comme une pierre alors qu'elle ressassait ce qui venait de lui être dit. L'enfant se souvint de la question, et puis tourna vers Otmar un regard qu'on devinait pensif, chiffonné par une hésitation infime, avant qu'elle ne parle.

- Pour ce qui est de ton autre question, sidi, c'est simple. Je veux te montrer, plutôt que te le dire.

Sahar déplia ses jambes pour s'asseoir en tailleur et prit dans ses paumes une poignée de sable qui miroitait dans la faible clarté qui courait au ras des dunes. Elle ramassa la poussière à même le roc, en emplit ses mains, et demeura immobile un moment. Rien ne se passa, au début, et puis finalement, quelque chose bougea, et se déplia enfin dans une arabesque brève, emmenée par la danse de ses doigts minces qui se déployaient sans bruit. Une pincée de grains dansa brièvement, comme un mirage, ondoya dans une sinuosité gracieuse, et puis retomba en pluie légère sur les replis de son vêtement.

- Voilà, chuchota-elle avec une fierté touchante. La terre, et puis le feu. Le sable, aussi. J'aime le faire danser. Je sais quelques tours, quelques sorts que ma maîtresse, à Nephtys, m'a enseignés.

Un silence, et puis, elle darda sur l'homme un regard curieux.

- Es-tu mage, toi ? Aba me dit que les akkatoniens du nord n'ont pas de goût pour la magie. Vous avez vos machines, là-bas, et de ce que j'ai entendu, elles font mauvais ménage avec elle.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptySam 31 Aoû - 18:50
« En effet. » Glissa t-il avec un fin sourire à la jeune enfant quand celle-ci dit qu’il y avait de la vérité dans tout ce qu’il venait de raconter, sans doute en effet, métaphorique néanmoins d’après lui, mais après chacun pouvait avoir son avis. Après tout ce n’est pas parce que ce genre récits l’intéressaient autant pour leur nature symbolique que poétique qu’il y croyait vraiment, soyons sincère Otmar était un athée et sans doute même un matérialiste sur certains points, néanmoins il n’était guère fermé d’esprit et il avait fréquenté pendant une grande partie de sa vie des peuplades avec diverses mœurs religieuses, il ne méprisait point cela d’ailleurs, il n’avait juste pas la même opinion, c’est cela la diversité.

« Les nagas sont un peuple passionnant en effet, j’ai pu pendant de nombreuses années fréquenter les leur et même me faire des amis parmi eux. Ce n’est pas si simple que cela de briser leur carapace, mais ils ont beaucoup à nous apprendre. » Dit-il sinon satisfait et pensif au sujet de ces êtres du désert, en effet c’était même l’une de ses spécialités en tant qu’ethnologue, il fallait dire qu’il avait une certaine affection pour les nagas même si évidemment un humain dans leur village pouvait des fois faire un peu étrange, surtout quand il devait s’appliquer à respecter à la lettre chacune de leur coutume et parler la langue pour s’intégrer.

Quoiqu’il en soit, même s’il était surprenant d’entendre une jeune enfant avoir des propos d’une telle gravité, il ne s’en choqua pas, cela lui fit presque penser à certaines jeunes nagas qui sans forcément êtres solennels avaient déjà le côté reptilien et assez sérieux de leurs aînés. De toute façon toutes les jeunes âmes ne se ressemblaient pas comme tous les adultes, il n’avait pas forcément une image type donc de ce que devait être un enfant.

« Que l’on y croie ou non dans les faits, c’est une belle façon métaphorique de signifier que malgré toutes nos différences, au final nous nous ressemblons beaucoup et sommes peut-être frères et sœurs d’une façon ou d’une autre. » Ajouta t-il sinon pensif, un point de vue assez radical sur les différentes races car il y avait évidemment beaucoup de différences en apparence entre un naga et un humain, même en comportement, mais ce point de vue symbolique n’était pas incohérent avec un Akkatonien, c’était après tout une population où les mœurs égalitaristes étaient assez fréquentes.

Puis il écouta la jeune femme raconter sa vision de la naissance de son peuple, les clans qui étaient siens, ce de façon attentive, après tout le mythe de naissance d’un peuple en disait des fois long sur sa vision du monde.

Et il put en déduire en faîte pas mal de choses même si évidemment ça ne suffisait pas tout seul pour écrire un ouvrage ou émettre des théories, il faudrait disons qu’il entende d’autres récits ou mythes pour cela, quoiqu’il en soit il soupçonnait rien que par cela que cette peuplade était fort attachée à la magie car ce serait en partie l’essence de vie qui selon eux devait être la raison de leur naissance et celle du monde, quoique pas dit comme cela sans doute. Après tout dans beaucoup de religions, au final les dieux pourraient êtres comparés surtout à des mages d’une puissance dantesque qu’aucun mortel ne peut espérer égaler.

« Je suppose que pour vous la famille et suivre sa voie doit avoir une grande importance, c’est une chose précieuse que la famille, je l’ai constaté dans beaucoup de terres. » Même si pas de la même valeur partout, il n’allait pas le dire, mais pour sa part il était un peu dans l'idéal d'Akkaton qui était une nation qui louait l’individualisme vertueux par exemple. Pas celui des duchés qui était teinté d’égoïsme, mais celui de l’être seul qui devait s'accomplir au mieux individuellement et qui pouvait en faire profiter toute une société qui devait viser au bonheur des individus avant tout et une égalité symbolique des individus, la famille sans être une valeur désuète dans une telle société, était tout de suite plus de l’ordre affectif que vraiment pragmatique, car elle ne devrait pas être un carcan, dans le cas par exemple d’une famille d’ouvrier qui n’engendrerait que des ouvriers.

« Chez certaines peuplades, sans forcément penser que nos ancêtres sont parmi les étoiles, l’on pense que les étoiles sont des guides bienveillants de sages entités célestes qui veillent sur nous et que chacun d’une certaine façon a une étoile guide qui veille sur lui. » Glissa t-il sinon légèrement poétique, avant ensuite d’observer un spectacle que la jeune enfant désira lui monter.

Un petit spectacle assez joli, ce n’était pas en soit du niveau de certaines démonstrations dantesques de magies lors des grandes fêtes Ikhyldiennes pour louer cette essence divine à leurs yeux, mais de la part d’une jeune enfant c’était déjà très bien et prometteur.

« Tu es donc mage ? C’est un précieux don, si peu d’humains naissent avec un potentiel magique, seulement un sur dix je crois et encore moins avec un potentiel vraiment élevé, chéris ce trésor, je suis certain qu’il fait déjà ta fierté et celle des tiens. » Dit-il alors avec douceur, ce avant d’ajouter amusement à son sujet.

« La technologie ne fait pas en effet bon ménage avec la magie, notamment dans les grandes villes, nos mages préférant souvent les campagnes. D’une certaine façon c’est une autre façon de faire qui je pense est révélatrice sur la mentalité de ceux l’employant. Je ne pense pas que l’une est meilleure que l’autre, chacune a ses merveilles et accomplissement. Lorsque je vois ces grands aéronefs pouvant traverser les cieux, à mes yeux c’est aussi merveilleux que le vol de grands griffons ou dragons, lorsque je contemple ce métal froid auquel la vie a été insufflé par l’ingéniosité et une bonne dose d’astuce, je trouve cela aussi impressionnant que les magnifiques golems conçus par les nagas. D’une certaine façon comme la magie, la technologie est une essence, une façon pour un peuple d’exprimer un but, ses désirs et de s’accomplir, une façon d’exprimer son âme et de marquer le monde. » En somme pas un discours très idéologique, plutôt neutre en faîte, qu’il conclut paisiblement.

« Pour ma part je suis à moitié Akkatonien et à moitié Orzanien, dans les faits ma mère n’était pas Akkatonienne à la base, mais Heïng, fille d’une farouche peuplade des steppes du Nord, juste avant les terres glaciaires encore plus au nord. Une population forgée par une terre sauvage où les monstres sont nombreux et où les différentes peuplades ne s’entendent pas. Mon destin m’a finalement conduit à Akkaton où je suis devenu citoyen de l’empire, mais j’aurais pu rester Heïng et vivre une existence sans doute de cavalier nomade arpentant les immenses steppes du nord, une vie sans doute rude mais libre. Je ne dirais pas que l’une est mieux que l’autre, mais je ne regrette pas mon existence, mon pays m’a beaucoup offert. » Ce avant de finir par demander.

« Et toi, je suppose que ton existence t’as déjà offert de nombreuses merveilles à contempler en ces contrées désertiques et encore en bonne partie indomptées ? Je suppose que cela doit faire son petit effet aussi de contempler de temps en temps les vestiges de l’ancien empire naga qui y régnait bien avant la naissance des premiers hommes. » Oui, après tout avant de devenir nomades pour certaines raisons, les nagas y avaient bâtit un puissant empire dans les vestiges pour beaucoup pas encore engloutis dans le sable et qui était impressionnant de puissance et pompe, des vestiges pour beaucoup protégés ou surveillés par les nagas aujourd’hui pour éviter que des intrus y déterrent des secrets plus ou moins gênants en dehors d’équipes archéologiques dûment autorisées à faire la dite chose.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMar 24 Sep - 17:37
Sahar ferma à demi ses longs yeux de petite fille, las et fardés sous la lueur de la lune qui glissait sans bruit sur les dunes.

- C'est vrai, acquiesça-elle. Les nagas sont rudes et ombrageux, mais ils méritent, je crois, le respect qu'on leur donne. Mon oncle Salif traite souvent avec eux, à Nephtys. Il a gagné l'amitié du Référence Sefseth, par son travail : ça n'est pas peu de choses.

Elle dit cela en souriant, avec la fierté d'une enfant qui se sait sous un noble patronnage. Dans le reflet qui parut très brièvement, on devina un large sourire qui laissa entrevoir ses dents très blanches alors qu'elle chassait de son front les longs cheveux noirs que le vent y emmêlait. Une brise froide courait à fleur de sable, et remuait silencieusement la couche supérieure des dunes. Là où ils se trouvaient, les rochers bruissaient à peine de ce souffle qui soulevait une fine pelliule de poussière mais autour d'eux, c'était comme si de longs mouvements animaient les courbes et les dénivelés, comme si les vagues pétrifiées reprenaient vie, peu à peu.

Quand Otmar reprit, le regard farouche de la jeune fille darda sur lui une mine impérieuse. Les yeux grands ouverts dans le noir, blancheur de nacre, et une goutte d'encre dans la pupille. Elle parut jauger, comme froissée par une parole, et pour tout dire, il y avait dans le discours de l'étranger une chose qui la chiffonnait. Le rationalisme tranquille qui émoussait les angles et fait rentrer toute chose dans sa manière de classer, organiser et étiqueter les savoirs, peut-être, comme s'ils se trouvaient tous mis bout à bout sur l'étagère d'un marchand. Quoi que ce fut, elle n'aima pas cela, mais eut égard au respect qu'elle devait à un aîné et à un invité, elle n'en dit rien de plus que ce trahissait ce regard soudain braqué sur lui.

Sa démonstration suffit à ramener un vif sourire sur son visage, et la curiosité qui allait avec. Une partie du discours de l'homme lui échappait encore, alors qu'il parlait de choses dont elle ignorait tout. Des échos s'éveillaient, comme des jalons qui préparaient déjà une voie qu'elle emprunterait à son tour, l'âge venant, quand elle aurait l'expérience nécessaire pour comprendre vraiment ce que c'était que de vouloir imprimer à ce point une marque sur la terre. Si les paroles lui furent parfois obscures, elle voyait cependant quelque chose de familier, en lui : il parlait, et la voix au timbre agréable à l'oreille portait déjà loin dans l'obscurité du désert. Elle s'élevait, cette voix, animée par quelque chose de profond, quelque chose de fort, qui lui faisait songer à Salif quand il se lançait dans ses discours passé un verre de trop, ou quand son père parlait aux assemblées des tribus qui les réunissaient une fois l'an pour traiter des choses importantes.

Sahar espérait toujours avoir, un jour, autant de force dans le verbe, autant de conviction et de maîtrise. Elle espérait aussi, secrètement, pouvoir faire naître de la parole seule ce frisson qui lui courait parfois le long du dos face à cela.

Et puis, il lui conta son histoire, qu'elle écouta de nouveau avec curiosité. Elle essaya de se figurer les horizons qu'il avait vus, et les moeurs des gens, là-bas. Elle avait de nouveau ramené ses genoux contre elle, et sa tête s'y était posée, la joue contre l'angle cagneux de ses rotules saillantes sous son burnous clair, les yeux tournés vers lui.

- Tu aurais pu vivre comme nous, en somme, mais dans un pays différent.

La brise jouait à rebrousse poil dans les plis de son voile, remuait les longues mèches de ses cheveux noirs, et occultait son visage, de temps à autre. Seuls ses yeux perçaient encore, et sous la lumière rare, ils brillaient comme des joyaux.

- J'ai vu des choses, oui. Des vieilles pierres, des peintures et des gravures anciennes que l'oncle Salif m'a racontés. Des choses qui appartenaient aux nagas, du temps où ils se sont éveillés pendant mille ans de jour qui ont tout brûlé. Je me souviens, il y a eu une fois où nous en avons déterré quand nous avons monté le camp sur la route, quand j'étais encore petite. Il y avait des marchands nagas et des soldats avec nous qui ont aidé à déterrer les choses : ils nous ont montré les anciens signes et les figures de leurs dieux, et puis nous avons tout rebouché. Ils préféraient ne pas laisser cela à l'air libre, à cause des vieilles magies qui rôdent encore.

Elle frissonna, disant cela, et son dos maigre se secoua comme un serpent à sonnette. Il y eut un moment de silence, et puis une voix près d'eux laissa échapper un long sifflement grave qui feignait celui d'un reptile. Sahar sursauta, surprise, et puis fusilla l'ombre derrière elle d'un regard furieux.

- ça n'est pas drôle, Mahjid ! Tu es supposé me protéger, pas me faire peur !

A quelques pas de là, un mouvement dans le noir faufila l'écho d'une course rapide et quelques instants plus tard, la silhouette d'un guerrier tout enveloppé de ses vêtements noirs détacha son contours dans la faible clarté. Il avait les mains bien en vue, plus pour désamorcer l'ire de sa petite maîtresse que pour apaiser la surprise, et derrière le voile entortillé autour de son visage, la voix se fit un rien moqueuse.

- C'est pour te rappeler les dangers qui te guettent loin de chez toi, petite Nour. Allez, il faut revenir au camp, maintenant. Laisse donc ton invité profiter du repas.

Il s'inclina brièvement devant Otmar pour le saluer, et d'un pas vif, dévala de nouveau le versant de la dune où l'obscurité l'avala comme s'il n'avait pas existé.

- Je suppose qu'il a raison,
reprit Sahar d'un ton boudeur en se hissant lentement sur ses pieds. L'heure tourne et la lune s'élève.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyJeu 26 Sep - 19:37
« Un peuple fascinant à bien des égards. » Conclut-il approbateur au sujet des nagas, on sentait en tout cas que pour sa part il les appréciait beaucoup, mais en même temps il semblait plutôt bien les connaître et il était évident qu'au vu de sa profession, il devait être plus ou moins xénophile. Une chose pas forcément si rare que cela en Akkaton en vérité, même si un cynique pourrait dire que la tolérance de l'empire était certes une valeur, mais aussi une arme politique puissante.

Il se demandait des fois d'ailleurs ce qu'il serait devenu s'il était resté chez les Heings. Il ne regrettait toutefois pas le moins du monde d'être Akkatonien, il aimait son pays et ses valeurs, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne pouvait pas imaginer qu'on puisse vivre aussi bien ailleurs ou différemment. Les Heings étaient après tout un peuple fascinant même si probablement trop belliqueux à son goût, mais telle était la vie dans le grand nord supposait-il, surtout quand les voisins étaient Teider et Eirn...

« Oui, au sein des grandes steppes du nord, une vie difficile mais que les Heings savent apprécier. » Puis il écouta à nouveau la jeune enfant s'exprimer au sujet de ce qu'elle avait pu voir auprès des nagas, appréciateur de la chose et attentif, il ne fut pas en vérité apeuré sinon par l'intervention du garde du corps de la petite qu'il n'avait pas repéré, juste assez surprit, puis éclata en partie de rire à cause de cela, avant de glisser finalement après l'échange des deux nomades, ce d'un ton presque paternel.

« En effet, merci à toi pour cette conversation qui a été passionnante, si tu veux nous pourrons peut-être un peu discuter et nous voir dans les prochains jours. Peut-être même au cours du repas ? » Puis il la raccompagna au camp en effet, se demandant ce qui allait avoir lieux au cours du reste de la soirée, se permettant même d'aller voir le père de la jeune enfant pour lui dire à un moment où il serait libre.

« Ta fille est bien sage pour son âge, je dois te féliciter pour cela, espérons si jamais j'ai des enfants un jour que je fasse tout aussi bien. » Ce aimable, avant de conclure amicalement en observant les alentours et alors que le repas allait commencer, tout en sortant quelques bouteilles de breuvages alcoolisés qu'il avait amené il y a quelques heures, du whisky notamment. « J'ai ramené un peu d'alcool pour participer si cela vous intéresse, je ne tiens pas après tout à accepter sans offrir en retour. Au pire, si cela est de trop, je vous les offres pour plus tard. En remerciement pour votre hospitalité. » Après tout dans beaucoup de cultures, notamment tribales et nomades, et pas que les humaines, la logique du don était appréciée, celle de prendre et offrir à la fois. Il avait donc évidemment voulut s'y conformer par politesse et égard en apportant quelque chose lui aussi, surtout qu'il était normal en effet de les remercier de temps en temps pour leur hospitalité en effet. Ce sans en faire trop non plus, il fallait disons la juste mesure entre ne rien apporter et trop en faire pour éviter un quelconque malaise dans le deuxième cas, ça devait rester un repas traditionnel après tout.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyDim 10 Nov - 22:01
Dans l'essor de la nuit qui éclosait sur le désert, Otmar avait, sans le savoir peut-être, semé les graines du récit dans un esprit bien fertile et tout prêt à les entendre : l'âme voyageuse de l'enfant, déjà toute acquise à l'immensité et aux errances qu'elle accueillait, se faisait déjà dans l'ombre des promesses d'infini et de cieux aux noms étranges que la bouche du voyageur lui avait donnés en présents. Tandis qu'ils se relevaient et qu'elle époussetait sa tunique, elle répétait déjà sans bruit les paroles et les mots de langues inconnues qu'elle avait entendues de lui, comme pour les enclore dans sa mémoire et les garder par-devers elle dans cette boîte à souvenir intangibles qu'elle rangeait au fond d'elle.

Il en était ainsi des nomades, après tout : ils allaient avec si peu dans leurs poches que le verbe se faisait trésor. Il ne pesait rien, n'entravait rien de son joug, il se portait et se donnait sans dépérir, il vivait et passait de l'un à l'autre. Toutes les richesses du monde s'épuisent et se fanent, mais celle-là, qui leur était la plus chère, ne tarissait jamais.

- Garde-toi de telles paroles, ami Otmar, lança Mahjid d'un ton tendrement moqueur. Les oreilles où elles tombent sont avides !

- J'en serais ravie, lança Sahar avec cette sincérité de petite fille à qui l'ont promet une récompense particulièrement attendue.

D'un pas alerte, d'une gaieté d'oiseau allègre, la jeune fille alla au-devant des deux hommes pour retourner vers le campement et ses flammes rougeoyantes. Au milieu des tentes, les chiches brasiers précieusement alimentés faisaient comme un champ d'étoiles qui s'ouvrait dans le vallon et s'offrit brièvement à leur regard depuis la crête de la dune qu'ils descendirent dans le murmure du sable sous leurs pieds.

Sahar courut rejoindre les siens, et disparut brièvement parmi les grappes de jeunes gens et d'enfants qui s'égayaient à grands cris comme une volée de moineaux curieux, en attendant que les adultes aient achevé leurs palabres. Yahya eut un sourire amusé en voyant Otmar revenir vers lui et reprendre sa place au milieu des convives.

- Ah, fit-il d'un ton faussement modeste en oscillant du chef, c'est que lalla Nour m'a comblé en me donnant d'aussi merveilleux enfants. Elle est digne du sang de ses pères, cette petite, comme ses soeurs. Ma Khadija a bien oeuvré quand elle les a portées et je te souhaite de connaître pareil bonheur quand viendra le temps à toi aussi de fonder une famille.

Il s'interrompit un instant, un rire au bord des yeux qui plissaient ses paupières brunes, et reprit :

- Espérons qu'elle n'épuise pas tout ton savoir d'ici à son départ, sans quoi je ne saurais plus quoi trouver pour l'occuper.

On sonna enfin le repas, et un calme relatif retomba sur le camp tandis que les plus jeunes venaient s'asseoir aux côtés de leurs aînés, autour des grands plats de terre et des paniers emplis de mets qu'on vint poser devant eux. Sahar pointa de nouveau le bout de son nez dans le cercle formé par les oncles, tantes et affiliés, non sans la fierté manifeste d'avoir gagné le droit de prendre place avec les adultes et non plus avec les petits enfants qu'on reléguait loin de l'écho de leurs conversations.

- Merveilleux ! S'exclama Yahya devant le présent d'Otmar. Il serait bien discourtois de refuser ce présent et cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas trempé les lèvres dans ces breuvages. Garde les pour après le repas, on en fera bon usage.

L'atmosphère joyeuse de la fête les enveloppa comme un doux manteau à mesure que la froideur implacable de la nuit s'abattait sur les dunes vibrantes de la lumière des feux. Les lourds vêtements et les foyers gardaient le gel à distance, autant que les rudes et solides victuailles qui s'offraient à l'appétit des dîneurs. On fit circuler des outres de vin, des gobelets de thé fumant, des pains ronds et craquants qui fumaient dans la froidure et toutes sortes de ces mets précieux qu'offrait l'arrivée du printemps à son essor.

Les conversations allèrent bon train, à grands bruits, à grands cris, avec le coeur, la bouche et les yeux : comme toujours lors de ces retrouvailles après des mois de séparation, on parlait fort et on parlait beaucoup parce qu'il y avait tant à dire, si peu de temps pour tout raconter. Les nouvelles, les contes et les rumeurs, les faits et les dits des uns et des autres canalisaient la curiosité et l'attention de tous, malgré l'attention et le soin que mirent les chefs de famille à ne pas laisser Otmar en dehors des conversations.

Malgré cela, alors que Salif et Yahya se lançaient dans une âpre mais aimable négociation au sujet de têtes de bétail que l'un devait à l'autre, Sahar trouva vite une ouverture et se glissa auprès d'Otmar, sa gamelle sur les genoux.

- Sidi, dit-elle d'une petite voix qui se faufila à peine au milieu des paroles des adultes, peux-tu me parler encore d'Heïng ? Pourquoi n'y es-tu pas resté ?

Dans la pénombre dansante et très douce, les yeux de la jeune fille s'ouvraient encore, tout grands, pareils à des pupilles de chat intrigué.

- Est-ce que tu regrettes ? Demanda-elle encore après un instant, consciente de l'indiscrétion de sa question, qui pourtant semblait lui brûler les lèvres d'une irrépressible curiosité.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMer 13 Nov - 20:20
« Espérons en effet que j’ai une chance pareille à la tienne mon ami. » Dit Otmar aimablement et poliment en réponse à ce dernier, se gardant bien de dire qu’il préférait davantage la compagnie des hommes que des femmes du côté intime et qu’à ce rythme il vaudrait mieux adopter des enfants pour sa part qu’espérer en engendrer s’il continuait dans ses habitudes. Pas qu’il s’en plaigne au contraire, il n’avait disons pas la fibre "famille", mais il préférait ne pas dévoiler ses préférences ainsi. Ce serait un peu abrupt, même si soyons sincère, il y avait bien quelques villages nagas par ci par là qui les connaissaient justement ses préférences... Même si connaissant les nagas, ils n’allaient pas vraiment éventer la chose.

« On trouve toujours de quoi s’occuper mon ami, surtout au contact de personnes aussi fascinantes que les tiens. » Glissa t-il sinon du tac au tac avec sincérité aux paroles amusées du père de la jeune femme. En effet, il y avait toujours moyen de trouver comme s’occuper, surtout quand comme Otmar on était un être avant tout « social », peut-être est-ce pour cela d’ailleurs qu’à terme il s’intéressera à la politique, mais bon chaque chose en son temps.

Quoiqu’il en soit le repas arriva et ce ne fut pas pour lui déplaire, il appréciait après tout pouvoir profiter des mœurs culinaires de ceux qu’il fréquentait lors de ses voyages. Et puis soyons sincère, cette fois-ci il aurait moins l’impression de faire tâche dans le décor. Disons qu’avec les nagas ça avait été assez spécial étant donné que ces derniers ne mangeait pas souvent et que de la viande, il avait eut du mal donc à varier son régime alimentaire chez eux, du moins sans importer lui-même de quoi se sustenter. Ainsi, il n’aurait pas ce petit malaise ici.

Et d’ailleurs il ne manqua pas de sourire et de répondre par une inclinaison amusée de la tête quand son présent fut accepté, même si ce serait pour après le repas. Il avait visiblement fait une bonne pioche, mais bon ça ne l’étonnait pas. Il arrivait après tout à trouver des cadeaux plaisant des fois à des populations très éloignées de l’humain, ce serait donc un comble qu’il ne sache pas comment intéresser ces derniers.

Ainsi débuta le repas et Otmar fit comme tous les autres, il commença à se sustenter, avec mesure et en respectant les coutumes alimentaires locales que ce soit dans la gestuelle, la façon de recevoir et consommer la nourriture, etc. Après tout, manger n’était jamais ou rarement un simple trajet de la nourriture à sa bouche et ce dans la plupart des cultures humaines ou non humaines. Il y avait toujours tout un code dans ce domaine à suivre et évidemment il s’appliqua ainsi à le suivre au mieux. Ce tout en suivant discrètement ce qui se passait et en participant de son mieux, autant pour en apprendre que ne pas juste être un observateur passif, un élément du décor qui ferait tâche.

Et le tout débuta de façon assez plaisante, d’ailleurs alors que certains commençaient à parler de commerces, la jeune nomade finit par revenir à ses côtés, et à ses paroles il sourit avant de glisser avec amusement.

« Il y a beaucoup de choses que je pourrais regretter, ne pas être un elfe par exemple alors que je les ais tant fréquentés ou bien un naga, voir un dragon qui régnerait sur les cieux. Ne pas être né dans les terres d’Ikhyld ou par un temps où Orzian était dominée par des empires anciens et vénérables qui ont disparu bien avant que le premier homme ne foule ce monde de ses pas. Beaucoup de choses, mais je ne regrette rien, ma vie m’a offert beaucoup, je ne pense pas qu’elle est meilleure objectivement que n’importe quelle autre, mais j’en suis satisfait. Et d’une certaine façon, fréquenter des êtres de toutes cultures et provenance dans le cadre du but que j’ai donné à ma vie, c’est en soit un voyage et une découverte de tous les instants. » Puis de Heïng il parla alors pensivement.

« Le peuple Heïng est farouche, voir un peu belliqueux, mais intriguant aussi. Il faut comprendre qu’ils n’ont pas des voisins faciles, le royaume de Teïder au Sud qui aurait sans doute aimé annexer leur terre et les brutaliser depuis lontemps et qui aimerait sans doute encore le faire, la république d’Eïrn de laquelle proviennent de nombreuses créatures sauvages dangereuses infestant leurs terres, les autres peuples des terres indomptées du nord forgés par une existence difficile et incertaine, ou même les autres clans Heïngs, ainsi leur vie est une lutte presque permanente pour la survie et où la violence n’est pas rare. Mais en étant farouche, les Heïngs respectent aussi parfaitement la loi de l’hospitalité, et ont une culture développée. Je pense que tu les trouverais à la fois très différents de vous, mais aussi ressemblant sur certains points. Le même amour des grand espaces même s’ils préfèrent les steppes et plaines que le désert, l’amour de la liberté offerte par une vie nomade aussi. Et comme je le disais, même s'ils sont farouches car ils n’aiment pas vraiment les étrangers, il y a une exception qui perdure concernant ceux s’intéressant à eux et alors ils se montrent bien plus ouverts, c’est ainsi que mon père a rencontré ma mère. » Une vieille histoire, mais ainsi Otmar avait du sang Orzanien lui aussi. Sur ce il sembla alors bien pensif, puis demanda.

« Tu as pu remarquer toi aussi je suppose ces ruines plus ou moins enfouies dans le sable et souvent gardées par les tribus nagas et dans lesquelles ils apprécieraient que peu entrent ? Il est difficile des fois de se dire qu’avant ils n’étaient pas quasiment tous nomades, mais que dans le désert existait nombre de grandes cités possédant de gigantesques monuments, certaines plus anciennes que l’humanité elle-même ? Je me demande si au fond d’eux, beaucoup de nagas sont nostalgiques de cet héritage passé, même si s’en délester a été nécessaire de ce que je sais pour gagner leur liberté. Comme s’il y avait une sorte de dualité de désir entre la liberté et la nostalgie de leur héritage passé. »
Après tout, il y avait sans doute quelque chose de triste à ce dire que ces ruines aux proportions des fois gigantesques, étaient auparavant bâties et occupées par les nagas.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMer 13 Nov - 21:29
Bouche après bouche, poignée de mil après poignée, la faim du ventre se voyait rassasiée, mais la faim de l'esprit, elle, semblait demeurer intacte. Les yeux et les oreilles de l'enfant s'ouvraient tout grand encore pour recueillir, sésame précieux, le récit du voyageur. Elle écouta, encore, et tout en faisant silence tâchait d'imaginer, un peu, ce que c'était de vivre sous d'autres cieux : le nord était froid, lui avait-on dit, aussi froid que la nuit d'hiver en plein désert, et les cieux y étaient gris et pleins de pluie. Pour celle qui n'avait jamais quitté sa terre, c'était encore de trop étranges choses à concevoir, mais elle mettait enfin quelques images, un peu de substance, précieuse et rare, sur les noms qu'elle lisait sur les cartes de Salif et dans les livres d'histoire. Et dans l'obscurité dansante, des yeux qui n'avaient que trop peu vu cherchaient ceux qui avaient contemplé tout cela, et bien plus encore.

Il ne semblait pas prendre ombrage de son avidité à savoir : il parlait, simplement, il racontait pour répondre et ouvrir encore d'autres récits comme on sème des poignées de grains sur le sillon fraîchement retourné d'un jeune esprit tout disposé à l'entendre. Il parlait comme s'il n'avait rien à lui cacher, comme s'il n'y avait pas de secrets qu'elle ne pouvait encore comprendre et cela lui plaisait, comme cela plaît à l'orgueil des enfants de cet âge qui croissent dans l'ardeur de l'adolescence.

Les dernières observations d'Otmar ramenèrent Sahar à ses propres pensées et elle demeura songeuse un moment, avant de répondre.

- J'en ai vues, oui, acquiesca-elle. Comme je te le disais tout à l'heure, il arrive qu'on en croise près des routes des caravaniers. Les nagas les craignent? je crois, si tant est qu'ils craignent quelque chose en cette terre. Ils ont l'air... Si anciens ? Il y a des choses sombres dans ces ruines, disent-ils, qu'il ne faut pas déranger.

Elle se tut, et regarda autour d'elle avant de reprendre, d'un ton circonspect.

- Est-ce qu'on peut encore avoir peur, quand on est si vieux ?

Et, surtout, quelle chose pouvait être si puissante qu'elle effrayait même les vénérables nagas ? Elle n'était pas sûre, dans son coeur d'enfant, de vouloir connaître la réponse.

- Peut-être que c'est plus facile pour nous, reprit-elle. Nous avons toujours été passagers, sur cette terre, nous n'avons rien construit, nous ne possédons pas la terre que nous foulons, nous n'avons pas faits de murs ni de maisons que nous ne puissions emporter avec nous. C'est aisé, je crois, de ne pas regretter quelque chose qui n'existe pas. Peut être que oui, alors, peut-être que les nagas sont tristes de ce qu'ils ont perdu.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyVen 15 Nov - 12:51
Otmar sembla pensif par rapport aux paroles de la jeune femme et finit par y répondre avec réflexion.

« C’est peut-être parce qu’ils sont vieux qu’ils ont pu apprendre à avoir si peur de certaines choses, qui aujourd’hui sont depuis longtemps disparues. Quant à savoir si ça a vraiment disparu pour de bon, j’aurais tendance à dire que les nagas ne m’ont pas l’air d’avoir aisément peur. » Mais il ne se prononçait pas davantage à ce sujet, après tout lui-même n’en connaissait pas encore davantage sur le fait que ça ait réellement disparu, le peuple serpentin était après tout assez secret sur certains détails de son passé, par contre d’autres étaient plus connus, ce qu’il raconta alors pensivement...

« Les nagas vivaient auparavant aux côtés de ce qui les ont créés, c’est ce qui est sut, leurs dieux en quelque sorte, mais ils n’étaient pas libre. Un jour, après des millénaires d’esclavages, ils se sont rebellés contre leurs anciens maîtres et la plupart des nagas ont alors péris. Leur dieux ont néanmoins disparus suite à cela, mais quelque chose me dit que les nagas n’ont pas pu les tuer. Peut-être ont-ils simplement pu les sceller et les endormir, dans certaines de ces ruines enterrées sous le sable du désert. Et, s’ils surveillent ces ruines, c’est pour éviter alors que quelqu’un réveille leurs anciens maîtres. Peut-être. »

En somme, guère un constat qui ne donnait envie, après ça expliquait aussi pourquoi beaucoup de nagas n’étaient pas très religieux ou à peine spirituels, à part évidemment les cultes solaires chers à beaucoup d’entre-eux qui préféraient vénérer l’astre du jour que s’amuser à célébrer à nouveau des entités divines personnifiées. Le traumatisme devait avoir été très violent pour leur peuple. Il finit quoiqu’il en soit par ajouter plus légèrement.

« Le monde a bien changé depuis, je suppose d’ailleurs qu’ils effectuent bien leur mission car en effet le désert n’a plus connu depuis la présence de ces êtres qui les avaient dominés. » Puis pensif il finit par ajouter avec amusement.

« Sinon, j’ai pu comprendre que vous fréquentiez assez Nephtys ? C’est l’une des premières villes ou citadelle que les nagas bâtissent depuis des temps immémoriaux. Je ne sais pas s’il faut y voir une sorte de message derrière, mais de ce que j’ai entendu dire c’est un endroit où il fait plutôt bon vivre. Si je devais y aller bientôt, que me conseillerais-tu de faire là-bas ? » Après il ne disait pas qu’il n’y était pas déjà allé, mais il était curieux de l’opinion d’une jeune nomade à ce sujet.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyDim 17 Nov - 1:01
Sahar fronça le nez. Parfois, il parlait d'une drôle de manière, il fallait bien l'avouer. Peut-être était-ce de n'avoir pas assez entendu la langue des autres contrées, que les nomades maniaient à leur façon en y mêlant toutes sortes de tournures et de mots de l'ancien parler du désert, peut-être était-ce, n'en déplaise à son orgueil juvénile, qu'à trop parler comme à une adulte, elle peinait parfois à saisir où il voulait en venir.

Elle réfléchit longuement, et puis s'ébroua un peu quand il lui parla de Nephtys. Elle préférait parler de cela plutôt que des anciennes choses trop obscures qui hantaient les rêves des nagas. Pas ici, pas en pleine nuit, pas quand les ténèbres pesaient lourd autour du campement, et que le désert sifflait ses complaintes nocturnes à fleur de sable.

- C'est une belle ville, acquiesça-elle. L'oncle Salif y a son comptoir, et quelques-uns de ma parentèle s'y sont établis pour commercer et y vivre une saison ou deux. Il est ami avec le Référent Sefseth, tu sais ? C'est un vénérable, sidi Sefseth. Je l'ai rencontré une fois, il a été très poli et très aimable.

Sahar se rengorgea en disant cela, toute fière des accomplissements de sa famille. La jeune aristocrate était déjà bien consciente, semblait-il, du statut que les siens pouvaient occuper au sein de la société, fut-elle aussi peu portée sur les gloires nobiliaires que celle des nomades. On se faisait un nom par ses actes plus que par le sang, mais celui-là parlait fort néanmoins.

- Il y a beaucoup de choses à y voir, je crois,
reprit-elle d'un ton songeur en picorant quelques grains de boulgour dans sa gamelle. Le marché regorge de biens que les tribus viennent vendre : on y vend des épices, de l'encens, des pierres du désert, des armes que font les nagas, toutes sortes de choses ! Tu pourras y trouver de beaux souvenirs à rapporter chez toi, j'en suis sûre. Et puis il y a le palais du Référent, même si j'ignore si on te laissera y rentrer.

Elle se lécha consciencieusement les doigts et but quelques gorgées de thé avant de reprendre, d'un ton solennel.

- Mais ce que je préfère, ce sont les jardins.


Il y eut dans sa voix comme l'aveu d'un délice, précieuse confidence volée à un songe d'enfant trop bercée de sable et d'aridités cruelles.

- Il y en a un dans la maison de Salif, et j'en ai vu de plus beaux encore dans les maisons des autres. Ils ont des bassins plein d'eau profonde et des arbres, et toutes sortes de fleurs qui y poussent toute l'année.

Elle resserra ses genoux contre elle, et se balança légèrement d'un côté et de l'autre, observant le ciel d'un air rêveur.

- J'en aurais un comme ceux-là, moi aussi. Il y aura des grenadiers qui fleurissent tout rouge, et des orangers pour étancher ma soif.

Sahar s'interrompit, puis darda un regard curieux sur Otmar.

- On dit qu'il pleut sans arrêt, dans le nord. Vous devez avoir beaucoup de jardin et d'arbres, là bas, non ? Salif dit qu'il y a des forêts qui s'étendent très loin et de l'herbe à perte de vue. Ce doit être étrange. Je crois que je n'aimerais pas être mouillée sans arrêt. Et puis, que faire de toute cette eau ?
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyLun 18 Nov - 18:38
Il avait vaguement entendu parler du dénommé Sefeseth, en même temps Otmar était le genre de personne à se tenir informé et à avoir une bonne mémoire à ce sujet. Il se disait d'ailleurs qu’il ne perdrait sans doute rien un jour à peut-être rencontrer celui-ci, si possible. De toute façon il verrait bien, après tout il avait encore largement le temps étant donné qu’il n’avait que la trentaine…

« Il y a beaucoup de portes que de belles paroles et de bonnes manières peuvent t’ouvrir. » Glissa t-il en tout cas avec amusement au sujet du fait qu’il pourrait peut-être entrer ou non dans le palais du peuple de Nephtys, il est vrai après tout que le talent social même quand on était pas forcément un empereur, pouvait beaucoup apporter si bien manié. Il verrait bien de toute façon, quoiqu’il en soit quand la jeune nomade eut finit de parler de la cité des sables, il glissa alors pensif.

« J’ai toujours aimé les jardins, le jardinage est une belle occupation. Même si je ne m’y suis que peu intéressé par le passé. Disons que c’est le genre de loisir nécessitant de se poser quelque part et de rester de temps en temps sédentaire. Et ironiquement Akkatonien ou non, je ne suis pas quelqu’un d'assez sédentaire pour cela. » Mais tel était les exigences de son métier. Quant au Nord, il glissa avec réflexion.

« Je suis autant du Nord que de l’Ouest comme j’ai du sang Akkatonien. Mais oui, le Nord a des fois des jardins, même si cela dépend exactement « d’où » dans le Nord. Sur les terres Heïngs il n’y a que très peu de villes ou villages sédentaires. La pluie n’y est pas rare et le temps froid, même s’il ne l’est pas autant que tout au Nord du continent. Les Heïngs et beaucoup de peuples y vivant sont plus des éleveurs que des jardiniers ou agriculteurs. Quant aux forêts, oui ça ne manque même si là où ils vivent ce sont aussi de vastes plaines et steppes. » Il ajouta alors avec amusement.

« Je pense que là-bas ils sont habitués aux pluies plus fréquentes qu’ici ou à la grande présence d’eau, quand on n’a connu que cela, ce n’est pas difficile.  Il y a toute une faune et végétation qui se développe en ce genre de terres que tu ne verras jamais dans le désert et inversement. Après , je pense que l’expérience qui serait la plus éloignée de ce que tu as connue ce ne serait pas cela, ce serait vivre un long moment sur l’océan. » Il ajouta alors légèrement rêveur.

« Imagine de l’eau à perte de vue, jusqu’à l’horizon et dans toutes les directions. Tout un monde existant en dessous de ces flots, sur une embarcation en partance pour d’autres terres. Il y en a qui adorent ce mode de vie là, trouvant une certaine liberté dans la chose, même si voler me paraît encore meilleur. N’as-tu jamais enviée les dragons ou azuriens ? Eux qui sont maîtres des cieux en quelque sorte. Qui peuvent aller où bon leur semble. » Et elle avait probablement dû croiser beaucoup de ces derniers, ils n’étaient pas rares en Orzian, ils connaissaient même quelques tribus nomades azuriennes vivant dans le désert.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyVen 29 Nov - 19:47
Sahar rit et décocha un regard espiègle à Otmar.

- C'est peut-être pour ça que tu t'entends si bien avec mon père et qu'il te considère presque comme l'un des nôtres, observa-elle.

Presque, oui, et en vérité il n'y avait que sa figure trop pâle qui le différenciait vraiment des autres, malgré le hâle que la brûlure du soleil y avait apposé. Quelque chose sans ses traits, dans ses manières aussi, auxquelles il manquait un peu de l'aisance naturelle de celui qui les a eues toute sa vie : il n'y manquait plus que l'indigo du voile des nomades pour couronner ses cheveux noirs, et seul un oeil avisé aurait pu le distinguer des hommes du clan.

Elle rit de nouveau en réponse à ses paroles, et agita vaguement la main devant elle.

- Tu sais, pour moi le nord c'est bien loin, et c'est bien vaste aussi. Sitôt sorti du désert, c'est déjà un autre pays.

La jeune fille écouta, néanmoins, et l'on vit sa petite figure se froisser d'une concentration songeuse alors qu'elle tâchait d'imaginer et de faire des images à partir des paroles étranges du voyageur.

- J'ai déjà vu la mer, tu sais, répondit-elle d'un air pensif. ça ressemble un peu au désert. Le sable coule, sans doute moins vite, mais quand la tempête s'élève c'est aussi périlleux de s'y aventurer qu'au milieu des vagues. Il y a des îles et des ports où accoster, comme nous avons des oasis et des lieux de repos : entre les deux, rien que l'immensité.

Elle rassembla une poignée de sable dans sa main et la laissa s'écouler lentement.

- Après tout, ce sont des larmes, tous ces grains là. Elles ont le goût du sel, comme les embruns de la côte. Mais enfin, peut-être que tu dis vrai, peut-être que si je devais vivre sur la mer, ça serait très différent pour moi.

Les saisons et le commerce avaient déjà amené les pas de Sahar vers la côte, sur les traces de son oncle. Elle y avait vu les marins, entendu leurs récits, et ils avaient pris dans son esprit la couleur de ceux des gens de son peuple. Une vie d'errance dans un lieu étrange, périlleux et magnifique, qui berçait leurs cœurs de la même langueur lancinante lorsqu'ils s'en allaient loin d'elle. C'étaient des lieux qu'on aimait et qu'on craignait du même sentiment de révérence, comme s'ils rappelaient à chacun quelle était leur place, et celle-ci était infime.

- Ce doit être différent pour ces gens-là, reprit-elle en portant sur Otmar ses yeux mordorés. Je n'en ai jamais vu, moi, mais on dit qu'ils passent parfois par ici. Je ne sais pas s'il faut envier quelque chose dont j'ignore tout, peut-être bien que oui, je voudrais faire comme eux, ou peut-être pas.

La jeune fille réfléchit un moment, lissant du plat de la main un pan de son vêtement. Autour d'eux, la rumeur des voix les enveloppa un instant, comme pour se faufiler dans le bref silence ménagé dans la conversation. Le cocon tissé du campement, fait de lueurs vives et de silhouettes mouvantes, de la masse trapue des tentes et des ombres qu'elles faisaient, tenaient les ténèbres de la nuit à l'écart. On tournait le dos aux ténèbres, pour mieux contempler les étoiles et les faire chatoyer dans les fumées des foyers et des narguilés qui portaient jusqu'à elle les chants, les contes et les confidences essaimées dans le noir.

- Je ne crois pas que quiconque puisse aller où bon lui semble, tu sais. Même eux, même les azuriens et les dragons qui peuvent voler partout. Les oiseaux sont bien obligés de se poser parfois, et ils doivent bien suivre les vents, les saisons, les points d'eau : je ne vois pas pourquoi ceux-là ne le devraient pas aussi, à leur manière. Ils ont sans doute leurs propres entraves.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyDim 1 Déc - 18:52
« Presque ? Il faut croire que je suis proche d’arriver à mon but dans ce cas. » Glissa t-il amusé à ce sujet, en effet il avait remarqué qu’il s’était plutôt bien intégré à ce clan. En même temps ce n’était pas forcément aussi difficile que quand il devait s’intégrer à certaines communautés non humaines, notamment elfiques d’autres pays qui étaient assez méfiantes envers les étrangers. Après, en effet ils étaient tous conscients qu’il n’était pas des « leurs » dans le sens le plus strict qui soit, mais plus le temps passait et plus il arrivait à faire illusion et faire partie du décor, ce qui était l’objectif après tout. Le meilleur ethnologue étant celui arrivant à faire tant oublier qu’il était là en tant qu’étranger érudit qu’on se comportait en sa présence comme on se comporterait en temps normal.

Quoiqu’il en soit, que le Nord lui paraisse loin ne l’étonnait pas, mais il est vrai que quand elle voyagerait elle saurait sans doute apprécier découvrir d’autres terres et cultures se dit-il. Rien que la variété présente dans l’empire Akkatonien pouvait être intéressante après tout. Alors que dire de ce que le monde en général avait à offrir...

« Il est vrai qu’il y a beaucoup de points communs entre la mer et le désert au final. Comme il y a beaucoup de différences. Après, moi-même je ne suis pas un grand marin, donc je ne saurais pas dire à quel point l’océan est différent... J’ai toujours eu davantage le pied terrestre. » Cela et il n’aimait pas forcément être sur un bateau uniquement pour le plaisir de voguer.

« En vérité le plus étrange par rapport à la vie dans le désert serait celle dans une épaisse forêt je suppose. Avec un plafond de feuilles te cachant la lumière du soleil et l’impossibilité de voir ce qui se passe à l’horizon lointain. Ainsi, que le bruit, beaucoup de bruit. Marcher dans le désert est souvent assez paisible et silencieux, la forêt, mais surtout la jungle, est tout le temps bruyante. La cacophonie des insectes, le vent qui souffle dans les arbres, tes pas qui cassent de temps en temps des branches de bois… Le silence n’est jamais présent de jour comme de nuit dans une jungle. » Et on sentait le vécu dans ses propos. Ce avant de reprendre amusé au sujet des azuriens.

« On trouve toujours quelqu’un à envier je suppose si l’on cherche, donc c’est sans doute là un jeu bien futile même si malheureusement beaucoup s’amusent à le pratiquer. Certains s’amusent à le faire tant et bien qu’au final ils oublient de vivre leur propre vie. Perdus qu’ils sont à sans cesse envier celle des autres et vouloir les égaler, voir les surpasser. » Même si ce n’était pas non plus aussi fréquent qu’il pourrait le craindre heureusement.

En tout cas il se perdit lui aussi un temps à écouter les murmures des environs, puis quand la jeune nomade reprit la parole, il sourit doucement et répondit assez d’accord.

« En effet, l’on ne peut pas aller exactement partout. Même le ciel n’est pas infini et même lui des fois est soumis aux frontières politiques... Est-ce qu'un être omnipotent et omniscient serait libre dans ce cas ? Là aussi j'ai un doute. » Ceci dit avec une pointe d’amusement avant de glisser avec une certaine curiosité.

« Dis-moi sinon, est-ce que je suis l’un des seuls étrangers à fréquenter aussi longuement votre clan avec une telle proximité ? Je veux dire, à vivre comme vous sur le long terme, adopter l’accent et le langage, en somme être quasiment l’un des vôtres sans pleinement l’être. Je suppose que je ne suis pas forcément le premier ethnologue vous ayant contactés, mais je me demandais s’il y avait d’autres types de personnes qui s’étaient amusés à cela. Vous êtes très ouverts après tout aux étrangers, je suppose même qu’il n’est pas rarissime que vous en adoptiez certains… » Peut-être même de rares non humains ? En tout cas c’était toujours le genre de question intéressante. Imaginons par exemple qu’un elfe tombe amoureux d’une femme du clan, que se passerait il ? Surtout s’il décidait de la suivre et non l’inverse. Enfin, il n’allait pas littéralement demander cela car ça faisait beaucoup, mais telle était l’idée.
Otmar Ehrlich Deffarès
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMer 11 Déc - 1:07
Sahar opina du chef, lorsqu'Otmar reprit.

- ça oui, je veux bien l'entendre. J'ai entendu parler des forêts qu'on trouve ailleurs, voilà qui doit être très différent d'ici. Ne pas voir le ciel, ni même l'horizon, ni même à quelques pas autour de soi, c'est étrange, dit comme cela. Comme tu en parles, on dirait la ville, avec des grands arbres à la place des maisons. Oui, sans doute que ça serait ça, le plus dépaysant pour nous.

Elle leva le nez vers les étoiles pour essayer d'imaginer, à partir de ce qu'elle savait. Nephtys était une ville basse, avec des maisons de pisé et de terre qui ne s'élevaient guère au-delà d'un étage ou deux, et des terrasses sur les toits pour profiter des nuits douces. Les rues y étaient souvent étroites et lui donnaient parfois un affreux sentiment d'enfermement que n'avait fort heureusement pas le quartier commerçant où les larges allées séparaient de belles demeures qui n'inspiraient pas la même claustrophobie.

- J'ai du mal à me figurer ce que ça doit être, autant d'animaux et d'êtres vivants au même endroit. ça doit être une sacré pagaille,
reprit-elle, songeuse.

Son regard se perdit à nouveau dans les ombres, alors qu'elle prêtait l'oreille à son discours. Elle réfléchissait autant qu'elle parlait, et à la même vitesse, semblait-il : la fatigue de la chevauchée du jour ne semblait pas avoir entamé ses forces, et sans doute qu'on pouvait un peu mieux comprendre à présent la lassitude des adultes qui perdaient le souffle à tenter de répondre à toutes ses réflexions. Otmar le faisait avec patience, bien plus de patience que certains de ses aînés : sans doute n'était-il pas encore assez usé pour cela, alors, elle en profitait tout son soûl.

- On pas le temps pour ça, ici. On a bien trop à faire pour avoir le loisir d'envier les autres, répondit-elle avec assurance. J'entends souvent dire qu'il faut déjà regarder ce qu'on a dans ses propres mains, avant de regarder ce que contiennent celles des autres, parce qu'à trop courir après des chimères, on finit par tout perdre.

De nouveau, elle se tut brièvement, et oscilla du chef avec cette sorte d'insolence rieuse qu'elle avait parfois. La petite Sahar était déjà un être pétris de certitudes, semblait-il, même si parfois il semblait qu'elle récitait autre chose que ses propres pensées, et que c'était là une leçon bien apprise.

- De tels êtres n'existent pas, sidi. Même les dieux ont leurs entraves et leurs devoirs, sans lesquels rien n'existerait. Il faut bien que lalla Nout vienne se coucher sur le désert pour qu'il puisse se reposer, et il faut bien qu'elle s'en aille à son tour pour laisser le soleil briller. Il faut que sidi Geb s'éveille pour commander aux génies de faire souffler le vent et tomber la pluie.

Ah, qu'il était simple parfois de regarder le monde par les yeux d'une enfant. Cet univers là allait à son rythme, au long d'harmonies secrètes où chaque chose et chaque être paraissait être à sa place.

- Il y a souvent des voyageurs qui viennent, il est vrai, répondit-elle ensuite. On accueille toujours ceux qui veulent rester avec nous, s'ils n'ont pas de mauvaises intentions et qu'ils se plient à nos façons de vivre : ils peuvent garder les leurs, c'est vrai, mais nous attendons d'un invité qu'il se tienne bien, c'est la moindre des choses quand on lui donne le gîte et le couvert. Ils finissent souvent par repartir. La plupart ne reste guère, sans doute parce qu'il faut être né ici pour vraiment y vivre : ceux qui restent, c'est seulement ceux qui le veulent vraiment, ou qui n'ont rien d'autre.

Ce disant, elle porta sur lui un regard curieux. Il était vrai que son père le considérait comme un ami de la famille et l'accueillait visiblement à bras ouverts, de même que le reste du clan, mais il y avait comme une distance qui subsistait encore, et celle-là ne pouvait se résoudre autrement que par des liens autrement plus profonds que les relations cordiales entretenues par les nomades avec ceux qui se mêlaient à eux. Et sidi Otmar, l'ami Otmar, restait cantonné au cercle des amis. Presque l'un des leurs, presque, mais pas tout à fait : elle se demanda ce qui retenait encore les adultes de franchir ce pas, et ce qui le retenait, lui, de partager à ce point leur vie et leur âme qu'elle en prenait la même teinte. S'il n'était pas encore de la famille, peut-être était-ce parce qu'il n'en avait pas besoin.

- Je crois, reprit Sahar d'un ton songeur, je crois qu'il est plutôt rare en revanche que l'on fasse d'un étranger notre frère, comme s'il était né du même sang que nous. Tu devrais demander à mon père, ou à lalla Mani, tiens : c'est elle qui en sait le plus long, je crois bien qu'il n'y a personne de plus vieux qu'elle dans le clan.

Elle réfléchit un moment.

- C'est quelque chose, tu sais, d'être considéré comme l'un des nôtres. J'ai entendu dire qu'aux temps anciens, il y a eu des hommes et des femmes d'autres pays, d'autres races, qui sont venus et ont pris femme et mari dans les tribus de mes ancêtres. Ils ont pris le bleu, comme on dit, parce qu'on leur a donné le tagelmust des nomades et qu'on leur a dit "maintenant, tu fais partie du clan". D'autres ont décidé de rester parce qu'ils ont trouvé des frères et des sœurs parmi nous, mais tous l'ont fait parce qu'ils l'ont choisi, et que nous les avons choisis.

La jeune fille s'interrompit. Et si, finalement, c'était ça, la réponse ? Leur peuple était né de l'amour du ciel et de la terre et peut-être fallait-il cela, peut-être fallait-il les aimer au point de renoncer à tout, pour outrepasser les liens du sang.

- Je crois que nous faisons une nette différence entre nos amis et nos frères. Mon père et mon oncle ont beaucoup d'amis, ça oui, et des alliés qu'ils estiment et envers qui ils sont loyaux et généreux comme ils le sont envers toi. Mais au-dessus, il y a le clan, au-dessus de tous les autres, il y a ceux qui portent le bleu.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptySam 14 Déc - 18:29
Il se demandait en parlant de lieux dépaysants pour elle, si Otmar pourrait encore trouver des lieux qui le surprendrait, lui qui avait tant voyagé. Sans doute, conclut-il rapidement, ne serait-ce que certains endroits particuliers en Orzian ou dans le monde en général ou même dans les plans élémentaires. Néanmoins, les plans élémentaires lui paraissaient êtres un concept bien particulier, ils n’étaient pas vraiment le genre de lieux propices après tout à l’établissement d’une civilisation, même si en soit quelques projets allaient en ce sens actuellement pour diverses nations.

« Je suppose que ceux qui sont habitués aux bruits de la jungle ou d’une ville surchargée, doivent trouver le désert étrangement silencieux, peut-être même effrayant. » Dit-il alors pensif à ce sujet, ce avant de sourire légèrement aux paroles assez sages de la jeune enfant. Il n’était pas sûr que tous les gens de son clan aient la même sagesse qu’elle, mais c’était une bonne mentalité. Il se disait pour le coup qu’un duchéen par contre ne serait probablement pas d’accord, mais bon ces derniers mettaient souvent sur un piédestal les notions de de compétition et d’accomplissement personnel.

« C’est vrai, nous sommes d'accords à ce sujet. Après, je suppose que dans certaines contrées ils pensent très différemment et doivent avoir des arguments convaincants à souligner. Je me dis que ça pourrait être instructif pour toi un jour de te confronter à ce genre de discours avec de telles personnes. Il n’y a rien de mieux après tout pour aiguiser ses idées que les confronter à d’autres, on sait ainsi mieux les défendre. » Après c’était un schéma de pensée très courant dans les pays où la libre pensée était autorisée, ou au moins démocratiques que de considérer les débats comme une bonne chose. Il n'était donc pas étonnant qu'un Akkatonien comme Otmar pense ainsi.

« Le pouvoir et ses responsabilités je suppose ? Celles des dieux sont comme celles des rois ou présidents, du moins ceux qui veulent vraiment honorer leurs fonctions. Beaucoup de philosophes de toutes races ont débattus au sujet de la liberté, celle-ci a souvent changée de définition avec les époques, mais a toujours été perçue comme un grand trésor. Est-ce une illusion, une vérité, ou autre chose ? » Difficile à dire. Puis ils abordèrent un sujet qui l’intéressa particulièrement… Il l’écouta alors patiemment jusqu’au bout, souriant de façon amusée aux premières paroles de la jeune enfant à ce sujet car il savait qu’il faisait partie de ces personnes qui étaient plus des amis de son clan que des membres de celui-ci. Ce qui était normal supposait-il, même s’il était intéressé par l’idée d’en savoir plus sur eux. Trouvaient-ils une sorte de plaisir d’ailleurs à l’idée d’être un sujet d’étude universitaire ? Comme les Heïngs qui appréciaient que les étrangers étudient leur peuple ? Difficile à dire.

« Je leur demanderai. » Avait-il glissé quoiqu’il en soit pensif quand elle lui conseilla de questionner plusieurs personnes. Se disant qu’il ne devait sans doute pas y avoir actuellement de non humain dans leur clan si une humaine était la personne la plus âgée. Ou alors ça devait être des nagas ou race qui ne vivaient pas si longtemps que cela, il devait supposer après tout que les nagas devait être de ceux qui avaient probablement le plus fréquentés leur peuple, ce malgré leurs tendances un peu solitaires…

Otmar avait déjà assisté après tout à des réunions de clans ou fêtes nagas, c’était souvent mais pas toujours assez calme ou retenu. Ces êtres n’avaient en général pas besoin de beaucoup s’exprimer à l’oral entre-eux pour se comprendre et faire passer certains messages, comme si leurs présences mutuelles se suffisait… Cela pouvait être déstabilisant pour un étranger fréquentant les clans serpentins, mais il avait vite compris à force que ce n’est en effet pas parce qu’un naga ne parle pas qu’il ne dit rien. Juste que pour beaucoup d’entre-eux, mais pas tous, le fameux Sefseth étant réputé comme un grand bavard, certaines choses n’avaient pas besoin d’être exprimées pour être comprises. Il avait aussi vu que la séduction entre nagas était des fois assez spéciale, des couples pouvaient se former sans même une déclaration d’amour ou demande comme il était courant chez les autres peuples, des amis pouvant devenir amants sans signe avant coureur, comme ça, comme si c’était la cours naturel des choses qui n’avait même pas besoin d’être dit.

« Je vois, c’est une façon de faire à la fois prudente, ouverte et honorable. Et ça doit être un moment riche en émotion et en importance que l’adoption d’un nouveau frère ou d’une nouvelle sœur de clan. Aurais-tu un exemple assez célèbre parmi les tiens d’un étranger qui a été accueilli au sein de votre clan ? Peut-être après avoir rendu un grand service, une belle histoire des fois raconté autour des feux de camp. » Il sembla alors amusé et ajouta.

« Je te raconterai une histoire qui remonte aux anciens Akkats en échange. Tu sais avant l’empire d’Akkaton, il y avait une cité état située très loin d’ici où vivait le peuple Akkat, mais avant l’existence de cette cité, le peuple Akkat comme le vôtre étant en bonne partie des nomades désertiques. On peut dire que les anciens Akkats vous ressemblaient en étant différents aussi. » Akkats qui aujourd’hui n’existaient plus vraiment se dit-il. L’empire s’étendait très loin après tout, avec les mélanges de population le sang et la culture s'étaient mélangés eux aussi, surtout qu’ils n’avaient jamais été très isolationnistes… Et les humains étaient loin d’être le seul peuple vivant dans l’empire, alors sachant en plus que les rares humains qui savaient vaguement qu’ils avaient des origines Akkats étaient une très petite minorité... Ils représentaient aujourd’hui plus le souvenir des origines humbles de l’empire que quelque chose de concret. Néanmoins, eux aussi avaient été un peuple nomade vivant dans un désert et ils avaient légués des histoires intéressantes.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyMar 17 Déc - 0:10
- Un exemple ?

Sahar sourit. Il y avait de la fierté, comme souvent, lorsqu'il était question des contes et des récits qui entretenaient la gloire vivante de sa famille. Malgré son jeune âge et sa candeur remuante de petite jeune fille trop curieuse, on sentait nettement qu'elle était déjà très consciente de l'honneur qui tenait tant au coeur des nomades et qu'elle avait pour devoir de le préserver, autant que de le faire connaître à ceux qui voulaient le savoir. Elle ne doutait pas qu'Otmar avait déjà entendu bien long, et que son père autant que les adultes du clan avaient déjà longuement assouvi la soif de savoir du voyageur, mais le fait qu'il lui demande à elle flattait joliment sa fierté juvénile.

Comme toujours, il lui parlait comme à une grande, sans condescendance, avec la tendresse amusée d'une âme déjà éprouvée par les expériences de la vie. Avec patience, il écoutait, il échangeait, et de cela, elle lui savait gré. C'est donc avec d'autant plus de bonne volonté qu'elle fouilla dans sa mémoire déjà bien remplie pour tirer ce qu'il voulait savoir.

- Oh, ça, reprit-elle avec un sourire mutin, des histoires, on en a toujours. Celle que je préfère, c'est celle d'Ashar et de Safran. Elle parle d'amour : nos histoires en parlent beaucoup, je crois, mais elle parle aussi d'humilité et de ce que fait le désert à ceux qui ont trop d'orgueil.

Ses yeux s'illuminèrent, quand il lui promit une autre histoire en retour : ah ça, Otmar avait bien compris que l'on ne disait rien en vain, et qu'il fallait donner un mot pour en avoir un autre. Elle s'agita légèrement sur son séant, la mine intriguée.

- Qui étaient les Akkats ? Où vivaient-ils ?


Elle s'interrompit, agitant sa main comme pour chasser une pensée vagabonde.

- Non, fit-elle. Non, mon récit d'abord, et le tiens après.

Un des hommes du camp passa près d'eux, chargé d'un grand plateau couvert de verres de thé bien fumant. Il en donna aux deux convives, leur glissa quelques mots bienveillants et s'en fut alors que la petite reprenait le fil de sa narration. Elle serra entre ses mains la petite coupe de verre épais, but quelques gorgées, et parla.

De nouveau, comme elle l'avait fait avant dans l'obscurité du désert, Sahar laissa le filet de sa voix juvénile s'échapper tout bas, comme une confidence, et récita les mots appris depuis longtemps, s'attardant parfois sur une formule qu'elle semblait connaître ou apprécier plus que les autres, comblant parfois les blancs par des résumés succints. Elle lui conta l'histoire du grand guerrier Ashar, venu d'un pays fort éloigné, par-delà les mers. Il était immense, dit-elle, c'était un grand soldat et une âme fière, auréolée par les gloires anciennes de son passé, de son sang noble : une allure de roi, une épée brillante, des armées nombreuses. Il avait tout, il était puissant, et il avait porté son regard et sa convoitise sur les terres du grand désert dont on lui avait décrit les richesses et les mystères. C'était en des temps très anciens, en des temps où la vie y était rude et où les terres désolées étaient déjà sillonnées par les caravanes des nomades qui vivaient sous la menace des bêtes qui y rôdaient, bien avant que l'empire n'ait ramené la paix et tracé ses routes dans l'immensité.

Ashar était venu avec son armée, prêt à tout conquérir : guidé par une volonté de fer, il avait décidé de manger le monde entier et de plier les nations à sa volonté. Mais voilà : il en va des seigneurs de guerre comme il en va du reste du monde et nul n'est à l'abri des traîtrises du destin. L'orgueil fol du prince le perdit : son armée décimée par la soif et la faim, par les attaques incessantes des monstres qui leur livraient bataille, il ne lui resta plus que ses yeux pour pleurer et ses jambes pour le guider à travers les dunes.

- Il a tout perdu, Ashar. Tout. Son honneur et sa gloire, et ses lames brillantes : les dieux n'aiment pas la fierté, et sidi Geb n'aime pas que l'on marche dans ses jardins comme s'ils nous appartenaient. On doit être humble, face au désert, on doit connaître sa place et s'en rappeler, ou bien il aura tôt fait de nous le dire.


Qu'entendre, dans le fil du conte, sinon l'avertissement sollenel prononcé pour les générations futures ? Ils vivaient dans un monde périlleux et sauvage, où l'erreur était fatale. De se croire au dessus de tout, on en arrivait à se perdre, et c'est ce qu'il advint d'Ashar. Son histoire ressemblait à beaucoup d'autres, sans doute reflet d'existences vécues, bribes de vies assemblées ensemble comme un tissage fait de fils disparates : des échos d'autres mythes, d'autres personnages, de vérité parfois. Mais c'était là l'audace des conteurs, qui mêlaient la vérité et l'invention jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les distinguer parce que les deux apportaient un égal message.

- Ashar a marché, tout seul, pendant des jours. Il a refusé d'abandonner, il a continué à lutter et à se battre parce que c'était un guerrier, il avait fait toujours comme ça. Mais un jour, au couchant du dernier jour, il a abandonné. Il s'est couché dans le sable et il a abandonné la bataille. Il a compris que parfois, il y a des guerres qu'on ne gagne pas par la force, qu'il fait parfois savoir céder quand on ne peut vaincre. Il faut savoir céder, et Ashar l'a appris ce jour-là quand il a touché terre, qu'il s'est roulé dans son manteau et qu'il a fermé les yeux.

Sahar sourit, en racontant. C'était sa partie favorite, après avoir longuement détaillé ce que le héros avait enduré dans le froid et la chaleur qui alternaient leurs morsures comme ces châtiments qu'on imagine pour les damnés. C'était celle du pardon.

- Et là, la très miséricordieuse, la Bienheureuse Mère s'est penchée sur lui. Elle lui a dit "tu as porté le fer contre mes enfants et contre ma terre, tu as marché dans le jardin des pierres comme si c'était le tiens. Je pourrais te prendre ta vie, en plus du reste, pour ce que tu as fait. Ecoute, Ashar, écoute ! La terre réclame ton sang et pleure les fils et filles que tu lui as pris." Alors Ashar a écouté, dans le ventre de la nuit, toutes les voix qui criaient. Il a dit "Prends ma vie, en plus du reste, si c'est ton bon plaisir. Je n'ai plus rien à te donner.".

Et tout doucement, la voix prise dans un essor conta le renouveau : les larmes du guerrier dans les ténèbres, pendant trois jours et trois nuits, jusqu'à ce qu'au matin le soleil se lève encore sur celui qui n'était presque plus. Elle conta ses suppliques, les cantiques d'Ashar que les nomades chantaient encore pour réclamer le pardon de leurs dieux, et qui étaient restés dans leur mémoire. Trois jours, trois nuits de prières lancées à la lune qui s'en allait, pour vivre encore et s'amender, si on lui laissait encore une chance. Lalla Nout n'avait rien dit, mais la réponse était venue d'elle-même lorsque le clan des Mahjtani avait trouvé l'homme gisant sur la piste.

- Comme à tous ceux qui croisaient leur route, mes aïeux lui ont donné du pain, de l'eau, un abri pour reposer ses blessures, mais Ashar a repoussé l'eau de sa bouche et le baume de ses plaies. Il a dit "Peux-tu nourrir l'assassin de tes enfants ? Je ne mérite rien de ce que tu me donnes.". Et le prince a courbé l'échine, a posé son front dans la poussière, il leur a livré son sort et ses mains liées. Il croyait mourir, encore, comme si lalla Nout l'avait épargné de son courroux pour mieux le livrer à celui des Mahjtani : mais la justice et la vengeance ont souvent le même goût quand on les cherche au bout de l'épée et ce n'est pas le fer qui fut sa sentence. Les anciens du clan se sont réunis, et ils ont délibéré longtemps à propos de ce qu'il fallait faire du meurtrier.

C'était là que Safran entrait en scène, et il y avait un frisson perceptible dans la voix de Sahar qui la décrivait pour son hôte. C'était la poétesse la plus sage de la contrée, la plus habile et la plus belle de toutes, mais aussi la plus humble : si ses paroles faisaient pleurer les pierres et fléchissaient la volonté des plus hardis, elle n'était que la très humble gardienne de ses troupeaux et de ses bêtes.

- Safran s'est avancée, et elle a dit : "Je lui donne autant de jours de servitude qu'il as pris de nos frères et de nos sœurs. Il ira dans mon ombre, lui qui fut prince, et son labeur sa sa pénitence.". Alors c'est dans son ombre qu'Ashar est allé : il a écorché ses mains sur la houlette et ses pieds sur les rochers, il a courbé son échine sous le soleil, il a brûlé sa peau et ses yeux, il est resté parmi les plus pauvres, parmi les plus humbles, lui qui fut immense s'est fait tout petit. Lui qui a marché sur notre terre pour la faire sienne, eh bien : c'est le contraire qui s'est passé, c'est lui qui est devenu sien. Le désert l'a mangé jusqu'à l'os et l'a recraché pour en faire un homme neuf, si bien qu'au terme de sa pénitence, il a refusé de partir.

Là, la jeune fille sourit, les yeux brillants dans la pénombre, serrant dans ses paumes son gobelet fumant. Elle raconta la fin de l'histoire, et les mots d'Ashar qui disait avoir tout donné pour son pardon, et s'être défait de tout. Mais au bout du compte, disait la légende, il lui était resté quelque chose qu'il n'avait pas offert : c'était son coeur, qu'il déposa en offrande aux pieds de Safran. Pour l'amour d'une bergère, celui qui avait été prince s'était fait son époux.

- Et voilà, conclut Sahar. C'est ainsi que cela arrive, parfois. Des hommes viennent, avec de l'orgueil plein la bouche et des épées dans les mains : mais bien souvent, il n'y a rien de cela qui survive au désert. La vanité n'y reste pas, tu sais, car tôt ou tard, sidi Geb dévoile la vérité de ce que sont les gens. On peut se mentir à soi-même, mais on ne lui ment pas, à lui, car il voit tout, il sait tout, et ce qui lui est dissimulé ne le reste guère. C'est ainsi que cela arrive, oui, les Hommes plient face à lui, et il faut bien cela pour mériter de prendre le bleu.
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MessageSujet: Re: Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980] EmptyVen 20 Déc - 19:06
Il y avait une certaine douceur dans l’expression et l’attitude d’Otmar envers la jeune Lallah. Que ce soit dans son sourire ou sa manière de converser avec celle-ci, mais aussi une certaine estime à la façon dont il exerçait avec elle une conversation qui soyons sincère, il n’avait pas l’habitude d’entretenir avec tous les enfants. Il lui parlait quasiment comme s’il avait affaire à une adulte. Tout en se comportant en partie comme s’il avait affaire à une enfant prometteuse, comme pour souligner ses qualités. Il l’écoutait calmement quand elle parlait, prenait le temps de prendre en compte ses avis et n’hésitait pas à exposer certaines choses. On pouvait aussi dénoter au vu de la tranquillité qu’il affichait depuis le début de la soirée que soit rien de tout ce qui s’y était passé ne l’avait agacé, soit qu’il était d’une grande patience.

En vérité, il y avait aussi peut-être une légère dose de persuasion subtile et amicale là-dedans, après tout il l’encourageait ainsi à parler d’elle ou des siens. Mais, bien entendu comme il était sincère dans la démarche, le côté intéressé de la chose était assez bien dissimulé.

Quoiqu’il en soit, il s’apprêtait visiblement à lui répondre quand elle lui demanda certains détails au sujet des anciens Akkats, mais le temps de réflexion qu’il eut alors que son regard s’égarait légèrement vers l’horizon en même temps, avait laissé à la jeune enfant le temps de remettre ça à un peu plus tard. Pourquoi une telle réflexion ? Sans doute qu’à ses yeux la question était plus complexe qu’elle n’en avait l’air. Cela ou bien il devait réfléchir à comment présenter de façon simple, mais pas simpliste, un sujet qu’en tant qu’ethnologue il appréhenderait de façon très complexe. Son rictus en tout cas se teinta légèrement d'amusement à l'égard de la jeune femme.

Et chose bienvenue, juste avant qu’elle ne poursuive, on leur apporta du thé. Otmar évidemment remercia celui qui leur en apporta et glissa une plaisanterie subtile concernant la boisson qui n’était guère absente de la soirée et sur le rictus amusé de celui qui leur avait apporté le thé qui prit congé... Il prit lui aussi calmement une gorgée de thé, sans attendre qu’il ne refroidisse spécialement, comme le ferait beaucoup d’étrangers. Il savait après tout qu’il était bien de boire son thé chaud dans le désert, mais aussi que c’était l’habitude locale. Bien entendu, on ne lui en voudrait pas de laisser refroidir son thé, mais il affichait ainsi autant son désir d’imiter les habitudes du clan, qu’une certaine connaissance de l’utilité de cette pratique.

Détail intéressant sinon qui n'avait pas trop été visible jusque là à cause de ses vêtements amples et de l'obscurité partielle, mais qui se révéla particulièrement bien quand il prit la tasse de thé pour boire. Tout l'avant bras droit d'Otmar était enroulé dans du tissu, local certes, mais c'était assez étrange, contrairement à son bras gauche. Comme si c'était un effort volontaire fait pour cacher le bras ou de protéger celui-ci du sable.

Puis, il écouta à nouveau avec patience la jeune Lallah, ne buvant une nouvelle gorgée de thé que lorsque qu’elle devait faire quelques petites pauses ou le faisait elle-même, pour ainsi ne pas perturber son discours par un tel petit manège.

Et l’histoire lui semblait intéressante. Et il était possible qu’elle soit vraie, au moins en grande partie se dit-il. Il devait bien y avoir eu par le passé, soit des seigneurs de guerres Orzaniens, venant des Duchés, de Teïder, voir d’Eïrn ou même Eïlynster, soit venant de plus loin qui auraient voulu envahir le grand désert. Il ne savait pas après si cela aura été prudent d’essayer, mais qui ne tente rien n’a rien dirons-nous. Cela et puis même si ces terres arides ne sont pas des plus faciles à vivre, il savait que beaucoup de richesses pouvaient s’y trouver. L’empire d’Akkaton avait notamment trouvé dans les chaînes de montagnes l’entourant de belles mines d’argent, le métal dont on fait la monnaie universelle. Après tout même si en Akkaton il est possible de payer beaucoup de choses avec des bouts de papiers, à l’étranger les monnaies étaient diverses et variées, la seule étant vraiment universelle étant celle de métal, notamment l’argent. L’or aussi, ainsi que le cuivre, mais personne n’utilisait sincèrement de l’or pour payer ses dépenses de tous les jours, déjà que l’argent représentait beaucoup…

Quoiqu’il en soit, il hocha la tête de façon assez d’accord concernant la morale de ce conte sur l’orgueil. Se disant qu’en vérité beaucoup des seigneurs de guerres qui avaient laissés leur marque dans l’histoire n’en avaient pas manqués, mais tous n’avaient pas eu des destins heureux.

D'ailleurs, Otmar devina d’instinct que l’histoire n’allait pas forcément prendre un tour tragique pour Ashan lorsque la jeune Lallah parla du moment où ce dernier abandonna, puis sourit. Otmar afficha alors un air intrigué mais calme, autant sans doute sincère, que pour faire plaisir à la jeune enfant, qui poursuivit. Et en effet cela valait la peine à entendre. Il glissa alors avec une sincère appréciation et d’un ton à la fois calme et enthousiaste.

« Eh bien, c’est une beau récit, je ne regrette point d’avoir entendu cette histoire de ta part et je comprends qu’elle te plaise tant. Je pense que si tu le désirais, tu pourrais faire une très bonne conteuse, voir poète, qui sait, peut-être un jour à l’égal de Safran ? » Un compliment qu’il lui adressait pour lui plaisir. Puis finissant son thé calmement, il ferma les yeux un instant comme pour réfléchir, puis finit par glisser pensif.

« C’est mon tour donc, une histoire sur les Akkats, permet-moi juste de te parler d’eux avant. » Il reprit alors avec un ton d’historien où coulait une légère passion, sans doute qu’il aimait bien l’histoire.

« Tout a un commencement, tu connais l’empire Akkatonien, mais celui-ci comme tout empire a dû naître, il était auparavant un pays qui perdurait bien loin d’ici et avant cela une simple cité état, mais avant cette cité état il y avait une tribu ayant fondée cette dernière. Les Akkats. Une tribu humaine qui existait-il y a plus de 4000 ans de cela et vivait dans un vaste désert et ses alentours proches. Ils étaient avant tout un peuple de guerriers, hommes et femmes apprenaient à se battre pour survivre, puis avec le temps ils finirent par changer, tel le désert qui se redessine sans cesse sous les assauts du vent. Je vais te raconter une histoire sur la vertu de la générosité et de l’entraide. »

Une histoire qui ne serait sans doute pas sinistre de ce fait et surtout qui parlerait aux valeurs véhiculées par les nomades l’environnant. Il reprit alors d’un ton de conteur, regardant Lallah tout en semblant légèrement rêveur, de cette façon qui donnait l’impression qu’il imaginait l’histoire tout en la racontant et qui pouvait inviter à le faire.

« Un jour, un jeune Akkat nommé Dreïs, était partit hors du désert avec plusieurs des siens pour commercer à l’étranger. Le voyage se passa bien, il dura un bon mois à l’aller, mais sur le retour les choses ne se déroulèrent pas comme prévu. Leur convoi fut rapidement attaqué par des soldats qui virent dans ce qu’ils appelaient des barbares comme des proies faciles pour se remplir les poches et satisfaire leur soif de sang. Dreïs fut le seul qui survécut, en fuyant. Il se retrouva ainsi seul, sans carte et provisions en terre étrangère. Néanmoins, n’ayant pas d’autres choix, il décida de rentrer chez lui… »

Le ton de l’histoire prit une tournure sombre au moment où Otmar parla de l’évènement malheureux, mais on sentait sa voix s’alléger à peu à peu, comme si les choses étaient vouées à s’améliorer pour le jeune malchanceux.

Il poursuivit alors l’histoire, racontant comment le jeune homme rencontra un marchand qui avait embourbé son chariot et au lieu de le piller, l’aida à se remettre en route. Le marchand le récompensa alors avec un peu de nourriture, mais plus tard Dreïs dû s’enfuir car il avait été aussi dénoncé par le commerçant aux soldats qui avaient entrepris de le poursuivre. Une autre fois, le jeune Akkat tomba sur un guerrier blessé, plutôt que de l’ignorer, il prit la peine de bander celui-ci et de le porter jusqu’au village le plus proche, avant de repartir sans s’attarder. De cette partie-là de son voyage, pas de déconvenue particulière donc. Puis, peu après, il  tomba sur une jeune femme perdue en prise avec un bandit errant qui avait de funestes intentions. Dreïs fidèle à lui-même attaque l’homme et le fit fuir. Puis plutôt que de maltraiter à son tour la jeune femme blessée, il aida celle-ci à rentrer chez-elle, même quand il apprit surprit qu’elle résidait non pas dans un village, mais une vaste forêt. C’est là qu’il rencontra une meute de loups presque à taille humaine qui n’étaient nuls autres que des thérianthropes, loups dont la jeune femme était des leurs. La tribu reconnaissante envers Dreïs d’avoir sauvé l’une des leurs, l’aida alors à rentrer chez lui et il put finir son voyage en toute sécurité.

Toute cette histoire racontée, il conclut avec une dose de bonhomie dans son ton, mais aussi d’optimisme.

« La leçon est simple, certes tous ne seront pas reconnaissants de l’aide apportée et il ne faut pas apporter celle-ci par pur intérêt, mais la compassion est telle une graine qui sait éclore dans les cœurs quand elle est justement plantée. » Restait à voir ce qu’elle en pensait. Quoiqu'il en soit sur ces belles paroles il se permit un instant de contempler les environs et d'admirer d'une certaine manière la vie qui animait ce camp.
Otmar Ehrlich Deffarès
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Des rayons et des ombres [Otmar - printemps 1980]
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