Dans une petite taverne pas trop mal entretenue, qui aurait eu une place pas trop indigne dans la capitale, un homme était attablé dans un coin, la tête à moitié vêtue d'une simple capuche de laine sur la tête. Il ne cachait pas complètement son visage mais dans son allure et dans sa tenue, il passait plus pour un paysan qui avait besoin de se soûler après une rude journée de labeurs et surtout, après avoir eu une sérieuse prise de tête avec sa bobonne. Si cette apparence convainquait, et bien tant mieux, notre homme visait ce genre d'image. Il avait besoin de se détendre les nerfs avec une bonne dose d'alcool dans les veines de toutes manières.

Mais qui était notre homme ? Etait-il réellement un paysan du coin ? Nullement. Il était bien Eilynterien en tout cas et était bien plus qu'un simple paysan. Mais pour l'instant, il passait pour autre chose qu'un guerrier.

Artane était encore amaigrie de sa récente mésaventure et il récupérait à peine ses forces. Les retrouvailles avec les gens de son propre peuple ne s'étaient pas très bien déroulées au début, faute à l'épuisement totale et à ses nerfs mis à rudes épreuves dans les geôles teïderiennes. On lui avait bien ordonné de se reposer tout en étant sous bonne garde, mais il avait passé outre et avait réussi à se sauver en douce. Quitte à le regretter en cours de route, car ses blessures -et surtout sa psychée- ne s'étaient pas encore bien remises des traitements reçues. La magie avait aidé à guérir la plupart de ses plaies, mais certaines, autant physiques que psychiques, peinaient encore à se refermer. Alors que de mieux que de prendre une bonne cuite pour oublier tout cela et savourer la profondeur d'un gros coma éthylique. C'était le cas idéal pour ne plus rien ressentir, ne rien percevoir... Car même s'il était attablé en ces lieux, à terminer de boire sa première bouteille de vin au goût douteux, il sentait encore la douleur de son dos, de sa cuisse blessée lors de sa fuite et son mental qui pourrait partir en éclat à n'importe quel moment.

Artane était un homme doté d'une forte volonté, qui n'avait pas été vraiment brisé durant son emprisonnement chez l'ennemi, mais il demeurait un homme, qui durant deux mois, avait subi le joug de la torture et bien d'autres choses. Il lui faudra donc encore du temps pour retrouver ce qu'il avait été avant. Et encore, cela dépendrait de bien des facteurs extérieurs. Depuis qu'il avait remis le pied dans le royaume avec Irina et ses hommes, qui avaient eu la chance de le trouver lors de son errance, des ragots commençaient à courir sur lui. Ces rumeurs avaient fini par arriver à ses oreilles. On le prenait plus ou moins pour un traître, un espion... car très peu réussissaient à survivre aux hommes tortionnaires de Teïder... et encore moins à s'en échapper... Si ces abrutis savaient ! Il grommela dans sa barbe, grimaça en sentant un élan douloureux à ses récentes blessures. Il se tendait de trop. Allez, hop, il prit la bouteille et décida de la finir d'une traite. Il la posa sur sa table et demanda une autre :

''Tavernier, une autre ! Mon gosier a soif ! ''

Au moins, ici, il était tranquille. On ne savait pas qui il était... pour le moment. Et comme il avait filé en douce hors du campement d'Irina, il avait encore un peu de temps en tant qu'inconnu en ces lieux.

Cela faisait bientôt une heure que j’usais de mes coudes le bois du comptoir de cette taverne, à tailler le bout de gras avec le tavernier en sifflant quelques chopes de mousseuse. Un petit rituel égayant mes fins de chasse, quand je ramenais à ce brave homme un cerf fraîchement abattu qu’il servirait à ses convives, cela contre quelques pièces qu’il retrouvait finalement peu de temps plus tard. Et comme à nos habitudes, nous dissertions sur les dernières nouvelles et ragots du village, les victoires ou les défaites des uns et des autres, le nombre de litres de sang Teïderien écoulé dans la semaine ; parfois plus simplement de politique de comptoir bien peu poussée. C’est à peine si - occupée à boire et papoter - j’avais pris acte de l’entrée de l’encapuchonné attablé dans un coin, venu noyer sa misère.

Ce n’est que plus tard, lorsqu’il commanda une nouvelle bouteille de vin, que je daignais regarder dans sa direction. À mes yeux, ce n’était qu’un simple paysan et soldat, rien qui n’aurait pu indiquer son véritable grade, ni même les épreuves qu’il avait subies. Néanmoins, si paysan il était, je trouvais étonnant que le tavernier de ce bouge ne semble pas le connaître, et réciproquement. L’homme à la carrure charpentée et la bedaine proéminente était pourtant réputé ici, tant pour le confort plus que correct de son établissement que la qualité de ses boissons. Et que dire de son verbe… Peut-être un marchand ou un charretier, mais même ces gens-là avaient leurs petites habitudes. Pour ce qui était du tenancier, il ne rechigna pas à sortir une nouvelle bouteille de vin, pleine celle-ci, et la poser sur le comptoir après avoir grogné d’être remonté de sa cave.

“Tu connais ce type ?” demandai-je à voix basse à l’homme en désignant l’intéressé d’un mouvement de tête.

“Non, mais tant qu’il paye, consomme et fout pas le boxon, j’ai pas de raison de chercher à savoir qui il est,” grommela le tavernier dans un haussement d’épaules. “Même si je préfèrerais qu’il boive du vin d’Esperanza plutôt que cette piquette,” ajouta-t-il avec un sourire intéressé en frottant son index contre son pouce. Une remarque qui m’arracha tant un sourire qu’une soudaine envie de goûter ce fameux vin.

“Dans ce cas, range ta piquette et sors-en un d’Esperanza, c’est moi qui offre.”

Quelques instants plus tard, je rejoignais la tablée de l’inconnu, la bouteille dans une main, deux godets dans l’autre. Sans lui demander ni son avis, ni sa permission, je m’installais sur le banc lui faisant face, posant verres et bouteille entre nous avant de caler mon menton dans le creux de ma main. Je le dévisageais longuement, silencieuse. Quelques cicatrices qui lui donnaient un certain charme pour un humain. Une belle gueule de combattant Eïlynsterien si je pouvais dire.

“Ton gosier mérite mieux que ce vinaigre, soldat. Non ?” Je l’avais appelé soldat presque par habitude, et j’étais quasiment sûre de ne pas trop me planter vu son accoutrement. Tout comme le mien ne devait pas trop en dire sur ma propre condition, vêtue que j’étais de mes habits de chasseresse teintés de vert et de brun, bien loin de mon uniforme et son tabard aux couleurs d’Eïlynster.

“Tu m’as l’air bien seul pour fêter quelque chose justifiant de s’enfiler une bouteille de gnôle en solitaire. Envie de partager un verre ?” lui proposai-je tout en me servant d’office.

Il ne parut pas remarquer que ce n'était pas le tavernier qui apportait la bouteille, mais une silhouette aux allures féminines. Plongé dans le début de l'ivresse que provoquait sa première bouteille enfilée à lui tout seul, il se perdait volonté dans cette sensation que cette dite ivresse apportait. C'était le seul moyen d'échapper à tout ce qui le tourmentait. Et quand il se prépara à rappeler sa commande au tavernier, la silhouettes aux allures féminines s'assit juste en face de lui, posant la bouteille si convoitée et deux godets. Comment cela deux godets ? Il sourcilla et commença à remonter le regard tout en maugréant.

''J'ai juste demandé une bouteille et... ! ''

Il croisa le regard rouge de la femme qui se tenait en face de lui, qui était en train de le dévisager, sa tête posée comme si elle était venue pour l'observer. Artane se tendit.

''Je ne crois pas avoir commandé de la compagnie en plus de la bouteille.''

Rapidement, malgré l'aspect inhabituel qui émanait de la nouvelle venue, Artane reconnut les caractéristiques propres aux Elfes, même si bien des détails variaient étrangement des standards elfique.

''Qu'est ce que mon gosier t'importe, Elfe ? ''

On voyait bien qu'il ne s'était pas attendu à ce qu'on vienne causer avec lui. Il paraissait... perdu. et c'était le cas. La méfiance qu'exprimait l'humain était palpable. L'envie de partir ne lui manqua pas, pour fuir, tel un animal traqué, qu'on cherche à capturer de nouveau. Mais il n'était plus en cage, il n'était plus à Teïder. Il se fit violence pour ne pas se lever donc. Fuir n'était pas dans sa nature... fuir comme un lâche dès que la moindre petite l'effrayait.

Il regarda l'Elfe se servir, et qui lui avait proposé de partager un verre. Diantre, mais qu'est ce qu'elle lui voulait celle-là ? Chose que pourra noter Naruhen sera qu'il n'avait pas tiqué devant le terme soldat.

''Un humain qui boit une bouteille tout seul dans son coin signifie qu'il veut juste se soûler tout seul... Et je dis bien tout seul. Qu'est ce que tu veux ? ''

Mon visage n’avait pas quitté le creux de ma main du temps que je remplisse mon godet de vin Esperanzien, ni lorsque je commençai à remplir celui de mon interlocuteur. Visiblement, l’homme ne s’était pas attendu à me voir m’inviter - normal, dirai-je - et s’était tendu face à ma seule présence. Je mis cela sur le compte de la mauvaise surprise et de la frustration, car il était clair que je dérangeais le bougre. Son phrasé se voulait méfiant, chose qui m’intrigua. Je pouvais m’attendre à de l’exaspération ou un certain énervement, mais pas à de la méfiance. Du moins, pas de la part d’un Eïlynsterien attablé dans une taverne à l’abri de la Grande Muraille. Chose qui ne fit que piquer un peu plus ma curiosité.

“Et parce que je suis une Elfe, je ne sais évidemment pas ce qui signifie le fait de boire tout seul dans son coin. Après tout, les Elfes sont des êtres mesurés et raffinés qui préfèrent s’émerveiller devant une poterie que savourer et partager un verre de bon vin avec un frère d’arme,” répliquai-je avec un sarcasme évident, démontrant la faible estime que je portais envers ma propre race.

“Je ne te veux pas de mal, rassure-toi,” avais-je fini par répondre d’un ton plus désinvolte en reposant la bouteille, une fois son godet rempli. “Sinon, j’aurai attendu que tu sois complètement beurré pour te détrousser,” raillai-je avec un petit sourire qui n’avait rien de méchant. J’attrapai mon propre verre et le levai dans sa direction. “Santé. Et savoure, c’est moi qui offre...” Je buvais une première gorgée, savourant les arômes particulièrement doux et fruités du breuvage d’importation Duchéenne, mon regard ne se détachant pas de l’humain par-dessus mon godet. Puis je reposais mon verre devant moi, redressant la tête et tendant ma main droite par dessus la tablée.

“Naruhen, division d’infanterie Sud-Ouest,” me présentai-je finalement avec une certaine amabilité dans la voix. “Et oui, je sais que t’as envie d’être seul, mais je m’en fous. Les Elfes sont sacrément curieux ; et toi, tu m’intrigues.”

Le tavernier, resté jusqu’à lors silencieux bien qu’il n’avait pas perdu une miette de nos échanges depuis l’arrière de son comptoir, hoqueta d’un rire gras et entendu avant d’y aller de sa petite remarque.

“Aaaah j’te plains mon gars… Quand le Capitaine a une idée sous l’crâne, pas facile d’lui faire lâcher prise. Sinon, vous v’lez pas un peu d’graillon avec votre bibine ?”

L'humain tiqua au sarcasme de son interlocutrice. Bien entendu, que les elfes proches des humains savaient que boire seul dans son coin voulait dire...mais cela ne changeait en fien son désir d'avoir la paix. Mais l'inconnue tenait visiblement à ne pas partir. Elle lui remplit même son godet. Il eut autant d'hésitation à le prendre qu'à finalement y tremper le bout de ses lèvres. Même si la femme elfique se voulait non dangereuse à son égard, on voyait toujours cette méfiance luire dans son regard.

Le vin était délicieux et Artane ne put réprimer un frisson. Il lui semblait qu'une éternité était passé depuis la dernière que sa langue avait eu à goûter pareille saveur.

L'elfe se présenta. Artane se tendit, manquant même de faire un mouvement de recul. Il serra les dents pour le coup.

*ce n'est qu'une main, pour saluer. Rien que pour faire une poignée de main ! *

Elle avait en plus donner son nom. C'était en plus une compatriote. Allait-il tendre sa main après sa réaction ? Et comment réagira-t-on une fois qu'il aurait prononcé son nom ? Il n'était pas un lâche au point de se cacher ou de ne rien dire. Il finit par tendre la main, pour prendre celle de l'Elfe.

"Lieutenant Nordan....de la compagnie de capitaine Bëlowël...Et je ne vois pas en quoi je suis intriguant....."

Il parut bien malgré se crisper. Cela se voyait à la main qui entourait son godet. Il n'avait même pas fait attention aux paroles du tenancier qui proposait d'abord du lard grillé pour accompagner le vin. Il avait faim sans avoir faim. Et de toute façon, il savait qu'il ne pourrait se gaver de suite, le temps que son corps reprenne assez de forces et d'habitudes après la rudesse de son séjour chez les Teïderiens. Et le tenancier assista, obligeant Artane à sortir de son état second, comme s'il se retrouvait pris dans quelques sombres souvenirs.

''Une simple soupe pour moi. ''

Je serrai la main de mon interlocuteur avec une certaine vigueur, bien que son hésitation et sa tension palpable ne m’avaient pas échappées. Mais ce fut plus véritablement lorsqu’il me révéla son identité que je marquais un temps d’arrêt, fronçant les sourcils en proie à mes réflexions. Je ne percutais pas dans l’immédiat d’ailleurs, laissant son nom tourner dans mon esprit durant plusieurs secondes et relâchant sa main entre-temps. Nordan… Nordan… Ce nom m’était familier sans pour autant connaître ce type. Puis un éclair de surprise traversa mon visage quand enfin la révélation se fit. Je fis claquer ma langue contre mon palais avant de lâcher un simple :

“Je vois…”

Quelques instants après qu’il eut passé sa commande, durant lesquels je restais silencieuse à fixer l’homme d’un regard plus intrigué encore, je m’adressais finalement au tenancier.

“Je prendrai volontiers quelques uns de tes graillons, avec une demie-miche de pain et un peu de fromage chef,” commandai-je, buvant ensuite quelques gorgées de vin supplémentaires tout en reportant de nouveau mon attention sur le Lieutenant.

“C’est donc toi le type qui a échappé aux Teïderiens,” soliloquai-je dans une question purement rhétorique. “Je comprends mieux pourquoi t’es là à picoler dans ton coin,” poursuivis-je en baissant un peu le ton. “J’ai eu vent des rumeurs qui courent sur ton dos, comme tout le monde ai-je envie d’ajouter, mais t’en fais pas. Pour moi, c’est qu’un ramassis de conneries. J’ai connu ça aussi en arrivant ici. La méfiance, la suspicion, les fausses accusations et les rumeurs les plus grotesques. Tes grands-parents devaient même pas être nés à l’époque, mais il aura bien fallu trente ans pour que l’on arrête enfin de me considérer comme une espionne d’Ikhyld.”

J’essayais de me montrer rassurante avec l’homme, histoire qu’il puisse relâcher sa méfiance et se détendre un peu en ma présence. Et comme pour marquer le coup, je dressais de nouveau mon verre dans sa direction, à sa santé avant d’en finir le contenu de quelques gorgées avides. Ce pinard était vraiment délicieux. Je me resservis quelques instants après avoir reposé mon verre vide, complétant au passage celui du Lieutenant. Sur ces entrefaits, le tavernier était venu les bras chargés des victuailles commandées, déposant les quelques planches garnies au centre de la table, et un bol assez conséquent de soupe devant l’humain.

J’attendis qu’il reparte, piochant dans l’un des graillons et croquant dedans avec un certain appétit, faisant signe au Lieutenant de se servir s’il désirait avaler quelque chose de plus consistant qu’une soupe.

“Et sinon, comment ça va là-haut ?” lui demandais-je en tapotant ma tempe de mon index, véritablement curieuse de savoir ce qu’il pouvait bien avoir en tête et comment il se remettait de sa situation. A aucun moment je n’avais montré la moindre envie de lui foutre la paix demandée.

Il sentait le poids du regard de l'elfe pendant qu'il scrutait le fond de son verre. Et pendant qu'elle passait commande, Artane gelait son esprit pour ne pas revoir les souvenirs qui le brimaient douloureusement. Pourtant, à la question de son interlocutrice, il ne put s'empêcher de balancer avec une déconcertante facilité :

''Oui, je sis le type qui s'est barré de chez les Teïderiens....''

C'était presque devenu un automatisme. Car depuis qu'Irina l'avait trouvé et ramené, la nouvelle s'était très vite répandue. Il faut dire que les hommes d'Irina étaient de sacrés bavards. En même temps, au vue des circonstances de la rencontre du prisonnier fuyard et de la patrouille d'Irina. Il but une longue gorgée de vin. Il ne pourra oublier tout cela qu'avec une bonne cuite et un coma éthylique de quelques heures. Ce ne serait que temporaire. Mais ainsi, durant ce délai, il aura la paix et les ténèbres comme compagnons. Et rien d'autres. Pas de songes, pas de pensées, pas de souvenirs torturants... Rien que le vide. Mais avant de pouvoir savourer ce moment, il devra patienter.

Il gardait toujours le silence, même quand l'elfe le resservit généreusement. Arriva les plats et il se contenta de manger sa soupe. Le bol était de bonne taille, mais il sait qu'il n'arrivera pas à le finir. Il compléta ses quelques cuillerées avalés par deux gorgées de vin. Au moins, commençait-il à ressentir les effets de la quantité d'alcool avalé. Entretemps, il avait hoché négativement de la tête à la proposition de se servir dans les graillons.

Puis vint une simple question. Artane se crispa un peu, avala une nouvelle cuillère de soupe.

''Commet ca peut aller après deux mois de captivité et de torture sadique dans les geôles teïderienne à votre avis ? ''

Le ton était cassant, et il eut un instant une forme de crispation qui avait été jusqu'à faire trembler sa main.

''Désolé....''

Il ne pouvait pas dire comment cela allait dans sa tête. Lui même n'en savait rien. En tout cas, il n'avait pas viré fou et n'avait pas été réellement brisé lors de son emprisonnement. Mais il ne se sentait pas intègre, entier... Sans doute ne le saurait-il plus jamais... Et c'était cela qui l'effrayait, lui qui avait toujours été un combattant.

Je marquais un arrêt dans ma mastication de graillons quand la réponse du Lieutenant était sortie, d’un ton particulièrement sec et cassant. Une réponse à laquelle il se montra rapidement désolé, bien qu’à mon sens, il n’avait pas à l’être. Mon visage se rembrunit et mon corps se raidit sur le banc, abandonnant cette posture décontractée et nonchalante de l’invitée non-désirée pour afficher un recul plus respectueux vis-à-vis de l’homme. Je terminais d’avaler ma bouchée, arrachant une portion de pain brun à la demie-miche déposée entre nous. Sans vraiment m’en rendre compte, je triturais la mie, formant de petites boulettes entre mes doigts que je déposais ensuite sur le plateau de la table et m’amusant à les aligner entre elles comme une distraction passive qui contrastait avec le chaos qui régnait dans mes pensées.

“À mon avis, on ne va pas très bien,” finis-je par répondre au bout de longs instants, agrémentés de quelques gorgées de vin. “On baigne dans l’incompréhension et la crainte, on se cherche des raisons, une justification pour ce que l’on a subi. On souffre d’une certaine paranoïa vis-à-vis de ce qui nous entoure, craignant chaque son, chaque élément qui serait susceptible de nous rappeler à ce cauchemar. Le claquement d’un fouet, la chaleur trop ardente d’un tison brûlant, le bruit de bottes martelant le sol de l’autre côté d’une porte, le cliquetis d’une serrure que l’on déverrouille, un hurlement de souffrance ou la voix d’un bourreau. On redoute la solitude qui nous laisse face à nos souvenirs, le sommeil qui s’emplit de cauchemars, la présence de compagnons qui nous jugent et nous conspuent. On se cherche des repères au sein de notre quotidien pour espérer s’illusionner que ça n’est jamais arrivé, mais ceux-ci sont dénaturés et sans saveur.” J’exposais tout cela d’un ton distant et particulièrement monotone, plus proche de la récitation que de l’émission de quelques hypothèses, marquant une pause pour siffler quelques autres gorgées de vin, avant de poursuivre.

“Alors finalement, on cherche à simplement oublier. On cherche à s’enfuir et à se réfugier dans des artifices, tant pour oublier que pour se persuader d’être encore en vie. On abuse de drogues et de débauche, on se noie dans l’alcool et le sang que l’on fait couler au nom d’une vengeance et d’une haine qui deviennent les vrais moteurs de notre quotidien. On succombe à une forme de folie, froide et décousue, à tenter de rassembler les éclats de notre volonté brisée. On se retrouve à nouveau libre, sans ne plus savoir quoi faire de cette liberté retrouvée, qui paraît nous dépasser tandis que l’on ne s’estimait plus que comme un simple objet juste bon à subir torture et cruauté, à n’espérer qu’une mort libératoire. On se sent simplement perdu et à la dérive, amputé d’une partie de soi que l’on espère retrouver, en vain. Et se sent incompris, on doit ensuite se battre, encore, pour prouver à ceux qui nous accablent au lieu de nous soutenir que nous n’avons pas trahi, que nous n’avons rien lâché. Ou bien simplement fuir, changer de nom, de vie, d’existence et espérer parvenir à faire une croix sur ce passé tout en sachant que c’est impossible. Il n’y a que le temps qui nous permet de recoller petit-à-petit les morceaux, même si cela peut prendre plus de temps qu’un humain n’a d’années à vivre.” Je marquais une nouvelle pause, constatant que j’avais mécaniquement compacté les boulettes de pain pour n’en former qu’une seule, plus grosse, écrasée entre mes doigts. Je posais à nouveau mon regard dans celui de l’homme, un regard où brillaient à la fois compassion et admiration.

“Ne sois pas désolé Nordan. Après tout, qui serai-je pour oser juger un homme qui a eu le courage de revenir parmi les siens quand j’ai fait le choix de fuir les miens ?” Je finissais ce qu’il restait de mon verre d’une traite, m’accoudant de nouveau sur la table, le visage glissé dans le creux d’une main, l’autre picorant un morceau de fromage. “Les Teïderiens… Vous ont-ils brisé ?” demandai-je enfin tout simplement, consciente de remuer un couteau particulièrement acéré dans une plaie sûrement trop sensible.

Artane regardait le fond de son verre. Chaque mot, chaque intonation qui était sortie de la bouche de l'elfe avait un coup tranchant de vérité. Tout ce que ce capitaine disait, il avait ressenti cela, à se demander si elle n'avait pas vécu l'enfer, elle aussi. Et pourtant, elle n'avait vécu que des préjugés des siens et des autres non liés à sa propre race, à ce qu'il avait réussi à saisir de ses mots. Comment les choses pouvaient elles donc si similaires ? Il garda pour le moment le silence, fermant les yeux comme pour fuir la triste réalité; Il y avait tellement de différences, mais tellement de chose en commun. Et quand elle évoquait son courage, il se demandait si cela avait été réellement du courage et non pas de la lâcheté. A bien y regarder, il avait fui les geôles. Pourquoi n'avait-il pas profité de ce moment là pour tuer le plus de Teïders possibles avant de périr ? Sans doute parce que cela aurait été une forme de suicide et que son cas serait resté dans l'oubli. Personne n'aurait alors su qu'il avait fait coulé du sang adverse, avant de périr.

Il serra son verre plus fort encore, s'abandonnant un instant à ses réflexions. Il but son verre et sans demander, attrapa la bouteille pour remplir son verre de nouveau. En confondant les paroles de l'Elfe à sa situation, non, il n'avait pas fui... Il avait cherché à revenir pour mieux frapper à nouveau les gens de Teïder, pour en tuer à nouveau, pour leur faire payer le prix de sa capture, et surtout le prix de la perte de ses hommes ce jour là. Comment avait-il pu oublier ses courageux hommes, tombés sur le terrain ? Il porta une main tremblante à son visage. Oui, comment avait-il pu les oublier ! Au moins, en fuyant les geôles de Teïder, il allait pouvoir énoncer à leurs familles qu'ils n'étaient pas morts en lâche, qu'ils avaient combattu comme des lions, jusqu'à leurs derniers souffles. Voilà une des raisons de pourquoi il était revenu, ce courage qu'énonçait l'Elfe.

Il revint un peu plus à la réalité, buvant de moitié son verre précédemment rempli. Même si les paroles de sa compagne de table étaient vraies quand au risque de se ''perdre'', il avait besoin de se soûler.

''Brisé.... non, je ne crois pas que ces chiens aient réussi....Mais à cause d'eux, je ne me sens pas bien....''

Et il faudra encore du temps, pour redevenir, il l'espérait, lui-même.

''Quand tout ce que vous avez dit à l'instant... C'est presque cela. Mais cela m'empêchera pas de me prendre une bonne cuite... ''

Je hochai mollement de la tête à la réponse du Lieutenant, contente pour lui qu’il n’ait pas été brisé, bien qu’il semblait en douter lui-même, sans pour autant ne rien laisser paraître de ce contentement. D’une réflexion personnelle, s’il l’homme avait été brisé, il l’aurait su. Je mâchouillais lentement mon morceau de fromage, levant mon autre bras pour faire signe au tavernier de nous remettre une bouteille de vin supplémentaire. Après tout, l’homme désirait prendre sa cuite, et je n’avais certainement pas l’intention de l’en priver, voire d’en profiter moi-même, plus par amusement que par réel volonté de rouler sous la table à mon tour.

“Je ne compte pas t’empêcher de te mettre la tronche à l’envers,” confiai-je d’une voix calme, une fois la nouvelle bouteille arrivée à table et mon godet de nouveau rempli du succulent breuvage. “Avec une volonté encore intacte, tu te remettras bien plus rapidement de cette épreuve,” repris-je, plus détachée. “Et cela m’indique que tu sais bien tenir ta langue. Ce n’est pas donné à tout le monde, à moins que les Teïderiens ne commencent à perdre la main en terme d’interrogatoire.” La plaisanterie était de très mauvais goût, je le savais pertinemment. Je me resservais de quelques graillons, à peine moins chauds et croustillants, que je dégustais lentement, en proie à de nombreuses réflexions nouvelles qui venaient tempêter sous mon crâne et emmêler mes pensées.

D’un côté, il y avait toujours cette farouche volonté de garder sous silence l’usage que je pouvais faire de ma magie. De l’autre, il y avait son appel inexorable qui, à chaque instant, me conjurait presque d’y laisser libre cours en dépit des conséquences. Et la situation du Lieutenant, que je savais pouvoir soulager, ne m’aidait en rien à résister à cet appel, pas plus que l’alcool qui me montait lentement mais sûrement à la tête. Je posais un regard très interrogatif et soutenu sur l’homme, avalant quelques gorgées de vin supplémentaires pour accompagner les graillons.

“Si tu le souhaites, je peux rendre tes nuits plus agréables,” proposai-je soudainement de but en blanc, entre deux bouchées de graillons. Je marquais un silence voulu, pour jauger de la réaction de l’homme, parfaitement consciente des insinuations multiples que cette seule phrase pouvait renfermer. Après tout, quitte à boire et s’amuser, autant aller au bout des choses. Un silence qui pour ma part dura bien une vingtaine de secondes, au cours desquelles je laissais un sourire s’affirmer lentement, avant de finalement reprendre la parole d’une voix bien plus basse pour préciser mes pensées.

“Et avant que tu ne penses vraiment que je te fais des avances, ce qui n’est qu’à moitié vrai, je parle de magie.”

Pourra-t-il rėellement récupérer ce qu'il avait sans doute perdu à jamais ? Avait-il vraiment cette volonté que lui louait la capitaine ? Il était encore empli de doute...Pourtant Irina lui avait tenu le même genre de discours la veille. En remerciements, il fuyait le campement pour se mettre un bonne dose éthylique. Il en avait honte pour le coup. Mais maintenant qu'il était ici....autant jusqu'au bout....

"Ils cherchaient plus à me briser que d'avoir des informations. Et ceux qui ont cherché à savoir des choses sont morts de mes mains.. même ceux qui ont tenté de m'empêcher de m'évader...."

Sauf un : Sigismond. Cet infâme... rien que d'y penser, Artane se tendit, pendant que l'Elfe lui parlait d'une certaine proposition. Avait-il bien entendu ? Son silence était trop long à son goût, trop lourd de sous entendu. Mais peut-être se faisait-il des idées. Peut être que l'alcool commençait à faire réellement effet et qu'il délirait comme avant de tomber sur Irina et ses hommes... Et si. Il porta une main à son visage, comme pour chercher à frotter quelque chose à virer, à retirer de celui-ci. Il marmonna alors, comme s'il se causait à lui-même.

''Non... pas de magie. ''

Il posa sa main sur la table et se retint de finir son godet. L'alcool lui monta soudainement à la tête. Il faut dire qu'il oubliait un peu que son corps avait subi un sale moment durant deux long mois et qu'il se remettait à boire comme si de rien n'était. Sa physiologie ne l'encaissait pas aussi bien qu'avant ; pour le moment.

''Diantre.... sois tu as parlé vrai... sois je me fais des idées.... rassures moi... que ce sont que des fausses idées. ''

le temps paraissait lui échapper. Il était peut-être temps de rentrer au camp, avant qu'Irina lui lâche une de ses soufflantes... bah, il en aura une de toute façon.

''Merci pour la bouteille, mais je crois que j'ai assez.... bu'

La tête lui tournait de plus en plus, mais il se leva quand même. Et forcément quand l'alcool vous rattrape...Artane se prit les pieds dans le pied de sa propre chaise et se vautra comme le ferait si bien un ivrogne de bas étage.

Ce n’était pas sans ressentir un certain amusement - que certaines mauvaises langues pourraient qualifier de malsain - que j’observais le Lieutenant se débattre avec ses propres pensées, et la faiblesse toute relative de sa constitution en convalescence. Au moins avait-il mérité sa liberté, de ce qu’il me disait du sort réservé à ses geôliers Teïderiens ; et donc mérité sa cuite. Une cuite qui semblait néanmoins le mettre en certaine difficulté, tant de corps que d’esprit. Je finissais mon verre de quelques gorgées lentes, tournant et retournant les élucubrations de Nordan dans mon esprit, cherchant à comprendre de quelles idées - vraies ou fausses - il parlait subitement. D’autant qu’il refusait mon aide magique, sans même chercher à savoir ce que j’avais vraiment voulu signifier par là.

“Je parlais d’apaiser ton esprit et rendre ton sommeil moins cauchemardesque et plus reposant,” répondis-je, juste avant qu’il ne se résigne à admettre son ébriété avancée et ne se vautre en tentant de se relever. La scène aurait pu me faire éclater de rire, en présence d’amis et frères d’armes, mais ce ne fut pas le cas ici. De quelques perspectives assez amusantes, la situation venait de virer à passablement ennuyeuse, presque lamentable. Je ne retins en rien le long soupir qui quitta mes lèvres, accompagné d’un regard plus condescendant que compatissant cette fois-ci. Je me relevais à mon tour, mon équilibre se voulant bien moins précaire que celui du Lieutenant et sa bouteille de pinard d’avance dans le nez, pour contourner la table et me poster à quelques pas de lui.

“Dommage. Nous aurions pu passer une soirée très amusante. Est-ce vraiment là tout ce que tu peux encaisser après deux mois de captivité ? Refuser mon aide et ne pas aller au bout des choses ? Je commence à comprendre les rumeurs qui courent sur toi. Tu sembles avoir pris goût à la souffrance, Lieutenant,” lâchais-je d’un ton dédaigneux, à la limite du mépris. Je n’esquissai aucun geste, pas même une main tendue, pour l’aider à se relever. De sympathiquement emmerdante, je devenais simplement abjecte, espérant susciter un sursaut de fierté chez cet humain qui saurait me donner tort.

La vision était envahi des brumes de l'alcool ingéré. Il avait espéré s'étaler dans un lit que sur le plancher même de la taverne et en la présence d'un officier supérieur. Ce dernier s'était rapproché de lui et quand Artane croisa son regard, il manqua de se ficher, serrant les dents. Sur l'instant, il avait l'impression de se retrouver dans une situation douloureuse vécue, en se retrouvant au pied de son tortionnaire Teïder, qui se préparait à le frapper. Le Lieutenant frémit et se crispa instinctivement pour encaisser le coup de pied ; qui ne vint pas. Un bref instant, Artane s'était retrouvé prisonnier, torturé et son rang, prononcé dans la bouche de l'elfe, lui apporta l'assurance qu'il était bien dans la réalité, libéré et de nouveau libre dans le monde des véritables hommes civilisés.

Malgré les effets pernicieux de l'alcool, son esprit repassa en boucle chaque mot proféré par l'Elfe. Il eut un rictus mauvais aux lèvres.

''Que sais...tu de la captivité chez les Teïderiens, dis moi ! ''

Il roula sur le côté et réussit à se redressa comme il put, en prenant appui sur ses bras tremblants. La colère sourdait en lui. Comment l'elfe osait-elle se moquer de lui, de l'insulter. Cela semblait l'amuser de se montrer à moitié bienveillante pour ensuite se moquer de lui, le rabaissant et tentant de le dominer... comme l'avait fait ses tortionnaires pour tenter de le briser.

''Tu sembles te repaître de la moquerie, de l'humiliation que tu fais subir aux autres ! Tu ne vaux pas mieux que nos ennemis ! T'es comme tous les autres finalement, préférant faire subir ce qu'ils ont fait subir aux autres dès que l'occasion se présente'

La colère montait de plus en plus, chassant les effets de l'alcool. Ce ne serait que temporaire, mais cela lui sera suffisant pour ce qu'il allait faire.

''Tu n'as jamais voulu apporter ton aide en fait....juste t'amuser à mes dépens. Tu vas le payer, crois moi ! ''

Il était à quatre pattes, au pied de l'elfe. Elle était toute proche. Sans prévenir, il décocha un coup de pieds, avec sa jambe la plus proche. Peut être qu'il était aviné, mais là, grâce à la capitaine, il retrouvait un semblant de combativité, retrouvant ses réflexes, même si encore émoussés par sa récente captivité.

Le geste du Lieutenant ne me surprit qu’à moitié après sa réaction de colère et les mots courroucés qu’il m’avait renvoyés à la figure. Un coup de pied surprenament vif pour un type dans son état, rien cependant que je n’aurai su éviter. Mais plutôt que de réellement esquiver son attaque, je me campais sur mes jambes et assurais mes appuis pour encaisser le coup. Mes protections de cuir matelassé se suffisaient à elles-mêmes pour amortir le choc, tandis que mon visage, guère plus avenant, laissait apparaître un petit sourire mesquin après quelques secondes. Mon regard carmin ne se détachait pas du visage du Lieutenant, ni de son propre regard quand je pouvais le trouver.

Et malgré son attaque, je ne ripostais pas, demeurant droite et stoïque bien que sur la défensive. Je n’allais tout de même pas m’abaisser à cogner sur un frère d’arme beurré et convalescent. Un subalterne qui plus est. Pour autant, je n’allais pas lui laisser le dernier mot de ses illusions et ses inepties.

“Ce que je sais de la captivité ? Je l’ai vécue durant plus de cinq années, et connu des traitements guère plus enviables. Combien de fois as-tu été abusé ? Combien de fausses couches as-tu connues ? Combien d’enfants de tes bourreaux as-tu mis au monde et combien en as-tu tués ensuite ? Je suppose que ce sont là des questions qui n’ont même pas de sens à tes jolis yeux de mâle Lieutenant ?” lui demandai-je sans réellement attendre de réponse à cette évidence. Un ton belliqueux que je n’abandonnais pas, d’autant plus que la combativité retrouvée du Lieutenant rendait un peu de piquant à la situation. Je le dardais d’un regard empli de défi.

“Bien sûr que je trouvais la situation amusante et que j’espérais bien en profiter, mais certainement pas à tes dépends,” glissai-je avec une certaine amertume. “Et oui, je préfère manger qu’être mangée, comme tout le monde... Ose prétendre que ce n’est pas ton cas. Quant à l’humiliation dont soit-disant je me repais, je ne te l’ai pas faite subir. Avec ou sans moi, tu comptais te saouler et tu te serais vautré exactement de la même manière. La seule différence, c’est que je suis déjà en train de t’aider, et que tu ne t’en rends même pas compte jeune idiot,” rétorquai-je ensuite sèchement avant de poursuivre. “Alors relève-toi, serre les dents, serre les poings et bats-toi si tu le veux. Je suis curieuse de savoir comment tu comptes me le faire payer, Lieutenant.”

Son coup ne portait guère. En même temps, récupérant à peine de son séjour chez l'ennemi et complètement bourré, on ne devait pas s'attendre à voir l'Elfe choir par terre. Surtout que la capitaine s'était sans aucun doute préparée à recevoir un coup. Cela frustrait l'humain, qui pour se redresser, s'aidait du bord de la table. Une fois qu'il fut debout, ce fut pour l'être avec un peu le haut du dos et les épaules voûtés. L'équilibre était précaire chez lui, d'où cette posture, si classique chez les ivrognes. Il ne put s'empêcher de serrer les poings quand à la petite histoire narrée par l'Elfe... Se foutait-elle de sa gueule pour lui raconter les sévices qu'elle avait subies, pour jouer de supériorité ? D'accord, c'était horrible, mais qu'est ce qu'il en avait à faire au final ? A croire qu'elle était là pour se moquer de lui et l'enfoncer dans sa déchéance en narrant des faits plus lourds à porter que les siens. Et quand Naruhen eut fini son discours, Artane ne put s'empêcher de lâcher un léger rire.

''M'aider ? ''

Ses poings se serrèrent plus encore. L'alcool était encore actif dans le sang, mais l'esprit paraissait avoir fait une totale abstraction de ses effets sur son esprit.

''Je n'ai jamais réclamé de l'aide ! Je me saurai vautré sur le sol comme une merde, cela aurait été mon problème, à moi seul ! Sans doute, j'aurai eu à faire face à ma propre conscience. Au lieu de cela, t'es là à prendre sa place ! Et oh... que si, tu t'amuses bien de la situation à mes dépens. Quelle merveilleuse aubaine pour passer tout ce poids sur un tiers hein. Ca défoule ! ''

Il finit par frapper violemment le bord de la table de son poing, qui gémit presque. Les témoins de la scène gardaient le silence, atterrés.

''T'es un capitaine. Je ne bastonne pas mes supérieurs ! Et je ne suis pas un sale chien de Teïderien pour réclamer vengeance comme tu l'espères. Trouve-toi un autre pigeon pour te défouler... Capitaine ! ''

Il essaya de se redresser, tituba un peu, jeta un regard glacial à l'Elfe et tenta de rejoidnre la porte de sortie, d'un pas hésitant.