Fin Février de l'An 2000 de l'Âge d'Acier dans les marais de Teïder

Une bonne journée, du moins c'est que promettait d'être celle-ci pensa t-il alors que lui et une escouade des services de renseignements Teïderiens commençaient à se mettre en position dans les marais, non loin de l'une des rares ruines aux origines inconnues utilisés par les voyageurs comme lieu de repos, ce pour tendre une embuscade à leur éternels ennemis, ces maudits Eïlynsteriens…

Pour cela, il était donc accompagné d'agents qualifiés dans la lutte discrète contre de tels ennemis, que ce soit quelques membres de l'inquisition ou des soldats des services de répression. En somme, l'on était lions des conscrits de qualités correcte ou discutable de l'armée régulière Teïderienne, ces hommes là représentant l'élite de la nation, du moins en matière de discrétion et de capacité à débusquer leurs ennemis pour les tuer de manière traîtresse.

Après que les agents se soient mit en place, Sigismond sachant très bien qu'il était loin d'être discret, décida d'ailleurs d'aller se dissimuler dans les ruines plus loin pour apparaître seulement quand le combat aurait débuté, ainsi il ne risquait pas par sa présence de nuire à l'efficacité de l'embuscade, cela et puis ça pouvait toujours aider à l'effet de surprise qu'il vienne en renfort de ses hommes lorsque ceux-ci se mettraient à attaquer l'ennemi.

Surtout qu'avec les Eïlynsteriens, il ne valait mieux pas laisser les choses aux hasard, il se préparait donc fébrilement et mentalement à l'idée du combat prochain, ne restait maintenant plus qu'à attendre que le loup vienne se coincer la patte dans le piège et que celui-ci referme cruellement ses crocs d'aciers sur cette dernière… Et bien entendu, le mieux serait de faire en sorte que le piège ne soit pas trop abîmé le temps que le chasseur vienne achever le loup, mais comme toujours… On ne fait pas d'omelettes dans casser des œufs et pour sa part, la fin justifiait les moyens… Car ce jour, devrait et sera à ses yeux à marquer d'une pierre blanche, une pierre blanche souillée de sang...

Je menais les quatre membres de ma troupe d’éclaireurs à une allure raisonnable au-travers des marais Teïderiens. Cela faisait trois jours désormais que nous avions quitté la protection de la grande muraille pour nous enfoncer dans les terres de nos ennemis séculaires. L’objectif était bien évidemment de dresser un rapport sur les éventuels mouvements de troupes, mais aussi à terme de gagner les ruines de Landysfall qui accueillaient en toute saison de nombreux voyageurs. Parmi eux se trouvaient l’un de nos collaborateurs Teïderiens, jamais avare en informations susceptibles de nous aider, et qui le faisait volontiers contre une bonne rétribution.

Il fallait dire que la politique ultra-répressive du régime Teïderien présentait quelques avantages pour nous, car nombreux étaient les persécutés qui souhaitaient voir le totalitarisme mis à genoux et décapité. Plus rares par contre étaient ces mêmes persécutés qui parvenaient à fuir les renseignements Teïderiens pour nous délivrer quelques informations. Et si je tenais en haute estime la valeur de mes hommes au combat, je n’étais pas prétentieuse au point de ne pas craindre les hommes des services de renseignements de notre ennemi. Ils étaient des adversaires redoutables, bien plus que ne l’était la piétaille conscrite qui garnissait les rangs des armées régulières de Teïder.

“J’ai bien hâte d’arriver et profiter d’un bon repas,” déclara Eckhert, un humain d’une trentaine d’années, dans la force de l’âge, pour qui je nourrissais autant d’ambition que de respect.

“T’as surtout hâte de retrouver la petite humaine à nattes blondes,” ricana Glââr, la sergent orc de l’unité qui normalement se chargeait d’aller à la rencontre de nos collaborateurs frontaliers. Lorsque je décidais d’accompagner une de mes unités en reconnaissance, il m’était devenu presque coutumier de partir avec la femelle Orc. Après tout, nous vivions dans le même village depuis plus de quarante ans maintenant, et elle était à mes yeux ce qui s’approchait le plus d’une amie, doublée d’une redoutable combattante que jamais je n’avais pu vaincre au corps-à-corps.

La remarque de l’orc suscita quelques rires gras, riches de sous-entendu qui ne manquèrent de me faire sourire à mon tour. Un sourire qui s’effaça bien rapidement lorsque qu’un cri de douleur venu de notre arrière-ligne résonna au coeur du marais. Le temps que nous nous retournions tous, nous ne pûmes que voir s’effondrer l’un des membres de notre unité, la gorge tranchée et son armure maculée de sang.

“Embuscade !” hurla Glââr en se saisissant de son imposant marteau de guerre, alors qu’une volée de flèches traversa nos rangs en sifflant. Ces dernières ne trouvèrent à se loger dans aucune des rares failles de l’épaisse armure de l’orc. L’une d’entre elle cependant, qui m’était volontairement destinée, parvint à traverser le cuir de mon armure pour se loger dans la chair de mon bras gauche. Je poussais un cri tant de douleur que de surprise, voyant Eckhert et son compagnon, arc en mains, qui cherchaient à se mettre au couvert d’un tronc d’arbre pour risposter. Mais ce fut sans compter sur l’intervention de nombreux soldats Teïderiens qui, semblant jaillir de nulle part, nous encerclèrent très rapidement.

Eckhert décocha une flèche qui parvint à abattre l’un de nos assaillants, avant d’être lui-même submergé par deux autres. Lui et son compère se défendirent avec honneur et hargne, emportant deux Teïderiens de plus avant de succomber sous leurs coups. L’imposante orc faisait jouer de son marteau de guerre pour garder ses assaillants à bonne distance, broyant néanmoins les côtes de l’un d’entre eux - trop lent - à travers les mailles de son haubert dans un craquement sinistre.

Pour ma part, handicapée par ma blessure, je ne pouvais faire usage de mon arc, et c’était donc dague en main que je cherchais à résister aux assauts de ces Teïderiens. Fort heureusement, dans leur idéal de suprématie humaine, peu de ces soldats ne parvenaient à rivaliser de vitesse avec moi, me permettant d’esquiver nombre d’attaques. Je parvenais à peine à me débarrasser de l’un d’eux quand mon regard se posa sur une menace bien plus grande. Un ennemi récurrent, et redoutable. Sigismond, l’inquisiteur de la souffrance. De profondément merdique, notre situation devenait catastrophique.

Les choses se passèrent comme Sigismond l'espérait, du moins l'embuscade prit par surprise les Eïlynsteriens, chose toujours appréciable et donnant un moins un avantage aux sujets du roi. Car certes, si ces derniers étaient plus nombreux et représentaient l'élite des combattants Teïderiens d'une certaine manière, l'effet de surprise était nécessaire pour espérer remporter ce combat contre des traqueurs Eïlynsteriens. C'est cela qui était désagréable avec ses chiens vivant derrière le mur, car les fidèles du seul véritable dieu devait compenser la supériorité qualitatif des Eïlynsteriens par la leur qui était numérique souvent, cela et si possible d'autres ruses.

Dans tous les cas, c'était l'heure pour Sigismond d'intervenir et de se battre lui aussi avec férocité, mais surtout haine contre cet ennemi éternel de sa nation. Par le seigneur de la peine, ils allaient tous mourir et de préférence douloureusement… Quoique, il ne serait pas contre de faire un ou deux prisonniers après tout pour leur faire subir un interragoite, même si évidemment ce qui importait actuellement était la victoire avant tout.

Et il arriva décidément au meilleur moment pensa t-il en reconnaissant une certaine elfe qu'il avait déjà croisé par le passé, quoique, était-ce vraiment étonnant ? Il se souvenait après tout de tous ses ennemis, surtout ceux qu'il n'avait pas encore eut la satisfaction de faire périr de manière violente et douloureuse… Autant profiter de cette occasion ci pour rattraper cette erreur la concernant, surtout que cette hérétique à cause de sa blessure serait difficilement en état d'user de son arc…

« La mort viens pour toi et je suis son messager... » Lui dit-il donc à voix haute, s'approchant d'un pas méticuleux, mais non pressé, même si pour sa part il avait envie de se battre, il se contenta d'ajouter avec férocité. « Tu devrais fuir comme la chienne que tu es, tu aurais ainsi peut-être une chance de survivre, tout en te comportant comme la misérable vermine que tu es. » Que de mépris dans sa voix, en même temps il n'avait ni estime pour les Eïlynsteriens, ni pour les elfes. Ce n'était certes pas la race non humaine la plus détestée en Teïder car à peine autorisée à vivre s'ils tâchaient de ne pas enquiquiner les humains, mais ça restait quand même une non humaine et luttant activement contre la gloire de son roi et de son dieu. En somme, une belle occasion de purifier ce monde d'une autre souillure qui le gangrenait.

« Mais je suis miséricordieux, je vais te laisser une chance… Celle de m'attaquer en première si tu le désires, du moins si tu en as le courage, ce qui est rare de la part d'une femme. Je, t'attends... » Conclut-il néanmoins de manière surprenante en l'attendant à quelques mètres de distance seulement et ce en écartant les bras comme s'il n'attendait que sa venue pour qu'elle vienne le frapper. Quoique, était-ce vraiment une surprise ? Il se moquait d'elle et la provoquer après tout en faisant ainsi, essayant de blesser la fierté guerrière de cette elfe pour la pousser à la faute ou du moins à se détacher de son groupe de soldats pour venir le chercher, ce pendant que du côté des guerriers qui se battaient, ils semblaient continuer à se battre certes, mais se relâchaient légèrement, comme s'ils voulaient voir en partie ce qui allait arriver du côté de l'elfe et de l'inquisiteur.

Allait-elle relever le défi ? Pour sa part Sigismond n'en doutait pas le moins du monde, l'autre solution étant de fuir et d'abandonner à la fois ses hommes, mais aussi le combat. Restait donc juste à voir comment elle comptait débuter l'affrontement contre lui… Un affrontement qui promettait dans tous les cas d'être fort intéressant...

Je profitais de la légère accalmie que venait de m’offrir la mort du Teïderien dont je venais de me débarrasser pour ôter ma capuche et dégager plus amplement mon champ de vision. L’imposant inquisiteur continuait de s’approcher, à une allure presque nonchalante. Il était évident qu’il se dirigeait vers moi, certainement désireux d’apporter une conclusion à nos précédents affrontements que nous n’avions pu trancher par le sang. Serrant les dent, je me dépêchais de briser les extrémités de la flèche dépassant de ma chair meurtrie, non sans grogner de souffrance en sentant le fût logé à l’intérieur résister.

Je constatais par ailleurs que les Teïderiens préféraient concentrer leurs assauts et leurs armes contre ma soeur d’arme orc, laissant au seigneur de la souffrance le privilège d’un combat singulier. Une situation qui m’inquiétait, car malgré toute la valeur martiale de Glââr, celle-ci finirait bien par s’épuiser au combat. Je devais venir à bout de Sigismond au plus vite.

Cet homme avait fait verser le sang et les larmes de bien trop nombreux êtres pour mériter de ma part autre chose qu’un profond mépris, pour ne pas simplement dire une haine démesurée, comme je n’en avais plus connue depuis ma vendetta Duchéenne. Je braquais mon regard sur l’homme, les dents serrées sous la colère qui commençait à monter en moi. Celui-ci cherchait très clairement à me provoquer, par ses petites remarques méprisantes

“Toujours la même rengaine, Inquisiteur. À croire que tes mots sont aussi limités que tes idéaux. Mais tes provocations n’ont pas de prise sur moi. Penser que je m’abaisserai à attaquer un homme qui se livre… tu es bien digne de la stupidité de ton Dieu. Si tu t’estimes plus courageux qu’une femme, ferme simplement ta gueule et viens te battre.”

Je me mettais en garde, levant ma lame devant moi, bien campée sur mes jambes et prête à bondir. Je sentais mon rythme cardiaque s’accélérer sous la tension montante, à la fois partagée entre la crainte de la mort et l’ivresse du combat à venir.

Ah, tous les mêmes pensa Sigismond en contemplant cette hérétique. Ils se débattent et refusent d'admettre leur infériorité, leur impureté, mais surtout le fait qu'ils étaient indignes de vivre. Soit, de toute manière il n'était pas là pour lui laisser le choix pensa t-il avec une colère froide. Non, cette chienne devait mourir et qu'elle n'espère pas avoir sa pitié, encore moins après sa réponse. Car certes, il n'allait pas se mettre en rage aussi facilement devant cette réplique toute trouvée et du genre auquel il était habitué, non. Il allait juste la tuer et sans un seul soupçon de miséricorde. Quoique, il devait s'avouer à lui-même qu'il préférerait l'avoir vivante sous la main pour la soumettre à la question, mais il est probable qu'il n'aurait pas une telle possibilité, alors autant se contenter de ce qu'il pouvait espérer avoir pour le moment…

Sigismond la regarda donc silencieusement pendant quelques instants et décida alors de prendre son temps pour s'approcher d'elle. Fléau en main, il s'avançait d'un pas mesuré tout en observant le moindre des gestes de cette aberration car il s'attendait évidemment à une traîtrise de sa part. Le temps semblait alors se ralentir, du moins pour lui alors que peu à peu cette distance rétrécissait et que son monde se retrouvait de plus en plus limité au futur affrontement qui allait avoir lieu, puis tout à coup...

Il explosa, sa rage éclata et il hurla comme un dément, chose qu'il n'avait pas encore fait en combat contre cette elfe et c'est d'une manière tout aussi démente et peu rationnelle qu'il se mit à l'attaquer alors. Non pas avec la régularité ou les planifications avisée d'un militaire de carrière, mais la frénésie d'un fou furieux qui attaquait de manière si erratique qu'on pouvait sainement se demander s'il avait vraiment la moindre expérience guerrière. Mais de l'expérience guerrière, il en avait justement, car sa manière de se battre était totalement voulue. C'était certes plus hasardeux de se battre ainsi, mais aussi aussi bien plus difficile à prévoir. Surtout que pour lui, la question de choisir entre attaque et défense se posait rarement vu qu'il optait presque toujours pour l'attaque pure...

J’observais l’inquisiteur s’approcher de quelques pas mesurés. Et à chacun de ses pas, je sentais mes muscles se crisper un peu plus sous la tension du combat à venir. Mes yeux glissèrent brièvement vers les têtes hérissées de pointes de son fléau, se balançant mollement sous chacun des pas de leur porteur, avant de revenir vers le visage de l’inquisiteur. Au moins ce dernier était-il enfin devenu silencieux. Je croisais son regard, ne pouvant retenir un mince sourire sardonique. Tuer cet animal me couvrirait très certainement de gloire, et le cas échéant, je me jurai de faire crucifier sa dépouille sur la Grande Muraille. Eïlynster vaincrait.

Sigismond poussa un hurlement rageur, sans prévenir ni ne montrer aucun signe avant-coureur. Une rage démente qui me surprit l’espace d’un instant ; laquelle s’ensuivit d’une charge extrêmement agressive, presque aveugle. De par sa carrure assez impressionnante, bien qu’il n’était pas démesurément imposant pour un humain, j’avais quelque peu sous-estimé sa mobilité ou sa vivacité à engager un combat. Moi qui m’attendais à des règles d’engagement plus classique, je me retrouvais contrainte à reculer d’un bond pour éviter le premier coup. Un coup puissant et latéral, l’acier balaya l’air dans un souffle chantant. On aurait pu penser qu’avec une telle puissance, un engagement aussi total et agressif, l’homme se retrouverait déséquilibré, mais il n’en fut rien. L’inquisiteur attaquait comme un véritable dément. A de nombreuses reprises, j’avais rendu des gens fous par ma magie, mais aucun n’avait fait preuve d’une telle hargne, ni d’une telle ardeur.

Mon sourire s’était bien rapidement effacé quand mon ennemi lançait déjà son second assaut, une attaque verticale et plongeante, largement susceptible de me broyer les os sur place quand bien même j’aurai eu un bouclier. Je plongeais sur le côté dans une roulade pour esquiver le coup, le fléau s’écrasant dans le sol meuble et humide du marais, projetant quelques mottes de terre quand l’acier en fut arraché dans une nouvelle tentative de m’atteindre. La puissance de l’Inquisiteur était tout bonnement ahurissante, quand bien même l’excitation du combat dominait toujours la crainte de mourir. Je voyais le coup venir, tout en sachant que je ne pouvais esquiver celui-ci.

Je relevais légèrement le menton, fixant de mes prunelles vermillon le terrain se trouvant derrière mon ennemi, avant de m’y téléporter d’une simple pensée. L’arme de Sigismond ne faucha alors qu’un petit nuage de volutes noirâtres qui se dissipa bien vite. J’allais pouvoir profiter de ce bref et unique effet de surprise pour lancer une contre-attaque. Je pivotai sur mes appuis, resserrant mon emprise sur ma dague et bondissant vers l’avant et vers mon ennemi qui n’aurait sûrement pas tardé à se retourner alors. J’espérai bien l’atteindre à la cuisse, ne serait-ce que pour récupérer un minimum l’avantage sur sa bestialité.

Sigismond n'avait jamais été quelqu'un de stable mentalement, du moins lors de tels affrontements où il laissait volontiers sa colère et sa haine éclater au grand jour par moment… Ainsi, il était souvent difficile de savoir dans quel état mental il serait lors d'un combat où s'il ne mettrait pas à changer d'attitude du tout au tout sans raison. Était-ce là une stratégie consciente de sa part ? Sans doute, d'une certaine manière du moins, ça lui ressemblait bien après tout de laisser des fois sa passion haineuse et destructrice parler sans aucun filtre…

Cela et ça semblait assez efficace, du moins l'elfe parut surprise au début et dû se cantonner à une attitude en grande partie défensive, ce dont Sigismond se fichait bien dans les faits car il maintînt ses assauts agressifs en espérant toucher ne serait-ce qu'une seule fois. Mais c'est peut-être justement parce qu'il maintenait ses assauts comme si de rien n'était qu'au final l'elfe arriva à le prendre par surprise. Elle se téléporta derrière lui et passa alors à l'attaque, Sigismond qui se retourna en urgence alors ne tenta pas d'esquiver l'attaque, il frappa plutôt que de se défendre et toucha en partie comme en témoigna le fait que les points de son fléau furent légèrement tâchées de sang… Ainsi il avait consentit à ce qu'elle le frappe et le touche sans même y réfléchir pour lui-même lui faire mal. Sur ce il sembla tout à coup s'apaiser et devenir plus réfléchit dans ses gestes, il regarda l'elfe d'un air méfiant et commença à marcher autour d'elle comme s'il réfléchissait à sa prochaine stratégie, puis peu après il délaissa son fléau qu'il jeta sur le côté et tenta de lancer avec vigueur un javelot sur l'elfe avant de prendre ensuite dans ses mains son plus lourd fléau et de faire tournoyer celui-ci avec force et vigueur…

« Abandonne et vous aurez tous une mort rapide. » Ne manqua t-il pas d'ailleurs de dire avec mépris avant de débuter cette manœuvre. Disait-il vrai ? Peut-être, probablement sans doute, mais ce serait de toute manière tellement inédit de voir des Eïlynsteriens renoncer qu'il n'avait même pas envisagé ce cas de figure...

Et c'est ainsi qu'il attaqua, non pas en frappant franchement, mais en faisant de grand mouvements circulaire pour faire tournoyer la lourde tête de son fléau et ainsi transformer en zone dangereuse la trajectoire large de celle-ci… Cela dura bien quelques instants dans les faits, puis soudainement il projeta la tête du fléau non pas pour frapper l'elfe, mais pour tenter d'enrouler celle-ci autour d'une des jambes de cette dernière...

Comme je l’espérais, mon attaque eut son petit effet de surprise, me permettant de porter mon coup. Malheureusement pas aussi bien que je ne l’avais escompté. La pointe de ma dague ripa en partie sur les protections du Teïderien, ne tranchant finalement que cuir et tissu avant de ne provoquer qu’une légère blessure à l’inquisiteur. Certainement pas une blessure qui pourrait retourner l’avantage du combat en ma faveur.

Par contre, à aucun moment je ne m’étais attendue à une telle réactivité de la part de l’humain - c’était à se demander de quel bois il était fait. C’est à peine si j’avais pu retrouver mes appuis après mon attaque que déjà un nouveau coup de fléau partit dans ma direction. Un coup que je ne pus esquiver. Les têtes hérissées de pointes - mauvais coups du sort pourrait-on penser - vinrent s’écraser sur mon bras blessé, déchirant le cuir bouilli et aggravant d’autant plus ma blessure. Je sentis mon os craquer sous mes chairs, dans une douleur fulgurante qui m’arracha un cri tandis que je me retrouvais projetée au sol. Les doigts de ma main valide se crispèrent dans la boue de ce terrain marécageux. Il me fallut quelques secondes pour me relever, non sans effort, durant lesquelles je m’attendais à une nouvelle attaque de l’inquisiteur qui pouvait cette fois-ci, mettre un terme au combat.

Mais il n’en fit rien, délaissant son fléau et commençant à tourner autour de moi comme un prédateur jaugeant sa proie avant de passer à l’attaque. Je ne quittais pas l’homme des yeux, tâchant de pivoter sur mes appuis afin de toujours lui faire face, la main portée à mon bras blessé, une grimace de douleur sur le visage. Je sentais mon sang  ruisseler entre mes doigts, imbiber mon gant, chaud et poisseux. Je vis Sigismond s’emparer de son javelot et le lancer avec vigueur dans ma direction. Un lancer que je n’eus aucun mal à esquiver malgré mon état. Ce n’était pas le genre d’attaque frontale qui avait une chance de m’atteindre, et je trouvais presque la tentative insultante. Mais moins insultante que son injonction en tout cas. Espérait-il vraiment que j’abandonne le combat et me livre à la mort ? Je ne pus retenir un mince sourire en coin, défiant, à sa remarque.

“Tu brasses autant de vent avec ta bouche qu’avec ton arme, Teïderien,” rétorquai-je avec le même mépris dont il avait fait preuve.

Malheureusement, je n’entendis pas sa réponse - si réponse il y avait eu - car un hurlement de douleur retentit dans mon dos, déchirant, me glaçant le sang. Glââr. Je me retournais, détournant mon attention de l’inquisiteur pour la porter vers mon Sergent. Toute excellente guerrière qu’elle pouvait être, ayant mis à terre quelques Teïderiens de plus, elle avait malgré tout fini par flancher sous leurs assauts combinés. L’un des hommes de Sigismond s’était emparé du javelot lancé pour gagner en portée, et avait réussi à loger ce dernier au-travers de la lourde cuirasse de l’orc. Je voyais ces lâches de Teïderiens qui s’y prenaient à trois pour maintenir ma soeur d’arme au sol, le javelot enfoncé dans son abdomen. Pourtant, l’orc continuait de se battre et se débattre, à mains nues, fauchant les jambes de ses assaillants de ses bras puissants.

J’avais totalement délaissé mon adversaire du moment durant ces quelques fractions de secondes. Je devais intervenir, aider ma subalterne. Ma main ensanglantée se resserra d’autant plus autour de ma dague sous la force de ma colère qui grondait comme rarement. J’observai le Teïderien le plus proche - outre l’inquisiteur - puis faisait de nouveau usage de l’enchantement de mon manteau. Mais contrairement à précédemment, rien ne se passa. En effet, cela s’était joué à une fraction de seconde, mais la chaîne du fléau de l’inquisiteur s’enroula autour de ma jambe, brisant l’enchantement. Et vue la masse conséquente de la tête de l’arme je me réjouissais de porter des protection enrichies de vrai bronze, évitant ainsi d’avoir mon tibia broyé. Je tombai au sol vers l’avant, incapable de venir en aide à ma compagne d’arme. L’un des hommes de Sigismond vint se placer à proximité de la tête de l’orc, la pointe de son épée bâtarde contre sa gorge, semblant attendre l’accord de son supérieur. Et moi, impuissante que j’étais à l’aider, ne pouvait que contempler la scène d’un regard horrifié, mon souffle suspendu au verdict de l’inquisiteur.

Sigismond ne portait quasiment aucune armure sur lui à part quelques décorations par ci par là, mais sa peau était dure comme du cuir grâce à la magie qui avait été insufflée dans son corps, digne du cuir d'un sanglier ou d'un animal de cet acabit. Le fait qu'il ne portait pas de protection quasiment était donc trompeur en vérité sur ses capacités à encaisser les coups. Cela, combiné avec le fait qu'il était de ces hommes à mépriser si bien la douleur qu'ils pouvaient presque en faire fi jusqu'à leur dernier souffle en faisait un adversaire qui à défaut d'être particulièrement agile ou habile, n'était point facile à tuer rapidement.

Néanmoins, la manière dont il se battait n'était pas non plus prudente de ce fait, car s'il attaquait en même temps que l'adversaire sans se soucier d'esquiver ou parer les attaques, certes il avait plus de chance de prendre au dépourvu son opposante, mais c'était au dépend de son intégrité physique. Quoique, pouvait-on réellement parler d'intégrité le concernant ? Il était assez connu après tout que cet homme était à l'image de tous ces flagellants fanatiques qui voient la douleur comme un moyen permanent et pratique de s'élever et qui n'hésitent jamais à se l'infliger fréquemment en signe de piété envers leur dieu.

Et l'elfe n'était pas fait du même bois que lui, non elle était agile, habile à manier son arme, pas quelqu'un qui se faisait un véritable réceptacle pour accueillir la douleur et la souffrance. Elle affrontait un adversaire qui ne se souciait que peu des blessures qu'on lui infligeait, si elle voulait triompher elle allait devoir livrer un combat en prenant en compte cela, mais peut-être était-ce déjà trop tard…

Après tout, malgré l'air fier qu'elle voulait se donner aussi bien en paroles qu'en actes, il savait parfaitement qu'il était arrivé à sérieusement la blesser. Une première pierre sur l'édifice de sa victoire en ce jour, ne restait maintenant qu'à bâtir le reste de l'édifice, tel un temple à l'hommage du père de la douleur...

Ah la camaraderie Eïlynsterienne pensa t-il d'ailleurs avec mépris en se rendant compte peu après qu'elle comptait venir en aide à l'orc sous ses ordres pensa t-il avec aigreur… Ils ne savaient pas décidément que seule la victoire importait à la guerre ou en général, le reste ce n'était que des futilités… Il fallait bien faire des sacrifices après tout pour l'emporter, se soucier de ne pas en faire n'étant au final qu'une manière comme une autre de mettre la mission en danger. Mais qu'importe, ces païens n'apprendraient jamais de toute manière, à lui donc de leur donner certes une leçon inutile, mais une leçon sanglante…

C'est ainsi, que profitant de l'inattention de l'Eïlynsterienne qui s'apprêtait à intervenir sans doute pour sauver l'orc, il arriva de peu à empêcher celle-ci d'intervenir grâce à son fléau. Néanmoins, il se doutait qu'elle pourrait facilement s'enfuir si elle le désirait… Non, il n'allait pas lui faciliter les choses pensa t-il avec mépris alors qu'un de ses hommes n'attendait qu'un de ses ordres pour tuer l'immonde peau verte. C'est ainsi que Sigismond fit résonner sa voix pleine de mépris d'une sourde moquerie.

« Je pourrais ordonner qu'on la tue simplement et c'est bien ce que je compte faire, mais je vais te proposer quelque chose sale vermine elfique... » Il laissa un instant de silence persister alors qu'il s'éloignait d'elle de quelques pas avant d'ajouter avec arrogance.

« Gagne simplement le combat que tu mènes contre moi et mes hommes vous laisseront partir vivant. Si tu fuis ou perd par contre, elle y passera. » Ce avant de conclure avec froideur.

« Je sais que tu peux tout à fait fuir sans mal si tel était ton désir, du moins sans trop de mal, il te suffit juste pour cela te consentir à la sacrifier, mais avoue le… Tu n'en as aucune envie ? On va donc voir si vous tenez tant que cela à la vie de vos frères Eïlynsteriens… ou si vos valeurs sont aussi creuses que votre foi. » Et sur ce, il resta silencieux en attendant sa réaction… Se disant que quel soit le choix qu'elle ferait, ce serait en quelque sorte une victoire pour lui, une victoire dont il appréciait déjà la beauté, surtout si elle faisait le choix de s'enfuir en sacrifiant la vie de sa subordonnée…

Voici donc que l’inquisiteur me proposait un dilemme. Fuir et laisser mourir Glââr de ses mains, ou combattre jusqu’à remporter la victoire, au risque là encore de voir mourir mon amie. Je ne pouvais le tolérer, et cet enfoiré le savait très bien. Je me dégageais de l’emprise de son fléau après qu’il se soit éloigné de quelques pas, prenant quelques secondes pour me relever. En réalité, je ne me faisais guère d’illusions sur l’issue du combat. Mes chances de remporter une quelconque victoire face à ce monstre étaient ridiculement faibles dans mon état.

Lentement, j’avais rangé ma dague dans son fourreau, ma main se portant ensuite sur mon bras blessé pour le soutenir de manière bien insignifiante. Rien que le contact de ma main sur le cuir déformé m’arracha une grimace de douleur. Je serrais les mâchoires, laissant le Teïderien déblatérer ses sempiternelles conneries provocantes.

“Après mille ans passés à vous botter le cul, vous devriez savoir qu’on n’abandonne jamais les nôtres,” persiflai-je avec une véhémence à peine contenue. Je crevais d’envie de relever son défi et sauver la vie de ma soeur d’arme en faisant ravaler sa langue comme sa foi à ce fanatique, mais cela m’aurait demandé de faire usage de ma puissance magique. Chose que je ne pouvais pas me permettre devant témoin Eïlynsterien au risque de révéler mes mensonges. Obtenir la victoire de cette manière ou accepter d’engager un combat perdu d’avance serait condamner Glââr de ma propre main dans tous les cas. Sigismond, sous ses faux airs miséricordieux se savait déjà victorieux.

“Je ne sacrifierai pas la vie de ma subordonnée en fuyant ou en engageant un combat perdu d’avance Inquisiteur,” finis-je par dire en m’emparant de mon arc. Je déposais l’arme de trait à mes pieds et commençais à dégrafer la bandoulière de mon carquois encore empli de flèches, que je laissais à côté de mon arme. Puis je me défis de mon manteau et de ma ceinture où pendait ma dague, jetant l’ensemble à mes pieds.

“C’est pourquoi je me constitue comme ta prisonnière, Inquisiteur, si tu me promets au nom de ton Dieu et de ton Roi d’épargner la vie de ma subordonnée et lui rendre sa liberté.”

Sigismond écouta avec morgue l'Eïlynsterienne faire sa fière, se disant bien que c'était là le spectacle souverain de la bête prise au piège et qui défiait malgré tout son prédateur en sachant très bien pourtant qu'elle n'était pas à son avantage. Par le seigneur, cela en serait presque admirable si ça n'était pas pitoyable justement… Quant au fait qu'elle propose de se rendre...

« Non, les choses ne marchent pas comme ça. » Répondit l'inquisiteur avec visiblement une certaine moquerie dans son ton méprisant, ce alors que l'elfe entreprenait de se rendre face à lui. « Je t'ai donné un choix simple, rien de plus… Il faut croire que vous les Eïlynsteriens êtes par nature butée et entêtée... » Il lança un regard à ses hommes qui n'étaient plus que quelques-uns suite à l'embuscade, puis réfléchit l'espace de quelques instants. Ou alors faisait-il seulement exprès de rester silencieux uniquement pour faire monter la pression et ce qu'un acteur professionnel appellerait le suspens quant à la décision qu'il finirait par prendre concernant l'elfe et l'orc ?

« Que devrais-je faire ? Applaudir ton esprit de camaradie et ta soit disant bravoure ? » Finit-il alors par demander gravement. Quelle futilité pensa t-il, dédier sa vie à d'autres mortels… Il n'y avait que le roi de Teïder et le seigneur de la souffrance qui méritaient un tel dévouement, l'investir en quoi que ce soit d'autre à ses yeux était du gaspillage.

« Retiens bien la leçon que je vais t'enseigner l'elfe, retiens la bien et digère la, peut-être ainsi commenceras tu à comprendre quelles sont les fondations sur lesquelles l'on peut espérer bâtir la seule véritable force... » Il fit alors un geste à l'égard de ses hommes et conclut avec mépris. « Car le seul combustible véritable de la force est la haine. » Et alors, ses hommes agissant selon les directives qu'il venait de leur donner, égorgèrent l'orc sans méganement… Devant les yeux de l'elfe, ce alors que l'inquisiteur finit par ajouter avec aigreur.

« Contemple en ce jour ce que ta faiblesse t'as coûté. Et sache que ce n'est que le début... » Et maintenant, qu'elle fuit cette lâche pour digérer sa défaite, ou bien qu'elle laisse parler sa rage et l'attaque, ainsi pourrait-il espérer gagner sur tous les tableaux en ce jour… Pour sa part il savait maintenant qu'aujourd'hui le seigneur lui souriait et il n'attendait que de voir ce qu'il pourrait accomplir d'autre à l'avenir pour la gloire de celui-ci...

Je me tenais droite face à l’Inquisiteur, malgré ma blessure qui commençait à sérieusement me déchirer les chairs, attendant le verdict de ma reddition. Je ne me doutais pas un seul instant de ce qui allait suivre. Aucun homme sensé n’aurait refusé une telle proposition ; celle de faire prisonnier un officier ennemi contre la libération d’une subalterne dont les blessures ne garantissaient même pas la survie. Mais à quel moment devais-je espérer le moindre raisonnement sensé de la part d’un Teïderien ? Dès son début de réponse, je me mis à regretter mon choix. Et d’une fierté somme toute résignée, mes traits s’étirèrent d’horreur et de révulsion. Je secouais mollement la tête, niant la réalité qui me tombait dessus avec tout le poids de son fatalisme.

“Non… Ne fais pas ça…” balbutiai-je d’une voix si basse et brisée qu’il n’était pas certain qu’il ait pu entendre mes mots. Mes yeux suivaient chacun de ses gestes, avant de se tourner vers ma compagne orc et les hommes qui la maintenaient en joue. Et le couperet tomba, sous la forme d’une exécution aussi couarde qu’ignoble. Ils égorgèrent mon amie. Le corps de celle-ci se mit à se débattre et s’agiter de soubresauts alors que la vie quittait son corps en même temps que son sang. Une morte lente et indigne d’un Eïlynsterien. Une mort d’autant plus insupportable à mes yeux que j’en étais au moins aussi responsable que l’Inquisiteur.

Je tremblais de tous mes membres, la douleur de mon bras devenant plus vive, mais en réalité bien insignifiante comparée à celle qui me prenait aux tripes et au coeur. J’étais incapable de détourner mon regard de la scène qui se déroulait sous mes yeux. Mes jambes devinrent flageolantes, cotonneuses, ne parvenant à peine me supporter. Je tombais à genoux, des larmes inondant et brouillant mon regard. Pour ce qui était de contempler ma faiblesse, je l’entrevoyais pleinement. Les mots de l’Inquisiteur sonnaient avec dureté à mes oreilles. Oh oui je ressentais une profonde haine envers lui, envers ses hommes, envers son royaume tout entier. Une haine que je ne connaissais que trop bien, dont je savais où elle finirait par me conduire. Une haine que je refusais justement d’embrasser pleinement en parfaite connaissance de cause. C’était là ma faiblesse. J’étais prisonnière de mes mensonges, mon passé, et mon identité. Et les conséquences n’étaient à mettre sur aucun autre compte que le mien. Lentement, peu après que la vie ait définitivement quitté le corps de Glââr, je commençais à lentement ramasser mes armes et affaires.

“Je te plains Inquisiteur… Toi et ton aveuglement stupide au nom de la haine… Vous autres humains, avec votre ridicule demi-siècle d’existence à vivre, vous prétendez connaître quoi que ce soit à la souffrance…” Je braquai mon regard vers l’homme qui me dominait de sa stature, ma voix éraillée de colère et de mépris à son égard. “Savoure-donc ton insignifiante victoire en te flagellant Inquisiteur. Savoure-la tant que tu le peux, car tu comprendras bientôt que ton Dieu est un Eïlynsterien, et ton Roi un usurpateur.”

Sigismond appréciait ce moment comme il les appréciait rarement, car il enseignait une leçon douloureuse, mais surtout inoubliable à cette chienne d'elfe Eïlynsterienne. Qu'elle n'oublie pas pensa t-il et qu'ainsi elle apprenne d'où vient la véritable force, mais surtout… Quelle était leur véritable destin à tous, car un jour la victoire inéluctable du seigneur viendrait sur cette terre ! Et Sigismond comptait bien faire en sorte d'être encore de ce monde quand ce jour arriverait et si possible de pouvoir faire partie des saints bâtisseur qui participeraient au magnifique édifice que serait un monde entier consacré à la gloire du seigneur, mais aussi appartenant à la seule race digne de dominer ce monde, la race humaine, la plus pure d'entre toutes…

Mais, peut-être ne vivrait-elle pas assez longtemps pour pouvoir assimiler cette leçon ? Pensa t-il avec un fort mépris, car oui… Elle restait tout de même un ennemi de son dieu et de son roi, une ennemie qui devait mourir si possible pour épargner ce monde de son ignoble souillure. Même si, oui… Elle allait mourir en ce jour, du moins il allait tenter de le faire et si il échouait aujourd'hui, ce ne serait que partie remise. Après tout, après avoir ainsi marquée l'âme de cette elfe de ses actes, il ne doutait pas qu'il la reverrait à terme et ce jour là… Il se débarrasserait d'elle pour de bon.

« Tu as perdu Eïlynsterienne en ce jour, souviens toi en. Tu peux m'insulter autant que tu le désires, mais tu ne pourras pas me retirer la satisfaction de la victoire que j'ai obtenue. Tout ce que tu peux faire, c'est fuir pour espérer avoir ta revanche un jour. Du moins essayer... » Répondit-il donc avec morgue et mépris à celle-ci en s'avançant vers elle alors qu'elle était en train de lui cracher son mépris et son venin à la figure. Bien, mais maintenant il était temps d'en finir pensa t-il avec aigreur…

Il accéléra alors brusquement son allure, la chargeant, mais non pas avec l'intention de la frapper de son fléau pour mettre fin rapidement à ses souffrances, non… Il entreprit de lui lancer un violent coup de pied pour la refaire tomber au sol, visiblement avec l'idée de prendre son temps ou d'ajoutr à l'humiliation qu'elle était en train de subir. Oui, elle ne méritait pas une mort rapide, alors pourquoi essayer de faire au plus vite ? Non, il fallait que ça dure et que la douleur la marque, aussi bien mentalement que physiquement… Ainsi seulement cette impie comprendrait la lourdeur de ses fautes. Oui, il fallait qu'il prenne son temps, après tout que pourrait-elle faire pour l'en empêcher ? Elle avait probablement trop de rage pour simplement fuir sans tenter de le lui faire payer… Et si elle le faisait, au pire ce ne serait qu'une déconvenue mineure, après tout il avait déjà obtenu ce qu'il désirait d'une certaine manière...

Demeurant à genoux, mon regard toujours porté vers l’Inquisiteur, j’encaissais sa remarque sans davantage broncher que jusqu’à lors. Il était évident qu’il avait gagné en ce jour, du moins selon sa conception très particulière de la victoire où le nombre de vies sacrifiées ne semblait pas importer. Combien de Teïderiens avaient succombé pour venir à bout de quatre Eïlynsteriens finalement ? Bien trop, même si les pertes étaient toutes relatives vu les populations respectives de nos deux royaumes. Les hommes que j’avais perdu seraient bien plus durs à remplacer que ces misérables Teïderiens. Donc oui, l’Inquisiteur pouvait s’estimer victorieux, et je reconnaissais moi-même ma défaite. Un échec douloureux et cuisant, mais qui n’avait rien d’exceptionnel en soi parmi les nombreux échecs que j’avais pu connaître par le passé.

Que Sigismond savoure sa victoire. Je me promettais en silence de la lui faire regretter à l’avenir. Du moins, s’il comptait me laisser en réchapper, ce dont je doutais fortement. Après tout, j’étais une créature à purifier selon leurs préceptes idiots de suprématie raciale. Comment une race aussi faible et éphémère que celle des humains pouvait-elle s’aveugler à ce point sur sa condition ? J’avais à peine eu le temps de récupérer ma ceinture et mon manteau que l’Inquisiteur me chargea avec sa brutalité habituelle. Mes yeux avaient suivi le mouvement de son fléau et de ses épaules, me préparant à anticiper la trajectoire de l’arme pour essayer de l’esquiver. Mais plutôt qu’user de son arme, l’homme préféra mer lancer un coup de pied qui me prit par surprise.

Un coup qui ne se voulait guère habile en réalité, comme si l’Inquisiteur n’était pas habitué à user de ses poings ou de ses pieds pour combattre. Mais un coup frontal qui n’en demeurait pas moins particulièrement direct et violent, surtout lorsque sa semelle percuta de plein fouet mon plastron au niveau de l’abdomen, souillant le tabard aux couleurs d’Eïlynster d’une trace de boue. Je tombais en arrière dans un grognement de douleur, le souffle coupé bien que le choc fut en partie amorti par le tissu matelassé de mon gambison. En réalité, j’aurai pu éviter ce coup avec aisance. Mon agilité naturelle surpassait aisément celle de l’homme, mais dans les faits, je méritais cette correction, au nom de Glââr et du reste de mes hommes tombés au combat.

Je sentais le tissu des vêtements dans mon dos s’imprégner de l’humidité de ce sol boueux. Je repliais mes bras sur mon torse, à l’endroit où l’homme avait frappé, cherchant à reprendre mon souffle de quelques inspirations haletantes. Les remarques comme les coups de l’Inquisiteur ne faisaient que gonfler ma rage, quand bien même je me trouvais dans une position des plus délicates. Je roulais sur le côté, sortant ma dague hors de son fourreau avant de me relever. Ou du moins tenter de le faire. Je ne doutais pas que mon ennemi chercherait à asseoir sa domination et sa victoire en me frappant de nouveaux coups ; il avait eu l’occasion de mettre fin au combat, de par ma reddition ou ma mort, à quelques reprises et n’en avait rien fait encore. Ce type n’était qu’un monstre doublé d’un sadique qui prenait bien trop de temps. Une information que je devais garder à l’esprit, car le retour de bâton n’en serait que plus jouissif quand viendrait le temps de la vengeance.

Son attaque toucha au but et dans les faits d'autres auraient sans doute suivit si l'elfe ne s'était pas mise soudainement à se préparer à résister quand les coups suivant viendraient.... Satané hérétique, incapable d'admettre la défaite et d'accepter la mort n'est-ce pas ? Soit, la leçon qu'il allait lui infligée serait d'autant plus douloureuse, après tout cette chienne n'en méritait pas moins… Cette catin Eïlynsterienne qui osait lutter contre la domination légitime du seigneur de la douleur, mais surtout qui faisait l'affront de se considérer supérieure au genre humain, alors que pourtant… Il était évident que la race humaine était supérieure à toutes les autres, du moins c'est ce que pensait Sigismond, tandis que les elfes… N'étaient que des créatures décadentes et effémines obligées de laisser les femmes se battre au côté des hommes car incapables de faire en sorte que l'ordre légitime des choses entre les deux sexes soit respecté. Pitoyable...

Mais bon, autant commencer en la rendant plus docile pensa t-il en serrant les poings autour du manche de son lourd fléau… Oui, il allait commencer par lui casser les mains s'il pouvait, ainsi elle n'aurait plus de moyens de se défendre contrairement à ce qu'elle pensait. Deux choix persisteraient ainsi pour elles, la fuite ou le fait de le défier malgré tout… Il prit donc son élan et cette fois-ci n'y alla pas de main morte, la tête de son lourd fléau décrivit une visible et dangereuse trajectoire qui trouverait sa fin dans la main droite de l'elfe… On verrait ainsi si elle tiendrait toujours aussi bien sa dague avec les os en bouillis… Ensuite, la leçon pourrait véritablement commencer, une leçon dont la conclusion serait la mort, rien de plus, rien de moins. Tel était le sort que devaient réserver les fidèles du seul véritable dieu aux impures et infidèles...

Me relevant finalement non sans mal, ce n’était que pour constater que l’Inquisiteur préparait un coup de son fléau extrêmement puissant. La trajectoire m’apparaissait clairement. Il ne visait pas ma tête, ni même mes organes vitaux, mais très clairement mes membres. Comme je le redoutais, il comptait me faire souffrir tout mon soûl avant de procéder à ma mise à mort. Une joie que je ne comptais pas lui laisser ; et quand bien même ma défaite du jour méritait sanction, ce n’était certainement pas à un Teïderien que devait revenir cette tâche.

Je bondis sur ma gauche, avec un timing si serré que je pus sentir l’air chassé par la tête du fléau qui ne heurta - heureusement pour moi - que le sol, éclaboussant les environs de son point d’impact de giclées boueuses.

“Crève saloperie d’elfe !”

Ce fut là le cri d’un des hommes de l’Inquisiteur qui, probablement revigoré et inspiré par sa victoire, lança dans ma direction en me chargeant à son tour. Le javelot tenu en mains comme une lance, il avait visiblement l’intention de m’embrocher comme il l’avait fait précédemment avec ma compagne orc. Peut-être oubliait-il le fait que si je n’étais pas aussi massive et imposante que Glââr, je n’en restais pas moins plus vive et agile, même blessée. D’ailleurs, l’homme avait chargé seul, ses acolytes demeurant plus observateurs qu’acteurs du combat, comme si l’imprudent fut le seul à oser défier l’autorité ou la volonté de l’Inquisiteur à mener un combat singulier. Un acte que je pouvais comprendre après tout, la victoire ne se gagnait pas souvent dans l’honneur d’un duel, particulièrement à Teïder où le surnombre était le seul véritable avantage militaire.

Le soldat tenta de me porter un premier coup d’estoc à l’abdomen. Coup que je déviais d’un choc de ma dague contre la hampe de l’arme tout en pivotant d’un quart de tour pour être certaine de l’esquiver. Si mon bras désarmé n’avait pas été blessé, j’aurais pu tenter de saisir le javelot et profiter de l’élan du soldat pour le retourner contre lui, mais je préférais vue ma condition me contenter d’esquiver. Et cela, avant que toute la clique ne se décide à vouloir intervenir. Le temps du combat était fini depuis que je n’avais plus de vie à sauver autre que la mienne. Mon regard glissa en direction de l’arbre le plus proche, se fixant sur une épaisse branche dégarnie et noueuse sur laquelle je me téléportais l’instant d’après. J’abandonnais derrière moi mon arc et son carquois, de moindres pertes en comparaison de la valeur de mes hommes tombés au combat.

“Viens te battre sale lâche !” vociféra le soldat au javelot, quelques instants après avoir retrouvé ma trace, lançant son arme dans ma direction sans réellement m’inquiéter tant sa visée se voulait mauvaise. Je l’ignorais royalement, préférant concentrer mon attention et ma rancoeur vers l’Inquisiteur.

“Savoure ta victoire Inquisiteur," répétai-je froidement. "Lors de notre prochaine rencontre, je ne prendrai pas de gants pour t’affronter. Je te vaincrai et ferai exhiber ta dépouille sur la Grande Muraille, pour rappeler à chaque Teïderien la faiblesse de sa condition et de ses convictions,” lui lançai-je sur un ton haineux, résonnant comme une funeste promesse.

Un autre des soldats au sol rangea son arme de mêlée pour se saisir de son arc, avec l’évidente volonté de m’abattre à distance, visiblement blessé par mes paroles. Mais à peine avait-il fini d’encocher sa flèche pour bander son arc que déjà j’avais pris la fuite au sein des branchages, usant de mon agilité comme de mes facultés de téléportations de mon manteau pour rapidement disparaître.

Humpf, elle avait esquivée l'attaque constata t-il avec agacement. Et de peu en plus, maudite elfe, à croire que ces aberrations de magie tenaient à la vie au point de s'accrocher à celle-ci quoiqu'il en coûte, ce quitte à devoir souffrir davantage. Chose qu'il n'allait pas plaindre, mais bon…

Surtout qu'un de ses hommes, trop audacieux voulut tenter de tuer l'elfe alors que l'inquisiteur avait désiré s'occuper seul de celle-ci. Un tel zèle était louable pensa Sigismond à la fois fier et agacé, néanmoins c'était son combat normalement. Mais soit, de toute manière l'affrontement était terminé, pourquoi s'amuser donc à faire durer plus longtemps quelque chose pour faire croire à cette elfe qu'elle méritait encore ne serait-ce qu'un minimum de considération ?

Surtout que cette chienne décida rapidement de s'enfuir constata t-il avec colère quand il la vit disparaître, puis quand il la repéra plus loin perchée en hauteur, ce peu avant qu'elle n'ouvre sa bouche pour proférer des propos arrogants qui étaient bien dignes de la créature impure qu'elle était...

« Crois ce que tu veux l'elfe, je suis promit à un grand destin là où ton sort sera funeste. Et notre prochaine rencontre le démontrera bien. » Voilà les derniers propos qu'il put tenir avec toute la force de son mépris avant qu'elle ne disparaisse ensuite, le laissant seul avec ses hommes. Une victoire acquise pour lui, mais pas aussi totale qu'il l'aurait espéré et surtout sans prisonniers. Soit, de toute manière le message avait bien été envoyé et il méritait bien un peu de repos, du moins en attendant la prochaine mission. D'ici là, qu'elle se nourrisse de haine et de rancœur à son égard et que cela l'amène à venir le revoir, qu'il puisse ainsi avoir la satisfaction de se charger lui-même de son cas, après tout ce serait là une preuve de zèle éclatante faîte au seul véritable dieu.