13 Mai de l’An 2001 de l’Âge d’Acier

Amset en tant que soit disant mercenaire pouvait avoir affaire à toutes sortes de contrats, même si la chasse aux bêtes n’étaient pas ceux qu’il gérait en général, ayant déjà pas mal à faire avec ceux de duellistes ou bien de maîtres d’armes pour tel ou tel bourgeois… Après ce n’était pas non plus le genre de travail qui le gênait, surtout qu’à vrai dire il avait vu pire que des chupacabras, même si sans doute que ces derniers compenseraient cela en étant assez nombreux. C’était après tout le genre de nuisibles auxquels même dans les Duchés du Sud, les agriculteurs devaient de temps en temps faire face !

Quoiqu’il en soit, le comte local avait déposé un contrat sur une meute de chupacabras agaçante et avait promis une prime pour la tête des bêtes concernées, une preuve tangible que la menace aurait été régulée par les mercenaires les rapportant en somme… Sauf s’ils désiraient déployer des efforts intenses pour tenter d’escroquer leur employeur, ce qui n’était pas forcément l’idée du siècle concernant un comte duchéen.

C’est ainsi qu’Amset se trouvait à observer les résultats d’une attaque de chupacabras qui avait dévastée le troupeau de brebis d’un éleveur local, et sans doute qu’ils seraient aller questionner ce dernier ou aurait cherché une piste sous la forme de traces à remonter, s’il n’avait pas vu peu après son arrivée, qu’un gaillard orc imposant et solide arrivait, peut-être pas seul d’ailleurs...

Le naga qui supposa que c’était un autre mercenaire, intéressé par ce travail, le regarda alors prudemment, puis concluant rapidement qu’une collaboration pourrait être utile, avisera ce dernier du regard, ce avant de dire de son ton reptilien et poliment, pour s’enquérir de son attitude.

« Bonjour, vous venez pour la chasse aux chupacabras vous aussi ? » Après tout c’était évident que le naga n’était pas là pour faire du tourisme comme un riche bourgeois duchéen ayant du temps et de l’argent à perdre... Et l'orc non plus au vu de son équipement ?

Cela et son attitude indiquait qu’il n’était pas forcément hostile à la présence de l’autre, donc peut-être selon l’attitude de ce dernier qu’ils pourraient collaborer ? Après tout c’était souvent plus utile que de se marcher sur les pieds et Amset savait fort bien avoir des compétences précieuses en tant que mage et bretteur…

Néanmoins, il verrait selon la réponde et l’attitude de l’orc évidemment.

Ce travail divergeait des autres qu’effectuaient Kraor. Le seul élément l’y reliant était propre à tous les mercenaires : le profit. Et encore ce n’était pas la motivation principale.

Certes la prime était généreuse mais pas suffisante pour entretenir sa troupe. La motivation principale était en quelque sorte la nostalgie.

Les plaisirs de la chasse lui manquaient. L’affaire étant en quelque sorte personnelle ses compagnons d’arme en cette occasion se limitaient à un molosse au sens littéral du terme : Grunt.

Sinon l’orc disposait de son équipement habituel y compris son armure, dont il s’était équipé par réflexe.

Kraor avait étudié les blessures du troupeau. Elles étaient fraiches. Ses cibles se trouvaient donc à proximité. Toutefois le terme proximité demeurait vague. C’est pourquoi Grunt se chargeait de renifler en quête d’une piste.

Soudain le mercenaire perçut un nouveau venu. A vrai dire sans véritablement s’annoncer il ne se cachait pas vraiment.

Toutefois le bruit de son avancée était bizarre. C’était dû à l’absence de pieds. Car il s’agissait d’un naga.

Kraor en avait déjà croisé sans vraiment les fréquenter. Une race ancienne versée dans le combat et la magie d’après les rumeurs.

Le reptile en question portait l’attirail d’un guerrier en autre une épée longue et une autre plus courte pour le combat rapproché.

A cela s’ajoutait une musculature fine mais efficace tout de même.

Malgré tout un détail dénotait : un collier que Kraor jugeait tape-à-l’œil et surtout inadéquate.

Ce ne devait pas être un confrère, mais une sorte de noble.

Puis il s’exprima. Apparemment il était de la partie ou du moins voulait en être.

Kraor était partagé sur sa présence. La meute s’était révélée plus nombreuse que prévu. De l’aide ne serait pas de trop. Mais que valait l’aide présente ?

« Effectivement. » Dit-il d’abord en toisant de sa hauteur son concurrent ou allié.

Ce procédé récurrent chez lui pouvait être comparé à une technique d’intimidation.

« Et je ne suis pas loin de la conclure. » Enchaina-t-il en désignant son chien en plein repérage.

Progressivement l’arrogance de Kraor se réduisit. Car sa méconnaissance des nagas démangeait sa curiosité.

« Vous croyez pouvoir me prêter main-forte ? »

Le ton employé était ambiguë. Ni insultant, ni provocateur, il sous-entendait toute de même l’exigence d’une réponse valable.

Ce n’était guère le premier orc qu’Amset rencontrait, au contraire, il faut dire aucun des pays qu’il fréquentait la plupart du temps, que ce soit Akkaton, les Duchés du Sud et et surtout Eïlynster sa patrie, ne manquaient d’orcs en leur sein. Autant dire qu’il était fort habitué à fréquenter cette race et interagir avec eux. Cela et contrairement à certains idiots, il ne les prenait pas pour des idiots justement..

Et il voyait fort bien à son air endurci et son équipement de facture classique pour les environs, qu’il avait affaire à un mercenaire qui travaillait depuis un certain temps dans les duchés. Quoiqu’il en soit le naga renvoya à l’orc un regard reptilien qui paraissait presque indéchiffrable, il faut dire les nagas étaient doués pour cacher leurs vraies émotions… Avant de répondre poliment ensuite, mais avec une attitude qui paraissait neutre, mais pour qui connaissait la naga dénotait d’une pointe d’amusement.

« Je suis un excellent bretteur, mais surtout un archimage de l’âme, je suppose que ce sont des compétences utiles ? » Après tout les archimages étaient fort rares et Amset avait donc le privilège d’en être un, ce qui incluait sans doute qu’il devait fort bien gagner sa vie même s’il était mercenaire… Ce avant d’ajouter ensuite d’un ton se voulant pensif.

« Je viens des tribus du vaste désert à l’ouest, la mienne était plutôt isolée des grands centres urbains des l’empire, nous chassions des fois les bêtes du désert par nous-même, que ce soit pour les réguler ou pour la nourriture. » Les nagas étaient des carnivores, ce n’était pas forcément un détail su de tout le monde, mais ainsi ils devaient souvent chasser ou pratiquer l’élevage au sein de leurs tribus pour se sustenter.

« J’ai donc une certaine expérience, je ne serais pas une gêne. De plus vous paraissez être un archer ? J’ai un bouclier et je peux empêcher les bêtes d’approcher pendant que vous leur tirez dessus. » Conclura t-il donc en dévoilant d’un ton pragmatique ce qu’il pouvait faire d’utile pour l’orc, à voir donc si ce serait concluant aux yeux de ce dernier ?

L’attitude du naga déconcerta au premier abord Kraor. Il ne le défiait pas, ni ne se soumettait, ni... quoique soit d’autre. Le reptilien se montrait purement didactique énumérant ses arguments.

La mention de la magie gêna un peu l’orc. Car il ne s’y connaissait pas assez dans ce domaine pour en évaluer l’utilité.

Par contre le reste était satisfaisant. Les descriptions sonnaient juste, et surtout il y avait cette petite analyse tactique. Bref il s’agissait bel et bien d’un confrère compétent.

Méritait-il la confiance de Kraor pour autant ? Un dernier test éclaira ce point.

« Grunt ! » Cria l’orc en plus d’un sifflement.

L’animal s’approcha de son maitre, qui lui indiqua du regard le reptilien. Grunt se dirigea alors vers ce dernier renifla quelques instants avant de venir s’assoir au coté de l’orc.

Suivi la caresse d’usage, puis la conclusion.

« On doit pouvoir s’arranger. Pour la prime la moitié chacun me parait honnête ? »

En fait d’honnêteté Kraor voulait surtout s’assurer d’un minimum de loyauté de son partenaire du moment.

« Au fait. » Ajouta-t-il d’un timbre plus amical. « Moi c’est Kraor, capitaine des molosses d'Inveïs. »

Cette présentation relativement détaillée était-elle nécessaire ? Du point de vue du guerrier orc indubitablement. Car une idée s’y dissimulait.

De son coté Grunt se tortillait. Il détenait une piste, et crevait d’envie de la suivre. Seulement étant lui aussi à sa façon un guerrier, le chien attendait les ordres.

« Bon mon animal a une piste. On la suit ? » Conclut finalement Kraor comme s’il connaissait d’avance la réponse.

Un temps passa après les propos d’Amset, pendant lequel l’orc sembla l’évaluer, mais aussi interagir avec son chien qui visiblement devrait chercher une piste. Du moins c’était la conclusion logique que faisait le naga, sinon pourquoi l’animal aurait-il été amené ici ? Pour le combat peut-être, mais un chien pouvait toujours être fort utile pour le pistage…

Puis, le mercenaire lui faisant face lui proposa de s’arranger et de partager la prime en deux. Amset qui considéra que c’était une proposition honnête et arrangeante tendra donc sa main écailleuse et dira avec une cordialité reptilienne.

« Cela me convient. » Le geste de serrer la main servirait alors à entériner symboliquement l’accord, après tout il n’allait pas rédiger un contrat sur papier ici pour le signer tous les deux, ce serait une perte de temps et un peu de trop.

« Je me nomme Amset Sobek, considérez moi comme un duelliste et maître d’armes errant. » Répondra sinon le naga qui avait ainsi donné son nom et prénom. Connaissait-il la compagnie de Kraor ? Il en avait entendu parler en effet, c’est pour cela qu’il glissera simplement. « De ce que je sais vous n’êtes pas nouveau dans le mercenariat, c’est une bonne nouvelle. »

Quant au naga ? Il était célèbre lui aussi dans les duchés, bien entendu pas en tant qu’espion Eïlynsterien, mais en tant que mercenaire et duelliste errant comme il le disait. En somme, aucun des deux atamas ici présent n’était un parfait anonyme.

« Suivons la. » Ajoutera sinon le naga simplement quand l’orc le lui proposa et Amset serpentera alors en suivant l’orc, les mains prêtes à dégainer son glaive et son lourd bouclier, armement qui indiquait bien qu’en effet le naga était le genre à avoir un style de combat de proximité, mais aussi défensif.

« Je vous laisserai aussi les cadavres des bêtes si vous le désirez, j’aimerai juste récupérer quelques organes pour les revendre à des alchimistes. » Ajoutera sinon le naga en chemin avec un calme cordial, après tout il est vrai que les chupacabra pouvaient fournir quelques petites choses à revendre. Même si dans le cas d’Amset c’était en vérité plus pour un petit rituel religieux que pour revendre le tout, après tout il convenait dans la tradition Eïlynsterienne d’offrir le cerveau d’une bête tuée aux ancêtres, ainsi que de manger son cœur. Pas que tout le monde suivait cela assidûment, mais Amset essayait pour sa part...