21 mai 2001

Il y a quelques semaines à présent, que le Masque avait quitté la civilisation… envoyé sur ordre de son suzerain aux frontières du royaume d’Eïlynster pour récupérer des documents de la part d’un espion infiltré… il avait arpenté les dangereux marais, sous la pluie et sous le vent à l’aller et avait patienté plusieurs jours dans l’attente de Demïr… mais ce dernier ne se présenta pas au lieu de rendez vous. Sans doute avait il été découvert et probablement arrêté ou exécuté voir les deux. De mauvaises nouvelles à rapporter à son Roi… il était donc repartit bredouille, afin de rejoindre la Capitale non sans récupérer de quoi fabriquer deux fioles de poison et une fiole de remède. Autant joindre l’utile à l’agréable… et bien que le retour fut difficile autant que le retour dans la brume de ces marais qu’il valait mieux connaître sur le bout des doigts pour éviter de faire de mauvaises rencontres, ou de se nourrir de nourritures mortelles, il arriva finalement au village d’Osweisky. Un Comté au sein duquel il avait l’habitude de faire une halte pour se recueillir dans un lieu saint avant de repartir. Cela lui permettait de faire une pause, se restaurer, se laver puis reprendre sa route… et c’est sous une pluie battante, que la lourde porte de ce lieu grinça doucement à son ouverture.

Le Maître Assassin, avec sa cape à capuche sur la tête, son masque d’inquisiteur vissé sur le visage, ses dagues au fourreau a la ceinture et son arbalète à dards dans le dos, s’avança d’un pas silencieux sans troubler la quiétude des lieux, alors que de l’eau ruisselait de ses vêtements et de son masque… les quelques fidèles présents semblaient un peu mal à l’aise sur son passage, mais il ne s’en souciait guère. D’ailleurs si son masque se tournait parfois vers une personne qui préférait instantanément détourner son regard et se replonger dans ses prières, il ne s’arrêta que devant la Sainte statue, posant un genou à terre et baissant la tête pour se recueillir sans un mot. Au bout de quelque secondes, son masque se releva vers la statue et il resta comme cela un nouveau long moment.

Des réponses…voilà ce qu’il cherchait… mais elles ne venaient jamais. Ou alors il ne savait pas les décoder… un grand pourquoi qui tombait dans l’oreille sourde du Père de la Souffrance… ou bien peut être l’entendait il mais le moment n’était pas venu pour lui de comprendre ses desseins à son sujet… il n’était pas non plus le plus pieu de ses fidèles après tout. Peut être ne méritait il juste pas son attention après tout… finalement il se releva doucement et aussi discrètement qu’il était arrivé, comme si ses vêtements ne faisaient aucun bruit… il se retourna ensuite pour se diriger vers la sortie comme il était venu…silencieux et discret…

Le sermon du matin portait sur l’importance des prières quotidiennes. C’était un rappel de la Sainte Mère Paulina, cette jeune femme rigide qui avait pris la relève du comté d’Osweisky après la nomination de Bracyslavara au titre de Grande Matriarche du Culte. Les habitants de la petite bourgade étaient venus en grand nombre pour assister à cette messe. Outre le fait qu’il était fortement recommandé de venir aussi souvent que possible, il fallait ajouter que la présence exceptionnelle de Bracyslavara attirait les ouailles et les bigots. Comme si cette sainte présence les rapprochait un peu plus de la Mère de toute Vie, et par extension du Père des Souffrances.

Bracyslavara aimait cet endroit, ce temple dans lequel elle avait tant officié par le passé. Plus encore, elle aimait ce peuple, ces gens courageux, dur au mal et au labeur qui travaillaient bien trop pour la gloire du Royaume, sans aucun retour donné par le pouvoir central. Après avoir terminé la cérémonie religieuse, la Sainte Mère Paulina libéra son audience et retourna à ses occupations administratives. De son côté, la Grande Matriarche tenait à saluer individuellement les personnes s’étant déplacées, surtout qu’elle reconnaissait la plupart des visages présents.

Avec plaisir et sincérité, elle accepte les remerciements, les offrandes au nom de la Mère de toute Vie, et même parfois certaines complaintes, comme si elle était toujours la Sainte Mère du Comté. Il faut dire que malgré son air froid et sa promotion, elle est restée une femme abordable, Sainte Mère, Grande Matriarche, elle restait une disciple du Culte et se devait d’aider et d’affirmer sa présence auprès de tous. La seule chose qui a changé, c’est bien son accoutrement. Elle porte ce jour une grande tunique rouge brodée d’or avec des bijoux en grenat. Une démonstration de richesse dont elle n’était pas habituée, ni friande, mais la charge du titre impose un costume reconnaissable.

C’est après avoir salué le dernier habitant d’Osweisky, un vieil homme qui demandait l’absolution de ses péchés, que Bracyslavara put souffler quelques instants. Les plus fervents habitants, enfin surtout ceux qui n’avaient pas à travailler et avaient donc du temps libre, restaient encore un peu dans le temple pour s’adonner à quelques prières supplémentaires. Un peu de zèle religieux n’est aucunement rare à Teïder, et même encouragé.

Cela faisait à peine cinq minutes qu’elle venait de s’installer à un bureau du cloître attenant au temple qu’une religieuse vint l’interrompre dans sa lecture. Un homme portant un masque de l’inquisition venait de faire son apparition, effrayant les gens déjà installés sur les bancs pour prier. La situation était suffisamment inédite pour que la religieuse s’alarme et vienne chercher la Grande Matriarche elle-même pour aller vérifier qu’Osweisky n’allait pas être contrôlée par l’inquisition et sa sévère répression.

- Ainsi soit-il, je vais aller m’occuper de cet homme. Inutile de déranger Paulina.

Cela faisait bien longtemps que l’inquisition ne faisait plus peur à Bracyslavara, elle, qui entendait la voix de la Mère de toute Vie, se sentait tout à fait apte à gérer cette présence. Alors qu’elle sortait du cloître pour retourner dans le temple à grands pas, elle ne pouvait pas rater l’homme en question. Aussi discret soit-il et aussi rapide, Bracyslavara tomba presque nez à nez sur l’homme décrit par la religieuse. Le masque ne pouvait pas la tromper.

- Soyez le bienvenu à Osweisky. Ne me dites pas que vous comptiez déjà nous quitter ? Les religieuses sont bien curieuses de voir la présence d’un fils de l’inquisition dans leur temple. Avez-vous des choses à dire au Père des Souffrances ou à la Mère de toute Vie ?

Pour un homme de Teïder, il allait certainement être surprenant de voir une femme parler avec autant d’aplomb face à lui. Mais il s’agit là de la Grande Matriarche, Bracyslavara est charismatique à sa manière, elle fait autorité, ici et ailleurs, pour toutes les femmes du Royaume. Et tant qu’elle n’en sait pas davantage sur cet homme masqué, elle préfère conserver cette assurance pleine de confiance.

Une fois son recueillement effectué, Ezim allait repartir comme il était venu. C’est à dire discrètement et rapidement. Comme à son habitude. Du moins c’est ce qui aurait du se passer si une femme avec une grande tunique rouge brodée d’or et aux multiples bijoux ne l’avait pas intercepté alors qu’il quittait le lieu Saint. Et cette femme, si elle ne le connaissait pas, ce qui était normal vu qu’il était masqué, lui la connaissait. La Grande Matriarche. Visiblement inquiète de la présence de l’Inquisition sur ses terres. Et sa phrase ne manqua pas de lui tirer un large sourire invisible sous son masque.

« Il est rare que les gens que je rencontre soient peinés de me voir quitter leur ville ou leur village Grande Matriarche… »

Répond t’il calmement. Et bien que sa voix paraissait plus grave et caverneuse à cause du masque, on pouvait déceler une pointe d’amusement dans le ton.

« Mais n’ayez crainte… je n’étais que de passage dans ce comté. Vos ouailles n’ont aucun soucis à se faire aujourd’hui. Je n’étais venu en ce lieux saint que pour me recueillir et en effet, poser des questions à notre Saint Père de la Souffrance. Mais il est malheureusement pour moi resté sourd à mes interrogations… »

Lui expliqua t’il ensuite pour ne pas semer de troubles inutiles sur un ton toujours très courtois malgré un timbre de voix grave et sinistre à cause de la résonance. Au final, il était rare qu’Ezim agisse directement sur des cibles en Teïder d’ailleurs. Sauf dans certains cas particuliers et toujours sur ordre d’une seule et même personne.

« Après si vous soupçonnez un quelconque culte païen en ces terres, je ne doute pas que son Altesse saura vous prêter une oreille attentive et me demandera de revenir de façon plus officielle… »

Car il valait mieux ne rien cacher au Roi Zmeï. Ou alors il valait mieux qu’il ne l’apprenne jamais. Sans quoi le petit cachotier risquait de perdre la vie tout simplement. Le mensonge par omission n’avait pas court ici. Comme beaucoup d’autres choses. Son masque de plus lui permettait de déceler le mensonge. Était-ce un début d’interrogatoire qu’il menait mine de rien, ou une simple conversation? A ce stade, bien malin celui qui aurait pu le dire. Et même si les femmes étaient généralement traitées avec peu d’égards, c’était la Grande Matriarche qui lui faisait face. Fort jolie d’ailleurs pensait il. Il devait donc faire montre d’un minimum de convenances vis à vis d’elle. Et vu qu’elle l’avait intercepté sous la pluie toujours battante, tout deux ruisselait. Bien que cela ne gênait guère le Maître Assassin habitué à travailler dans des conditions extrêmes…

L’homme qui se tenait vaillamment devant elle, bravant la pluie torrentielle qui tombait du ciel d’Osweisky, ne manquait certainement pas d’humour pour un fils de l’inquisition. Bracyslavara aurait approuvé avec beaucoup d’entrain cette simple vérité, il est toujours plus agréable de dire au revoir aux inquisiteurs que de les saluer. Néanmoins, cette légèreté et cette franchise ne lui étaient pas permises, Grande Matriarche ou non, la courtoisie hiérarchique entre les hommes, les femmes, les religieux et les inquisiteurs se devait d’être respectée.

- L’inquisition est toujours la bienvenue à Osweisky. Les habitants sont moins habitués à rencontrer des masques comme le vôtre. Vous comprenez, lorsque l’on vit dans ce comté reculé, on ne s'attend pas à avoir des visiteurs du Royaume.

Oui, évidemment que l’on accueillait toujours les inquisiteurs à bras ouverts. Les différents comtés de Teïder n’avaient pas d’autres choix de toute façon. Bracyslavara écoutait attentivement ce que disait l’homme, non pas qu’il s’expliquait avec difficultés, mais le masque rendait sa voix caverneuse, et doublée du bruit de la pluie, les mots avaient du mal à se faire comprendre. Le voile qui couvrait la tête de la Matriarche n’aidait pas non plus à grand-chose dans ce contexte. Avec un certain effort, la dernière bribe est intelligible, il avait des questions à poser, et celles-ci sont restées sans réponse. Ha… Le Père des Souffrances…

- Muet peut-être, mais certainement pas sourd. Le Père des Souffrances, ainsi que la Mère de toute Vie, entendent les prières des fidèles. Vous savez ce que vous désirez entendre, mais ils sont les seuls à savoir ce qui vous est profitable. Le Père ne vous laissera jamais les mains vides. Il faut savoir décrypter ses silences comme des commandements.

Des paroles qui pouvaient être frustrantes pour un fidèle qui ne reçoit aucune réponse de son dieu, mais qui pourtant permettent d’appréhender avec patience et confiance son avenir. Pendant qu’ils discutaient, la pluie n’avait de cesse de faire ce qu’elle fait de mieux, tomber à grande eau. Bracyslavara était désormais trempée, et il fallait rapidement songer à une retraite stratégique si elle ne voulait pas attraper froid. Ainsi, elle ne fit guère attention à la remarque de l'inquisiteur sur d’éventuels cultes païens à Osweisky. De toute façon, elle laissait cette tâche à la Sainte Mère Paulina, c’était bien elle qui avait la charge de ce comté désormais.

- Rentrons dans le temple, voulez-vous ?! Le déjeuner du couvent a lieu dans une vingtaine de minutes au maximum, vous serez notre invité. La Sainte Mère Paulina sera heureuse d’avoir un homme parmi sa congrégation.

De grandes enjambées plus tard, Bracyslavara rentrait ruisselante dans le temple en soupirant. Si elle ne tombait pas malade, ça allait être un véritable miracle divin. La voyant entrer dans cet état, la soeur Tadora accouru avec des serviettes épaisses pour l’aider à se sécher et en distribua également à l’homme. Le pauvre n’avait pas eu vraiment le choix, la proximité du déjeuner ne lui permettait pas de trouver une excuse valable pour se défiler. La Grande Matriarche, elle, était satisfaite de pouvoir partager son prochain repas avec un voyageur, un homme qui a dû voir beaucoup de choses en Teïder, et peut-être même ailleurs.

« Et pourtant je passe régulièrement dans ce Comté… »

Répond Ezim de façon un peu énigmatique. Car après tout il aimait jouer avec les mots autant qu’avec les apparences. Il avait milles visages et celui qu’il offrait aux gens allait de paire avec son humeur. Mais il ne mentait guère quant à ses dernières paroles. En règle générale, il y avait juste moins d’ouailles rassemblées dans ce lieux, mais sans doute était ce du à la présence exceptionnelle de la Grande Matriarche aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, son masque inquiétant d’Inquisiteur inexpressif ne semblait pas se décrocher de la fixation du visage de Bracyslavara, alors que la pluie redoublait mais ne semblait pas le gêner. La suite de sa réponse était d’ailleurs des plus intéressantes selon Ezim. Seulement cela lui amenait aussi beaucoup de questions. Car lui même était habitué au silence. Mais tout cela restait tout de même des plus énigmatiques.

« Comment décrypter les commandements s’ils restent silencieux? Voilà bien un problème qui m’apparait insoluble… »

Demande t’il en penchant légèrement son masque ruisselant d’eau sur le côté, signe sans doute d’une certaine réflexion. Il se décala ensuite en tendant le bras étrangement galamment vers la porte du Temple. Étrangement pour un homme Teïderien en effet. Jouait il avec la Grande Matriarche ? Ou bien peut être cherchait il a la déstabiliser tout simplement? La galanterie était peu commune en ces terres après tout… ou bien en la laissant passer devant se protégeait il d’une attaque dans le dos… tant de possibilités pour un simple geste tout à fait bénin dans d’autres nations mais ici si suspect… voilà qui promettait d’être amusant…

Quoiqu’il en soit, il attendit d’être dans le Temple pour répondre à l’invitation. Au début muet, il récupéra la serviette tendue en inclinant légèrement la tête en guise de remerciement avant de la mettre sur ses épaules. De son masque, un rire caverneux sortit finalement.

« Vous êtes habile Grande Matriarche… en m’invitant à votre table, vous vous assurez ainsi de voir l’homme derrière le masque… et bien soit… laissez moi vous accorder cette petite victoire… »

Dit il finalement en faisant lentement tomber sa capuche avant de finalement attraper son masque pour le retirer doucement avant de plonger un regard doré, presque orangé dans celui de Bracyslavara. Un homme plutôt jeune, le teint légèrement hâlé signe qu’il devait beaucoup voyager et avec une barbe de trois jours.

« Votre curiosité est elle satisfaite à présent ? »

Demande t’il d’une voix plutôt douce et calme finalement et avec un léger sourire.

« Quoiqu’il en soit, bien que j’apprécie l’invitation… je ne pourrais pas trop m’attarder car je suis attendu par quelqu’un qui déteste attendre… »

Ajoute t’il avec un sourire cette fois un peu narquois tout en se séchant les cheveux avec la serviette à présent.

La prière est parfois source de frustration, comment décrypter le discours divin lorsque l’on a le sentiment que rien ne répond à ce que l’on souhaite ou espère ? Il fallait mettre une certaine sagesse dans son quotidien, car être vivant à Teïder était déjà une belle preuve de protection du Père des Souffrances. Parfois, se contenter de peu est en fait beaucoup. Cet apprentissage est difficile, mais la Matriarche ne doutait pas un instant que l’homme finisse par trouver des réponses à ses questions dans les choses les plus simples qui peuvent l'entourer. Comme par exemple partager un repas avec des religieuses.

- Insoluble, ou au contraire très clair dans leur silence. Lorsque vous serez prêt à entendre et surtout à comprendre, vous aurez vos réponses.

Bracyslavara parlait tout en se séchant à l’aide des serviettes en tissu apportées par la sœur Tadora qui courrait dans tous les sens pour aider au mieux sa supérieure hiérarchique. Sa robe allait rester humide malgré l’épongement des serviettes, mais au moins son visage était sec et sa chevelure avait été protégée par son voile. Elle sourit en écoutant l’homme babiller au sujet d’une éventuelle manipulation de sa part afin de voir son visage. Quelle curieuse idée il avait eue là. Enfin, elle plaisanta à son tour sur le même registre.

- Et vous êtes tout aussi habile mon cher. Voyez, avec cette pluie, je vais devoir retirer mon voile, aidez moi ma fille s’il vous plaît. S’adressant à Tadora puis se tournant à nouveau vers l’homme qui venait de retirer son masque. Ainsi, le visage à découvert contre les cheveux à découvert, est-ce que cela vous semble être une démarche égalitaire ?

Evidemment, c’était dit sur le ton de la plaisanterie de la part de la Matriarche. La longue chevelure brune de Bracyslavara bouclait légèrement à cause de l’humidité en grandes cascades brunes. Le visage découvert de l’homme était plutôt fin, mais à la peau surprenamment bronzée pour un natif de Teïder. Il était évident qu’il passait plus de temps en dehors du Royaume qu’à l’intérieur des frontières vu la météo des dernières semaines dans les alentours.

- La curiosité est une bonne qualité pour qui sait la manier avec finesse. D’ailleurs, ne soyez pas surpris si les plus jeunes des sœurs de ce temple vous regardent avec insistance. Ce ne sera pas par manque de respect, mais plutôt par volonté d’attirer votre attention. La plupart d’entre elles préfèrent le mariage à la vie religieuse. J’admets volontiers les encourager en ce sens. Oh, ne vous méprenez pas, ce ne sont pas des jeunes femmes faciles et indécentes. Juste des femmes éduquées avec finesse pour le mariage, tenir une maison et aider son mari par des vertus passives.

Une remarque qui sonnait comme un éventuel avertissement, mais surtout comme une invitation. Si l’une des jeunes religieuses convenait à l’homme, ce dernier ne devrait surtout pas hésiter à en discuter avec la Matriarche, elle sait jouer les dames marieuses depuis ses débuts dans ce Comté. De toute façon, si cet homme était respecté par ses supérieurs, il était évident que ceux-ci allaient aussi l’encourager à se marier pour ensuite donner une descendance au Royaume. C’était là un des fondements du culte, défendre les siens, se méfier des races inférieures, et enfanter pour grossir les rangs de Teïder.

- Tadora, ma fille, vous demanderez aux sœurs qui travaillent aux cuisines de rajouter un couvert pour notre invité. La Grande Matriarche réclame que lui soit servi une copieuse portion de viande blanche avec de la garniture verte. C’est un homme, et il a des besoins bien différents des nôtres, allez-y.

Tadora approuvant de la tête cet ordre, la religieuse partit à grandes enjambées vers les cuisines. La Matriarche proposa à l’homme de s’occuper avant le service.

- Faisons le tour des statues et des vitraux en attendant que le repas soit servi. Nous avons de la chance à Osweisky, nous avons des artistes extrêmement fidèles au Culte.

« Il me semble être tout à fait prêt à entendre les paroles de notre très Saint Père de la Souffrance Grande Matriarche… mais peut être ne suffit il pas juste de se penser prêt pour se faire… »

Répondit le masque pensif dans un premier temps alors que son regard presque doré glissa sur la robe ruisselante de Bracyslavara avant de revenir sur son visage. Et d’ailleurs la réponse des plus habiles de la Matriarche du Culte le fit légèrement sourire. Cependant c’est avec un sourire malicieux et son regard se plongeant dans le sien qu’il rétorqua.

« Il est vrai que j’y gagne aux changes finalement… voir votre visage totalement découvert me comble d’aise… cela met vos jolis yeux bien plus en valeur… »

Il était bien curieux de voir si ce petit compliment allait la déstabiliser, la faire sourire ou bien la laisser indifférente. Après tout il savait qu’il faisait un certain effet aux femmes en général. Et ayant choisie une vie religieuse, il se demandait bien quelle réaction elle pourrait avoir avec cette remarque certes audacieuse mais néanmoins sincère de sa part. Quel gâchis selon lui d’embrasser la chasteté si jeune… et pour ce qui était de la curiosité c’était un sujet parfait pour rebondir et cela lui tira un léger sourire.

 « La curiosité est bien une chose très importante dans certains métiers… toutefois elle peut parfois aussi s’avérer dangereuse. Le tout étant de ne pas la pousser trop loin et de savoir où se situe ses limites acceptables… »

Puis il ajouta joueur.

 « Et croyez bien que je serai plus qu’honorer que vos sœurs me montrent de l’intérêt… soyez assurée que je saurai leur en montrer en retour. Toutefois, il est certains hommes pour qui le mariage est difficilement compatible avec la vie qu’ils mènent. »

Et sa vie a lui était complexe. De plus il n’était pas l’homme d’une seule femme. Il ne l’avait jamais été et ne le sera sans doute jamais. Ce qui n’était pas incompatible avec un quelconque mariage en soit. Après tout le réussite de ses missions passait avant tout. Il n’allait pas échouer à une mission pour son Suzerain pour une histoire de fidélité. Une réflexion de la plus odieuse des mauvaises foi qu’il n’allait bien sûr pas traduire à voix haute mais qui lui laissa sur le visage un charmant sourire.

« Je vous remercie pour votre attention Grande Matriarche. »

Dit il avec un hochement de tête poli à sa demande de viande pour lui.

 « Et je suis curieux d’entendre l’histoire de cet édifice contée par une voix si douce que la vôtre, couplée à une connaissance encyclopédique du Culte. »

Et d’un geste élégant de la main, un fin sourire aux lèvres, il l’invita à avancer. Il marcherait à ses côtés paisiblement les mains dans le dos observant et écoutant avec attention ce qu’elle pourrait bien apprendre de ce lieux.