Désert akkatonien –  3 Decrembeïs de l'an 2000 de l'Âge d'Acier.

Les ruines anciennes... on pouvait dire que d'une certaine façon c'était le legs commun des nomades du désert, même ceux dont les ancêtres étaient arrivées dans ces vastes étendues sableuses bien longtemps après que lesdites ruines aient été abandonnées. Les souvenirs d'enfance d'Anka étaient parsemés d'éléments en rapport avec les ruines anciennes : avertissements pour ne pas s'approcher de certaines, histoires terrifiantes contées au coin du feu pour d'autres, explorations trépidantes – à ses yeux d'enfants – de celles que son peuple savaient sûr, ou encore discours des anciens sur ce qu'ils y avaient parfois découvert, ou au contraire sur les leçons apprises. Elle aurait bientôt l'occasion, d'ailleurs, de faire au près de l'une d'entre elles une rencontre capitale, mais en attendant, et ignorante évidemment de cela, elle s'intéressait au cas particulier d'une ruine longtemps perdue, que les récents événements avaient remis au jour...

Par récents événements, il fallait bien entendu entendre le progressif réveil des anciennes déités Nagas, et avec elles de leurs serviteurs. Plusieurs ruines avaient été redécouvertes tout simplement par la sortie de squelettes, de momies ou de golems de leurs entrailles ! En l'occurrence, Anka s'intéressait particulièrement à des ruines apparemment liées à l'ancienne divinité nagate de la médecine. Il s'agissait de ruines mineures – aucune chance donc d'y trouver réellement l'ancienne divinité nagate de la médecine, ce qui était aussi bien car elle ne s'imaginait guère affronter des dieux antiques ! – mais où, avec de la chance, elle pourrait peut-être retrouver des brides d'informations sur les anciens occupants des lieux et sur d'antiques savoirs médicaux qui, qui sait, pourraient peut-être permettre de faire certains progrès aujourd'hui ! Après tout, il apparaissait de plus en plus que l'ancien Empire Naga avait scellé avec lui des secrets magiques nombreux, alors pourquoi pas des secrets médicaux également ?

Alors qu'elle attendait dans la petite oasis où elle avait donné rendez-vous à la mercenaire qu'elle avait engagé via un réseau de la capitale pour lui servir d'escorte, au cas où des serviteurs des anciens dieux seraient encore présents au fond des ruines, Anka se demanda avec un petit sourire à quel point les récits de son enfance avaient joué dans son envie de lancer son exploration... mais bon, quoiqu'il en soit que cela ait joué ou pas, elle n'allait pas moins en mener les choses à bien pour autant ! Assise en tailleur sur un tapis de scelle étendu au bord de l'eau, à l'ombre d'un des deux palmiers qui poussaient autour de ce minuscule trou d'eau, la belle nomade était vêtue de sa tenue traditionnelle, sa lame au côté et son arme à feu de l'autre, au cas où, encore une fois, la défense devenait nécessaire. Elle était venue jusqu'ici en chameau, celui-ci étant en train de boire un peu plus loin, et comptait aller jusqu'aux ruines également sur son dos.

Finalement, elle vit approcher entre les dunes la silhouette de la Thérianthrope, et se redressa doucement avant de la saluer quand elle fut finalement proche d'elle, à la manière de son peuple, une main serrée sur le cœur puis ensuite ouverte en signe de paix, tout en souriant doucement.

« Salutations. Je suis Anka, du clan des Iseueri... et je suppose que vous devez être Araja ? »

Ayant prit contact via un intermédiaire, c'était la première fois que la damoiselle rencontrait en personne la mercenaire, mais elle avait eut de bons échos sur elle, aussi était-elle globalement en confiance, la personne qui lui avait recommandé de l'engager étant quelqu'un dont elle estimait l'avis.

« J'ai cru comprendre que vous étiez également familière des sables de notre beau désert ? Cela sera utile pour notre mission, assurément. »

Encore et toujours les mêmes dunes, les mêmes monts sableux, les mêmes oasis et les mêmes mirages. Araja venait à peine de terminer une chasse à la Manticore en compagnie d’une elfette, qu’elle retournait déjà en mission dans le désert. Enchaîner les quêtes était pour notre scorpioïde quelque chose de galvanisant. L’impression de ne jamais s’arrêter, de courir tête baissée et pinces en avant vers les meilleures aventures. Et puis c’était lucratif de partir en vadrouille aussi régulièrement, plus d’or voulait dire plus de confort et de quoi faire vivre sa propre mère qui était à sa charge.

Il faisait encore frais en ce matin de début décembre. Ce qui arrangeait beaucoup la mercenaire qui pouvait avancer à grands pas rapides dans le sable, en compagnie de ces deux créatures domestiquées, Alma l’arachnae, et Naja, le serpent-roc. L’allure était rapide, il ne fallait pas perdre de temps, marcher tant qu’il faisait frais et ne pas être en retard au point de rendez-vous fixé par la commanditaire de cette expédition. L’endroit était une oasis qu’elle connaissait pour s’y arrêter lorsqu’elle voyageait de ce côté du désert. Un coin sécurisé où les deux femmes ne devraient rien risquer. Enfin, son métier lui imposait de rester vigilante en compagnie de la personne qui se payait ses services.

Selon les dires de son contact à la cité d’Airain, la commanditaire était une médecin, humaine de son état. Pas une guerrière, ni une combattante, puisqu’elle avait besoin d’un accompagnement pour se rendre assez loin dans le désert. Dans une zone qui avait subi de plein fouet une tempête de sable. Et comme toutes les tempêtes de sable laissent des marques et façonnent de nouveaux paysages, celle-ci avait eu le bon goût de faire apparaître des ruines nagates. Oh, évidemment elle avait espéré que ça soit un grand site, pour un dieu de la richesse, ou un dieu de la guerre, quelque chose où elle aurait été certaine de trouver des babioles de valeur, des artefacts même peut-être !

Que nenni. Il s’agissait des ruines d’une Déesse de la Médecine, une obscure Déesse secondaire. Et pour couronner le tout, c’était une ruine secondaire dédiée à cette divinité obscure et tout aussi secondaire dans le panthéon Naga. Néanmoins, elle s’était fait une raison. Après tout, il était encore envisageable d’espérer d’y trouver des trésors, des objets rares et anciens, ou même une malédiction… Enfin, ça, elle préférait ne pas trop y penser. Si jamais le site en ruine devait être protégé par un quelconque sort de dissuasion ou une malédiction, la mercenaire le découvrira bien assez tôt.

L’oasis était bien calme lorsque le trio arriva à la rencontre de l’humaine. Cette dernière se présente sous le nom d’Anka. Issu d’un clan du désert, ça ne faisait pas de doute.

- En effet, Araja pour vous servir. L’arachnae et le serpent-roc ne vous feront rien de mal, ce sont comme des animaux de compagnie. Sauf qu’ils vont dévorer ceux qui voudront nous barrer la route. Enfin, c’est leur boulot !

L’Humaine serra le poing sur son cœur en guise de salutations et Araja lui retournera un hochement de tête en réponse. Elle sortit ensuite sa gourde afin de se désaltérer jusqu’à la vider. L’avantage d’une oasis, c’est qu’elle pouvait profiter de la source et remplir à nouveau sa gourde.

- Oui, je suis également du désert. J’y ai passé ma jeunesse et mon adolescence. Si vous êtes aussi une locale, nous ne devrions pas rencontrer trop de difficultés sur le chemin. Parlez-moi de cette Déesse de la médecine. Les divinités ne sont pas mon point fort.

Une fois la gourde rangée dans son sac, elle remit son voile sur ses cheveux afin de se protéger du soleil. Les ruines n’étaient pas à proximité immédiate, et la mercenaire ne connaissait pas le rythme de marche de la femme, alors elle préférait être prévoyante et se protéger avant de quitter l’oasis.

- Si vous êtes prête, alors je le suis également. Si j’avance trop vite, vous devez me le dire. En route !

Anka vit donc venir vers elle une Humaine, entourée de deux redoutables créatures : une Arachnae et un Serpent-Roc, deux bêtes qui sans forcément être originaires du Grand Désert y semblaient particulièrement bien adaptées. La jeune femme aux cheveux d'émeraude se rapprocha doucement de sa monture pour la calmer à l'approche de ces potentiels prédateurs, qui ne semblaient heureusement pas d'humeur à la croquer, sans doute parce qu'ils étaient bien domestiqués ! Sachant qu'on lui avait dit que la mercenaire était une Thérianthrope, elle se dit que mieux valait sans doute pour la tranquillité d'esprit de son chameau qu'elle ait choisi une forme moins agressive pour les aborder ! En tous cas, elle sourit doucement en réponse aux paroles de la damoiselle, en hochant doucement la tête.

« Allons-y en ce cas, autant en effet ne pas tarder ! Ne vous en faites pas, je suis sûr que mon ami à bosse ici présent devrait pouvoir suivre le rythme. »

Souriant doucement, Anka éloigna sa monture de l'eau puis monta en souplesse sur son dos, avant de le diriger vers les ruines qui étaient leur objectif, en veillant à régler son avance sur celle de la mercenaire, faisant avancer en douceur sa monture à ses côtés, sous le chaud climat du désert qui, ceci dit, ne semblait pas plus la déranger qu'elle.

« En effet, les Iseueri comptent parmi les enfants du Grand Désert, et j'y ai passé une bonne partie de ma vie, même si aujourd'hui j'explore aussi d'autres lieux. Néanmoins, je garde un attachement particulier aux dunes de sable de cette grande mer chaude. »

Il y avait une certaine douceur dans la voix de la jeune femme quand elle parlait de ce qui était, à ses yeux de nomade, son foyer de manière générale. Son clan vivait depuis des générations entre les dunes, voyageant d'oasis en oasis, et elle considérait le désert tout entier comme sa maison, d'un certain point de vue. Elle revint rapidement toutefois sur la question plus précise de son interlocutrice concernant leur destination du jour.

« Les Nagas restent hélas très secrets sur leurs anciens dieux, et nombre de choses furent tout simplement perdues avec le temps... je ne sais pas grand chose de la déesse de la médecine, sinon que les tribus que fréquentaient la mienne l'appelaient « Mère-des-Malades », autant parce qu'elle pouvait leur servir de mère protectrice et guérisseuse que parce que l'autre face de son pouvoir était aussi de pouvoir recréer les maladies qu'elle soignait, forcément. Si vous pouvez créé l'antidote, manier le poison n'est guère plus difficile. »

Anka avait grimacé en disant cela, autant parce que cette maxime était la face sombre de son travail de médecin, certains utilisant les mêmes savoirs qu'elle dans des buts bien plus sombres, que parce que l'évocation de cette réalité ramenait un souvenir bien douloureux de sa tribu à son esprit. Elle s'ébroua doucement, toutefois, chassant cette mauvaise impression.

« Enfin... vu que la ruine qui nous intéresse est déjà ouverte, nous n'avons pas à craindre que l'ouvrir répande un miasme empoisonné ou rien de ce genre, c'est déjà ça ! Et j'espère y trouver des éléments d'antique savoir médicinal qui viendraient compléter des choses que nous savons aujourd'hui... et peut-être quelques trésors, qui sait, ce qui vous intéresserait sûrement plus, je suppose, ahah ! Même si ne vous en faites pas vous serez payée quoiqu'il en soit. Mais dites-moi, de votre côté, au-delà de la paye, y a-t-il autre chose qui vous intéresse dans cette mission ? »

La belle aux cheveux d'émeraude avait grimacé à nouveau en parlant de miasme, avant de toutefois ensuite résolument se tourner vers d'autres éléments, cherchant aussi au passage à alimenter la discussion, histoire de rendre plus agréable leur voyage vers les ruines – plus en tous cas que ne l'aurait été un pesant silence !

Pour la plus grande satisfaction de la mercenaire, la femme commanditaire de cette expédition approuva le départ immédiat vers les ruines antiques. Elles n’avaient pas le temps de rester à discuter dans cette oasis, malgré le côté très agréable des lieux, il était nécessaire de partir. Le soleil arrivera probablement à son zénith lors de l'arrivée du petit groupe aux alentours de l’ancien temple Naga. Araja espérait qu’elles trouveraient là-bas un peu d’ombre, mais ça, tout dépendra de l’état des fameux bâtiments antiques.

- Le chameau est une excellente bête de monte, un très bon choix. Il ne fait aucun doute que son rythme sera le bon.

La dénommée Anka confirma qu’elle était bien native du désert, tout comme la thérianthrope, mais qu’elle s’adonnait dorénavant à des voyages bien plus éloignés. Rien de surprenant, les rejetons des clans nomades ont généralement ce gène intrinsèque en eux, le voyage, la découverte des autres régions et le besoin de partir à l’aventure. En retour, le désert reste une terre d’attache, on s’en éloigne, mais on y revient toujours. La destinée d’Anka semblait plutôt similaire à celle d’Araja qui fut plutôt amusée de ce point commun peu surprenant.

Tout en marchant, la discussion se poursuivait sur la fameuse divinité Nagate de la médecine. Il s’agissait bien d’une Déesse secondaire, mais qui avait tout de même un étrange pouvoir aux yeux des peuples Nagas. En effet, la “Mère-des-malades” pouvait tout aussi bien soigner le fiévreux que refiler la même maladie qu’elle venait d’éradiquer. Une belle façon théologique d’expliquer la transmission des virus au sein d’une même communauté. Dans tous les cas, il s’agissait de pouvoirs de protection et de guérison, logique que la doctoresse s’intéresse autant à ces ruines.

- Hmm, je vois, en effet, il s’agit là d’une divinité à deux visages en quelque sorte. La guérisseuse protectrice, mais aussi la peste menaçante. Il ne fait aucun doute qu’elle devait être très respectée et tout aussi crainte à la fois à l’époque de son culte.

La religion est une forme d’aliénation aux yeux de la mercenaire qui ne célèbre qu’un culte à ses ancêtres maternels. Les matriarches de son clan scorpioïde sont des figures de respect et des modèles à suivre pour la thérianthrope qui aime à croire qu’elle possède un peu des qualités de chacune. Enfin, Araja ne va pas cracher dans la soupe, comme on dit, grâce à ces divinités d'un autre temps, elle va pouvoir mettre la main sur des richesses antiques. Des trésors, Anka l’imagine également, même si elle vise évidemment des connaissances médicales.

- Il est fort probable que nous trouvions du matériel médical, mais dans quel état ? Le peuple Naga devait certainement faire des offrandes à cette Déesse, mais seront-elles toujours présentes ? Bonne question. Je crains plutôt de trouver des squelettes de prêtres et de prêtresses ensorcelés. Ce serait bien dommage et dangereux de croiser des morts de retour parmi les vivants. D’un autre côté, nous trouverons peut-être des reliques liées à la bénédiction de la vie ou de la guérison. Il faudra faire attention aux moindres détails, les Nagas avaient le goût du mystère et des surprises…