Cela faisait quelque temps, déjà, qu’Aria avait quitté Akkaton. Parfois, elle regrettait. Elle se demandait quelle mauvaise sœur elle était, à abandonner lâchement Aerin de la sorte. Alors oui, elle se disait que c’était sûrement la meilleure chose à faire pour elle et pour sa jumelle, mais… qui était-elle pour savoir ce qu’il y avait de mieux pour Aerin, si ce n’est seulement sa sœur ? Pour autant, malgré les doutes qui l’assaillaient parfois, Aria Zeim'Finlok ne comptait pas rebrousser chemin. D’une part, sa fierté l’en empêchait, d’autre part, comment pouvait-elle oser penser qu’il s’agissait de la meilleure option si elle faisait demi-tour ? Non, non, la thérianthrope ne devait pas retourner sur ses pas.

Plutôt que cela, après avoir déposé Karma aux duchés, Aria était retournée à Akkaton pour quelques affaires, tout en croisant les doigts pour ne pas croiser sa sœur. Et finalement, quelque temps plus tard, la voilà qui part pour Eïrn avec son nouvel achat : un dirigeable flambant neuf. Aménagé entièrement pour être habitable, l’élégant navire du ciel brun et blanc rappelait étrangement le look habituel de la jeune dame. Et ça n’était pas pour rien, après tout, puisqu’elle l’avait choisi expressément pour cette raison, en plus des bonnes caractéristiques qu’il possédait. Elle ne lui avait cependant pas donné d’armes, non seulement parce qu’une bonne partie de ses économies étaient parties dans l’achat de ce dirigeable, mais en plus parce qu’elle l’avait pris avec options. Et puis, il fallait bien meubler le bâtiment volant ! Elle l’avait donc acheté avec le nécessaire à la vie de tous les jours : un bon lit douillet, une gazinière et tout le reste. Mais Aria avait également commis une petite folie personnelle : celle d’acheter des automates pour effectuer les tâches domestiques et pour l’aider à piloter son nouvel engin. Bien sûr, les tâches les plus délicates et sophistiquées lui revenaient de droit, mais ces fabuleux êtres d’engrenages pouvaient largement lui simplifier la vie en effectuant les choses simples. Elle aurait pu prendre des acolytes, mais à quoi cela aurait-il servi de se séparer d’êtres vivants pour en reprendre d’autres ? Absolument à rien.

Aussi, Aria était repartie d’Akkaton avec un nouvel associé mécanique qu’on lui avait confié. Circée, de son nouveau nom, était un automate de combat largement assez puissant pour la défendre elle, mais aussi le dirigeable. Elle ne savait pas trop pourquoi c’était elle qui l’avait en sa possession et pas quelqu’un de l’armée, mais quelque part, cela lui plaisait bien. Avec tous ces automates à ses côtés, la belle akkatonienne se sentait largement en sécurité.

______________________________⌠ … ⌡

Dans l’idée d’offrir ses services et de découvrir la belle contrée Eïrnienne, Aria a choisi une destination totalement aléatoire sur sa carte. Une petite communauté du nom d’Assana, charmante et joliment construite, voilà la destination de la jeune femme. C’est malheureusement assez tard qu’elle atteint sa destination, mais, dans l’idée de découvrir un peu l’endroit, et après avoir déposé son dirigeable dans un coin plat et tranquille, la jeune femme en sort, accompagnée de Circée. Ses autres automates n’ont besoin que d’un seul ordre pour tous se poster en sentinelles et de veiller sur le navire, bien que le plus effrayant et dissuadant est un énorme oiseau de métal. « Je ne reste pas longtemps dehors, de toute façon, je vais juste visiter un peu le coin ce soir, » pense-t-elle, comme pour se rassurer.

Et c’est sur ces belles pensées que la jeune dame s’éloigne, non sans être accompagnée de son puissant chien de métal. Lorsqu’elle arrive dans la ville, elle se met à observer les maisons avec un air intrigué. « Tout est si différent, ici. » Elle erre nonchalamment dans les rues, aussi silencieusement que possible. Pourtant, les bruits de pas de Circée, non conçu pour la discrétion, interpellent involontairement les gens. L’akkatonienne croise quelques regards curieux, auxquels elle répond d’un sourire et d’un signe de tête poli. Oh, c’est qu’elle est largement assez habituée à ces regards. Même à Akkaton, croiser une jeune femme avec des ailes de métal ou un énorme faucon de bronze attirait les curieux.

Après quelques instants, de nouveaux pas, Aria se rend compte d’un détail. Désormais, il n’y a plus qu’elle et Circée. Non loin de l’effrayer, elle en profite pour s’étirer doucement, d’abord les épaules, puis les mains. Elle reprend enfin sa marche et une voix sage et âgée surgit finalement des ténèbres. La voix qui comprend sans mal ses origines semble se surprendre de la présence de la jeune femme ici. Cette dernière, tout en cherchant la source de la voix du regard, ose un sourire.

« L’appel de l’aventure, oui. Et aussi l’envie de grandir et d’apprendre de soi-même, dira-t-on ! »

Son regard finit par croiser celui d’un tout petit dragon, qui s’allonge sur le toit d’une chaumière. Elle penche la tête, surprise. Certes, on ne croise pas souvent des automates tels que le sien, mais les dragons aussi sont assez rares ! « Surtout quand ils font la taille d’un chat, » pense-t-elle avec un nouveau sourire. La remarque du dragon-chat la fait rire légèrement, de ce rire cristallin et délicat qui fait le charme d’Aria.

« Si vous voulez mon avis, l’imprudent serait celui qui oserait penser que Circée est un faible compagnon ! »

Elle tapote gentiment la tête de son gros chien qui lève la tête vers elle, pas encore très habitué à ce genre de geste. Elle se retourne ensuite vers le dragon miniature, avec un sourire en coin et un brin d’amusement dans la voix.

« Mais c’est amusant de voir qu’un si petit dragon peut parler d’imprudence. Sans vouloir vous prendre de haut ni vous sous-estimer, messire, d’autant que votre voix est celle d’un dragon au moins cent fois plus âgé que votre apparence le souligne ! »

Par ailleurs, on peut noter l’air poli de son visage, ainsi que son apparence non menaçante et même plutôt taquine. En fait, il faut dire qu’Aria est un peu fatiguée de sa journée passée à conduire, ce qui l’amène à ne pas forcément se demander si ce genre de plaisanterie pourrait être mal interprétée.

Lorsque le petit dragon-chat souhaite à la jeune femme que ses aventures à Eïrn soient passionnantes, cette dernière ose un nouveau petit rire clair. Oh, elle n’en a aucun doute. Après tout, sortir de sa zone de confort sera déjà une bien belle aventure à elle seule ! Il lui conseille néanmoins d’être vigilante lorsqu’elle sortira de la ville, car les dangers Eïrniens sont liés aux monstres. La thérianthrope hoche poliment la tête, tout en répondant :

« Je ferai attention, ne vous en faites pas. Merci pour ce conseil, il n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. »

Quoiqu’il en soit, après cela, Aria se permet une plaisanterie taquine, sans réfléchir vraiment aux conséquences de ses mots. Pour autant le dragon ne semble pas s’en offusquer, bien au contraire. Il semble même amusé lorsqu’il répond à l’Akkatonienne que sa véritable taille est gênante pour se balader en ville ou être discret. À ces mots, la jeune femme penche la tête, curieuse. Et lorsque le dragon achève en lui disant qu’elle comprendrait le problème si elle faisait dix-huit mètres de haut et pesait plusieurs tonnes, la jeune femme éclate de rire. Et si, au premier abord, il pouvait sembler qu’elle ne le croie pas, la vérité est toute autre, la thérianthrope se rendant simplement compte de ses conclusions hâtives. Elle songe rapidement à la magie transformiste, qui est capable de bien des choses, bien qu’elle ne l’ait pas étudiée.

« Veuillez m’excuser, messire, j’ai passé ma vie à étudier la technologie, et je dois avouer que j’oublie souvent que la magie est capable de véritables merveilles ! Mais il est vrai que cela doit être assez encombrant, comme taille. »

Elle observe la créature sauter allègrement du toit pour venir se placer à quelques pas devant elle. Sans le quitter des yeux, Aria le voit changer de taille pour devenir aussi grand qu'un cheval. Aussitôt, des paillettes et des étoiles s'illuminent dans le regarde de la belle akkatonienne, subjuguée par la vue de l'élégant dragon devant elle. "Ses plumes semblent si douces !," ne peut-elle s'empêcher de songer en observant les jolies couleurs du dragon. Bien que celles-ci doivent être bien plus jolies en plein jour et que seule la lumière de la lune et des quelques lueurs du village nocturne permet à Aria de deviner ses couleurs. Le dragon se présente toutefois, se dévoilant comme étant le protecteur de la communauté d'Assana, au nom de Slenlodwiin. Il lui demande ce qu'il peut faire pour elle et son excentricité, et la jeune femme ne retient pas un sourire amusé.

« Il paraît que c’est mon excentricité qui fait mon charme, mais j’imagine que vous pourriez me donner votre avis lorsque nos chemins se sépareront ? Mon nom est Aria, et je suis enchantée de faire votre connaissance, Slenlodwiin, protecteur de cette communauté. »

Tout cela a été prononcé sans faire disparaître un petit sourire taquin de son visage, alors que la jeune dame semble s’amuser de faire faire valoir son excentricité, bien qu’elle soit restée plutôt tranquille, pour le moment. Quoiqu’il en soit, lorsque le dragon-cheval lui propose de s’approcher pour caresser son plumage, la jeune femme n’hésite pas à faire un pas un avant, puis un second. Bien entendu, elle a compris le ton du dragon comme étant un gentil défi et semble bien tentée par le valider. Une fois très proche du dragon, elle tend la main tout en riant :

« C’est votre dernière chance de vous détracter si jamais vous croyiez que je ne le ferais pas ! »

Et alors, si le dragon ne décide pas de s’éloigner, par changement d’avis, la main d’Aria se posera sans vraiment de mal sur le plumage de la créature. Un sourire d’apaisement apparaîtra sur son visage sous le contact des douces plumes du dragon, et sans doute s’amusera-t-elle a passer plusieurs fois sa main dessus, jusqu’à ce que Slenlodwiin ne décide d’arrêter la séance.

« Vous êtes si doux ! », dira-t-elle, pour finir.

Lorsqu’elle s’excuse de mal connaître la magie, le dragon compréhensif lui avoue être dans le même cas de la technologie, l’air indulgent et compréhensif. La jeune thérianthrope prend également note qu’il ne parle d’ailleurs pas agressivement de celle-ci et lui fait se demander jusqu’à quel point il serait prêt à tolérer la technologie. Après tout, elle est bien assez au courant du fait qu’un grand nombre de mages ne supportent pas la technologie, et que l’inverse est également faisable. Il est sans doute utile de préciser que, même si elle était au courant de pouvoir tomber sur ce genre de personne en sortant d’Akkaton, elle ne sait pas encore comment réagir à leur approche.

Quoiqu’il en soit, elle remarque également la fierté mal dissimulée du dragon devant son émerveillement concernant le fait de changer de taille. Après tout, cela fait partie des choses qu’elle voit rarement, déjà car les mages transformistes ne sont pas courants généralement, mais qu’ils le sont encore moins dans la nation technologiste d’Akkaton. Et si elle a pu voir quelques fois des dragons de l’armée, probablement les akkatoniens les plus susceptibles d’user de transformisme, elle n’a que rarement pu leur parler et jamais osé leur demander d’utiliser la magie transformiste.

Lorsqu’il la salue en répondant avec amusement aux propos de la jeune dame, cette dernière sourit. Elle prend note de l’argument, surtout du dernier, tout en riant doucement.

« En effet, il est difficile de comparer deux choses quand on ne les voit pas. Mais j’accepte excentricité comme étant un compliment, rassurez-vous, messire le dragon poli ! »

À l’humour du dragon lorsqu’elle lui fait une douce menace, la jeune thérianthrope se met une nouvelle fois à rire. Elle ne doute pas du fait que, s’il voulait la croquer, il le ferait et n’aurait pas de mal à le faire, mais le dragon a l’air si plumeux et si doux qu’il est difficile pour la thérianthrope d’imaginer qu’il puisse vraiment vouloir le faire. De plus, leur échange jusqu’à présent était plein de malice et de conseils, et il serait totalement absurde qu’il se décide finalement à la manger, n’est-ce pas ? Du moins, c’est l’avis de la jeune femme, qui n’hésite pas plus longtemps à caresser le dragon, tout en le complimentant. Celui-ci la remercie à demi-mots, alors qu’ils se séparent, ni l’un, ni l’autre, ne désirant visiblement gêner le second. Car si cela n’aurait pas dérangé Aria d’utiliser le gros dragon comme une peluche, s’il n’avait pas été vivant, il faut toutefois préciser qu’en tant qu’être vivant, elle ne veuille pas se permettre de trop titiller sa possible pudeur.

Quoiqu’il en soit, le dragon finit par complimenter le courage de la jeune femme, qui ne retient pas un sourire amusé. Il la compare à d’autres bipèdes qui ont ou auraient plus hésité qu’elle et lui demande si elle aurait également hésité s’il avait fait dix-huit mètres de haut. La jeune femme porte un doigt à son visage et lève les yeux au ciel, réfléchissant. Et puis, sans l’ombre d’une hésitation, elle finit par répondre :

« Étant donné que la situation ne me permet pas d’être totalement objective, c’est difficile de répondre. Mais j’imagine que j’aurai hésité au début de la discussion, sans doute en voyant vos dents et en sachant que me faire gober était une option. Mais si on avait échangé quelques mots, avant que vous ne me proposiez, comme il s’est passé, honnêtement je ne pense pas que j’aurais eu encore des hésitations. Vous dégagez plus une onde d'un papa dragon que d'une vilaine créature mangeuse d’humain ! Et je suppose que si vous aviez voulu me manger, vous ne vous seriez pas embêté à me conseiller de faire attention à la faune d’Eïrn. »

Sans doute la conclusion est-elle un peu hâtive, mais probablement n'est-elle pas totalement absurde non plus. Quoiqu'il en soit, elle tapote la tête de son automate tout en riant.

« Sans vouloir vous offenser messire dragon, l’approche que vous avez eue à mon égard ce soir me semblait plus gentille que menaçante, et cela n’a pas dû jouer en la faveur du “terrible dragon”. »

Sans doute que l’honnêteté de la jeune femme pourrait être mal interprétée selon les gens, mais elle semble se faire une image du vieux dragon où celui-ci ne s’en offusque pas. A-t-elle raison ? Seul le temps lui répondra.