Cécilia ne nota pas ou ne jugea pas nécessaire de réagir aux paroles précédentes un peu curieuses de son hôte, qui néanmoins l’étonnèrent un peu par leur caractère hésitant. Pour sa part elle n’avait il faut dire, rien trouvée d’étrange à leur échange, peut-être juste quelques explications manquant de précisions à son goût et des exemples maladroits qu’elle avait rectifiée. Cela arrivait, même si elle avait préférée expliquer, car l’infortune est souvent dans les détails, ou le fait que beaucoup de monde détestait aussi Ilfrido en ces contrées.

Quoiqu’il en soit, l’essence s’était donc rendue à Teïder par le passé ? En soit, ce n’est pas la première fois qu’elle croisait quelqu’un qui s’y était risqué, mais disons qu’en général ils n’avaient pas appréciés l’expérience ou maintenue celle-ci sur le long terme. Sauf des personne aux tendances très inquiétantes, ce qui heureusement ne semblait pas actuellement le cas de ce monsieur, auquel elle répondit pensive...

« Écumer la frontière ? Ce n’est pas la vocation de mercenaires la moins risquée, mais c’est bien payé de ce que je sais. Je suppose que vous n’êtes pas mécontent en effet d’être passé à autre chose. En tout cas, ce n’est pas le genre d’aventure que l’on fait sans un certaine courage. » Elle était partit bien entendu du principe inconsciemment, que quand il parlait d’écumer les marais, il n’avait pas parlé d’avoir visité tout le royaume fanatique ou s’y être enfoncé fort loin, juste de rester dans les environs proches de la frontière. Sinon, il ne serait pas en vie pour lui en parler, surtout s’il avait persisté plus de quelques mois à faire cela. Quoiqu'il en soit il avait fallut sans doute un certain cran à l'époque pour se frotter aux Teïderiens de façon assez fréquente.

« Un voyage dans l’outremonde ? Je suppose qu’il est possible de visiter l’avant poste AkkatanoIkhyldien, ainsi qu’une ou deux cités proches, j’avais malheureusement entendu dire qu’en dehors de cela, ça n’avait pas changé, y voyager reste presque suicidaire. Néanmoins, ces quelques miettes restent intéressantes, notamment le village Ziichis et la cité Chtonienne. » Dit-elle pensive, l’idée lui semblait intéressante. Pour le reste en effet en dehors de ces deux trois destinations, l’outremonde restait trop dangereux pour vraiment y voyager ou visiter, mais c’était normal étant donné que jusqu’à récemment on ne savait même presque rien dessus. En soit pouvoir y aller pour visiter deux cités proches de la surface était donc déjà exceptionnel et elle le ferait bien un jour.

« Cela veut donc dire… Que vous avez vu Eïlynster ? Ce n’est pas courant. » Nota t-elle sinon quand il avait parlé d’Eïrn, avant d’ajouter avec réflexion. « Eïrn est étrange en effet, après l’on me parle rarement d’un manque d’harmonie là-bas. Mais, peut-être avez vous ressentis ainsi l’influence de la source sur ce territoire... » Du peu qu’elle en savait, comme pas mal de monde après tout, la source des âmes y avait une influence diffuse générale. Notamment quand quelqu’un avait la mauvaise idée d’envahir ce territoire. Donc ça se sentait peut-être très subtilement ?

Pour le reste, il voulait qu’elle estime le prix du contrat ? Elle pouvait le faire pensa t-elle, ce n’était pas sa première commande d’un genre proche après tout.

« Je peux estimer le prix de la commande en effet, laissez moi quelques instants. » Elle prendrait alors une plume et noterait un prix très élevé, mais honnête pour la nature de cette commande. Ce n’était pas non plus ruineux, un marchand très aisé peut s’offrir cela en économisant pas mal et un temps, mais ce n’était pas du tout bon marché. « J’ai estimé le prix total, enchantement compris si cela peut vous rassurer... » Glisserait-elle alors avec un léger amusement en tendant le tout, après tout l’enchantement gonflait lui aussi pas mal ce dit prix.

Lorsque Cécilia suggéra qu’il avait été courageux pour pouvoir rester aussi longtemps en territoire teïderrien et pour vivre ce genre d’aventure, Beldurande évita de réagir. Il ne savait pas si le courage était le mot adéquat pour qualifier la haine irascible qui l’habitait à cette époque révolue et le terme d’aventure paraissait un peu trop noble pour quelqu’un qui faisait partie d’un groupe d’exterminateurs. Il ne se sentait pas non plus confortable avec Dame Cassetti pour lui parler de sujets plus personnels donc il préféra passer la remarque sous silence. Cependant à la mention de la Cité Chtonienne il fit volte-face vers la mage qui entrait dans le bureau en disant:

”Les Chtoniens oui, j’ai entendu dire qu’ils avaient fait des percées fulgurantes dans certains domaines magiques, je serai curieux de voir ça par moi-même et d’en apprendre plus également! Ce genre de peuple isolé des nôtres ont des approches fascinantes de la magie, on a toujours tellement à apprendre de leur vision des choses...”

Alors qu’il enchaîna sur un petit commentaire à propos d’Eïrn, la vampire nota à voix haute semie-surprise qu’il sous-entendait avoir visité Eïlynster. Il préféra apporter une petite clarification à ce sujet:

”Exact, j’ai été pas mal de fois à Eïlynster mais rarement en tant que visiteur, je connaissais un officier qui y habitait. À la base il faisait partie des escouades qui assuraient les opérations extérieures et il nous avait employé une paire de fois pour effectuer du sale boulot afin de combler la différence d’effectif entre ses troupes et celles de Teïder. Il nous aimait bien et il payait correctement alors on a travaillé un peu plus ensemble et au final c’est devenu un ami.” Il marqua une courte pause avant de reprendre de façon calme. ”J’avais un passe-droit à l’époque pour le travail et pour les visites à l’officier et sa famille. Je me demande s’il est toujours valable aujourd’hui, c’est à dire que je ne me suis jamais posé la question je n’ai pas remis le pieds derrière le mur depuis.” Intérieurement il se dit que maintenant que Sargas était de retour parmi les siens, il pourrait bien aller lui payer une petite visite, voir comment il s’en sortait.

Tandis que Cécilia rebondissait sur sa remarque à propose d’Eïrn, il frémit, l’essence de terre n’appréciait effectivement le ressenti qu’il avait sur ces terres sauvages et si c’était effectivement dû à la source, il préférait ne pas savoir pourquoi ni comment un endroit pouvait affecter la terre d’aussi loin et que ce soit finement perceptible dans les sols de la contrée. Peut-être que sa sensation n’était qu’un simple hasard résultant d’une cause toute autre mais il ne s’était jamais attardé dans la République suffisamment longtemps pour en avoir le coeur net.

À sa demande il observa son invité saisir le set d’écriture, l’assembler soigneusement et avec une écriture aussi délicate et raffinée que son apparence, écrire une rapide estimation du prix de sa commande. Il se pencha légèrement par dessus le papier qu’elle lui tendit et en apercevant la note il réprima un soufflement du nez. C’était cher. Bon forcément sa commission n’était pas banale et sur-mesure, et il ne l’avait pas commandité à n’importe qui non plus mais il ne s’attendait pas à ça, surtout qu’il devrait compter le prix de l’enchantement derrière qui s’annoncerait être une grosse partie d… Ah non? C’est inclut dedans? Ah tant mieux alors, le Professeur se sentait soulagé, finalement le prix lui paraissait d’un seul coup bien plus honnête!

Beldurande regardait à travers les colonnes de la passerelle la cour de l’école qui s’illuminait au rythme des torches allumées par Oïnsha, il se faisait tard. Maintenant que la commande était officiellement contractée, il sentait que leur rencontre toucherait à sa fin, il n’était pas contre discuter un peu plus surtout pour pouvoir confirmer, la conscience tranquille, que son interlocutrice ne le prenait pas pour une nouille. Il proposa donc:

”Je suppose que ceci conclut notre affaire…” Dit-il en agitant le papier signé. ”Avez-vous des responsabilités quelconques auxquelles vous devez obliger ou m’indulgeriez vous de votre compagnie pour le diner?”

Cécilia hocha la tête doucement, pensive au sujet des Chtoniens, elle n’en avait jamais croisée un, mais elle supposait qu’en effet ils pouvaient enseigner bien des choses, même si elle doutait qu’un étranger obtienne de sitôt quoique ce soit d’eux au vu de leur réputation de peuple xénophobe. Qui sait sur le long terme si les Ikhyldiens et Akkatoniens maintenaient un semblant de cordialité avec eux ? Difficile à dire, seul le temps le dirait… Ou bien les aléas de la géopolitique, après tout si jamais les êtres des profondeurs jugeaient la présence de ceux de la surface indésirables, l’accès à l’outremonde serait à nouveau presque totalement fermé...

Pour le reste, elle fut surprit que des Eïlynsteriens aient acceptés que des auxiliaires entre chez eux pour leur donner du travail, quoique sans doute l’autorisait-ils en partie s’ils faisaient leurs preuves et les servaient encore en tant que guerriers ? Sans doute, ça ne l’étonnerait pas en tout cas d’un peuple certes fort isolationniste, mais si à cheval sur la chose militaire. « Je m’y était déjà rendue aussi, mais ce n’était pas vraiment pour travailler ou visiter. » Dira t-elle alors pensive, avant de se dire que de toute façon les choses avaient beaucoup changées certainement depuis la dernière fois qu’elle y était allée.

Pour le reste, elle se disait que cette peinture était une bonne affaire, un travail honnête et qui serait intéressant et bien payé. Bon certes, on pourrait dire la routine pour elle, mais ce n’était pas vraiment une morne routine, chaque peinture qu’elle produisait était unique après tout.

D’ailleurs, son interlocuteur l’invita à dîner ? C’était une proposition curieuse, même si elle devait avouer que c’était amusant à entendre pour une vampire, en tout cas elle ne manquera pas de glisser.

« Je n’ai rien contre, même si vous risquez d’avoir l’impression de manger seul. » Après tout elle était une vampire et elle ne comptait pas ingérer de la nourriture ordinaire, au risque sinon de finir malade, ce qui serait embarrassant pour elle. Elle pourrait certes boire du sang après, mais avait tendance à éviter cela quand elle avait déjà assez bu, mais aussi quand le sang risquait d’être probablement celui de la personne avec qui elle dînait, au risque de couper des appétits. « L’avantage c’est que vous n’aurez pas à vous soucier de mes goûts culinaires. » Conclura t-elle néanmoins avec une pointe d’humour, en tout cas elle avait visiblement acceptée, sauf s'il comptait revenir dessus.