La vie d'un Duc était bien remplie, c'était le moins que l'on pouvait dire ! Il y avait de nombreuses obligations à remplir, de devoirs à tenir et, sur le reste du temps, de choses diverses et variées à faire. Heureusement, Aukheperu avait eut largement le temps, depuis sa lointaine ascension au pouvoir, de bâtir une administration efficace et dotée d'un degré raisonnable de loyauté. Bien entendu, il fallait toujours qu'il s'implique, en partie simplement par conscience professionnelle, si l'on pouvait dire, et en partie parce que toute loyauté duchéenne, ou presque, était toujours conditionnelle : il fallait toujours superviser ses subordonnés autant pour éviter les détournements d'argent vers la poche des intéressés que pour se garder contre une éventuelle tentative de prise de pouvoir par une quelconque conjuration... après tout, c'était le revers qu'il fallait prévoir quand on était soit-même arrivé au pouvoir en renversant quelqu'un d'autre !

Quoiqu'il en soit, même s'il fallait toujours la surveiller, cette administration qu'il avait développé lui permettait certains moments de liberté, par exemple pour rencontrer certains vieux amis... ce qui était le cas aujourd'hui. En effet, il avait convenu d'un rendez-vous avec une de ses plus vieilles connaissances, un Dragon qui l'avait beaucoup aidé à ses débuts dans les Duchés, bien qu'il n'en soit lui-même pas originaire, lui apprenant comment trouver sa place dans cette société complexe mais aussi comment cacher sa nature vampirique, à l'époque où cela lui était encore nécessaire. Aujourd'hui bien sûr il n'en avait plus le besoin, ce qui d'ailleurs aidait aussi à se dégager du temps libre par rapport à la plupart de ses confrères : quand on pouvait travailler à toute heure du jour ou de la nuit, sans se soucier de devoir dormir, il était forcément plus facile de venir à bout de ses tâches.

Ainsi il se trouvait au lieu de rendez-vous au moment prévu, et vit le grand Dragon descendre vers lui depuis le ciel. Il devait bien avouer qu'il s'agissait là de créatures magnifiques autant que puissantes, et il était toujours content d'être l'ami plutôt que l'adversaire de celui-ci ! Et de fait, ce ne fut pas de feu ou de magie que son ami fit assaut en arrivant, mais d'esprit, s'attirant un mince sourire de la part du Naga.

« Toujours cette vieille histoire, hein ? Vu que c'est toi ici qui peut te reproduire et produire une descendance pour perpétuer ta lignée quand les ans te rattraperont, c'est moi qui devrait poser cette question, non ? »

Aukheperu eut un léger rire, tranchant comme souvent par son humeur et sa manière d'être de la plupart des Nagas, lui qui avait été « élevé », si l'on pouvait dire, ou en tous cas qui avait formé sa personnalité et son caractère en-dehors de la culture nagate. Il avait absorbé les éléments des mercenaires duchéens au fil du temps, d'où une tournure de caractère bien plus ouvert et légère.

« Sinon, je vais bien, et toi ? Quelles sont les nouvelles de ta patrie et du vaste ciel orzanien ? Enfin, à supposé que ce ne soit pas lui ta patrie, bien sûr ! »

La discussion était tout de suite partie sur un ton amical entre les deux vieux amis, mais cela n'avait en soit rien de très surprenant. Après tout, ils étaient, justement, amis depuis longtemps maintenant, et cette amitié avait été particulièrement formatrice pour Aukheperu, notamment. Il était donc normal qu'ils retrouvent facilement un certain degré de familiarité. C'est ainsi que le dragon se retrouva à parler au vampire serpentin des enfants qu'il pouvait potentiellement avoir eut au fil des longues années de son existence avec des partenaires draconiques aux caractères bien trempées, visiblement, mais aussi de l'état de son pays natal – si toutefois on pouvait appeler cela un pays, ce qui était peut être encore plus épineux comme questionnement que dans le cas des Duchés - du ciel du continent et... de jardinage, ce qui fit rire légèrement le Naga.

« Le jardinage, hein ? Désolé mais je suis de ceux qui n'aiment s'adonner qu'à des hobbys un tant soit peu utile... hors je pense que je dois être un des tous derniers êtres au monde qui pourrait trouver utilité quelconque à jardiner ! Après tout, je vois peu d'êtres possibles qui soient moins susceptibles que moi d'avoir un intérêt à manger de la salade ou d'autres légumineuses diverses ! »

Après tout, il était tout d'abord un Vampire, ce qui impliquait qu'il ne pouvait se nourrir que du sang des êtres conscients, ce qui forcément restreignait quelque peu l'intérêt de faire pousser des navets... mais plus encore, à la racine, il était Naga avant d'être devenu un Vampire, ce qui faisait de lui un être purement carnivore. Donc non seulement de toute façon son corps vampirique ne pouvait pas assimiler grand chose du navet, mais même à l'origine il n'aurait pu en tirer que peu de bienfait, et ses papilles n'étaient pas vraiment faites pour en tirer de grands délices. Du coup, difficile en effet de postuler un jardinage utile quelque part dans tout ça...

« Mais enfin oui, ne t'en fais pas, je trouve toujours bien certaines distractions... peut être pas autant que toi, mais que veux-tu, un dirigeant duchéen a plus de charges à remplir s'il veut garder ses fonctions et éviter de finir avec une dague entre les côtes qu'un dragon politicien à mi-temps quelque part dans la verdoyante quoique monstrueuse Eïrn ! »

Le Naga aux dents longues – enfin, plus longues encore que celles de ses frères de race, disons – eut un petit rire devant cette taquinerie mineure. Il était vrai que, pour autant qu'il puisse en juger, le vieux Dragon avait beaucoup de distraction par rapport aux devoirs qui étaient les siens chez lui, mais les deux fonctions ne pouvaient pas vraiment être mises en parallèle.

« D'ailleurs pour te répondre, oui, bien sûr, j'ai certains contacts avec certains peuples et états d'Eïrn... après tout, la mer est toute proche, et je suis plus rapproché d'eux que la plupart des autres Ducs. Il y a certaines matières intéressantes à acheter ou à vendre, même avec Akkaton entre nous ! Le commerce n'est-il pas une activité plus passionnante que bien des hobbys, d'ailleurs ? Certainement plus profitable, en tous cas ! »

Son draconique ami l'entretint de considérations philosophiques sur le jardinage, mais Aukheperu ne s'y montra guère sensible. Il préférait les occupations que l'on pouvait lié à des choses concrètes et utiles, et après si l'on voulait trouver une question de philosophie derrière tout cela, on pouvait toujours, avec un minimum d'effort de créativité. De toute façon, le Dragon ne l'entretint guère longtemps sur les mérites comparés de la philosophie et du jardinage, et ils passèrent bientôt sur des thèmes plus concerts, du moins au goût du Vampire à écailles. Il revint ainsi sur leurs responsabilités comparés, en évoquant celles d'autres, plus puissants qu'eux, ce qui fit pousser un léger sifflement amusé au Naga.

« Ma foi, je suppose que la lourdeur de la charge est à la mesure du pouvoir procuré... ou du symbole endossé. Ceci dit rien ne sert pour moi de soupirer après les gloires d'Ikhyld ou de Teïder puisque je ne suis pas mage, dans le premier cas, et que dans le second je suis une sorte d'abomination mort-vivante à écaille aux yeux des sujets du concerné... et sans doute du concerné lui-même. »

Il était vrai qu'il n'avait pas les qualifications requises, et de toute façon son pouvoir duchéen lui suffisait. Les Duchés étaient une terre selon son cœur, même si on aurait pu dire également que son cœur avait été formé par les Duchés, puisqu'il y avait passé presque toute sa vie, du moins presque toute la vie dont il pouvait se rappeler. Sûrement l'Aukheperu de jadis aurait il eut un autre avis, mais ce Naga-là était mort bien longtemps au part avant, d'une flèche percé, dans les sables du désert, et plus personne sans doute ne saurait jamais ce qu'il aurait eut à dire ou à penser. Le Naga du présent, lui, en tous cas, sourit d'entendre parler de commerce, un sourire plein de crocs qui aurait pu en inquiéter plus d'un, mais n'était sans doute pas grand chose pour un Dragon.

« Je suis toujours ouvert à parler affaire... et si nous ne débattons pas des prix cela m'évitera le dilemme moral qui pourrait se poser si je craignais d'arnaquer un ami, ahah ! Enfin, plus sérieusement je suis toujours à la recherche d'autres partenaires commerciaux, bien sûr. Qu'est ce que tes administrés ont à échanger, dis moi ? »

Le Vampire blaguait bien évidemment quand il parlait du risque de gruger son ami, car un commerce fructueux sur le long terme requérait une certaine dose d'honnêteté, mais d'un autre côté il était facile d'imaginer les gens se laisser embobiner par son esprit perçant et son charisme non négligeable.

« Quant à y voyager, ma foi nous avons assez d'ennuis par ici ahah ! Mais pourquoi pas, un jour ! Et pour ce qui est des routes, barf... personne ne m'empêche de les arpenter quand l'envie m'en prend, et mon palais est plus confortable qu'une halte quand cette envie n'est pas là ! »

Aukheperu n'était pas mécontent d'avoir vu le commerce se glisser dans la conversation, car si en soit il était toujours plaisant de revoir un ami et de pouvoir dialoguer avec lui, cela ne voulait pas dire que des sujets plus lucratifs n'étaient pas les bienvenus, que du contraire. Surtout que, au-delà de son enrichissement personnel, qu'il ne reniait bien entendu pas – il était après tout largement un produit des Duchés, ce qui écartait plus ou moins cette possibilité-là – il avait également à cœur la prospérité de son Duché et la bonne santé de ses sujets qui s'y corrélait largement, surtout dans un pays tel que celui où il vivait. Le clairvoyant Slenlodwiin fit d'ailleurs une remarque au sujet de ce fardeau avant de passer aux discussions proprement dites, ce qui fit sourire le Naga.

« Il est vrai que c'est une lourde charge, et largement pourvoyeuse d'ennemis en tous genre, par ailleurs. Néanmoins, je l'ai cherchée en connaissance de cause, et je ne voudrais point la déposer aux pieds d'un autre ! C'est vrai que les responsabilités sont nombreuses, mais les avantages le sont également, et puis, cela ne me déplaît pas d'avoir la chance de contribuer positivement à la vie de mes sujets. »

Il fallait être réaliste, personne, à sa connaissance, ne visait à devenir Duc par pur altruisme, mais d'un autre côté un véritable tyran avait peu de chance de se maintenir sur la longue durée, vu tous les recours que pouvaient avoir ses sujets pour chercher de l'aide dans un paysage comme celui des Duchés, où bourgeois rivaux et mercenaires avides ne manquaient jamais. Quoiqu'il en soit, le Dragon en vint ensuite plus directement aux discussions commerciales, et Aukheperu l'écoute avec attention présenter les atouts de sa contrée, hochant de temps en temps la tête, avant de sourire à nouveau à la fin de son argumentaire.

« Tu sais, celui qui ne court qu'après les énormes contrats et les partenaires majeurs ne fructifie guère... et ne reste sans doute pas Duc bien longtemps. Une bonne toile commerciale se compose à mes yeux avant tout d'une variété de partenaires ! Et les produits que tu me cites sont toujours intéressants à amener dans les Duchés, marbre noir compris ! Après tous, nous aimons les beaux palais, et le marbre n'est il pas l'un des meilleurs reflets pour satisfaire notre soif de gloire et d'ambition ? »

Le Vampire eut un léger rire, manifestant encore toute cette différence de caractère entre lui et la norme de son espèce de naissance. Sifflant sans doute était le rire d'un Naga, mais ce n'était ni la première ni la dernière fois que Slenlodwiin l'entendait.

« Ce serait donc avec plaisir que je leur servirais de relais, que ce soit pour les besoins directs de mon Duché ou pour exporter ensuite certains bien vers l'intérieur des terres... de mon côté hé bien, j'ai à vendre tout ce qu'ils pourraient vouloir se procurer de Duchéen ! Plus spécifiquement, les vins et les étoffes de Liomaida sont réputés, et peut être tes riches concitoyens trouveront-ils de l'attrait aux perles que nos plongeurs ramènent du fond des eaux, entre autres choses ? »  

La discussion commerciale se passait fort bien, pour l'heure, ce qui bien entendu ne pouvait que ravir le Naga Vampire, lequel semblait du reste en effet de bonne humeur. Il eut d'ailleurs un léger éclat de rire quand Slenlodwiin évoqua le peu d'usage qu'il aurait de la plupart des produits mentionnés, imaginant un Dragon vêtu d'une vaste robe de tissu duchéen... ça aurait un certain style, mais c'est vrai que cela aurait été pour le moins étrange.

« Ahah, ma foi il est vrai que les Dragons n'ont pas l'usage de beaucoup de marchandises qui nous concernent, nous autres simples rampants à la taille bien plus modeste ! Ceci dit, je suis sûr que le vaste océan doit bien receler quelque part des huîtres géantes qui pourraient produire de quoi te faire un collier de perles, même si je reconnais qu'elles ne nichent pas dans mes eaux territoriales, ahahah ! »

Alors que le Duc souriait encore, son ami sorti un instant de la discussion pour lui faire une réflexion sur lui-même. Ils étaient amis depuis assez longtemps pour que le serpent au sang plus fort encore que ses congénères ne s'en offusque pas, ni d'ailleurs ne s'en trouble, car il se l'était posée plus d'une fois par le passé.

« Qui sait... chasseur de monstre, ou monstre moi même vu que cela semble être une majorité de la population chez vous, ahah ! Ou que serais-je devenu si j'étais resté en Akkaton, ou si j'avais été ailleurs... je ne sais pas, je dois dire. Je ne suis pas sûr que j'aurais été le même « moi ». Mais j'aime plutôt le moi que je suis devenu, alors cela me va. »

Aukheperu haussa légèrement les épaules, comme pour se débarrasser de ce sujet qui aurait pourtant pu occuper bien des philosophes, savoir si en renaissant un Vampire se basait sur des traits de son ancien "moi", ou si l'on pouvait le guider entièrement sur de nouvelles voies en fonction de ce qu'il connaissait au réveil. Mais il n'en était pas devenu un, de philosophe, et au lieu de cela il se reconcentra sur les accords et l'ajout que lui proposait son ami, puisque c'était bien après tout le coeur de leur discussion présente.

« Hmmm cela me semble tout à fait raisonnable, oui. Nous pouvons signer des conventions pour faciliter ce genre d'échanges. Il est vrai de toute façon qu'on ne perd jamais à faire circuler le savoir... surtout chez les gens qui ne risquent pas de l'utiliser pour vous envahir, ahah ! »  

Aukheperu écouta bien sur les réponses de son interlocuteur, ayant un léger rire quand il rebondit sur son propre trait d'humour, avant d'arborer un sourire plus doux, et de hocher doucement la tête, en réponse au compliment de son ami sur la façon dont il avait accomplis sa vie. Certes, cela pouvait être un simple constat factuel sur le rang qu'il avait réussi à atteindre dans la société, et qui était de facto le rang le plus haut de la société duchéenne, le tout en partant de rien, mais le compliment ne lui en fit pas moins plaisir. Au point d'ailleurs que chez un autre il aurait probablement suspecté de la flatterie commerciale, ou aurait même simplement avancé ce point en plaisantant plus ou moins, mais avec Slenlodwiin, cela semblait si improbable qu'il ne le releva même pas et se contenta d'accepter le compliment.

Du reste, cela aurait été bien étrange de faire un compliment commercial à ce moment-là, puisque son ami ailé termina la discussion, laissant les détails plus techniques et financiers à d'autres membres, plus qualifiés, de son conseil. Ce serait donc sur eux que le Naga vampirique pourrait faire peser tout son acéré esprit de négociation, ce qui n'était pas plus mal, car comme il l'avait dit il n'appréciait pas spécialement l'idée de rouler un ami !

« Hé bien cela me fera en effet une bonne base de discussion avec tes collègues... j'espère que la lecture finale qu'on t'en fera saura te plaire et que les relations ainsi nouées profiteront à nos deux nations... après tout c'est le meilleur moyen pour espérer cimenter une relation commerciale durable : qu'elle soit profitable aux deux parties ! »

Difficile en effet de garder quelqu'un comme partenaire commercial sur la durée si celui-ci avait l'impression de s'être fait avoir dès votre première transaction, ce qui était la barrière naturel à l'esprit commercial parfois retord d'Aukheperu ! Dans tous les cas, alors qu'il finissait de parler son ami rétrécit jusqu'à prendre une taille plus modeste mais encore bien assez imposante et à l'air bien assez dangereuse pour faire réfléchir à deux fois un combattant mal préparé, à son avis ! Il lui proposa une promenade, mais également autre chose de plus concret, qui ne manqua pas de déclencher la réflexion du Duc frontalier.

« Marchons un peu en effet, le cadre est idéal... et cela me laissera quelques instants pour digérer ta proposition, ahah ! »

Il eut un léger rire et se mit en route avec son ami, bien que « marché » ne convienne pas très bien dans son cas... peut être les Nagas avaient-ils une autre expression plus physiologiquement adaptée, il l'ignorait, mais dans tous les il continuait d'utiliser celle-là, avec laquelle son esprit s'était formé. Il resta quelques temps silencieux, observant la campagne autour d'eux, puis fini par répondre d'une voix ferme, ne semblant pas indiquer le moindre reste d'hésitation possible.

« Hé bien... je ne sais pas si c'est une bonne idée de multiplier les postes de conseillers, mais je te fais confiance si tu t'y engages. Ta sagesse serait certainement profitable dans certaines situations... par contre je te préviens de ce côté-là, je ne suis pas les meilleur des Ducs ! Attend toi à ce que j'ignore tes avis quand ça m'arrangera, ahaha ! Si ça ne te fais pas peur je pense qu'on pourrait officialiser ça, oui ! »

D'un œil extérieur, on aurait pu penser que le Naga vampirique avait accepté bien rapidement la proposition de son ami draconique, mais justement il connaissait bien le Dragon depuis longtemps, et il connaissait autant sa sagesse que sa relative honnêteté. Il ne faisait confiance pleinement et totalement à personne – il était bien trop un produit des Duchés et de tout ce qu'ils révélaient de plus sombre, de plus inconstant, dans la nature des êtres conscients qui peuplaient se monde, pour garder la moindre « illusion » à ce sujet – mais il pensait en tous cas pouvoir accorder une confiance relative à son vieil ami pour remplir honorablement une tâche de conseiller et respecter la parole donné... même si cela ne l'empêcherait sans doute pas de le surveiller malgré tout d'une façon ou d'une autre, sur la durée.

Quoiqu'il en soit, alors qu'ils continuaient d'avancer, le Dragon momentanément rétrécit se fendit de ses premiers conseils, qui portaient justement sur le thème de la méfiance. Il fallait dire que c'était en effet un thème plutôt important et récurrent dans les Duchés, et Aukheperu accueillit d'ailleurs lesdits conseils avec un léger sourire.

« Tu me dis donc que je devrais avant tout me méfier de toi, toi mon nouveau conseiller qui ne me doit rien dans la vie, et n'a même pas de richesses à faire valoir... en plus de sous-entendre être prêt à comploter passivement ? Ahahah ! Ne t'en fais pas je plaisantais bien entendu, quoique dans le fond je me méfie toujours de tout le monde. »

Il arrivait après tout au Naga vampirique de se fendre d'une pointe de taquinerie, ce qui sans doute participait également à le distinguer de la plupart de ses frères de race vivant dans le désert qui se trouvait à l'ouest de sa propre frontière... mais encore une fois, c'était à mettre sur le compte de sa nature toute particulière.

« Enfin quoiqu'il en soit je ne pense pas que tu trouverais beaucoup de hauts bourgeois ou de grands chefs mercenaires qui n'appliquent pas déjà cette maxime... ou alors c'est qu'ils sont de futurs trahis évidents en devenir, ahah ! Mais il faut se méfier, dans ces terres, car la reconnaissance y est souvent moins forte que l'appât d'un gain plus grand, en apparence, et plus d'un riche d'aujourd'hui est un obligé d'hier qui a trouvé plus à gagner à trahir la main qui l'avait élevé... enfin, sans doute sommes nous un peuple particulièrement cynique ! »

Et de se fendre à nouveau d'un léger rire, visiblement plus amusé que désolé par cette terre et ces réalités qui l'avaient après tout largement façonné, quoiqu'il soit lui-même capable de loyauté. Quoiqu'il en soit, les deux compagnons marchèrent encore un moment, discutant de choses et d'autres, alors que la journée passait au-dessus d'eux, le Naga vampirique ayant gagné dans tout ceci à la fois un contrat commercial en devenir et un sage conseiller... dont il restait à voir jusqu'où il écouterait la sagesse de ses conseils !