Les derniers temps avaient été riches en événements pour le moins marquant, avec la résurgences de nombreuses menaces anciennes de toutes part. Le moins que le puisse dire, c'était donc que l'actualité politique était assez chargée, mais pourtant ce n'était pas vraiment le genre d'actualité où un diplomate pouvait s'illustrer. On en était pas encore, à ce stade, au niveau des grandes alliances diverses, surtout que les camps étaient à priori plutôt clairs : la plupart des nations s'opposant aux ambitions teïderiennes et aux sombres projets néoromantiques, quels qu'ils puissent être. Le temps des négociations viendrait certainement dans le futur, mais pour l'heure Hansing n'avait pas vraiment de raison de voyager, n'étant pas vraiment le genre d'agent que l'on pourrait tout d'abord avoir l'idée d'envoyer dans une nation en guerre.

Mais justement, parallèlement à tout cela, une autre chose encore était arrivée : une cité elfique antique était apparue dans le nord de l'Empire, semblant magiquement ressortie du passée. Plus étrange encore peut être, dans cette période particulière, elle n'était pas ressurgie peuplée d'une légion de morts-vivants de l'Empire d'Or, mais bien, apparemment, relativement sûre. Forcément, les autorités impériales avaient rapidement décidé d'y mener des expéditions scientifiques multiples pour en percer les secrets, à la fois par amour de la connaissance et, potentiellement, pour y trouver certaines informations liées à cet empire du passé dont certains habitants revenaient les hantés. C'était là une occasion plus pacifique, où les talents du mage Azurien seraient sans doute mieux mis à contribution, et c'était donc sans hésiter que Hansing s'était porté volontaire pour participer à l'une de ces expéditions pour explorer cette cité, poussé également, il fallait bien le reconnaître, par sa curiosité.

Il avait donc rallié Langzi, la ville la plus proche de leur lieu d'expédition, et fait connaissance avec la plupart des membres de l'expédition. Globalement, il avait tissé de premières bonnes relations, ce qui n'était guère étonnant pour un diplomate. La commandante de l'expédition semblait plus fantasque qu'autoritaire, mais de toute façon la plupart des membres avaient un caractère assez fort pour se débrouiller seul... et de toute façon, Hansing n'était pas du genre à se disputer avec ses supérieurs. D'ailleurs, c'était lui que la commandante de l'expédition avait envoyé pour accueillir les derniers membres de l'expédition, ce qui encore une fois était assez logique pour un diplomate... et ce d'autant plus que l'une des personnes à accueillir n'était nulle autre que la fille adoptive de l'actuel empereur d'Akkaton... laquelle fut, justement, la première à arriver, escorté par deux soldats akkatoniens.

Hansing, qui se trouvait à ce moment là appuyé contre le mur à côté de l'entrée de l'hôtel de ville local, où les explorateurs s'étaient réunis, se redressa en les voyant arriver de lui, et s'avança lorsqu'ils furent proches, s'inclinant à la manière ikhyldienne pour les saluer.

« Mademoiselle Lilyneska Ehrlich, je présume ? C'est un plaisir de vous accueillir ici, vous ainsi que vos compagnons. Je suis Hansing Liuxian, humble membre de cette expédition à laquelle nous allons participer. »

Ayant déjà visité Akkaton, précisément pour une rencontre diplomatique avec le père de la jeune femme, Hansing savait que les politesses d'ordinaire réservées aux enfants d'un monarque n'étaient pas de mise avec les akkatoniens, à la monarchie bien particulière, mais cela ne l'empêchait pas de faire preuve de sa politesse coutumière.

« J'ose espérer que vous avez fait bon voyage jusqu'ici ? Je sais que le chemin est long d'ici à Akkaton ! Mais je vous propose d'entrer et de rencontrer le reste de l'expédition, car je ne doute pas que vous soyez impatiente de partir.. ne vous en faites pas, cela ne saurait tardé, puisque nous sommes presque au complet, à présent. »

Césario l’empereur éternel avait fait son retour et la réapparition de cet être spectral, ayant réussi à s’extirper des griffes de la mort, s’accompagnaient d’innombrables troubles sur la plupart des contrées d’Orzian. Valandir avait déjà vu de quoi ce nécromancien, à l’âme aussi noire qu’une nuit sans lune, était capable lors de leur précédent affrontement.

Depuis son réveil, les Duchés du sud étaient envahis de créatures macabres, généralement issus de l’ancien empire d’or elfique et l’ancien empire nain d’argent. Et Ikkyld n’avait pas tardé à être touché à son tour car bientôt une mystérieuse cité elfique, issue de l’ancien empire d’or, était apparue magiquement au milieu d’une antique forêt.

Bien entendu, Valandir en avait été rapidement informé, car son ordre religieux possédait des ramifications à Ikkyld et il fit sans peine le rapprochement entre ce curieux phénomène et l’empereur éternel. Sans tarder, l’elfe à la chevelure couleur d’écume s’empressa de se rendre dans le lieu où les mystérieuses ruines avaient fait leur apparition, avide d’en apprendre davantage à ce sujet car cela pouvait faire avancer ses recherches.

Après un long voyage pour regagner son pays natal, le nécromant parvint au nord de l’ile principale d’Ikkyld et s’arrêta dans une petite cité nommée Langzi. Il s’agissait d’une petite ville, comptant à peine une dizaine de milliers d’habitants, et dont l’architecture était réalisée dans le plus pur style oriental.

Valandir compta avec une sorte de nostalgie ces pagodes et ces habitations colorées, au toit pointu, si différentes des demeures, au luxe parfois ostentatoire, qu’on trouvait dans les Duchés du Sud. Pourtant, la cité qui d’ordinaire devait représenter un havre de paix semblait en pleine effervescence et des soldats et des gardes étaient attroupés dans ses ruelles. Sans doute, en raison des troubles récents.

Toutefois, malgré l’apparition de l’étrange cité Elfique la ville de Langzi n’avait pas cessé sa production de biens et son commerce, probablement car ils représentaient une manne économique incomparable pour cette modeste bourgade. D’après les informations dont l’elfe nécromancien disposait Langzi était spécialisé dans les équipements de guerre, notamment ses magnifiques soieries qui s’arrachaient à prix d’or dans toute la province.

Afin d’étudier et d’en apprendre plus sur les ruines Elfiques, une expédition de savants et d’érudits venaient d’être montée. Valandir jugea bon de s’y mêler, en raison de son érudition et de ses talents de mage, sans oublier son statut de juge Ikkyldien et ses origines Elfiques. En quelque sorte, une cité issue de l’empire elfique d’or faisait partie de son héritage culturel et ancestral. Quels secrets ses ancêtres avaient-ils bien pu dissimuler à travers ces ruines ? Et surtout qu’est-ce que Césario pouvait bien avoir en tête à propos de cette cité ? Car aux yeux de Valandir, il ne faisait aucun doute que l’empereur éternel était derrière tout ça.

L'elfe se rendit jusqu’à l’hôtel de ville devant laquelle se trouvait un corps expéditionnaire majoritairement composé d'érudits et escortés par des soldats. A ce stade, ce dernier n’avait aucune idée de ce qui les attendait et pour le moment, mieux valait se faire passer pour un simple érudit.

Tout d’un coup, il remarqua la présence d’un Azzurien en train de discuter avec une hybride et des bribes de leur conversation parvinrent à ses oreilles. L’elfe à la chevelure blanchâtre s’approcha d’eux et prit la parole d’un ton empreint d'aménité :

- Bonjour, mon nom est Valandir Arandan. Je suis un juge et érudit Ikkyldien ainsi qu’un puissant mage et je fais partie du corps expéditionnaire destiné à enquêter sur cette mystérieuse cité elfique. Vous faites également partie de cette expédition je présume.  Si c’est bien le cas, je pense que nous devrions nous joindre au reste du groupe et entrer avec eux dans le palais où nous recevrons de plus amples informations sur notre mission.

Visiblement, la jeune femme qu'accueillait Hansing n'était pas très attachée à son rang, puisqu'elle renvoya presque aussitôt son escorte une fois arrivée à destination. Cela était en soit assez prévisible connaissant son père adoptif, qui n'était pas non plus fanatiquement attaché au décorum. L'Azurien fut par contre bien plus surpris par l'immédiate et forte familiarité dont la damoiselle fit preuve à son égard, c'est le moins que l'on puisse dire ! Lui qui était plutôt volontiers sur le registre formel, et ne tutoyait pas facilement les gens, fruit de son éducation plutôt policée, n'aurait certainement pas adopté ce ton, et de fait paru légèrement surpris dans un premier temps, avec cet air parfois un peu étrange qu'avaient certains Azuriens dans ces cas-là, ouvrant de grands yeux comme une chouette dans la même situation.

Toutefois, il était après tout un diplomate consommé, et il reprit assez vite son empire sur lui-même, et aussi un air plus digne au passage, alors qu'il écoutait les remarques et les questions de l'enthousiaste damoiselle. S'il était lui-même assez formel, il n'était pas non plus spécialement du genre à s'offusquer de la spontanéité ou de la familiarité, sauf lorsqu'elles étaient mal placées ou dérangeantes, et ne prit donc pas la peine de se plaindre, tout simplement car la chose ne le dérangeait pas plus que ça, même si, surtout aussi rapide, elle l'avait quelque peu surpris. Cela ne l'empêcha pas toutefois de garder son propre registre en répondant à celle qui, dans un autre pays, aurait été qualifiée de princesse.

« Je suis heureuse que le voyage et notre pays vous plaise mademoiselle hm... Lily. Ne vous en faites pas vos oreilles ne sont pas si incongrues en Ikhyld, mais disons que je savais que vous deviez venir, et que l'escorte a bien aidé. »

Il n'était pas dans les habitudes du diplomate de tutoyer trop rapidement les gens, même s'ils faisaient de même, et sauf éventuellement si c'était diplomatiquement pertinent. Il s'apprêtait à répondre à la dernière question, sur la conduite de l'expédition, quand un Elfe à l'air noble s'approcha et se présenta rapidement. C'était justement l'autre personne qu'Hansing était venu attendre, aussi le salua-t-il à l'ikhyldienne, d'une légère inclinaison, avant de lui répondre.

« Enchanté, messire Arandan. Je suis Hansing Liuxian, mage et diplomate au service d'Ikhyld. Nous faisons bien partie de l'expédition, et j'étais justement en train d'en accueillir l'un des derniers membres. »

Hansing marqua une légère pause pour leur laisser le temps de se présenter mutuellement, ou le fit brièvement lui-même dans le cas contraire. Il connaissait vaguement l'affiliation familiale de l'Elfe à l'Arcane Xin, mais pas plus que cela sa réputation précise, l'Azurien n'étant pas exactement du genre à accorder une grande importance aux potins.

« Enfin, puisque nous sommes tous là, nous ferions mieux d'entrer, en effet... et pour répondre à votre question de toute à l'heure, mademoiselle Lily, la cheftaine de l'expédition nous attend à l'intérieur. »

En effet, alors qu'ils entrèrent ensuite dans le bâtiment, comme les deux nouveaux venus l'en pressaient tous deux, ils tombèrent rapidement sur ladite meneuse, qui était en discussion avec certains érudits sur la manière dont il fallait procéder pour ne pas abîmer les trésors archéologiques qu'ils pourraient rencontrer : technologique ou magique. Comme la cheftaine du groupe lui faisait signe d'approcher, Hansing se joignit à eux, s'éclaircissant légèrement la gorge avant de prendre part brièvement au débat.

« Si vous me permettez, le débat est sans doute intéressant dans l'absolut, mais pour le coup nous sommes en Ikhyld, où la magie abonde, et nous nous rendons dans une cité ramenée du temps de jadis par magie, au cœur d'un bois réputé quelque peu enchanté... je pense donc que la technologie présenterait, dans ce cas précis, beaucoup trop de risque d'instabilité pour être notre outil principal. Sans compter le fait que bon nombre des membres de ce groupe pourraient risquer de les dérégler rien qu'en passant à côté... »

Hansing avait parlé avec une certaine diplomatie – ce qui n'était guère étonnant de sa part – mais aussi une certaine fermeté, préférant apporter une conclusion pratique à un débat qui, sur le plan théorique, aurait pu durer des mois, au minimum. Il s'inclina ensuite légèrement devant la meneuse du groupe.

« Dame Kamitsu, laissez moi vous présenter mademoiselle Lilyneska Ehrlich et messire Valandir Arandan... avec eux je pense que notre expédition est plus ou moins au complet. Messire, damoiselle, voici la noble meneuse de notre modeste entreprise scientifique commune. »

A l’approche de l’elfe évanescent, l’Azzurien s’inclina révérencieusement en effectuant le salut Ikkyldien, tout en adoptant une posture pleine de dignité qui témoignait d’une certaine distinction et d’une aisance à côtoyer les hauts dignitaires. L’homme-oiseau se présenta, il se nommait Hansing Liuxiang et était un mage et un diplomate à la solde d’Ikkyld. Cette information n’étonna guère Valandir qui s’attendait à ce que sa patrie, si prolifique en mage, diplomate et érudits, envoient ses meilleurs éléments dans le cadre de cette mission.

- Je suis également enchanté de faire votre connaissance Hansing Liuxiang. J’espère que notre expédition se déroulera sous les meilleurs auspices et se révèlera riche en découvertes. En votre qualité de diplomate et de mage, je ne doute pas un seul instant que vous saurez rendre de grands services à notre patrie.

Ensuite,  l’elfe nécromancien reporta son attention sur la jeune fille hybride, qui venait de se présenter, et s’adressa à elle d’une voix suave après avoir effectué le salut Ikkyldien.

- Mes hommages Mademoiselle Lilyneska Ehrlich. Votre nom ne m’est pas inconnu et vous êtes la fille de l’Empereur d’Akkaton je présume. Veuillez pardonner ma curiosité mais pour quel motif avez-vous décidé de vous joindre à une telle expédition ?

En effet, il était peu habituel d’une jeune fille de son rang se rende dans un lieu situé dans une contrée étrangère et se joigne à une telle expédition. Néanmoins, Valandir était curieux d’en apprendre davantage à ce sujet.

Après cela, ils suivirent le reste des membres de l’expédition et entrèrent à l’intérieur de l’hôtel de ville où les attendait la cheffe du groupe. Hansing s’avança vers la Kitsune et prit la parole, tentant d’apaiser les tensions naissantes autour d’un débat concernant l’emploi de la magie ou de la technologie.

L’elfe aux cheveux opalescents se retint de pousser un soupir, espérant que l’expédition ne serait pas retardée par des sempiternelles discussions stériles, car comme l’avait souligné l’homme-oiseau ce territoire se trouvait sous la juridiction d’Ikkyld et son autorité prévalait, même si la technologie pouvait se révéler utile là où l’essence mirifique montrait ses limites.

Une fois que Hansing et Lilyneska eurent terminé de discuter avec la dénommée Kamitsu, Valandir s’inclina et la salua respectueusement :

- Bonjour Dame Kamitsu, je suis très honoré de faire votre connaissance. A vrai dire, j’aurais quelques questions avant que nous débutions l’expédition. Vous êtes une archéologue réputée et j’aimerais savoir si vous avez pu découvrir des bribes d’informations concernant l’histoire de l’empire d’or qui ne sont pas connues du commun des mortels. Voyez-vous je m’intéresse énormément à l’ancien empire d’or Elfique car étant un elfe il s’agit de mon héritage ancestral. Et cette expédition sera certainement très enrichissante pour chacun d’entre nous. J’aimerais également savoir si tant que nous sommes en villes nous devrions faire l’acquisition de certains équipements avant de nous mettre en route.

Les deux derniers membres de l'équipe avaient quelques questions, auxquelles la Kitsune répondit avec son enthousiasme habituel, mais également une certaine rigueur, il fallait bien le reconnaître – toute enthousiaste qu'elle soit, elle ne prenait visiblement pas les choses à la légère pour autant – avant de les presser de partir. Visiblement leur cheftaine d'expédition avait hâte de se mettre en route, ce qui fit légèrement sourire Hansing, à la manière dont souriait les Azuriens. Il n'avait rien contre, cependant, car il devait bien avouer qu'il était lui aussi impatient de voir ce que pouvaient bien contenir les mystérieuses ruines qui semblaient remonter si directement à l'Empire d'Or, avec ses nombreux secrets et ses non moins nombreux mystères. De plus, avec de la chance, cela leur permettrait de trouver comment combattre efficacement les morts antiques qui se relevaient un peu partout sur le continent !

Quoiqu'il en soit, le groupe se mit en route et voyagèrent jusqu'au soir, avant de dresser le campement et de repartir le lendemain matin. Heureusement, ils n'avaient croisés aucun danger majeur, mais il fallait bien dire que la taille de leur groupe rendait peu probable une telle éventualité... et que ceux qui auraient tenté de le faire auraient été bien fols, vu toute la puissance, magique notamment, qui était assemblée dans leur petit groupe ! Hansing mit le voyage à profit pour discuter et lier connaissance avec divers membres du groupe, sympathisant avec tous ceux qui y étaient ouverts, de par son caractère lui-même ouvert et diplomate, ce qui était somme toute logique vu le métier qu'il exerçait. Il tenta tout particulièrement de dialoguer sur ce temps avec les deux derniers venus qu'il avait lui-même accueillit, Lilyneska et Valandir, en partie par curiosité et en partie pour les aider à s'intégrer au groupe, mais sans insister s'ils refusaient cela.

Et vint donc le matin du second jour, alors qu'ils étaient dans les bois et approchaient de l'objectif. L'énergie de leur cheftaine de groupe était pour le moins communicative, et Hansing était lui même plutôt décidé ce jour-là. Cela le changeait de voyager au rythme d'un groupe de terriens, lui qui était habitué à fendre les cieux considérablement plus vite, mais c'était cela faire partie d'une expédition ! Certes, il serait sans doute déjà dans les ruines s'il y avait été seul, mais après tout tel n'était pas le but de l'opération. Dans tous les cas, s'il partait parfois en éclaireur en volant, il était à ce moment là avec le reste du groupe, et s'approcha de la pétillante akkatonienne que dans un autre système on aurait appelé une princesse, pour lui adresser quelques mots.

« Alors, Lily, que pensez-vous de notre expédition ? J'espère que vous appréciez toujours autant Ikhyld après cette longue marche ! Quoique je suppose que la forêt ikhyldienne peut être une source de beauté pour qui la découvre pour la première fois... je suppose qu'il ne doit guère y avoir d'environnement de ce genre en Akkaton ! »

Lilyneska répondit à sa question, et la discussion se poursuivit agréablement alors qu'ils avançaient dans la forêt, Valandir s'y mêlant lui aussi avec naturel. Jusqu'ici, Hansing avait plutôt développé une bonne opinion de l'Elfe, ce qui n'avait rien de très étonnant en soit : grand mage et noble d'origine ikhyldienne, comme lui, ils avaient au final nombre de points communs culturellement parlant, rien d'étonnant donc à ce que des conversations « de surface », si l'on pouvait dire, se déroulent au mieux. Du reste, il ne pu qu'approuver ses paroles, hochant doucement la tête à ses différentes réponses, avant d'apporter ses propres éléments.

« Je suis moi aussi Ikhyldien en effet, et je ne peux qu'appuyer les propos de messire Valandir. En effet, il serait dommage de visiter notre belle province sans profiter de ses plus grands joyaux que sont la Tour d'Hydra et la Cité de Jade... par ailleurs, j'ai cru comprendre que vous étiez vous-mêmes une mage accomplie dans la magie transformiste, non ? Si je ne me trompe pas, je vous conseille aussi de visiter l'un des monastères des arcanes qui s'y consacre. Les monastères sont des lieux d'apprentissages et d'approfondissement d'une magie spécifique, et je pense que, pour un expert en une magie donnée, c'est toujours une expérience à la fois plaisante et enrichissante que de visiter l'un de ceux qui correspondent à sa ou ses magies de prédilection. »

Hansing aimait lui-même à fréquenter ceux où il s'était perfectionné respectivement dans les arts du vent et du feu, les deux domaines magiques qu'il maîtrisait personnellement à haut niveau, et conseillait donc souvent leur découverte aux mages étrangers qui lui demandaient conseil.

« Quant à Akkaton, je m'y suis moi-même déjà rendu, du moins dans la province orzanienne, dans mes fonctions de diplomate, mais j'avoue n'avoir jamais eut l'occasion d'en approfondir la visite pour le plaisir... mais il est vrai que j'avais moi aussi entendu parler à l'époque de toutes ces merveilles technologiques que je ne pouvais emprunter sous peine de les dérégler, ahah ! »

Impossible en effet pour l'Azurien de profiter d'un trajet dans les trains technologiques d'Akkaton, ou dans un dirigeable dernière génération... du moins pas sans risquer un accident pouvant mettre en danger sa vie et celle de tous les autres passagers. Ce qui expliquait pourquoi il avait fait toute cette visite diplomatique en volant, bien que ses ailes n'aient pas alors la même puissance de déplacement qu'aujourd'hui. Aujourd'hui d'ailleurs il émettait encore plus d'interférences magiques, sans doute, mais bon, c'était une autre question. Il avait aussi éviter d'approfondir le sujet de la visite diplomatique, ce disant qu'une fringante aventurière découvrant un pays en ayant tout juste réussi quelques temps plus tôt à s'affranchir des gardes du corps paternels n'aurait sans doute guère envie qu'on vienne lui parler, justement, dudit père.

Quoiqu'il en soit, le groupe arriva finalement jusqu'à une obélisque enchantée, que la cheftaine de l'expédition identifia comme un portail qui leur permettrait de franchir sans risque une partie de la distance, à condition toutefois que Valandir veuille bien l'activer. Le noble elfique ne se fit guère prier, et Hansing n'hésita pas plus à s'engager avec le reste du groupe dans la voie enchantée. Le mage expérimenté qu'il était ne fut pas inquiété outre mesure par l'expérience, surtout qu'après le tunnel blanc proprement dit vint un environnement... très proche du précédent. Bien sûr Hansing sentait la sorte d'aura magique qui se dégageait de tout cela, mais pour lui la nature libre et paisible par excellence était celle d'Ikhyld, tout simplement, aussi ne fut-il guère dépaysé, et continua-t-il simplement son avance avec le groupe, sans se troubler outre mesure, vers la lumière éclatante qui marquerait sans doute la fin de cette transition magique.

Le groupe d’aventuriers poursuivit son périple et se fraya un chemin au sein de l’immensité sylvestre, jusqu’au moment où ils parvinrent au cœur d’une clairière où se trouvait un obélisque enchanté. Valandir le mira avec curiosité, devinant sans peine qu’il s’agit probablement d’un portail menant à l’intérieur de l’ancienne cité Elfique. Quelques minutes plus tard, cette intuition fut confirmée lorsque l’archéologue, Dame Kamitsu, s’adressa à lui afin de lui demander d’activer le portail en posant sa main sur l’obélisque magique.

L’elfe à la chevelure lactescente accepta cette demande sans se faire prier, guère étonné que ces ancêtres aient sécurisé leur cité pour la rendre inaccessible aux intrus et aux importuns. Il était d'origine elfique, dès lors mieux valait lui confier cette tâche d'activer le portail menant à la mystérieuse cité disparue. Sans compter qu’il existait peut-être des pièges qui se déclenchaient à l’approche des non-elfes.

Valandir marcha lentement jusqu’à l’obélisque et déposa sa paume contre sa surface lisse, attendant que s’active le mécanisme d’ouverture. Quelques secondes plus tard, un portail s’entrouvrit, dévoilant un passage entièrement constitué de lumière. Le groupe s’y engouffra et tandis qu’ils progressaient à l’intérieur de ce tunnel lumineux, l’elfe lunaire vit apparaître devant ses yeux un paysage mirifique représentant une nature vierge de toute présence humaine. Il s’agissait d’une vision si enchanteresse que le nécromancien songea immédiatement que c’était une illusion plutôt que la réalité. Une puissante magie devait régnait dans ce lieu et mieux valait se montrer prudent car la beauté pouvait se révéler une arme fatale. Après tout quelle meilleure stratégie que de subjuguer d’éventuels intrus afin de leur faire baisser leur garde. Néanmoins, Valandir décida de décrire à ses comparses les visions d’une merveilleuse beauté qui apparaissait devant lui tandis qu’ils s’acheminaient sur le chemin en direction de la lumière blanche.

- Je vois des oiseaux si éclatants qu’ils semblent entièrement constitués en lumière multicolore. Leurs yeux ressemblent à des joyaux et leurs plumes à des étoiles colorées. Leur chant est si envoûtant que même la plus mélodieuse des symphonies peine à rivaliser avec ces sonorités. Je vois également des fleurs inconnues, si belles et aux couleurs si chatoyantes, elles semblent vivantes et tendre leurs corolles dans notre direction. Quant à l’eau qui s’écoule en ce lieu, je n’en ai jamais vu d’aussi limpide et cristalline.

Puis l’elfe opalescent arbora une expression pleine de gravité avant d’ajouter à l’intention des autres membres du groupe.

- Soyons prudents, parfois le mal revêt un masque enchanteur et les plus somptueux paysages peuvent représenter des mirages destinés à duper ou des pièges mortels.

Alors qu'ils continuaient d'avancer dans ce paysage enchanté, Valandir vint souligner le côté magique de celui-ci en décrivant ce qu'il voyait, un paysage qui n'avait pas grand-chose en commun avec celui que contemplait Hansing ni, sans doute, la plupart de leur compagnon... sans aucun doute une illusion destinée à habiller le voyage, peut être pour tromper le voyager inattentif mais, plus certainement, puisqu'ils étaient passés conduits par un noble elfique, pour habiller agréablement le trajet et éviter qu'un voyageur non habitué ne panique devant le caractère magique du trajet effectué, songea l'Azurien. En tous cas, l'illusion n'eut rient d'hostile, et ils purent ainsi arriver sans mal dans la cité proprement dites, découvrant un spectacle bien réel, mais qui n'en était pas moins d'une beauté à coupée le souffle, celui de cette cité glorieuse qui avait été bâtie et avait connu son apogée bien longtemps avant que les premiers ancêtres du diplomate ne prennent leurs envols dans les montagnes des actuels Duchés du Sud... une notion de durée qui avait de quoi donner le vertige !

Hansing resta ainsi quelques instants à simplement contempler la cité que l'on ne pouvait pas vraiment, pour le coup, qualifier de ruines, ému à la fois par sa beauté et par l'impression d'éternité que sa conservation malgré sa presque inconcevable antiquité laissait sur son âme. Mais la réalité se rappela rapidement à lui alors que certains membres du groupe, et notamment leur énergique cheftaine d'expédition, commençaient à s'agiter, visiblement pressés de définir un plan d'action. Hors, ne souhaitant pas risquer que la précipitation prenne le pas sur la prudence – laquelle lui était coutumière – l'Azurien ne tarda guère à prendre la parole.

« Chers amis et collègues, je ne doute pas que l'impatience vous tenaille, comme moi, d'explorer cette cité antique et de découvrir ses infinies merveilles, mais il me semble qu'à ce stade la prudence s'impose. Tant que nous ne saurons pas exactement quels pièges peuvent se déclencher sur les membres non-elfiques de notre modeste assemblée, je pense qu'il vaudrait mieux continuer à progresser en groupe et à délimiter les contours d'un plan d'action avant d'avancer. Après tout, cette cité plurimillénaire nous attendra bien quelques minutes de plus, et la vie de savants si augustes valent bien cette petite prudence. »

Comme souvent, sinon comme toujours, l'Azurien avait parlé avec diplomatie et mesure, ce qui était la meilleure façon, lui semblait-il, de faire ressortir un plan d'action comme non seulement prudent mais encore même évident aux oreilles de beaucoup. Il ne doutait pas que nombre de spécialistes divers brûlaient de partir dans leur coin mener leurs explorations et expériences propres, mais son sens prononcé du devoir lui faisait préférer la sûreté de leur survie. Il enchaîna rapidement en proposant directement un plan d'action, se disant que c'était là aussi le meilleur moyen de canalyser les impatients : proposer directement une voie afin qu'ils puissent rapidement y avancer.

« Je propose de prendre la tête avec messire Valandir, s'il l'accepte. Il a démontré que la cité et ses défenses le reconnaissaient comme un visiteur légitime, aussi sa présence à l'avant pourra-t-elle peut-être désamorcer les pièges. Quant à moi, je dispose des sens affûtés qui devraient me permettre de percevoir les dangers qui persisteraient malgré tout assez tôt pour prendre les mesures nécessaires. »

Hansing disposait en effet de sens particulièrement développés, même pour un Azurien, en plus d'une grande rapidité de réaction. De plus, même s'il avait préféré ne pas insister oralement, la puissance magique réunie entre lui et Valandir devrait permettre d'écarter voir de pulvériser assez rapidement toute menace à l'exception des plus sérieuses.

Alors qu’ils avançaient à l’intérieur de ce chemin, environné d’un paysage enchanteur, Valandir se laissait absorber par sa contemplation. Pour autant, l’elfe lunaire demeurait sur ses gardes, ne sachant que trop bien que même les plus belles fleurs possédaient des épines et que ses ancêtres avaient probablement doté leur cité de pièges. Certes, il était un elfe issu d’une famille noble et cela suffisait peut-être à sécuriser leur chemin, mais Valandir ne voulait prendre aucun risque inutile. Après tout, nul ne pouvait savoir quelles étaient les intentions des créateurs de cette antique cité Elfique ni pourquoi celle-ci avait fait sa réapparition mystérieusement.

Enfin le groupe d’aventuriers parvint à la fin du tunnel et l’espace de quelques secondes l’univers environnant se drapa d’une blancheur laiteuse. En se dissipant, celle-ci laissa ensuite place au décor d’un quartier Elfique qui dominait les terres alentours et de magnifiques bâtiments aux teintes pâles, somptueusement décorés. L’antique cité possédait une beauté époustouflante et laissait deviner la créativité et le raffinement de ses bâtisseurs et Valandir lui-même demeura bouche bée devant ce chef-d’œuvre architectural.

Le nécromancien admira ces somptueuses demeures de marbre blanc, aux tourelles pointées fièrement vers le ciel et aux toits d’un vert aussi étincelant qu’une émeraude. Un canal et des cascades font résonner le murmure cristallin de l’eau à l’intérieur de la ville, décorée par des jardins luxuriants. La cité Elfique était dominée par un immense palais, doté de plusieurs tours, et dont la porte d’entrée se trouvait entrouverte, comme pour accueillir les aventuriers.

L’elfe à la chevelure d’écume remarqua le silence habituel qui régnait en ces lieux, hormis le clapotis de l’eau et les bruits de la forêt, ainsi que l’absence d’habitants. Voilà qui était vraiment étrange…Tandis que le nécromancien dardait ses prunelles d’azurites sur le palais, intrigué par cette superbe construction, Hansing prit la parole afin de leur proposer un plan d’action.

Valandir l’écoutait avec attention et s’apprêtait à répondre, lorsque tout d’un coup, ce dernier entendit une voix féminine résonner dans sa tête. Celle-ci possédait des sonorités éthérées et envoutantes et l’elfe ressentit un sentiment étrange, comme si elle l’appelait à l’intérieur du palais. Sans doute était-il le seul à l’entendre et il jeta un coup d’œil à ses comparses, guettant sur leurs visages la moindre expression lui indiquant le contraire. Pour l’heure, l’elfe aux cheveux opalescents préférait ne pas parler de la mystérieuse voix féminine qu’il avait entendu avant d’en apprendre plus à son sujet.

Puis, ce dernier prit la parole et répondit à Hansing :

- Je pense en effet que la plus grande prudence s’impose car nous ne sommes pas tous des Elfes et cette cité recèle bien des secrets. Je vous remercie Hansing pour votre proposition, mais je préfère entrer en premier à l’intérieur du palais afin de sécuriser notre passage et m’assurer qu’il n’y a aucun piège.  Je crains que la présence simultanée à l’entrée d’un elfe et d’un Azzurien ne rende la magie de ce lieu instable. Mais si vous tenez absolument à venir avec moi, restez un peu en arrière et soyez sur vos gardes. J’aimerais également utiliser un sort pour tenter d’en apprendre plus sur cette ville qui a l’air étrangement conservée et surtout est déserte…Je me demande ce qui a pu s’y dérouler. On dirait que la vie vient de s'y arrêter...

Valandir se concentra et décida d’utiliser un sortilège permettant de voir dans le passé ; certes cette cité était très ancienne mais son état de conservation semblait indiquer qu’elle se trouvait hors du temps, comme prisonnière d’une bulle d’éternité. Et si cela fonctionnait, celui-ci pourrait glaner de précieux renseignements.

Valandir précisa qu'il préférait prendre la première place, ce que Hansing accepta bien entendu d'un hochement de tête, et les deux mages se mirent donc en route. L'Azurien laissait son confrère avancer au premier rang, et ainsi se faire repérer le premier par la magie, et suivait, sur ses gardes. En y réfléchissant, il ne savait même pas exactement comment un éventuel piège magique conçu pour se déclencher sur certaines espèces se comporterait sur lui en l'occurrence... puisqu'il aurait été conçu et mis en place des milliers d'années avant l'apparition de sa propre race. C'était presque une question intéressante en soit, mais non seulement Hansing avait d'autres sujets sur lesquels se concentrer sur le moment, mais en plus même s'il avait plus de temps il n'était pas vraiment curieux au point d'aller se jeter dans un tel piège pour voir ce qui se passerait !

Quoiqu'il en soit, aucun chausse-trappe, magique ou non, ne se déclencha, mais en revanche des éléments pour le moins troublants prirent place sous ses yeux, et ceux du reste du groupe quand lui et l'Elfe furent rejoints. Pour commencer, il capta que son compagnon de tête lançait un sort, et sentit peu après un puissant effet magique se concentrer sur lui puis déborder de ce cadre, sans qu'il puisse dire si c'était son sort entrant en résonance avec les ruines, quelque chose qu'il avait déclenché dans celles-ci ou tout à fait autre chose encore. Quoiqu'il en soit, le hall ne tarda pas à se remplir d'une véritable bataille spectrale, comme si un antique assaut – celui qui avait ruiné cette cité, peut être – se rejouait devant eux, et ce alors que le cadre autour d'eux semblait se dégrader. La jeune Lilyneska remarqua ce fait et avança l'hypothèse d'une illusion, avant de remarquer aussi à juste titre que Valandir s'était mis à... luire. D'une légère lueur bleuté, pour être précis. C'était en soit également surprenant, mais les événements continuèrent de s'enchaîner.

En effet, un bruit de ferraille ne tarda pas à se faire entendre et assez rapidement un Nain dans une armure antique se détacha de la masse des fantômes... sauf qu'il semblait être là en chaire et en os ! Au vu de son équipement, il semblait pourtant sortir du même moule de ceux qui se battaient contre des Elfes dans cette bataille fantôme. Il s'adressa fièrement à eux en ancien elfique, mais il semblait clairement moins confiant qu'il ne voulait le dire. En même temps, c'était un Nain seul dans une vieille armure contre une troupe entière comprenant bon nombre de gens dangereux. De fait, ce fut sans réelle crainte qu'Hansing tendit une serre apaisante vers lui, paume ouverte en signe de paix, et lui répondit dans le dialecte nanique le plus antiquisant qu'il connaissait.

« Paix, maître Nain. Nous ne sommes pas affiliés à l'Empire d'Or, ni ne vous sommes hostiles... si vous voulez bien nous accorder quelques instants nous allons tirer ça au clair. »

En fait, Hansing n'avait aucune idée de comment ce Nain était arrivé là. Il semblait à la fois vivant et issu des légions du passé, mais il était quasiment inimaginable de ramener un être mort depuis si longtemps... si son âme avait été scellée dans un objet proche, peut être ? Mais enfin Valandir était le seul à avoir jeter un sort, et il n'avait pas le niveau en magie lumineuse pour ce genre d'exploit, sans compter le temps que ça aurait prit... l'Azurien était donc perdu, mais le propre d'un bon diplomate était de garder une certaine contenance. Faisant attention à ce Nain mystère du coin de l’œil, Hansing se tourna donc vers le maintenant luisant Valandir, pour le questionner dans l'idiome que l'expédition utilisait jusque là.

« Heu... Valandir ? Vous allez bien ? C'est vous qui avez fait apparaître cette armée de spectre... ou ce Nain ? Et si non, avez vous une idée de ce qui se passe ici ? »

Après tout, l'Elfe était par défaut leur spécialiste de la mort, puisqu'il contrôlait les deux magies qui y touchait d'une manière ou d'une autre. Et il était le seul à avoir fait usage de magie. Hansing se tournait donc vers lui pour des réponses, tout en restant calme, ne souhaitant pas perdre le nord ni faire paniquer les autres. Il se tenait aussi sur ses gardes, prêt à agir magiquement en cas de danger concret, par exemple si leur mystérieux revenant de chaire et d'os décidait de mettre ses menaces à exécutions...