Malheureusement, l’abomination invoquée par l’elfe nécromant ne parvint pas à retenir les assauts des armures animées. A croire que le groupe de l'elfe jouissait de malchance depuis le début de cette aventure ; tout d’abord, le plan d’infiltration de Midori avait échoué car le chef des Nécraques était parvenu à percer à jour son déguisement.

Ensuite, la créature monstrueuse créée par Valandir pour ralentir ces fanatiques n’était pas parvenue à obtenir un franc succès, ni à les retenir très longtemps. C’est donc de peu que les sbires de l’elfe évanescent réussirent à faire prisonniers plusieurs des Nécraques qui tentaient de fuir. Quant à leur chef, le nécromancien diaphane était déterminé à s’en occuper en personne et à le capturer avant que celui-ci ne parvienne à s’évader par le biais des souterrains secrets.

A son tour, Valandir s’engouffra à l’intérieur de ce lieu secret où régnait une profonde pénombre, suivant les traces du chef nécraque à l’intérieur d’un long tunnel jusqu’à une vaste chambre funéraire. L’elfe observa son manège, non sans une certaine méfiance, car il craignait que ce sinistre individu ne tente de l’attirer dans un guet-apens.

Après tout, ce dernier avait eu l’opportunité de fuir car malgré ses blessures, il se déplaçait assez rapidement au sein de ces souterrains qu’il semblait bien connaitre, contrairement à son poursuivant. Pourtant, le dirigeant nécraque avait préféré attirer son adversaire au cœur de cet endroit retiré, comme s’il désirait l’affronter en tête à tête. Et bientôt, comme pour mettre fin à ses interrogations muettes, le chef nécraque prit la parole d’un ton glacial, prophétisant une cuisante défaite au leader de l’ordre des immortels.

Toutefois ces paroles peu amènes, laissèrent Valandir de marbre et celui-ci se contenta de lui répondre d’un même ton aux sonorités glacées.

- Tu aurais tort de me sous-estimer. Prends garde à ce que ce ne soit pas toi qui essuie une cruelle défaite lors de ce duel de magie. Je ne suis pas venu jusqu’ici pour perdre face à un être tel que toi et je ne compte pas quitter cet endroit sans avoir obtenu les informations que je suis venu chercher.

L’elfe aux cheveux opalescents était prêt à se battre avec acharnement pour obtenir ce qu’il désirait. Cependant, il n’avait pas intérêt à sous-estimer son adversaire qui s’était déjà renforcé à l’aide d’un sortilège et qui se préparait à lancer un nouveau sort à l’aide d’une incantation.

Valandir se concentra et décida d’user de la puissante magie de la lumière, contre laquelle son adversaire n’était pas immunisé, et de tenter de le frapper par surprise afin de l’empêcher de poursuivre son incantation.

L’elfe dégaina son bâton de mage et usa d’un sort de rapidité et dans le même temps celui-ci avait décidé d’utiliser ses deux familiers, sa chouette et son renard magique, pour qu’ils fassent diversion en attaquant son ennemi. Ainsi le nécraque subirait de plein fouet une attaque venant de trois côtés différents et serait sans doute déstabilisé, ce qui donnerait un avantage à Valandir pour la suite du combat.

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Afin d’obtenir l’avantage et remporter la victoire sur son adversaire, Valandir n’hésita pas une seule seconde à faire appel à ses familiers pour le prendre en traitre et gêner le bon déroulement de son incantation. Sans compter que le nécromancien disposait d’un sortilège de magie de la lumière qui lui permettait d’avoir un coup d’avance sur son adversaire et celui-ci l’employa pour l’attaquer à l’aide de son bâton de mage. Cependant, le nécromant évanescent était conscient qu’il ne devait nullement se reposer sur ses lauriers et que rester au corps à corps lui serait préjudiciable, en particulier si la prochaine attaque du chef nécraque se révélait dévastatrice. Mieux valait ne prendre aucun risque et achever le combat le plus rapidement possible en s’aidant de la ruse et de la magie.

Pendant que le sinistre individu poursuivait son incantation, Valandir s’empressa de s’éloigner et de lancer à la hâte un sortilège de magie lumineuse destinée à aveugler son ennemi. Au moins ainsi, il serait difficilement repérable et même si le nécraque se bornait à lui lancer des sorts, l’elfe devenu presque invisible serait bien plus difficile à atteindre.

Toutefois, le nécromancien diaphane ne pouvait pas se contenter d’esquiver durant toute la durée du combat. Il devait terrasser son adversaire le plus rapidement possible, d’autant plus que ce dernier ne représentait pas sa véritable cible. Valandir avait parcouru tout ce chemin pour retrouver la trace de l’empereur éternel et non pas se fatiguer à combattre une telle énergumène.

L’elfe se concentra et s’apprêta à lancer un nouveau sort assez puissant pour mettre le Nécraque à mal. Ce combat devait cesser rapidement, sans quoi l’un des deux risquait de finir sérieusement blessé, voire tué. Par ailleurs, malgré sa répulsion à l’égard de l’individu encapuchonné, Valandir ne désirait pas le faire trépasser. Non pas qu’il s’inquiétait de son sort, mais celui-ci ne désirait pas s’encombrer d’un cadavre à réanimé ou d’une âme à asservir.

Le nécromancien aux cheveux de nacre avait débuté ce combat en usant d’une ruse visant à déstabiliser son adversaire avant d’employer de nouveaux sorts, espérant mettre rapidement son adversaire hors d’état de nuire.
Hélas, ces tentatives se révélèrent infructueuses et son rayon de lumière manqua sa cible. Valandir se mordit les lèvres de dépit, tout en lançant un regard noir au sinistre chef des Nécraques. Par chance, ce dernier n’avait guère rencontré plus de succès et n’était pas parvenu à toucher l’elfe lactescent à l’aide de son sortilège. Le sort d’aveuglement invoqué par le nécromant blanc juste avant en était sans doute la cause.

Valandir se tenait également sur ses gardes, réfléchissant à sa prochaine offensive, qui cette fois-ci serait la dernière. En effet, ce combat ne pouvait perdurer sans que l’un des deux ne soit grièvement blessé et il était pressé d'en finir.

Tout d’un coup, contre toute attente, le Nécraque prit la parole afin de tenter une amorce de dialogue avec Valandir. A en juger par ces propos, celui-ci tentait d’écourter l’affrontement en privilégiant la voie des mots plutôt que celle des armes, ce qui pouvait ouvrir la porte à une éventuelle négociation. Sans doute ce triste sire avait-il mesuré les conséquences fâcheuses que pourraient avoir une défaite, d’autant plus qu’il se trouvait plutôt mal en point. Toutefois, son ton empreint de circonspection montrait qu’il cherchait à cerner les intentions de son adversaire avant de concéder quoique ce soit.

Le nécromancien diaphane analysa à la hâte la situation, pesant le pour et le contre d’une telle décision. En vérité, ce dernier était peu enclin à poursuivre la lutte, d’autant plus que ses réserves de magie commençaient à s’épuiser. Par ailleurs, son objectif n’était guère d’occire le Nécraque mais simplement d’obtenir les informations nécessaires à la poursuite de sa quête. Si Valandir était en mesure d’y parvenir en dialoguant plutôt qu’en guerroyant, il s’en féliciterait plutôt deux fois qu'une.

- Mon objectif n’est pas de porter atteinte à votre groupuscule ou de vous tuer, mais simplement de parvenir à atteindre le but que je me suis fixé. Or, il se trouve que vous êtes en possession de certaines informations concernant l’empereur éternel qui sont de nature à m’aider à poursuivre ma quête.

Tout en gardant ses mires d’azur et d’acier braqués sur son ténébreux vis-à-vis, l’elfe poursuivit :

- Je ne désire pas m’opposer à l’empereur éternel, je ne suis pas si stupide. Non, mes ambitions sont toutes autres et je désire simplement retrouver sa trace et m’entretenir avec lui. C’est la seule raison qui m’anime et m’a conduit à vous rencontrer, même si notre entrevue s’est révélée belliqueuse jusqu’ici.

Après cela, Valandir se tut. L’autre n’avait guère besoin d’en apprendre trop au sujet des activités secrètes que menait son Ordre. Moins il en dirait à ce propos et mieux se serait, du moment que le Nécraque savait que l'elfe n’était guère enclin à poursuivre le combat s'il obtenait les informations tant convoitées.

Puisque le chef des Nécraques semblait désireux d’entamer une discussion, laissant entrevoir une possible conciliation ; Valandir saisit cette perche au vol.

Tout en conservant une indispensable réserve au sujet de ses futurs desseins, l’elfe révéla néanmoins à son interlocuteur qu’il désirait rencontrer Césario l’Empereur éternel. Il était aisé de deviner que celui-ci cherchait à pactiser avec ce dernier afin d’obtenir l’immortalité. Sans surprise, Aznarph le noir poursuivait un but similaire et après s’être assuré que le nécromancien auréolé de lumière n’était animé d’aucune intention hostile, celui-ci accepta de cesser le combat, voire de collaborer avec Valandir.
Un tel revirement de situation arrangeait les plans du nécromant, guère enclin à poursuivre ce combat stérile, surtout s’il pouvait l’éviter.

- Je n’ignore guère à qui j’ai affaire, Césario est un être impitoyable et attend d’autrui obéissance et soumission, mais je désire le rencontrer en toute connaissance de cause, répondit l’elfe diaphane avec froideur tout en gardant les yeux rivés sur son vis-à-vis.

Valandir n’était ni un inconscient ni un imbécile. Sans compter qu’il avait déjà rencontré l’empereur éternel lorsque ce dernier était revenu du royaume des défunts, bravant la Mort elle-même. Il s’agissait d’un véritable exploit, même pour un nécromancien aussi puissant que Césario.

L’’elfe à la chevelure opalescente n’aimait guère l'Empereur Eternel, ce nécromancien quasi divin, cependant il était conscient de pouvoir apprendre beaucoup de lui. Et afin d’atteindre son but et obtenir l’immortalité, Valandir était même prêt à sacrifier son âme.

- Très bien j'accepte ta proposition. J’irais avec pour seule compagnie mes sbires les plus proches. Je préfère également que cette rencontre se fasse le plus discrètement possible. Si comme tu le prétends, tu peux nous y mener alors allons y dès que nous aurons soigné les blessures des membres de nos deux camps, je ne souhaite pas perdre plus de temps que nécessaire ici.

Quelques minutes plus tard, les compagnons de Valandir firent irruption dans la salle pierreuse, amenant avec eux les Nécraques qui n’étaient pas parvenus à fuir. En voyant Aznarph le noir, ils se mirent en position défensive, prêts à l’attaquer si ce dernier tentait quoi que ce soit.

- Maitre, nous avons détruit les armures animées et fait prisonniers plusieurs Nécraques qui tentaient de fuir. Pour l’instant, ils ont refusé de parler mais je peux me montrer très persuasive. Voulez-vous que nous nous chargions aussi de leur chef ? Termina-t-elle avec un ricanement mauvais tout en dardant un regard lourd de sous-entendus sur le chef Nécraque.

Le leader de l’Ordre des Immortels leva la main pour couper court à toute intention belliqueuse de la vampiresse et de ses autres serviteurs.

- Il suffit Liandra. Comme tu peux le constater lui et moi sommes parvenus à nous entendre. Nous cessons les hostilités et en échange il nous mène jusqu’à Césario. N’est-ce pas magnifique ? Mais avant cela nous allons soigner les blessés et nous reposer brièvement avant de reprendre la route.

Pendant qu’une infirmerie improvisée était installée et les plaies cicatrisées à l’aide de soins ou de magie, Midori s’approcha doucement de Valandir et lui glissa à l’oreille :

- Maitre Valandir. Ne craignez-vous pas que cet homme ne cherche à nous trahir ?

Le nécromant se contenta de hausser les épaules avec indifférence avant de répondre à voix basse :

- Libre à lui d’essayer de nous doubler mais il lui en coutera la vie, je n’aime guère les traites. Mais je crois qu’il tiendra parole car il n’est pas complètement stupide et n’a aucune raison de se mettre à dos avec nous, au contraire. Après tout, nous recherchons tous les deux l’immortalité.

Une fois les soins terminés et la tension redescendue, les deux groupes se mirent en route pour la destination où se trouvait Césario

Une infirmerie improvisée fut montée à la hâte et les blessés reçurent des soins afin de hâter la cicatrisation de leurs plaies. Par chance, lors de cette altercation, nul n’avait été sérieusement blessé et le groupe put rapidement se remettre en route. Le chef des Nécrarques ouvrit la voie et les mena à l’intérieur des souterrains jusqu’à l’une des nombreuses mines, dissimulées dans les entrailles de la montagne. A l’intérieur se trouvait un mystérieux portail, destiné à les conduire vers leur destination finale.

Une fois ce portail passé, ils se retrouvèrent sur une terre gelée, d’une éclatante blancheur, et où régnait une froideur polaire. Valandir s’enveloppa davantage dans sa longue cape lactescente et rabattit la capuche sur son visage pour se protéger du vent septentrional. Ainsi Césario avait choisi de dissimuler sa sinistre retraite au cœur de ses terres désolées et inhabitées. En vérité, un tel choix n’étonna guère le nécromant car il savait que la plupart des serviteurs de l’empereur éternel étaient des créatures sépulcrales, insensibles à la froidure et infatigables. Sans compter qu’un lieu aussi inhospitalier aurait tôt fait de décourager d’éventuels importuns.

Ils marchèrent à travers cet enfer de neige jusqu’à l’entrée d’une grotte dont l’entrée était gardée par un groupe de morts-vivants arborant les armures de l’ancien empire Elfique. Valandir les reconnut sans peine car il avait affronté de tels revenants lors de son périple au sein du tombeau de Césario. Ce dernier vouait une admiration à cet empire disparu et désirait visiblement s’entourer de ses représentants revenus d’entre-les morts.

Ce macabre comité d’accueil leur souhaita la bienvenue, tout en ponctuant leurs salutations de menaces à l’encontre de quiconque oserait défier leur maitre. En guise de réponse, l’elfe évanescent se contenta de jeter un regard indifférent au chef des morts-vivants, avant d’esquisser un sourire entendu.

Après cette intervention, le dirigeant Nécrarque s’adressa à Valandir pour lui donner de nouvelles informations concernant sa future entrevue avec l’Empereur Eternel. Puis ce dernier s’éclipsa à la hâte, laissant le nécromancien blanc seul face à ce qui l’attendait.

De toute évidence, obtenir les faveurs de Césario et son aide pour ses futurs desseins ne serait guère une tâche aisée. Cependant, l’elfe lunaire s’y attendait et ne comptait guère rebrousser chemin après avoir fourni tous ces efforts pour retrouver la trace de ce puissant nécromant.

Aussi décida-t-il d’avancer jusqu’à ce qu’il débouche à l’intérieur d’une vaste salle, presque entièrement emplie de cristaux. En temps normal, leur vue aurait pu lui arracher un cri d’admiration tant ces minéraux rendait ce décor enchanteur et lumineux, ce qui contrastait avec l’idée que l’on se faisait habituellement d’un mage funeste. Toutefois, Valandir était bien placé pour savoir que les apparences s’avéraient parfois trompeuses, et que l’attirance morbide pour la nécromancie n’était guère incompatible avec l’amour de la beauté.

L’empereur éternel n’était pas encore en vue, tout d’un coup sa voix aux sonorités irréelles commença à résonner autour de l’elfe, l’interrogeant sur la raison de sa venue au cœur de son sanctuaire cristallin.

Valandir savait qu’il devait peser soigneusement ses mots, car le monarque funèbre n’hésiterait pas à l’occire si sa réponse ne lui plaisait guère. Et il n’avait franchement pas envie de grossir les rangs de ses gardes Elfiques ramenés du Royaume des défunts.

Après un très bref instant de silence, l’elfe lunaire prit la parole d’une voix calme :

- Je suis venu jusqu’ici car je désire m’entretenir avec vous. Avant toute chose, sachez que je n’ambitionne pas de m’opposer à votre domination sur le monde et que pour vous avoir affronté lors de votre réveil, j’ai pu mesurer toute l’étendue de votre puissance. Je n’ai la stupidité de venir vous défier en personne car je ne suis pas de taille face à vos pouvoirs. En vérité, d’autres motivations m’animent et si je suis venu jusqu’à vous, c’est en raison de la proposition que vous m’avez fait lors de notre précédent combat.

Valandir se tut très brièvement avant de poursuivre sur le même ton :

- A ce moment-là, il m’était impossible de vous donner une réponse favorable étant donné les circonstances de notre rencontre. Toutefois, si vous le voulez bien, j’aimerais que nous en rediscutions.

Autour d’eux, les cristaux scintillaient, emplissant la salle de lueurs pâles, semblables au chatoiement d’une pluie d’étoiles. Césario, quant à lui, dissimulé dans une armure ténébreuse, s’adressa à l’elfe opalescent, d’une voix aux sonorités spectrales, afin de s’enquérir de la raison de sa venue. Sans doute détestait-il être dérangé sans motif valable et Valandir savait qu’il risquait de payer sa témérité de sa vie. Toutefois ce dernier prit la parole d’un ton solennel, sans se départir d’un semblant d’assurance malgré ses appréhensions. Il révéla sans ambages son désir d’obtenir l’immortalité et devenir l’un sinon le plus puissant nécromancien du monde. Un objectif extrêmement ambitieux et dont la route serait semée d’embûches.

Par chance, ses paroles eurent l’effet escompté et l’Empereur Eternel se rapprocha de lui, visiblement désireux de poursuivre le dialogue. Cela n’étonna guère l’elfe opalescent, car la quête de l’immortalité incarnait le but suprême de la plupart des Nécromants et Césario avait atteint un niveau quasi-inégalé dans ce domaine. Aussi représentait-il un interlocuteur privilégié pour quiconque désirait plier la mort à ses désirs.

Cependant, acquérir un tel pouvoir possédait un prix car on n’obtenait rien sans rien. Et sans perdre de temps en palabres inutiles, l’Empereur Eternel dévoila les conditions d’un éventuel marché.

Valandir demeurait coi, gardant les yeux rivés sur son vis-à-vis pendant que celui-ci énonçait ses attentes, à savoir une parfaite obéissante et œuvrer contre ceux qui désiraient s’opposer à sa domination. Une telle demande était prévisible de la part de Césario et le nécromancien lunaire s’y était préparé bien avant sa venue dans cet antre frigorifique. Nul doute que s’il avait eu pour dessein de contrer les sombres machinations de ce sinistre nécromant, ce dernier l’aurait occis sans autre forme de procès.

Valandir abaissa légèrement ses paupières, obombrées de cils laiteux, et répondit avec fermeté, sans l’ombre d’une hésitation.

- J’accepte de me plier à vos ordres et de jouer le rôle que vous me destinez afin de contrer vos adversaires. Je serai vos yeux et vos oreilles et j’irai là où vous ne pouvez aller.

L’Empereur Eternel s’éloigna, semblant en proie à une intense réflexion, et commença à arpenter la salle, tout en jetant de temps à autre un coup d’œil à son interlocuteur. En dépit du fait que Valandir ne pouvait voir son regard, dissimulé par la visière de son casque, il sentait que le seigneur des ténèbres l’étudiait et tentait de sonder ses motivations.

Le mage noir crût bon d’ajouter qu’il serait un mentor exigeant et soumettrait son élève à une discipline de fer. Toutefois, en dépit de sa dureté, il fournirait un enseignement d'une qualité qu’aucun Archimage ne serait en mesure de donner. Un léger sourire ourla les lèvres de l’elfe évanescent et il répondit calmement :

- Je n’en attendais pas moins de celui qui est surnommé l’Empereur Eternel et qui est parvenu à soumettre la grande faucheuse. Je suis conscient de l’exigence d’un tel enseignement et que parvenir à maîtriser les arcanes funestes est un art qui n’est guère à la portée du commun des mortels. Aussi suis-je prêt à m’en remettre à vous et à suivre ce qu’il vous semblera bon de m’enseigner.

Un autre point restait à élucider pour décider de la suite de l’instruction de Valandir. Ce dernier avait le choix entre la nécromancie blanche et la noire et de sa décision dépendrait son avenir.

L’elfe lactescent réfléchit brièvement avant de poursuivre :

- Dans les cercles de nécromancie, je suis souvent surnommé le nécromant blanc, aussi aimerait poursuivre dans cette voie qui semble pure en apparence mais recèle aussi d’innombrables ténèbres. A l’image de l’astre lunaire qui possède une face cachée ou d’un champ de neige, d’une ineffable beauté, mais pouvant conduire à la mort.

Ensuite une fois cet aspect éclairci, Césario se tourna une nouvelle fois vers Valandir afin de lui poser une question cruciale. L’elfe l’écouta parler sans sourciller et son adorable visage demeura imperturbable, malgré le dilemme cornélien auquel il allait être confronté.

-Tant que nos intérêts convergeront, je vous serai loyal. Cependant, il m’est impossible de connaitre l’avenir et si ma puissance parvenait à égaler voire à surpasser la vôtre, je pourrais représenter une menace, tout comme un allié précieux. A vous de décider si vous acceptez de prendre un tel risque.

L’elfe aux cheveux neigeux avait préféré faire preuve de sincérité et avouer au mage ténébreux qu’une telle collaboration n’était pas totalement dénuée de risques. Valandir était un être à la psyché complexe et différait des elfes morts-vivants, totalement soumis à la volonté de Césario. Un vivant possédait ses propres ambitions et conservait son libre-arbitre, ce qui laissait la porte ouverte à l’incertitude et à la trahison.

Tout en gardant ses prunelles bleutés dardées sur l’Empereur Eternel, le nécromancien blanc se décida à lui poser une question qui depuis le début de leur entrevue lui brûlait les lèvres :

- J’aimerais connaitre les raisons de votre admiration pour l’Ancien Empire d’Or Elfique. Nourrissez-vous le désir de le voir renaître de ses cendres ? Est-ce que c’est en partie car je suis un enfant de ce peuple que vous avez accepté de me prendre comme disciple et de m’amener au faîte de la puissance ?

Face à son macabre vis-à-vis, Valandir prit le parti de répondre avec sincérité à ses questions, estimant qu’il s’agissait de la voie la plus avisée et la moins risquée. Après tout, Césario n’était pas stupide et savait mieux que quiconque discerner le mensonge et l’hypocrisie derrière des paroles mielleuses. Cet être singulier, revenu d’outre-tombe, était habitué à voir les flagorneurs déposer des hommages à ses pieds, dans le seul but d’obtenir ses faveurs.

La franchise de l’elfe sembla plaire à Césario, dont le ton perdit de sa solennité pour se faire plus amical, du moins pour une redoutable créature telle que lui. Le nécromant blanc l’écouta parler sans l’interrompre, mais prit soin d’analyser chacune de ses paroles, tentant de cerner la psyché de cet individu obscur.

Ce dernier louait l’ambition dévorante qui habitait Valandir, même si elle éveillait en lui une certaine méfiance. En effet, seul un être doté d’une grande ambition et de puissants pouvoirs pouvait être en mesure de rivaliser un jour avec lui ou même de le supplanter.

Lorsque leur conversation dériva sur la question de son enseignement nécromantique, Césario exposa attentivement à son futur disciple les tenants et les aboutissants d’un changement de voie. Actuellement, l’elfe nécromant était capable de réanimer les cadavres, grâce à la nécromancie noire, mais s’il abandonnait ces sombres arcanes, celui-ci perdrait ce pouvoir.

- J’en ai conscience et je sais que l’existence comporte des choix. Toutefois, la nécromancie blanche sert mieux mes nouvelles ambitions et ce que je perdrais d’un côté, je le récupérerai sous une autre forme. Sans compter que j’ai parmi mes adeptes de nombreux serviteurs qui continueront à user de la nécromancie noire, répondit l’elfe d’un ton calme.

Ensuite l’Empereur Eternel répondit à la question de son interlocuteur concernant sa fascination pour l’ancien Empire d’or Elfique. Et certaines de ses paroles, pour le moins sibyllines, laissèrent l’elfe lunaire songeur à propos de la grandeur de cette civilisation disparue. Pourrait-elle vraiment renaître un jour tel un phénix renaît de ses cendres et retrouver sa gloire d’antan ?

Pendant que ses pensées se bousculaient dans l’esprit de Valandir; Césario s’approcha de lui et poursuivit la conversation d’un ton malicieux, en profitant pour le mettre en garde, avant de lui poser, à son tour, une surprenante question.

Le nécromant opalescent resta silencieux un bref instant, réfléchissant à sa question, avant de briser le silence :

- A mes yeux, l’ambition ressemble à un feu dévorant qui semble inextinguible et qui pousse à toujours aller de l’avant, à ne pas se contenter de ce qui est acquis, mais au contraire à repousser sans cesse les frontières de l’impossible. La plupart des individus n’aspirent qu’à mener une vie ordinaire, à conquérir un bonheur banal, et ne pourront jamais comprendre ce sentiment lancinant qui pousse certains êtres à se surpasser et à réaliser des exploits qui seront gravés à jamais dans les mémoires. Pour de nombreuses personnes du commun, génie rime souvent avec folie. Si vous êtes si ambitieux, c’est peut-être car un feu invisible consume vos entrailles et que la richesse, les simples plaisirs du monde ne peuvent assouvir votre désir et qu’il vous faut réaliser de grandes choses pour vous sentir vibrer…

Valandir écouta avec attention les paroles de Césario, concernant l’indispensable détermination nécessaire à l’atteinte de ses buts, et acquiesça silencieusement. Bien sûr qu’il possédait des convictions fortes, sans quoi sa quête de l’immortalité serait d’avance vouée à l’échec. Un objectif aussi ambitieux ne pouvait être accompli que par un être doté d’une volonté inébranlable et prêt à affronter l’adversité.

- Un ancien proverbe dit que lorsque l’élève est prêt, le maître apparaît. Je ne doute pas que nombres de vos enseignements seront très précieux, même si certaines choses ne peuvent s’apprendre que par l’expérience personnelle. Aussi, outre votre enseignement, devrais-je poursuivre une partie de ma formation par moi-même, mais ne dit-on pas que l’existence est la meilleure école ?

L’elfe lunaire était encore jeune, au vu des critères de sa race, et avait encore une longue route à parcourir, mais il venait d’accomplir un pas décisif. Contracter une telle alliance avec un nécromancien, tel que l’empereur éternel, serait sans doute une décision lourde de conséquences, bonnes ou mauvaises. Mais il était prêt à les assumer, qu’advienne que pourra.

- Il semblerait donc que je sois à mi-chemin, à la fois loin et près de la vérité vous concernant, répondit Valandir. Ce qui en soit n’était guère étonnant car un individu tel que vous ne se laisserait pas cerner si facilement.

L’empereur éternel en profita pour poser une nouvelle question à son futur disciple concernant son amour du pouvoir, non pas uniquement la puissance, mais celui d’agir sur autrui.

- A mes yeux, le pouvoir est un moyen est non une fin. C’est un simple instrument qui permet d’atteindre ses objectifs ou un beau jouet avec lequel il est plaisant de s’amuser. Je n’éprouve pour lui ni un amour démesuré, ni une méfiance pusillanime, comme tous les outils il dépend de l’usage qui en est fait.

Toutefois, quitte à choisir mieux valait avoir le pouvoir entre ses mains, plutôt que le laisser entre les mains d’autres ou se trouver à la merci des éléments. Après cela, Valandir se rapprocha doucement de Césario.

- Je suis prêt pour que vous purifier mon essence Nécromantique.

Valandir approuvait le fait qu’on ne pouvait jamais connaitre totalement les individus, et que ceux-ci resteraient à jamais auréolés de mystère.

- Je crois également qu’il est impossible de se connaitre totalement soi-même, quoiqu’on fasse une part de nous-même nous sera toujours inaccessible.

Ensuite, Césario exposa son point de vue concernant la possession du pouvoir, ce qui n’était pas vraiment étonnant venant d’un nécromant conquérant tel que lui. Valandir ne partageait pas totalement son avis concernant la liberté procurée par le pouvoir, car ce dernier, bien que grisant, pouvait se révéler être également un fardeau.  Le pouvoir de commander aux êtres ne se gagnait qu’au terme d’une longue lutte et ne se conservait qu’au prix de nombreux efforts. Sans compter que le pouvoir et son exercice s’accompagnaient de contreparties, voire impliquaient le sacrifice de choses précieuses. Il y avait toujours un prix à payer, et la liberté en faisait parfois partie…

Toutefois, Valandir se garda bien d’exprimer le fond de sa pensée et se tut, laissant son mentor accomplir son rituel purificateur.

Quand l’empereur éternel s’approcha de son disciple, et apposa ses mains sur ses épaules, en récitant des incantations, ce dernier sentit une vague d’énergie magique envahir son corps. Pendant tout le temps que dura ce rituel, l’elfe lunaire éprouve l’ineffable sensation que son essence Nécromantique se purifiait peu à peu, délaissant les ténèbres de la magie noire pour des arcanes plus épurés. Néanmoins, cette blancheur était trompeuse et le nécromant savait qu’il conserverait le pouvoir de convoquer des créatures sépulcrales, aux pouvoirs redoutables.

- Je ferai l’impossible pour user au mieux de la nécromancie blanche, répondit-il d’un ton solennel. Avez-vous encore autre chose d’important à me dire ou d’autres instructions à me donner avant mon départ ?

Si tel n’était pas le cas, alors Valandir pourrait s’éclipser et poursuivre son apprentissage par ses propres moyens. Dans tous les cas, une fois le moment venu, Césario saurait lui faire parvenir un message ou le convoquer pour parfaire son initiation.