Port de Liomaida – 9 Aprilis de l'An 2000 de l'Âge d'Acier.

La proue du vaisseau dasalvurien fendait régulièrement les flots bleus de l'océan Nennvial, en approchant les côtes duchéennes après avoir longé loin aux larges celles qui dépendaient d'Akkaton. C'était la première fois qu'Iryna faisait un si long voyage en mer, et elle ne pouvait s'empêcher de se sentir exaltée par ce voyage et ce qu'il impliquait. Enfin, elle allait pouvoir mettre en application les projets qu'elle formait pour le futur de Dasalvuri, ce qui passait par le fait de se trouver des alliés, si possible nombreux et puissants. Les Duchés n'étaient sans doute pas, individuellement, les plus puissants possibles, mais nombreux ils l'étaient certainement, et ils semblaient un bon terreau sur lequel commencer à faire pousser ses ambitions pour son pays ! Cette perspective, couplé à un voyage en mer agréable, juste après les dernières tempêtes ayant rythmé l'hiver, gonflaient son moral de belle manière !

Elle se trouvait à la proue, à contempler l'océan et la péninsule de Liomaida qui se rapprochait au loin, à l'horizon, quand un officier de bord vint la prévenir que, comme elle pouvait du reste s'en rendre compte visuellement, le débarquement ne tarderait guère. Avec un doux soupir de regret, la Princesse retourna donc dans sa cabine pour se préparer à débarquer en étant vêtue comme il se doit et apprêtée pour représenter la Royaume de Dasalvuri dans le monde, puisque tel était précisément le but de sa visite. La damoiselle avait porté durant le voyage une robe blanche légère, sans évidemment être indécente, mais revêtit son bel habit de cour, blanc – également, ce n'était pas pour rien sa couleur préférée – et or, qui mettait en valeur sa beauté, sans vulgarité, et son rang, sans ostentation vaniteuse.

Le capitaine était un marin expérimenté, qui avait déjà de nombreuses fois fais la liaison avec divers duchés, dont celui-ci, et l'entrée au port puis l’amarrage se firent sans accroc, la délégation informelle ayant bien entendu obtenu en amont toutes les autorisations nécessaires. Iryna garda un œil sur les manœuvres par le hublot de sa cabine alors qu'elle finissait d'ajuster sa tenue, qu'elle portait avec naturelle en dépit de son apparente formalité, et sourit à la dame de compagnie qui l'avait accompagnée durant le voyage, et qu'elle considérait comme une amie en dépit de leur différence de statut.

« Hé bien, Manana, nous voici arrivé ! Souhaite moi bonne chance ! »

Les deux jeunes femmes échangèrent en sourire et quelques paroles, puis Iryna monta sur le pont, où elle fut rejointe par une escorte formelle de deux chevaliers à pied, deux guerriers humains dasalvurien qui faisaient partie de la garde d'honneur royale et étaient là autant pour le rang que pour la protection. Ses deux suivants marchant à un pas derrière elle, la Princesse descendit ainsi la passerelle mise en place par l'efficace capitaine, et descendit à terre pour fouler le sol des Duchés du Sud et découvrir le comité d'accueil envoyé là par l'elfique dame qui l'avait invitée en ces lieux...

En arrivant sur le quais, Iryna trouva donc un comité d'accueil tout à fait à la hauteur de ce qu'elle pouvait attendre, en la personne d'une belle Kitsune accompagnée d'un grand palanquin et d'une garde de mercenaires, ce qui semblait pour le moins digne de son rang. À dire vrai, les palanquins n'étaient pas vraiment quelque chose de courant en Dasalvuri, où la famille royale avait généralement pour coutume de se déplacer plutôt à cheval, mais si la damoiselle fut quelque peu surprise de ce moyen de transport exotique, elle n'en laissa rien paraître, et se contenta de hocher doucement la tête en réponse aux salutations qui lui étaient adressées.

« Enchantée, Dame Elinor... c'est un plaisir pour moi de recevoir un si bon accueil en arrivant dans votre contrée, et j'espère que cela sera une augure positive pour le renforcement des liens commerciaux entre votre Dame et les intérêts dasalvuriens. Je serai heureuse de prendre place avec vous et d'être menée jusqu'à elle. »

Iryna s'était à vrai dire attendue à ce que sa correspondante vienne en personne l'accueillir sur le jetée, mais là aussi elle su rapidement rebondir sur ce petit imprévu. Donnant quelques consignes rapides pour reconfigurer les prévisions de son escorte, elle fut bientôt entourée de Manana, sa douce suivante, et d'une escorte de six hommes – les deux humains qui étaient descendus avec elle à l'origine, deux elfes et deux orcs, tous portant l'armure des chevaliers de Dasalvuri – qui prirent place avec les mercenaires cependant que les deux femmes s'installaient dans le palanquin. Le reste de la suite de la Princesse pourrait suivre plus tard, une fois les bagages amenés avec l'aide des serviteurs de la Maison de l'Oiseau Bleu, et une fois les détails réglés autour du vaisseau. De fait, la jeune femme considérait qu'elle n'avait pas besoin d'une armée pour une visite de courtoisie, surtout considérant le fait que son hôtesse avait déjà mis à sa disposition une force locale pour assurer sa protection si nécessaire.

Les trois femmes – la Duchéenne et les deux Dasalvuriennes – purent donc cheminer tranquillement dans le palanquin, la suivante restant modestement silencieuse, comme on pouvait l'attendre de quelqu'un de son rang, bien qu'elle jette des coups d’œils curieux par les ouvertures de leur moyen de transport. Iryna, de son côté, regardait plus posément ce premier aperçu de la ville qui leur était offert, et ne manqua pas de poser de sa douce et belle voix quelques questions à leur compagne de voyage sur les différents quartiers traversés, semblant sincèrement curieuse à propos de cette ville et de ce pays que, certes, elle avait appris à connaître dans les livres et par les récits, mais qu'elle découvrait pour la première fois – même si, évidemment, il s'agissait là d'une curiosité polie et contenue, pas de l’ébahissement qu'on aurait pu trouver chez une simple fille de la campagne !

Quoiqu'il en soit, ils arrivèrent finalement à destination, une villa largement à la hauteur de ce que s'était imaginé Iryna pour une si riche correspondante, et virent venir à leur rencontre ladite correspondante, plus belle encore, pour le coup, que la Princesse ne l'avait imaginée, dans une stupéfiante robe lavande. Ce n'était évidemment pas la première fois qu'elle était confrontée au rayonnement de la beauté elfique, mais cela ne l'empêchait pas de reconnaître l'éclatante beauté de Tullia, qui attira sans doute les regards de son escorte, quoique la jeune femme elle-même accueille surtout cette rencontre d'un franc et chaleureux sourire, tout en rendant à la Duchéenne son salut d'un doux hochement de tête.

« Dame Azul, croyez bien que le plaisir est mien d'avoir enfin l'occasion de vous rendre visite. Le voyage fut des plus agréable en effet, grâce à votre prévenance, et je me réjouis d'avoir la joie de faire votre connaissance tout en découvrant les merveilles que, à n'en point douter, votre Maison et votre pays ont à ofrrir. »

La voix d'Iryna était aussi franchement chaleureuse, et il n'était guère difficile, en jugeant celle-ci autant qu'en contemplant son beau visage à l'expression ouverte, de deviner qu'elle était sincèrement heureuse de cette rencontre, en effet.

Que ce soit en beauté, en grâce ou en noblesse de comportement, la sublime Tullia était largement à la hauteur de ce qu'avait attendu Iryna, et celle-ci la rejoignit donc avec plaisir, avant de s'engager à ses côtés dans la demeure, son escorte ne la suivant pas plus loin que l'entrée et gagnant au contraire l'endroit où les mercenaires ou domestiques locaux voudrait bien les mener, seule sa douce dame de compagnie la suivant, quelques pas derrière la Princesse et son hôtesse.

« Je serai ma foi heureuse de profiter de votre discussion sans devoir passer par la longue attente qu'impose la correspondante écrite, tout autant que de visiter la fameuse Maison de l'Oiseau Bleu. »

Souriant doucement, la Princesse aux cheveux de neige suivit donc la belle Elfe à l'intérieur de sa demeure, qui l'intéressa plus par son exotisme que par son luxe proprement dit... après tout le luxe en lui-même n'était guère inconnu au palais royal de Dasalvuri, mais bien des choses dans la demeure de la courtisane duchéenne n'aurait guère trouvé leur place dans le palais, que ce soit pour des raisons culturelles ou tout simplement climatiques, comme c'était le cas par exemple pour certaines des plantes de la serre, qui ne poussaient guère, fut-ce sous serre, sous les climats plus froids du royaume septentrional qui, sans être évidemment pris dans les glaces du grand nord, ne jouissait pas tout à fait de la même douceur général que le climat duchéen. En sommes, Iryna manifesta un intérêt polit et sincère, cependant que sa suivante, moins bien éduquée certainement, posait un grand regard curieux sur tout ce qu'elles croisaient, elle qui faisait certainement le premier voyage de sa vie, pour le coup !

Quoiqu'il en soit, le salon végétal où Tullia les conduisit étaient charmant, et, à l'invitation de son hôtesse, la fille de Roi prit place sur un canapé qui semblait assez confortable tout en lui permettant de s'asseoir correctement, ne se plaçant en suit ni dans une posture rigide ni tout à fait de façon aussi détendue que la belle Elfe, assise simplement face à celle-ci, les jambes doucement jointes et les mains posées en douceur sur celles-ci. Manana, de son côté, prit place sur un pouf un peu plus loin en tentant de s'asseoir sur le bord mais en finissant profondément enfoncée dedans, se redressant comme elle pouvait sans trop embarrasser sa maîtresse, qui se contenta d'un léger sourire avant de ramener son attention sur celle pour laquelle, après tout, elle avait fait ce si long voyage, et qui vint à s'enquérir de ses impressions sur le port où elle avait débarqué.

« Hé bien... à la fois oui et non. Dans un sens cela reste un grand port de mer, comme peut l'être le grand port royal de Dasalvuri, où des vaisseaux accostent nombreux et repartent en tout aussi grand nombre. D'un autre côté, on sent une dimension différente à Liomaida, notamment avec ces immenses voiliers taillés pour parcourir les océans et dont les cales semblent pouvoir receler mille et une merveilles... ou alors juste de très grosses caisses d'épice, je suppose. »

La damoiselle parlait d'un ton détendu, et non sans une pointe d'humour, voyant cette discussion plus comme un échange amical que comme un test quelconque, tout en se détendant dans le confortable et moelleux fauteuil mis à disposition par son hôtesse.

« Il y a aussi évidemment des différences de langue et sans doute aussi dans l'atmosphère, avec des dialectes bien plus nombreux encore ici, et peut-être encore plus animés, ahah ! Mais au fond on sent les grands ports taillés pour le commerce, et en cela je dois dire que cela me rappel plaisamment mon île natale. Les Dasalvuriens tiennent peut-être cela en commun avec les Duchéens qu'ils aiment la mer et la navigation. »

Rien de très étonnant pour un peuple d'insulaire... ou pour une nation de marchands, tout autant ! D'autant que si les Duchés n'étaient pas une île, loin de là, ils n'en restaient pas moins plus que généreusement pourvus en côtes de toutes sortes !

« Peut-être me rappellent-ils d'autant mieux Dasalvuri que j'ai pour comparer les ports akkatoniens que nous avons parfois vu depuis la haute mer, et qui, avec leur lourds navires d'acier, m'ont semblé bien moins amicaux. La vapeur permet peut-être des records de vitesse, mais j'aurais toujours un goût personnel pour l'élégance et la fiabilité des voiliers. »