Cela faisait bien des mois que Mehenyt s'était enfermée dans la bibliothèque d'Eïlynster (littéralement. Elle avait trouvé un recoin non usité depuis des lustres, et avait réussi à échapper à la vigilance des gardiens chaque nuit), potassant sur une solution pour laver son honneur après la défaite face aux Teïderiens, défaite qui lui retournait encore les tripes, sans parler de sa capture.

Toutes les sources menaient à un seul et unique point: la citadelle de Nephtys. Mais absolument impossible de savoir de quoi il en retournait exactement, et en tant que naga, Mehenyt savait très bien que faire parler les anciens (ou dirait-elle, les vieux croulant), serait aussi aisé que de récupérer le venin d'un Scorpion de boue. Malheureusement, il fallait bien se rendre à l'évidence : même les ouvrages de la Grande Bibliothèque avaient atteint leur limite. Il lui faudrait essayer de remonter à la source par elle-même, et enquêter du côté de la ville natale de sa mère.

Elle fit son sac sur un coup de tête, comme d'habitude, emportant quelques potions de premiers secours et des potions contre la chaleur, au cas où elle croise quelque misérable créature piégée par la désert, prête à verser une copieuse somme. Elle croisa bien quelques pauvres âmes, lesquelles vinrent permettre de renflouer ses acquis, précaires : en raison de la guerre imminente avec Teïder, sa caisse avait été réquisitionnée, et les bénéfices que son métier d'apothicaire lui apportaient avaient été remplacé par son misérable salaire de soldate au bas de la hiérarchie d'Eïlynster. Maintenant, une grande partie de ses ventes se faisait donc sous le manteau, la sorcière n'étant pas prête à abandonner son confort matériel juste pour des sottises Teïdériennes.

« Bonjour à toi jolie fleur, tu n'as pas tant de soucis toi… je t'envie, les relations avec les autres sont tellement compliqué....  »

Mehenyt ouvrit des yeux comme des soucoupes en entendant la voix du passant juste à côté d'elle, alors qu'elle passait les portes de la cité de ses ancêtres.

- Inadéquat. Je suis pas intéressée." siffla-t-elle, outrée, mais rougissante.  Puis comme à son habitude, une fois gênée, elle se mis à déballer tout son sac et à se faire valoir: Je suis très occupée. Je dois mettre fin à la guerre. Mettre la main sur le secret de la magie de la vie. Je suis très douée donc ce ne sera pas difficile. Très très occupée.

En effet, Mehenyt et les secrets, c'était tout à fait incompatible, elle sautait sur la moindre occasion de tout déballer si ça pouvait la mettre en valeur. Elle ferait une piètre espionne, et c'est la raison pour laquelle on ne lui confiait jamais aucune mission importante si on pouvait l'éviter...

Huh ! Comment ça, il ne la connait pas !? ... Bon, à dire vrai, Mehenyt n'est pas réellement une vedette, surtout en dehors de la citadelle d'Eïlynster, il fallait bien l'avouer. Non pas qu'elle soit (malheureusement) une attraction touristique à Eïlynster même, surtout après ses mois dans la bibliothèque. Et puis, ici, ce n'est pas comme si sa race détonnait franchement dans le décor, à vrai dire c'était plutôt l'inverse. C'était lui qui détonnait.

- Je ne parlerai pas de magie !" Déclara-t-elle, réalisant un peu tard qu'elle s'était trop avancée. "T'es pas un naga. T'as pas le droit d'écouter nos secrets." siffla-t-elle, courroucée. Elle n'était pas forcément raciste, mais elle était tout de même très chauvine, surtout pour quelqu'un qui n'avait fréquenté le désert d'Akkaton qu'une poignée de fois dans sa vie. Il faut croire que son statut d'hybride la pousser à surcompenser pour une culture avec laquelle elle avait au final très peu d'attaches (sa mère n'était pas vraiment une femme de culture après-tout).

Et puis, en plus, c'était elle qui sauverait le monde grâce à cette nouvelle magie ! C'est à elle que le monstre avait parlé, après tout ! Elle ne pouvait pas laisser de la concurrence s'installer en toute impunité. Le fait qu'il ne s'agisse pas d'un naga était juste pire.

- Je suis pas bête. Si tu parlais à toi-même, t'aurais pas dit "joli fleur"." Conclut-elle, très fière de ses talents d'espionne, tout à coup. Ses supérieurs dans l'armée n'étaient que des mauvaises langues jalouses ! Mais derrière ces pensées, une autre toute particulière lui vint soudainement.

- T'es un espion !" A la solde de Teïder sans doute, pensa-t-elle alors. Oh non, peut-être ses supérieurs avaient-ils eu raison, elle l'avait certes démasqué, mais elle venait de déballer beaucoup d'informations sensibles... ! La boulette...

Mais attends, si il était de Teïder, pourquoi pouvait-elle discerner des oreilles animales dans sa chevelure ? Un déguisement, sans doute ! Et elle fondit prestement sur lui pour les lui retirer et le démasquer.

- Tu t'en sortiras pas ! Ordure de Teïder ! Moi, Mehenyt de Gemehtoues, vais te livrer à la citadelle !

Bon, la discrétion c'était toujours pas ça, visiblement...