30 mai 2001

Le moment dédié à la prière allait bientôt toucher à sa fin. Tous les matins, dès le levé, le rythme était le même pour les membres du Culte. Prier, faire ses ablutions, prendre un petit déjeuner sans prétention, prier à nouveau, puis étudier les affaires courantes avant de prier à nouveau avant le déjeuner. Un cycle qui permettait de respecter les obligations religieuses et spirituelles, démontrant toute obéissance et soumission au Père des Souffrances et à la Mère de toute Vie. Bracyslavara priait en silence, respirant doucement l’air empli d’encens magique qui permettait, soit disant, une meilleure connexion spirituelle.

Sa dévotion était évidemment tournée vers la Mère de toute Vie. Ses suppliques concernaient l’expédition qu’elle allait rejoindre juste après son repas du matin. Les théologistes du Culte, en faisant des recherches diverses dans des ouvrages littéraires historiques et géographiques, avaient retrouvé la trace d’une relique perdue. Une relique suffisamment importante pour que le grand Patriarche ordonne à ce qu’elle soit récupérée dès que possible par des membres importants du Royaume. Il avait mandaté la Matriarche ainsi que le grand Inquisiteur pour cette recherche, sans vraiment laisser le choix aux conviés d’approuver ou de décliner l’offre.

Le voyage ne risquait pas d’être forcément dangereux, même si l’on ne savait jamais à quoi s’attendre dans les marais de Teïder. En revanche, la recherche de la relique perdue et oubliée dans un labyrinthe de grotte du sud du Royaume allait être plus risquée. Qu'allaient-ils pouvoir trouver dans ces cavernes ? Qu’est-ce qui pouvait supposément garder précieusement cette relique ? Bracyslavara était certaine que la relique ne les attendait pas sagement seule, sans gardiens ni protecteurs. Une intuition, un pressentiment, ou peut-être même un avertissement provenant de la Mère de toute Vie elle-même.

Après cette longue séance de communion mêlée de questionnements et de doutes, la Matriarche fit ordonner à ce que l’on mène ses affaires directement à la calèche. Elle n’avait pas grand chose à apporter, mais juste le nécessaire pour un voyage qui allait peut-être durer quelques jours. La destination était la ville de Byalach, au Sud du Royaume. Ce n'était pas très loin d’Orzus, et il s’agissait d’une capitale de comté suffisamment puissante pour y trouver de quoi se réapprovisionner en cas de besoin. Une fois que la Matriarche eut confirmation que ses effets personnels étaient bien embarqués, elle partit à son tour s’installer dans la luxueuse calèche. Elle était la première à monter, et le convoi prit rapidement la direction du lieu de vie du grand Inquisiteur pour venir le chercher à son tour.

Il s’agissait d’un homme froid, sec, peu enclin à la conversation, un homme typique du Royaume pour résumer. Après quelques instants, l’homme apparu pour grimper à son tour dans la calèche.

- Bonjour à vous grand Inquisiteur. J’espère que vos prières furent bonnes ce matin. Les miennes étaient remplies de questionnement sur la relique. Mais installez-vous. Je vous ai laissé la place pour être dans le sens du voyage.

Quelques instants plus tard, la calèche part à toute allure vers Byalach, accompagnée de quelques soldats du Royaume en guise de protection.

Sigismond avait sans doute choisit de lui-même de venir, le grand patriarche n’ayant absolument pas assez d’autorité pour ordonner à un grand inquisiteur nominé par le seigneur de la souffrance en personne, de suivre ses quatre volontés. Quoiqu’il en soit, il se retrouvait donc à devoir rechercher une ancienne relique en compagnie d’une croyante vertueuse qui tenait elle aussi à participer à cette sainte mission. Sigismond était légèrement rebuté à l’idée qu’une prêtresse et femme pieuse risque éventuellement sa vie, mais il supposa que cela avait trop d’importance d’un point de vue spirituelle pour la suprême prêtresse de la mère de la vie, pour contester cela au final...

C’est ainsi que Sigismond avait attendu que la calèche contenant la sainte matriarche vienne la chercher, après tout comme souvent depuis sa nomination, il résident à Orzus. La sainte matriarche qui était une femme sainte et pieuse en effet, pour qui il avait de l’estime... ce qui était rare de sa part envers un membre du sexe féminin. Néanmoins il ne pouvait qu’apprécier la dévotion de la matriarche, son sens du devoir et sa discipline, le genre de choses qui manquait malheureusement à beaucoup d’hommes aussi...

C’est ainsi revêtu de son habituelle robe inquisitoriale et en ayant sur lui les affaires lui étant nécessaires, c’est à dire pas grand-chose, qu’il rejoindra la matriarche au point de rendez-vous, puis montera avec elle dans le calèche d’un mouvement sec et efficace. Le grand inquisiteur qui portait alors comme toujours un masque cachant son visage, répondra alors poliment, quoique de son habituel ton froid à la mère.

« Mes prières furent bonnes et complètent sans doute les vôtres, elles furent tournées vers la réussite de nos recherches et surtout la véracité de ce que nous avons appris. Quoiqu’il en soit je ne doute pas, que le père de la douleur et la mère de la vie bénirons notre action. »

Ceci dit il s’installerait dans la calèche, et s'il n’était pas habitué à un tel moyen de transport en soit, il sut parfaitement s’asseoir et s'installer dans celle-ci, puis il ajouterait avec réflexion lorsque le tout s’élança...

« Vos ouailles se portent bien ? J’entends toujours le plus grand bien de la disciple que vous maintenez et de l’éducation que vous offrez, je pense que le seigneur de la souffrance en est aussi satisfait, quant à la mère de la vie, contrairement à vous je ne saurais dire ce qu’elle en pense. » En somme il prenait des nouvelles et abordait un sujet un peu grave et sérieux, quoique bien géré à ses yeux...

L’homme était vêtu de sa robe d’inquisiteur aux couleurs sobres et ternes, en plus de cela, il portait aussi le masque si distinctif de l’inquisition. Une vie dédiée à pourchasser les hérétiques pour le bien commun, des intentions tout à fait louables pour le culte de Teïder. Enfin, c’est ce que Bracyslavara se disait en voyant apparaître Sigismond par la portière de la calèche. La voix ferme et sèche, il s’adressait à elle avec la condescendance naturelle que les hommes du Royaume portent aux femmes. C’était ancré dans leur culture, et la plupart ne s’en rendaient même pas compte.

- Ils connaissent déjà le chemin que nous allons parcourir. J’ai confiance en ce voyage. Cette relique doit être retrouvée et ramenée à Orzus, c’est évident.

Une sortie sans remous ni surprise pour la Matriarche qui préfère rester courtoise avec l’Inquisiteur qu’elle a peu fréquenté depuis sa nomination. Cette distance était un choix de la part de Bracyslavara, elle qui avait été parfois remise en question par certains inquisiteurs qui ne pouvaient supporter qu’une femme ait une connexion spirituelle aussi puissante avec la Mère de toute Vie. Depuis cette époque, elle se garde bien de les fréquenter, et uniquement lorsque c’est nécessaire, comme le cas présent.

Alors que l’homme s'installe à sa place en déposant ses quelques affaires de voyage, la calèche se mit à avancer à bon rythme, berçant les passagers avec le claudiquement de la route pavée. Le voyage allait être rapide et la prêtresse suprême avait amené avec elle un long chapelet, objet idéal pour occuper son esprit par la prière. L’inquisiteur pouvait apprécier les détails de couture de la robe qu’elle avait choisie pour l’occasion. Verte comme une émeraude, avec des broderies en arabesque qui étaient également visibles sur le tissu du voile qui lui couvrait les cheveux. Une tenue peu opportune pour un tel voyage, mais les femmes n’avaient pas le choix dans leur rôle de représentation du féminisme parfait. Pour compenser, elle avait d’excellentes chaussures qui lui permettaient de marcher dans les cavités souterraines.

- Je vous remercie pour les excellents retours que vous me faites. Mes filles se portent bien, avec de la rigueur, et une bonne éducation, elles peuvent trouver leur place bien plus facilement auprès de leur mari. Le Patriarche ne communique pas avec moi, je n’ai aucune idée de ce que peut penser le Père des souffrances à l’égard de mes filles. J’imagine que si sa colère avait été attisée, j’en aurais été la première informée.

La fin de sa phrase avait été ponctuée d’un sourire, afin de bien préciser par ce langage non-verbal qu’elle ne parlait pas au premier degré. Il était évident qu’elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour plaire au saint Père, la preuve avec cette école dédiée aux femmes qui les transformait en épouse soumise, un tempérament très recherché par les hommes virilistes et machistes de Teïder. Enfin, ils étaient surtout là pour se questionner sur la sainte relique.

- En savez-vous davantage sur l’étincelle vacillante ? On m’a informé qu’il s’agissait d’une relique ancienne et sacrée. Probablement magique.

Il ne fallait pas qu’elle étale sa culture devant cet homme, alors la Matriarche singeait l'innocente naïveté. En plus de ça, il était certain que l’Inquisiteur avait été mieux informé qu’elle, car après tout, pourquoi s’embêter d’expliquer intégralement une chose à une femme lorsque l’on peut l’expliquer directement à un homme ?

Sigismond ne se rendait sans doute pas compte en effet de la condescendance naturelle qu’il affichait à l’égard de la mère supérieure. Il faut dire, il faisait assez souvent exprès de l’être à l’égard des femmes, donc quand il ne faisait pas exprès, les relents de la chose devaient rester. Néanmoins à ses yeux, il était tout à fait polit et respectueux donc, pour preuve il n’avait émit aucune parole emplie de critiques, chose dont le grand inquisiteur ne se privait pas en général…

« En effet, une évidence et une mission sacrée que la notre. Je peux gager que la père en sera satisfait. » Conclura t-il sinon gravement à ce sujet, lui qui des fois rencontrait le seigneur de la souffrance depuis son invocation, devait être plutôt fiable pour faire ce genre de déclaration. Cela ou bien il estimait que son dieu devait l’avoir en sa faveur, car après tout c’était nul autre que le seigneur de la souffrance qui avait promut Sigismond à cette position de pouvoir…

Pour le reste, il ne s’attarda sans doute guère sur les vêtements de la sainte femme. Sans doute qu’il l’aurait fait s’il avait trouvé quelque chose d’obscène ou de d’indigne à ses yeux à voir, mais hors d’un tel cas, son intérêt pour l’habillement féminin, ou masculin aussi était aussi poussé, que celui d’un archimage pour la chimie moderne. Par contre, il s’intéressa à sa réponse et ne manqua pas de dire.

« Le père dans sa grande sagesse vous en aurait en effet informée ou l’aurait communiqué au roi. Notre dieu a une volonté insondable, mais il croit en la possibilité de faire des erreurs et se rattraper, tant que ce n’est pas une faute impardonnable. Cela n’aurait pas forcément été une mauvaise chose, car c’est dans l’épreuve qu’on se forge, mais une femme comme vous a déjà assez éprouvée pour accomplir son devoir et prouver son mérite. »

Et visiblement le grand inquisiteur avait perçut le sous entendu, mais n’était pas trop familier avec ce que certains qualifieraient d’humour. Il faut dire, Sigismond n’avait guère la réputation d’être un bon vivant et encore moins un plaisantin. Tout chez lui ou presque transpirait le sérieux et il était fort à parier que le voir rire était extrêmement rare et improbable pour quiconque le connaissait un peu.

« En effet, mais ce sont plus des racontars et des possibilités que des faits avérés. Certains parlent d’une relique hérétique qui proviendrait du frère maudit du prophète, d’autres d’une ancienne relique sacrée qui a été perdue suite à une guerre, le père nous montrant ainsi sa désapprobation… Ou bien d’un ancien trésor elfique perdu qui a été découvert et confondu avec un trésor saint. Quoiqu’il en soit, il semblerait qu’elle ait des pouvoirs... » Ajoutera t-il sinon avec sérieux, avant de reprendre à l’égard de la sainte mère.

« Je suppose que si jamais cela s’avère être de l’hérésie, nous détruirons la chose sans mal, sinon nous reviendrons avec et triomphants à Orzus, peut-être le roi dans sa grandeur d’âme voudra t-il stocker la relique dans la demeure du seigneur ? » Après tout, le grande temple à la gloire de leur culte, serait sans doute un merveilleux endroit pour héberger un tel trésor...

Le voyage se poursuivait à bonne allure dans la carriole tirée par six jeunes chevaux frais. La route jusqu’à Byalach traversait certes des marécages peu agréables en termes de paysages, mais était suffisamment rénovée et moderne pour permettre aux diligences d'accélérer aisément. La rapidité allait permettre à la Matriarche d’éviter une discussion trop longue avec le grand Inquisiteur qui n’était de toute façon pas un très grand bavard, mais les secousses de la diligence n’étaient pas agréables pour quelqu’un qui n’avait pas l’habitude d’une telle vitesse. Enfin, il était sympathique de constater que cet homme très austère tentait maladroitement de lui attribuer quelques mérites, à elle, une simple femme à son regard machiste.

- Le Royaume est constamment confronté à des épreuves, de plus en plus difficiles. J’espère que collectivement, nous réussirons à nous forger pour vaincre nos ennemis une bonne fois pour toutes. Il est vrai que pour ma part, j’ai beaucoup appris dans l’adversité et dans la difficulté. C’est l’éducation difficile de la vie, la Mère de toute Vie sait accompagner ceux qui veulent avancer.

Des paroles saintes et quelque peu cryptiques dont seuls les religieux de Teïder savaient les formuler. Il fallait comprendre par là que la Matriarche était tout de même inquiète de la situation du Royaume face aux longues guerres qui sont parfois des défaites humiliantes pour les hommes. Néanmoins, elle disait aussi par allégorie qu’elle espérait sincèrement que la Mère de toute Vie aiderait le peuple à atteindre un avenir meilleur que ce présent rempli d’incertitudes. L’Inquisiteur comprendra ce qu’il voudra bien interpréter de tout ça. La discussion se poursuivait également au sujet de la fameuse relique. Alors que la Matriarche était convaincue qu’il s’agissait d’une véritable relique religieuse du Culte, l’Inquisiteur émettait des réserves bien plus nettes. Rien d’étonnant, c’était son travail après tout, de se méfier des croyances un peu trop belles pour être vraies.

- Vous êtes bien avisé d’imaginer plusieurs théories possibles. Je serai l’optimiste parmi nous deux si vous le voulez bien. Ceci étant dit, gardons en tête que s’il s’agit bien d’une relique liée au Père des Souffrances, cela créera un merveilleux émoi parmi nos croyants. Je destine mes prières à une telle bénédiction.

Le cocher qui roulait à toute vitesse fit annoncer par le carreau qui le séparait de la Grande Matriarche que Byalach n’était désormais plus qu’à une petite demi-heure devant eux. En réponse, la femme toqua également la fente de bois et de verre pour confirmer qu’elle avait bien entendu l’information et la transmis directement à l’Inquisiteur. Le Comté de Byalach était réputé pour ses grandes mines à ciel ouvert. L’effondrement d’un pan rocheux était censé permettre au duo religieux de pouvoir atteindre la relique qui sommeillait loin dans la montagne en les attendant.

- J’espère que vous appréciez la viande de crocodile ainsi que leurs écailles. C’est la spécialité de Byalach, et il ne serait pas surprenant que les civils nous fassent des offrandes de ce genre pour nous remercier de passer les voir…

Encore une légère pointe d’humour de la part de la Matriarche. Le crocodile était certes la spécialité de Byalach, mais sa viande était réputée pour être trop forte en goût et immangeable pour les palais peu habitués à de tels mets.

Sigismond ne semblait pas spécialement dérangé par le voyage en diligence, même s’il était fort peu habitué dans les faits à ce genre de moyens de locomotions, il faut dire le grand inquisiteur était le genre d’homme stoïque qui donnait souvent l’impression d’être indifférent à tout ce qui pourrait causer de l’inconfort visible à un autre. Sans doute autant par ses habitudes de vie, qu’à cause d’une forme de discipline austère qu’il s’imposait en permanence. Il remarqua d’ailleurs que la matriarche aussi semblait assez stoïque.

« Le divin est avec nous, nous ne pouvons échouer, nous ne devons échouer ou nous serions alors bien indigne de sa grâce. » Glissera quoiqu’il en soit l’inquisiteur au sujet de la situation un peu difficile de Teïder actuellement. Ce en exposant un point de vue peu étonnant pour lui, qui mêlait à la fois le fait qu’il pensait que Teïder était destiné à vaincre mais aussi… Que de toute manière la défaite était peu envisageable et serait une honte sans limite pour le royaume.

Il avait néanmoins noté que la religieuse devait être légèrement inquiète de la situation actuelle, mais aussi qu’elle approuvait le fait que les épreuves forgent tout un chacun. Il faut dire, comment un homme ou une femme pourrait mériter d’accéder à l’empyrée promis par la dame, s’il ne faisait aucun effort pour ? L’existence n’était que cela, une épreuve que les mortels devaient éprouver pour démontrer leur valeur, rien de plus…

« Il serait en effet pour le mieux que cette relique soit véritable et sanctifiée, ce que nous espérons donc tous les deux. Je me préparerai juste à une possibilité moins idéale, mais si jamais les choses vont dans le sens de votre optimisme, cela me conviendra. » Accordera t-il sinon simplement, quoiqu’il en soit il apprendra sinon qu’ils n’étaient plus si loin de leur destination, ce qui lui convenait, ainsi que d’autres détails. Puis vinrent des questions sur son appréciation du confort qui l’attendrait là-bas ?

« S’ils tiennent à nous faire de telles offrandes je les accepterai, je ne suis pas un amateur de mets raffinés, je n’ai pas ce genre de lubies, mais j’ai déjà mangé pire que du crocodile. » Répondra t-il donc stoïquement, le terme lubie signifiant bien qu’il n’approuvait pas vraiment l’idée de chercher le bonheur et le plaisir dans le fait de se sustenter, même si malheureusement c’était une tendance fort fréquente et difficile à contrer…

« Je doute néanmoins qu’il m’offre quoique ce soit directement, les fidèles craignent la figure du grand inquisiteur et ils ont souvent raison de le faire, mais je suppose que pour votre part la chose est fort fréquente ? » Finira t-il enfin par demander calmement et sans doute pour estimer quel genre de matriarche lui faisait face, après tout il ne désapprouvait pas forcément qu’elle se fasse aimer des fidèles, étant donné ce qu’offrait la mère de toute vie aux fidèles...

L’arrivée dans la ville mettra du temps à se faire, mais guère trop au goût des deux Teïderiens pieux et patients. Bien vite ils virent donc les murs de la ville de Byalach, qui comme toutes les villes du royaume faisait pâle figure en comparaison d’Orzus, notamment à cause de la nature très centralisée de Teïder, mais qui avait l’air plutôt développée et prospère. Le relief marécageux et humide des alentours, même si cultivé néanmoins n’avait visiblement pas permit l’érection de murailles en pierre, car les fortifications de la ville étaient surtout faîtes de bois, quoique épaisses. Mais au vu de l’humidité locale, sans doute qu’il n’y avait de toute façon pas grand-chose à craindre d’un incendie, même si un archimage de feu furieux se déchaîner sur ces murs de bois…

Le reste était assez « prospère » néanmoins, la route qui avait mené de la capitale du royaume à celle du comté était bien entretenue et pavée, avec une fréquentation en voyageurs certaines, les champs des paysans semblaient plutôt bien tenus et leurs demeures assez « honnêtes » et ils avaient évidemment vu sur leurs chemins quelques mines et autres gisements arrachés au marais. Tout comme leur comité d’accueil semblait assez honnête.

Car rien de moins que l’administrateur du comté, un humain évidemment, revêtis d’habits cramoisis assez raffinés et escorté de sa garde personnelle attendaient les deux hautes figures du royaume là où leur diligence dû s’arrêter. Un accueil guère excessif à leur destination, même si évidemment il était peu probable que le gouverneur du comté parte avec eux à l’aventure… D’ailleurs il n’avait pas vraiment les allures d’un aventurier, plus d’une sorte d’administratif compétent et sans doute très, voir trop sérieux.

« Salutations à vous, recevoir des saintes figures tels que vous est un honneur pour mon comté. Comme vous l’avez demandés, nous avons apprêtés des guides et divers ravitaillement pour aider à votre disposition. Je vous ai aussi fait apprêter un logement pour que vous puissiez vous reposer ou préparer une dernière fois avant votre voyage. Et si, vous considérer de me faire un tel honneur, je vous inviterai évidemment à ma table pour ce soir. » Dira alors l’administrateur en saluant les deux figures religieuses avec une certaine déférence. Sans doute assez sincère, même si évidemment de toute manière il n’avait pas vraiment la possibilité de s’abstenir d’un certain respect envers-eux, ce sinon au risque de lourdes conséquences…

Et en effet il semblait il y avoir une sorte de trappeur expérimenté attendant sur le côté et qui s’inclina avec déférence, ainsi que quelques affaires assez faciles à transporter pour l’escorte des deux saintes figures, à leur disposition. Saintes figures qui attiraient évidemment autant des regards de crainte, que de respect des passants.

Alors que la carriole arrivait enfin à sa destination, les deux religieux échangeaient encore sur la nature exacte de la relique. Ils avaient beau avoir de réels espoirs sur la sanctification d’un tel objet, la réalité faisait que tous les scénarios se devaient d’être envisagés. Sur cette projection religieuse et spirituelle, l’Inquisiteur pouvait enfin voir la ville de Byalach et ses grands murs de bois. La Matriarche, elle, qui était en sens inverse de la course, ne pouvait encore voir que le paysage des marécages et des mines s’étaler à l’horizon. Parfois, quelques paysans faisaient un signe de respect envers la diligence, reconnaissant le sceau d’Orzus et du Royaume. Une bien belle campagne au goût de Bracyslavara.

Suite à la plaisanterie de la Matriarche concernant les offrandes de viande de crocodile, l’Inquisiteur n’avait pas saisi qu’il s’agissait bien là d’une petite boutade et pris la remarque très au sérieux. Certainement, qu’il avait dû manger bien pire que de la viande de crocodile au cours de ses aventures inquisitrices, elle n’en doutait pas une seule seconde. Évidemment, il se devait aussi d’ajouter qu’il n’appréciait pas les mets trop raffinés, le contraire n’aurait pas été suffisamment austère de sa part. La Matriarche commençait à trouver la nature assez prévisible de son interlocuteur plutôt amusante, finalement.

- Oh, détrompez-vous, nous aurons certainement des offrandes de ce type, et avec ça, quelques suppliques à entendre.

Le bruit des sabots des chevaux qui claquaient sur les pavés changea soudainement, signe qu’ils venaient d’entrer dans Byalach. La première chose que la Matriarche regarda par la fenêtre de la diligence fut la bonne tenue extérieure des petites maisons qui formaient cette ville. Dans son ancien comté d’Osweisky, elle avait pris du temps à éduquer les femmes pour qu’elles s’occupent avec dignité de leur demeure. Clairement, Byalach n’avait pas la même rigueur, et elle se nota pour elle-même de faire un rappel à la sainte Mère en charge de la ville. Sur cette pensée, les chevaux s'arrêtèrent, et les deux religieux purent enfin sortir pour se dégourdir les jambes. Un petit groupe de bienvenue était là pour les accueillir.

- Nous avons eu tout le loisir de nous reposer durant notre voyage vers votre charmante cité. Je suggère plutôt de décharger nos affaires respectives et que quelqu’un les transporte jusqu’à nos logements. Veillez également à ce que l’un de vos administrés aide notre cochet avec les chevaux.

L’échange était courtois sans chaleur ni effusion, et la Matriarche n’avait pas envie de perdre de temps avec ce responsable de comté un peu trop sage. L’Inquisiteur pouvait également donner ses indications, et pendant ce temps une petite foule se rassembla autour du cortège pour voir les célébrités religieuses de passage dans leur petite ville. Suite à l’invitation à dîner, Bracyslavara avait envie d’utiliser au mieux le temps de la journée qu’il restait à passer. Aller voir l’entrée de la grotte révélée par la destruction de la mine était une bien meilleure idée à son opinion.

- Nous pourrions aller voir de suite la mine qui s’est effondrée et ainsi étudier nos chances de réussite pour atteindre la relique ? Qu’en pensez-vous Grand Inquisiteur ?

Suite à leurs échanges, ils arrivèrent donc enfin à destination et firent face à une petite foule de fonctionnaires et de responsables à la fois inquiets et intéressés par leur présence. Il faut dire, si les deux religieux avaient de quoi inquiéter même les vertueux, car une pieuse crainte n’avait rien de condamnable, il est aussi vrai que leur présence pouvait être une opportunité pour cette bourgade, somme toute assez modeste ? Quoique modeste n’était probablement pas le terme décrivant le mieux une petite ville, ce n’était pas non plus un village perdu au milieu des marais…

Quoiqu’il en soit, la sainte mère prit l’initiative de donner des instructions concernant leurs affaires et le fait qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de se reposer. Cela convenait au grand inquisiteur, après tout il n’avait pas à gaspiller son temps et ses mots pour des questions de simple intendance. Cela et puis, il avait déjà assez à faire concernant l’administration et la logistique avec la gestion de l’inquisition, ce n’était pas en plus pour dire à des laïcs comment ils étaient censé marcher droit...

Il n’eut sinon aucun regard pour la foule qui les regarda avec un mélange de respect et de crainte, surtout de crainte à son égard, lui le fameux grand inquisiteur au visage en permanence dissimulé par un masque inquiétant… Ils se demandaient sans doute quand s’élèverait prochainement des bûchers pour pouvoir y voir apostats, païens et vermines y brûler, peut-être prochainement qui sait ?

« Cela me convient. » Dira quoiqu’il en soit, quand son alliée du jour lui proposer d’aller voir la mine, l’un des responsables fera alors signe à une petite escouade de soldats qui invitera les deux religieux à les suivre, sans doute pour assurer leur sécurité. Et aussi pour ne pas faire l’impolitesse de les laisser aller seuls à destination ?

« Je n’étais pas au courant du fait que vous saviez vous battre ? Car je suppose que vous comptez entrer dans la mine avec moi ? » Finira soudainement par demander Sigismond sur le chemin en lançant un regard attentif à la sainte femme. Sans doute n’était-il pas le genre à approuver qu’une femme s’y connaisse en affaire martial, mais il n’avait pas non plus l’air de prononcer une interdiction à ce sujet… Il n’en avait pas vraiment l’autorité et sans doute que dans ce cas-ci, ça lui semblait « acceptable », ce n’était pas après tout une simple paysanne…

Tout cela évidemment pendant qu’ils traversaient les abords de terre battues ou légèrement pavés, qu’était l’extérieur de la cité et surtout le chemin vers cette fameuse mine, après tout il valait mieux un sol un peu en dur pour transporter les minerais et ressources extraites d’un sous-sol.