Si bien entendu les patrouilles les plus emblématiques étaient celles que les Enfants du Grand Mur effectuaient au sommet de celui-ci, ou à ses abords, il n'en restait pas moins important de patrouiller à l'intérieur des frontières mêmes d'Eïlynster pour y maintenir la paix et l'ordre, ne fut-ce que face aux monstres qui pouvaient parfois y sévir, par exemple. Hélas, cette nécessité était devenue d'autant plus vive depuis le retour de l'ancien tyran à l'armure nécromantique, et le retour à la vie d'antiques légions de guerriers qui, loin d'agir comme les ancêtres bienveillants et protecteurs qu'on aurait pu attendre, semblait bien plus soucieux d'imposer par la force le règne de Césario, ce qui était bien entendu hors de question pour chaque eïlynsterien digne de ce nom ! Mener des patrouilles pour repérer et neutraliser aussi rapidement que possible ces groupes de morts-vivants, avant qu'ils n'aient le temps de se regrouper et de se renforcer, était donc devenu particulièrement important pour éviter des ennuis futurs, en attendant de pouvoir neutraliser Césario.

Pour l'heure, toutefois, ils n'avaient pas encore pu mettre en place l'ensemble de la logistique nécessaire sur tout le territoire, le réajustement prenant du temps même dans une machine aussi bien huilée qu'Eïlynster, et Flavia n'avait personne d'autre qu'elle-même à affecter directement à une patrouille dans cette zone, où des éclaireurs avaient pourtant signaler des signes suspects, même si rien d'avérer pour le moment... raison de plus pour patrouiller la zone et, si nécessaire, débusquer et régler le problème potentiel avant qu'il ne devienne un problème plus sérieux ! Quant au fait de patrouiller seul, qui restait risqué même accompagnée de ses animaux, en cas de problème déjà plus sérieux, justement, que ce qu'elle aurait pu attendre, elle avait résolut de recruter en cours de route un vétéran local. Puisqu'il y avait justement dans la zone le village des épéistes les plus réputés du pays – même si de son avis croire que la valeur à l'épée s'attache à une zone précise était un peu naïf, ce n'était pas une réputation totalement imméritée – l'escale était toute trouvée.

Voilà donc pourquoi la belle Commandante, accompagnée de ses deux compagnons bestiaux qui étaient des auxiliaires indispensables dans son cas pour un combat potentiellement dangereux avec des morts-vivants – ou d'autres menaces du genre – arriva dans le village en question, en plein entraînement qui plus est, ce qui était la preuve d'un beau zèle à l'entraînement, de fait. Pour ne rien arrangé, c'était justement l'homme qu'elle venait recruter dans son entreprise qui se chargeait dudit entraînement, montrant la zèle infatigable qu'on attendait sans doute d'un officier à la réputation zélée – et qui n'avait pas besoin de dormir, également.

« Lieutenant Vim, recrues. C'est un plaisir d'être si bien accueillie, et repos. »

Elle rendit leur salut aux hommes, toujours convaincue que ce genre de respect militaire, certes bienvenue, devait toujours se rendre d'un respect sincère des officiers pour leurs hommes, sans quoi une unité ne pouvait pas pleinement fonctionner.

« Je vous emprunte votre lieutenant quelques temps, soldats. Lieutenant, je vous laisse voir si vous voulez les envoyer se reposer, ou nommer quelqu'un pour diriger l'entraînement. »

Flavia aurait eut tendance à envoyer les jeunes recrues se reposer, mais elle n'était pas du genre à s’immiscer dans l'entraînement de troupes qui n'étaient pas sous son commandement, sachant que chaque officier avait sa méthode, et que c'était eux qui pouvaient le mieux juger de ce qui était bon pour ceux placés sous leur houlette. Elle laissa donc le Vampire donner ses consignes à ses élèves, avant de discuter avec celui-ci un peu à part.

« Je sais que vous n'êtes pas affecté à ce genre de tâche en ce moment, mais avec le réveil des serviteurs de Césario, maudit soit son nom, nous manquons en ce moment de forces pour mener des patrouilles dans la région. Je suis donc venue voir si vous accepteriez de m'accompagner pour assurer la sécurité dans la région par une patrouille, visant à voir si les rumeurs de forces morts-vivantes sont fondées et, si c'est le cas, à s'assurer qu'elles soient neutralisées. »

Vu qu'en soit techniquement l'officier n'était pas de service dans cette tâche, Flavia avait préféré présenter cela comme une requête que comme un ordre, même si vu la réputation du Vampire, elle ne doutait guère de sa réponse...

Flavia hocha la tête quand le Vampire lui demanda le temps de parler à son unité, considérant la chose assez normale après tout, étant donné qu'elle venait le réquisitionner de façon quelque peu imprévue. Il était donc naturel de lui laisser l'occasion de régler la question de ce qu'il était en train de faire, et la damoiselle attendit donc simplement, droite et passive, le temps qu'il communique ses consignes à ses recrues et se fende en leur faveur d'un petit discours de motivation au passage. La belle officière n'aurait sans doute pas pris les choses exactement de la même façon à sa place – elle n'était notamment pas de l'école qui considérait que pousser son corps perpétuellement au-delà des limites de son endurance soit la meilleure façon de construire un soldat complet sur le long terme, même si elle respectait cette méthode – mais elle ne fit pas de commentaire ni même n'afficha de réaction spécifique, se contentant de porter un regard martial sur les jeunes recrues alors que le Lieutenant leur parlait, respectant l'expérience et les capacités de formateur de celui-ci avec ses hommes.

Une fois cela clôt, en tous cas, Lazarus revint vers elle et, comme elle s'y attendait du reste, ne manqua pas d'accepter sa demande de l'accompagner dans cette patrouille potentiellement dangereuse. Après tout, elle le connaissait de réputation, et ne doutait pas de son dévouement à sa mission ou à leur pays. C'était le genre de guerrier qui était toujours prêt à prendre les armes pour défendre le peuple du Grand Mur, et c'était évidemment l'une des raisons pour lesquelles elle avait choisi de s'adresser à lui.

« C'est vrai que j'aurais pu vous en donner l'ordre, mais puisque je viens vous réclamer en-dehors de votre service, j'ai préféré m'en abstenir. Du reste je ne doutais pas que vous ne reculeriez guère devant une telle mission, et dans ce genre de situation, mieux vaut toujours avoir à ses côtés un soldat motivé qu'un combattant forcé d'être là. »

Après tout, dans le cas peu probable où elle aurait essuyé un refus, elle en aurait certes été étonnée et sans doute contrariée, mais elle n'aurait pas insisté, préférant ne pas traîner de force quelqu'un dans ce genre de mission. Mieux valait toujours un soldat habité par sa tâche, même si d'aucuns auraient répondus qu'un bon guerrier d'Eïlynster ne devrait jamais manquer de motivation devant ce genre d'occasion de sécuriser leur patrie – quoique Flavia ne soit, justement, pas forcément de ceux-là, du moins pas entièrement. En tous cas, elle sourit doucement à sa question, et secoua la tête.

« C'est de nuit que la plupart des signes suspects ont été signalés, et c'est en partie pourquoi je suis venu vous trouver vous spécifiquement. Je me fierai à vos indications et au flair de mes compagnons pour voir venir un éventuel ennemi nocturne. »

Elle sourit doucement en caressant l'une des têtes de son cerbère, qui émit un léger grognement en réponse. Il était vrai qu'ils étaient des auxiliaires de choix, mais la présence d'un Vampire expérimenté ne serait certainement pas de trop pour cette mission nocturne. Laissant éventuellement le Lieutenant faire ses préparatifs s'il en avait besoin, elle se mit ensuite en route à ses côtés, tout en expliquant rapidement l'itinéraire qu'ils suivraient.

« ... et nous reviendrons finalement à votre village. Pour l'heure nous ne savons pas si de réelles menaces en lien avec ce traître de Césario sont réellement dans les environs, mais les patrouilles restent le meilleur moyen de les débusquer s'il y en a, en attendant d'avoir d'avantage de moyens. Et puis cela rassurera les habitants de la région... Même si évidemment, j'espère qu'à terme nous pourrons localiser l'endroit où c'est établis le Maudit pour pouvoir le neutraliser... et qui sait peut être l'avoir définitivement, cette fois ! Je suppose que cela aurait également votre préférence ? Après tout si j'ai bonne mémoire de votre dossier, vous êtes né pendant la première guerre contre lui. »

Elle supposait que toute la génération de Lazarus avait dû grandir avec les exploits des guerriers ayant combattu l'Empereur Éternel, et ses parents l'avaient sans doute fait en leur temps, elle se disait donc que cela devait être quelque chose de l'affronter à son tour... et l'angle lui semblait bon pour commencer à briser la glace durant cette patrouille, si du moins Lazarus était le genre à discuter pendant ce genre d'opération, ce qu'elle trouvait personnellement plus plaisant...

Le moins que l'on puisse dire, c'était que l'enthousiasme et la détermination de Lazarus faisaient plaisir à voir ! L'officier était visiblement réellement habité par l'idée de servir sa patrie, et c'était évidemment quelque chose que Flavia ne pouvait qu'à la fois apprécier et respecter, d'autant qu'en l'occurrence, évidemment, la chose servait ses objectifs, puisque c'était notamment au nom de ces convictions que le guerrier buveur de sang n'avait pas hésiter un instant à l'accompagner. En tous cas, elle hocha la tête avec un sourire approbateur devant les déclarations flamboyantes de celui qui serait, donc, son partenaire pour cette patrouille.

« Ma foi, votre ferveur fait chaud au cœur, Lieutenant ! Je ne doute pas qu'elle serve au mieux notre belle nation, et il est toujours plaisant de rencontrer un frère d'arme si déterminé à accomplir leur devoir.b »

La Commandante préférait toujours avoir à ses côtés des soldats motivés pour ce genre de mission, mais quand elle tombait sur quelqu'un dont la motivation n'était pas à remettre en doute, elle n'allait pas s'en plaindre, que du contraire ! Ils se mirent donc en route tout en discutant du plan de leur patrouille, ainsi que de la sécurité des villages alentours, Lazarus ne manquant pas de souligner son propre rôle dans la sécurité de son lieu de résidence, faisant hocher la tête à la jeune femme avec un léger sourire.

« Il est certain qu'avoir un Vampire comme sentinelle est toujours un atout pour organiser les systèmes de veilles, surtout quand il s'agit d'un officier compétent, comme dans votre cas. Ce n'est pas pour rien si les membres de votre espèce sont si largement appréciés dans notre armée. »

Après tout, pour une nation qui se reposait si largement sur la surveillance de ses frontières fortifiées, des soldats ou officiers pouvant se dispenser de dormir – même si évidemment personne n'attendait d'eux qu'ils soient en service continu sans pause pour autant, cela allait de soit – étaient toujours des sentinelles appréciées, sans compter la capacité de ceux-ci à gagner une longue expérience avec le temps... ou même le fait qu'en soit, si leurs camarades étaient ouverts à la collaboration, on pouvait se dispenser de leur fournir des rations, si l'on prenait le point de vue des officiers les plus cyniques, ou qui devaient au plus prêt gérer leurs ressources !

« Je pense que vous n'êtes pas le seul à attendre l'assaut sur Césario avec impatience ! Hélas, pour l'heure il nous reste encore à le localiser avant de pouvoir le terrasser, puisqu'il se cache, sans doute pour préparer ses forces... en attendant, diminuer celles-ci, et les empêcher au passage de s'en prendre aux nôtres, reste le meilleur moyen de le combattre, d'où l'importance de missions comme celle que nous menons aujourd'hui ! »

Il était certain que de nombreux guerriers et guerrières du royaume rêvaient sans doute de participer à l'affrontement final contre Césario, et pourquoi pas de le décapiter eux-mêmes dans un moment de gloire rayonnante ! Mais en attendant, détruire ses armées et protéger le peuple contre leurs potentielles déprédations était une façon plus réaliste et à portée de chacun de faire sa part contre cet ancien ennemi revenu hanter le peuple eïlynsterien !

« D'ailleurs, vous qui connaissez bien la région, avez vous une idée d'où nous risquerions le plus de rencontrer une présence mort-vivante ? Un endroit particulièrement propice à leurs déprédations ou, à l'inverse, plus discret pour qu'ils puissent s'y dissimuler aux regards vigilants de nos compatriotes ? »

Pour l'heure en tous cas ils n'avaient encore croisée aucune force ennemie, et ses compagnons bestiaux n'avaient encore flairés aucune piste, mais cela ne voulait pas dire que leur patrouille serait vaine, celle-ci ne faisant justement que commencer...

Flavia s’aperçut vite qu'elle avait affaire à un représentant pour ainsi dire... fanatique ou en tous cas extrêmement dévoué de la doctrine eïlynsterienne, ce qui n'était évidemment pas une mauvaise chose, mais pouvait signifier qu'il fallait parfois faire attention à ce qu'on lui disait... typiquement, elle compris que continuer à lui indiquer le côté exceptionnel de son dévouement n'aurait sans doute d'autres effets que de conduire à un entraînement encore plus drastique des futures unités sous son commandement, pour susciter le même zèle, ce que, si l'intention était louable, elle ne souhaitait pas forcément plus encourager que cela, étant d'avis que le patriotisme fleurissait plus sainement quand il s'épanouissait naturellement, et non martelé de force dans l'esprit des intéressés !

« Ma foi, rare ou non le dévouement mérite toujours d'être salué... et il est certain que d'autres doivent partager leur temps avec leurs familles ou leur travail à côté de l'armée pour que la nation continue et prospère... mais cela ne rend pas moins précieux ceux d'entre nous qui peuvent entièrement se dévouer à leur mission militaire. »

Il était certain que si personne ne se consacrait au rôle de parent et de reproducteur, la nation ne durerait guère longtemps... et si tous ceux qui combinaient leur temps militaire avec celui civil, ils auraient vite manqué non seulement de fourniture, mais aussi de nourriture et à vrai dire d'à peu prêt tout ! Raison pour laquelle, entre autres, Flavia ne souhaitait pas encourager l'endoctrinement militaire aveugle et sans nuance, une société, même aussi militariste que celle d'Eïlynster, ayant besoin de bien d'autres ressources que les seuls soldats pour prospérer !

« Je vois hé bien allons donc dans les montagnes ! C'est vous l'expert local après tout, je vous fais donc confiance sur la marche à suivre ! »

Il aurait après tout été bien stupide d'aller chercher un spécialiste local pour ensuite ne pas écouter ce qu'il avait à dire sur les modalités de la patrouille ! Les deux officiers, toujours suivit par les compagnons bestiaux de la commandante, prirent ainsi le chemin des montagnes, passant sur des sentiers beaucoup moins larges pour essayer de croiser d’éventuels créatures hostiles, alors que Flavia répondait à la dernière remarque de son interlocuteur.

« Espérons que cela suffise à le faire sortir de son trou, en effet... pour le reste, je ne doute pas de la capacité de notre royaume à terrasser une bonne fois pour toute cette menace, une fois que nous aurons réussi à la fixer et à l'isoler. »

D'autant qu'ils auraient sans doute des alliés dans cette tâche, certes, mais la jeune femme n'en était pas moins convaincue de la capacité de son peuple à triompher de ce tyran revenu des temps passés même sans l'aide des autres nations. Quoiqu'il en soit, alors qu'ils avancèrent donc sur le petit sentier montagneux qu'ils avaient choisi, quand soudain les deux compagnons de Flavia se mirent à l'arrêt, le Cerbère émettant un léger grognement d'alerte, faisant se figer la Commandante, la main sur la poignée de son épée.

« Vous voyez quelque chose, Lieutenant ? »

Elle même n’avait rien vu ni entendu, mais c'était justement pour cela qu'elle avait recruté le Vampire, après tout, du moins l'une des raisons, en plus d'amener avec elle ses compagnons aux sens plus affûtés que les siens !