Le prénommé Cesario ne se discrédita pas ; il comptait bien, malgré leur discussion, rappeler les distances qu’il y a entre lui et la moniale en mentionnant son manque d’humanité. Enfin, voilà qu’il disparu après ces paroles, et la moniale se retrouva de nouveau seule.

Ce genre de discussion était assez particulière ; notamment par le fait que la moniale venait juste de converser avec un tyran potentiel voulant dominer le monde et asservir tous les êtres vivants, en plus du fait que ce dernier était loin de ce qu’elle pouvait imaginer. Ses réponses mûres et réfléchies avaient de quoi le rendre attractif, et de masquer ses réelles motivations derrière une façade réelle d’intelligence et de philosophie.

De plus, certains sujets abordés ne laissèrent pas la moniale de marbre. Elle se surprit à donner raison à Cesario, concernant le fait que se priver de bonheur en tant que vampire était futile. Elle le savait bien, en soi, que naturellement elle vivait ainsi pour faire office de punition, principalement. Mais cela avait assez duré. Elle n’était peut-être pas prête à s’offrir de luxueuses bâtisses, mais elle se sentait prête à faire tomber un peu plus souvent son masque pour se permettre des choses qu’elle n’avait jamais réellement osé faire, se l’interdisant.

Mais tout cela viendra au repos. Elle devait trouver un moyen d’ouvrir ce cercueil au marbre lourd, afin d’en découvrir ce qu’il s’y trouve. Elle observa en premier lieu des alentours, voir si un détail évident ne lui aurait pas échappé, puis elle vint observer plus précisément les murs en les effleurant du bout des doigts à la recherche d’un potentiel mécanisme. Sinon, elle tentera de plonger intégralement la pièce dans l’obscurité en inversant la lumière produite par les pierres au plafond pour extraire d’une zone d’ombre une main de la même matière, afin de soulever le couvercle. Après tout, ces mains là pouvaient maintenir un adversaire au sol, elle espérait bien qu’elles pouvaient soulever un couvercle. Surtout que, au vu de la quantité d’ombre présente, la moniale n’était pas restreinte dans la taille qu’elle leur accordait.

Avec le temps et les efforts, même si ce ne fut pas vraiment facile, Vittoria finit peu à peu par obtenir gain de cause, en ouvrant le sarcophage, qui dévoila une dépouille… Un squelette, ressemblant à celui d’un humain trait pour trait, mais avec quelques minces détails dans le squelette, notamment le fait que l’ossature était à la fois légère et grande, qui démontraient que c’était probablement plus la dépouille d’un ancien elfe. Aux côtés de celui-ci, dans son sarcophage assez imposant, plusieurs effets, peut-être à l’époque y avait t-il aussi l’armure à ses côtés, mais là la moniale pouvait distinguer plusieurs choses. Des bijoux anciens d’un raffinement impérial, tels que des bagues, colliers, boucles d’oreilles et talismans, plusieurs lames magnifiquement ouvragées, mais dénuées de magie comme les bijoux, peut-être cette dernière a-t-elle finit par se dissiper avec le temps… Et.

Une statuette étrange, qui n’avait pas l’air de facture Orzanienne, du moins qui faisait trop penser à une facture qu’elle connaissait bien, Ikhyldienne, en forme de renard, mais qui semblait assez ancien, pas donc de l’ouvrage récent. Probablement datant de plusieurs millénaires si c’était là le cadavre d’un seigneur elfe de l’ancien temps qui se tenait là, à une époque où l’empire d’Ikhyld n’était même pas un vague projet  sur le continent du même nom. Une époque où il devait y avoir eu quand même des voyageurs rarissimes ayant pu revenir de ces terres jusqu’en Orzian.

Et, c’était à peu près tout. S’il y avait eu d’autres trésors dans le sarcophage ou même la salle, peut-être celle-ci était-elle remplie de richesses à la base. Ils devaient avoir été pillés depuis fort longtemps par les Eïlynsteriens lorsque ces derniers ont découvert cet endroit il y a des siècles. Peut-être cela expliquait t-il aussi pourquoi il n’y avait pas eu tant d’obstacles que cela sur le chemin de la moniale jusqu’ici. Néanmoins, ce n’était pas non plus une maigre trouvaille. Et surtout, peut-être que tout les accomplissements et trésors qu’elle a pu découvrir et obtenir aujourd’hui, ne sont pas de nature matérielle…

Elle était parvenue à soulever le lourd couvercle du sarcophage. Ce dernier resta en équilibre pour ne pas tomber, la moniale faisant bien évidemment attention à ne pas profaner davantage les lieux, et ce quel que soit la dépouille à l’intérieur. La moniale avait du respect envers tous les cadavres, qu’ils aient été tyranniques ou non. Quoi que, elle était quand même en train d’ouvrir un sarcophage pour en piller le contenu, mais c’était pour la bonne cause.

Enfin, les dires de Cesario se confirmèrent aussitôt qu’elle avisa l’intérieur de la boîte. De toute évidence, tout ce qui avait pu avoir de la valeur s’était envolé avec les potentiels pillards, et il n’y avait rien qui pouvait être un moyen de contrer le Tyran ressuscité. Des bijoux, des lames, tous des objets banals et sans la moindre utilité magique. De simples babioles sans intérêt et sans valeur, ce qui de toutes manières n’intéressait pas la vampire, même si elle pouvait les revendre à prix d’or.

La moniale se posa tout de même la question ; pourquoi le lieu était-il si gardé s’il n’y avait rien à y récupérer ? Probablement pour ralentir les recherches des ennemis de Cesario et faire office de leurre, ou peut-être qu’il y a réellement quelque chose de vraiment caché, et le tyran souhaitait décourager la moniale avant qu’il ne soit trop tard. Enfin, quoi qu’il en soit elle ne trouva rien de bien intéressant pour le moment, quoi qu’en y regardant de plus près…

Elle aperçut la silhouette spécifique d’une statuette, logée aux côtés du feu elfe, atypique. Elle dégageait d’une aura légère, presque imperceptible, et pourtant intriguante. Tout cela paraissait étrange pour un simple objet. Peut-être était-ce ce qu’elle cherchait ? Ou bien que cela n’avait pas de lien particulier avec Cesario, enfin. Elle pris malgré tout le temps de détailler le détail de la ciselure de l’objet, appréciant les courbes d’un renard, et qui semblait ne pas avoir été créée récemment. Cet objet a certainement été créé des siècles avant la naissance de la vampire, qui a déjà eu lieu il y a des siècles.

C’était ce genre de pensées qui poussa la curiosité de la mage à tendre la main, et de saisir l’objet pour l’observer de plus près en la dégageant de sa poussière.

Lorsque la moniale prit en main la statuette, elle sentit une puissante magie se dégager de celle-ci, pas extrêmement puissante, ce qui indiquait probablement qu’il ne fallait pas non plus espérer atteindre des objectifs extrêmement ambitieux avec cela, mais assez pour qu’elle sente que l’enchantement qui avait dû y être apposé depuis des temps anciens, sans doute plusieurs millénaires, n’avait pas vraiment perdu de sa force depuis. Ni dégénéré avec un peu de chance, c’était le risque après tout avec tout objet magique non entretenu, soit qu’il perde peu à peu la magie en lui, soit que celle-ci finisse par se corrompre avec le temps comme le ferait une machine technologique qu’on laisserait rouiller en plein air sans jamais l’entretenir...

Pour peu qu’elle tâche en tout cas de manipuler légèrement cette magie par l’esprit, elle verrait alors apparaître non loin une sorte de renard spectral de la taille d’un gros chien et aux reflets ambrés qui la regarderait silencieusement. Visiblement ça devait être une invocation en rapport avec la statuette, comme ces autres statuettes Ikhyldiennes dans laquelle étaient créés et conservées une entité spirituelle magiques qui obéissaient aux possesseurs de ces mêmes statuettes. La différence étant que là, ça devait être un exemplaire plutôt ancien de la chose, très ancien.

D’ailleurs, est-ce que cela représentait un renard légèrement inspiré des kitsunes ? Sans doute, car il n’avait pas exactement l’apparence d’un renard naturel, sa fourrure était parcourue de motifs, il avait plusieurs queues et surtout il était plus grand, sans non plus être immense, qu’un renard naturel.

Après, ça n’avait pas vraiment l’air d’être le genre de choses pouvant détruire Cesario. Après, y avait-il vraiment beaucoup de chance qu’il ait été conçus à l’avance des armes pour cela. De ce que savait Vittoria, l’épée ayant triomphée de ce dernier la dernière fois avait été une création récente, peut-être cela sera-t-il encore le cas dans les temps prochains. Du moins, si la solution était de nature magique.

Aussitôt que la moniale saisit l’objet, elle se concentra sur ce dernier. Elle tenta de ressentir son flux magique, sa pulsation pour pouvoir doucement la stimuler et réveiller cet objet laissé trop longtemps sans être utilisé. Elle souhaitait le remettre en marche en douceur, comme on le ferait avec un moteur restant passif un peu trop longtemps, afin de ne pas gâcher le fruit de ses recherches. Il serait dommage que l’objet se casse en passant dans les mains d’un inconscient voulant le faire marcher plein pot tout de suite.

Lorsqu’elle sortit de sa torpeur, après avoir ressenti que l’objet répondait favorablement à ses sollicitations, elle croisa le regard de l’animal étant apparu. La vampire resta silencieuse, sondant de son regard celui de la réplique de Kitsune, comme pour établir un premier contact. Elle reposa son regard sur la statuette avant de ranger cette dernière à sa ceinture, pour se libérer les mains. Elle s’approcha ensuite de l’animal, pas à pas, tout en détaillant son apparence. Une fois à quelque mètres elle s’arrêta, gardant une attitude naturellement respectueuse et polie. Ne disant mot, car n’ayant aucune utilité d’en dire, elle resta debout avec son bâton en main en appréciant davantage la carrure de l’animal de grande taille. Elle se mit à l’observer longues secondes, avant de murmurer quelques mots.

Qui es-tu ?

Eh oui, c’était là un réflexe présent chez bien des gens. Savoir qui. Dans toutes les situations, par ailleurs. Que ce soit lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois, quand quelqu’un parle de quelqu’un d’autre, qui cela peut-il être ? Mais aussi lorsqu’une faute est faite ; qui l’a fait ? Un réflexe qui n’échappa pas à la vampire, quoique justifié dans cette situation ; il était primordial d’interroger un étranger -même si ce n’est potentiellement qu’un animal, au final- afin de s’assurer de ses intentions et entamer le processus de sympathisation. C’est donc sur ces mots que la moniale continua à observer l’animal sans intentions hostiles, restant à l’affût de tout potentiel danger, qu’il vienne du renard ou d’autre part.

L’animal fixa la vampiresse silencieusement et sans bouger autrement qu’en agitant légèrement sa queue, comme le ferait un chien, même si soyons sincère ça n’en était absolument pas un, que ce soit parce que les renards étaient des animaux avec une mentalité différente, mais aussi car celui-ci était en effet plus proche du kitsune à plusieurs queues que du renard naturel. Un renard qui restait donc pour le moment neutre et calme en présence de la vampire, indiquant par là même qu’il n’était au minimum pas hostile à celle-ci.

Un renard spectral qui pencha légèrement la tête vers la droite quand la moniale lui demanda qui il était, sans répondre, comme s’il indiquait par là même qu’il n’avait ni le don de parole, ni encore l’état de conscience nécessaire pour offrir une conversation développée. Et il resta ainsi quelques instants avant de se lover ensuite sur lui-même comme pour patienter en attendant que quelque chose se passe, ou bien la suite des évènements. En somme, comme un animal dressé, mais un animal calme qui se contentait de patienter sagement. Cela suffirait-il pour indiquer certaines choses à la moniale ? Difficile à dire, en tout cas peut-être appréciait-elle le calme ambiant ? Celui de ce lieu presque hors du temps qui n’avait sans doute pas été fréquenté par le moindre être vivant depuis des siècles…

Le renard semblait dénué de toute notion de parole et d’hostilité quelconque. Il se contentait d’observer la moniale, en silence, dans le plus grand des calmes. Puis, lorsqu’il décida que cela suffit, il interrompit son observation pour se rouler en boule dans la plus grande des confiances. C’est donc ainsi que l’animal semblait s’assoupir, comme si il ne se souciait de rien et était persuadé que rien ne pouvait lui arriver.

C’était là une réaction qui interloquait la moniale en premier lieu, chose qu’un animal ne ferait uniquement que s’il était en présence de son maître et au repos. Finissant par s’y accommoder rapidement, la vampire ne tenta nullement de déranger l’animal et se retourna pour quitter la pièce par là où elle était rentrée -s’il n’existait aucune autre sortie.-

Le renard en voyant la moniale se déplacer, se mit soudainement à la suivre d’un trot calme, ce alors que celle-ci pouvait en effet distinguer la présence d’une sortie, du moins celle d’une porte qui s’était matérialisée peu après qu’elle ait ouvert le sarcophage sans doute et qui menait visiblement à un autre grand escalier qui lui se dirigeant vers la surface. Logiquement, c’était probablement un chemin à sens unique, vers la sortie, du moins si ces ruines avaient été construites d’une façon adéquate, mais qui devait aussi ressortir à un endroit assez discret. Même si en toute logique, peut-être que des serviteurs de Cesario était campé à l’extérieur.

Quoiqu’il en soit le renard suivit la moniale, celle-ci put si elle le désirait emprunter la sortie et… Une fois passée par celle-ci et arrivée à la surface, se rendre compte que la sortie débouchait dans une partie reculée et peu visible d’un bois de bambous, à travers le sol qui se dématérialisa le temps qu’elle et le renard passent, puis qui devient juste après à nouveau parfaitement solide…

Ainsi s’achevait en quelque sorte cette aventure, tandis que le renard spectral lui disparut tout à coup, pour rejoindre immédiatement la statuette en possession de la moniale. Signe qu’il était lié à cette dernière sans doute, peut-être que l’expertise d’un enchanteur Ikhyldien serait-utile pour en savoir davantage à ce sujet.

Quoiqu’il en soit, nulle présence de morts vivants dans les environs immédiats, ils n’étaient donc pas piégés, maintenant Vittoria pouvait donc s’atteler sans gêne supplémentaire à retourner vers la civilisation et peut-être réfléchir aux conséquences qu’aurait la journée d’aujourd’hui sur son avenir notamment.

Une ouverture s’était magiquement dévoilée dans le marbre de la salle funéraire. C’est donc par cette porte presque éthérée que la moniale emprunta la sortie, qui se solda par un escalier grimpant directement à la surface. Un ingénieux enchantement de grande ampleur, visiblement, puisqu’une fois arrivée au sommet de l’escalier, la moniale traversa le sol comme s’il n’y en eut jamais, ce dernier reprenant son apparence et sa texture tangible. Même en revenant sur ses pas, la moniale constata que la terre avait retrouvé sa place et recouvrait l’entrée sans laisser la moindre trace suspicieuse à ce sujet.

Elle avait donc terminé sa mission, même si elle n’avait pas apporté de quoi vaincre véritablement Cesario. Après tout, ce n’était pas non plus le dernier espoir d’Orzian face à ce tyran, et ce n’était pas plus mal qu’elle n’ai rien trouvé. Au moins, elle pourrait rapporter à Xin ce qu’elle y avait vu, et confirmer qu’il n’y a rien là bas, permettant donc à Ikhyld de se concentrer sur le moyen de vaincre à nouveau Cesario sans être dérangée par une incertitude concernant le lieu que Vittoria avait visité. Et puis, il était du ressort du ministre d’émettre des suppositions à ce sujet.

Cependant, cette expédition en solitaire lui a permit de changer certaines manières de pensée. Certes pas au point de changer radicalement du jour au lendemain, mais il y avait plusieurs choses ; la première étant qu’un désir d’appartenir véritablement à une nation était née, et elle comptait répondre favorablement à la proposition du ministre. La deuxième était qu’elle se devait de renforcer ses capacités martiales et physiques ; les derniers combat s’étant joués de peu, elle avait déjà réfléchi à user d’améliorations corporelles magiques, consistant à insuffler de la magie dans son corps lui permettant de l’assister considérablement lors d’un combat ; ce qui lui changera de manière conséquente la donne.

Le troisième et dernier point était le plus important ; lors de son contact avec Cesario, elle avait vu des bribes de son passé. Certes trois fois rien, mais assez pour lui donner une piste pour entamer les recherches, et d’après ce qu’elle avait vu, il n’y avait aucun doute ; ce qu’elle cherchait se trouvait dans les Duchés du Sud.