L'Impératrice-Phénix, Saeki Katsuragi d'Ikhyld, n'était certainement pas le genre de femmes à ne pas se donner les moyens d'obtenir ce qu'elle voulait, et la vitesse à laquelle elle avait organisé un mariage fastueux, digne des plus belles anales de l'Empire oriental, en témoignait sans nul doute. Les membres les plus conservateurs et lents de sa Cour avaient du reste été mis devant l'idée de plutôt marier une Impératrice enceinte, ce qui ne l'aurait même pas dérangée pour sa part, mais qu'ils avaient préférés évités. En effet, une fois décidée l'union entre et son beau dragon aux écailles de givre, la charismatique Demi-Elfe n'avait pas attendu pour suspendre toute forme de magie contraceptive, impatiente qu'elle était de commencer à donner des héritiers – ou héritières tout aussi bien, évidemment – à la maison Katsuragi et à la longue lignée de mages dont elle-même s'efforçait de perpétuer l'honneur dans ses actions et ses réalisations.

Ce qui, quelques mois encore plus tard, l'amenait dans les appartements impériaux du Palais de Jade, au cœur de l'hiver, alors qu'une tempête de neige soufflait au-dehors, charriant dans son sillage non seulement des flocons mais surtout un vent puissant et glacial, comme si quelque titan nordique s'était mis à souffler sur les îles ikhyldiennes. Les habitants de la cité impériale en Ikhyld ne s'attardaient sans doute guère dehors par ce temps pour la plupart, et pourtant ils étaient dans l'attente de l'événement : pour la première fois, un prince ou une princesse impérial allait naître dans la capitale régionale, Saeki ayant choisi de mettre au monde ses enfants ici, autant par esprit pratique – Orzian, en tant que frontière de l'Empire, et front de guerre, accaparait une bonne partie de son temps et de son attention – que symbolique, souhaitant acter la pleine intégration de cette terre qu'elle avait elle-même conquise dans la grande famille impériale par cet événement symbolique.

Mais évidemment, le bien-être de sa propre famille en devenir lui importait aussi en premier lieu, et la naissance impériale n'avait pas manquée d'être entourée des meilleurs soins, Vaeri elle-même, Arcane et grande maîtresse des magies de soin, ayant supervisées avec l'aide de plusieurs sages-femmes réputées l'accouchement des enfants impériaux, puisque évidemment les guérisseurs avaient identifiés depuis un moment le fait qu'il y avait deux enfants grandissant dans le sein de la Demi-Dragonne. Entourée de tant de soins, le risque n'existait virtuellement pas, mais le personnel du Palais de Jade n'en retint pas moins son souffle, jusqu'à ce que, dans les appartements de l'Impératrice-Phénix, un vagissement, puis un second, ne se fassent entendre, signant la libération de ces deux petites vies qui avaient été attendues avec tant d'impatiences.

Rapidement, la nouvelle allait se répandre dans le palais, et ensuite dans la cité puis bien au-delà, les hérauts proclamant la naissance d'un prince et d'une princesse, finalement. Mais bien avant cela, le premier à être prévenu fut, justement, le premier intéressé, qu'une servante souriante vint chercher dans l'anti-chambre où il attendait pour ne pas gêner la naissance de ses propres enfants, pour être amené dans la chambre qu'il connaissait bien, quelque peu chamboulée par les grands draps tirés pour isolés le lit et y conserver plus de chaleur, et les bassines qui attendaient en divers endroits. L'Arcane aquatique ayant présidé à l'accouchement s'était écartée pour laisser un peu d'intimité au couple et donner ses instructions, ne laissant avec Saeki qu'une sage-femme humaine aux traits fatigués mais rayonnants. On pouvait en dire autant du visage de l'Archimage de flammes, qui dédia un grand sourire à son époux.

« Tu arrives juste à temps, mon amour. J'ai deux personnes très spéciales à te présenter... »

Assise dans le lit après avoir été redressée un peu avant qu'Ausilio n'entre, Saeki tenait dans ses bras deux petits paquets de linges, qui laissèrent rapidement voir, une fois un drap légèrement écarté, deux petits visages couverts d'écailles. L'un avait des tons sombres et dorés, l'autre clair et bleuté, mais une diversité d'écailles n'avait rien d'étonnant en soit dans des lignées draconiques aussi mélangées que celle des deux amants.

« J'ai le plaisir de te présenter Muraoka et Ilfrido Katsuragi, nos magnifiques enfants. »

Ils avaient longuement débattus des prénoms de leurs enfants, notamment dans le cas où se seraient deux filles ou deux garçons... finalement ils en avaient eut un de chaque, et elle avait donc choisi les prénoms que chacun préféraient, pour présenter sa fille et son fils au puissant général au souffle de givre, avec un sourire fondant d'amour maternel.