2 janvier 2001

La tête lui faisait affreusement mal. Le genre de douleur latente qui prend le crâne et qui empêche de se concentrer sur quoi que ce soit. Comme beaucoup de gens de l’Empire d’Akkaton, Araja avait festoyé pour la fin de l’année 2000, mais aussi pour souhaiter la bienvenue à l’année 2001. Oh, ça, elle s’était amusée ! Elle avait passé la nuit (et une partie de la journée) avec son amie Mildred, une mercenaire vampire avec qui elle travaille fréquemment sur les missions nocturnes. Les deux faisaient bien la paire ! Tout semblait pourtant les opposer, la scorpioïde baroudeuse et la nyctalope raffinée, la peau d’ébène et la peau d’albâtre, la tenue de nomade du désert et la tenue raffinée de la capitale de l’empire… Et pourtant, elles s'apprécient tant et si bien qu’elles avaient festoyé et picolé jusqu’à l’après-midi du premier jour de l’année !

Ainsi, sa tête résonnait de douleurs en se réveillant en ce matin du deux janvier. Se redressant sur son lit, les cheveux emmêlés et le visage fermé, elle plisse les yeux en voyant un morceau de papier sur le meuble à côté d’elle. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Elle reconnaît son écriture, des grandes lettres qui partent dans tous les sens, mais la douleur et son taux d’alcoolémie lui donnent des difficultés à lire, puis interpréter et analyser les informations. Plusieurs lectures sont nécessaires pour se rendre compte… L’horreur du souvenir lui revient en pleine face. Elle devait être déjà partie pour une mission qu’elle avait acceptée quelques jours plus tôt auprès des autorités de l’Empire ! Merde, comment est-ce qu’elle avait pu oublier ça ?!

Vite, elle court dans tous les sens en gueulant pour que ses bêtes de combat qui dorment dans l’abri attenant à la maison se bougent rapidement. Merde merde merde ! Pas le temps de tergiverser, elle saute dans l’eau froide de la bassine pour se laver rapidement, sort fissa pour se sécher et s’habiller de sa tenue de voyage. Un grand turban fera l’affaire pour couvrir une partie de ses cheveux. Des bijoux (quand même !), ses colliers, ses armes, la nourriture pour les bestioles, et hop, la voilà qui part de chez elle en déclarant à sa mère qui se tenait assise sur la chaise du porche de la maison qu’elle serait de retour dans la nuit. Ou le lendemain. Ou le surlendemain. Bref, qu’elle avait laissé de l’argent dans la cachette secrète et qu’il ne fallait pas qu’elle s'inquiète. Bisous à plus tard.

Ainsi, elle marche rapidement pour rejoindre le désert en suivant les voies ferrées des trains de l’Empire. Avec un peu de chance, elle n’allait pas croiser la route d’une bestiole débile qui en voudrait à sa peau. De mémoire, les autorités avaient besoin de mercenaire pour sécuriser les voies ferrées suite à des attaques, et l’armée étant déjà disposée dans de nombreux endroits stratégiques, ils avaient fait appel à des mercenaires, dont Araja. La thérianthrope avait l’habitude des créatures du désert, mais les histoires sur le réveil des créatures hostiles des anciens temps persistaient. Au cas où, elle avait emmené avec elle Alma, son arachnae, Farasha, son papillon géant du désert, et Naja, son serpent-roc. C’est dans ce contexte qu’elle arriva après quelques heures de marche au point de rendez-vous, saluant les mercenaires déjà présents, mais aussi aux vaillants réparateurs des voies qui se tuaient à la tâche sous le soleil.

Comme beaucoup d’Akkatoniens, Oswald avait fêté le jour du pardon, et ce de manière plutôt sincère. Disons que ce n’était pas forcément la coutume la plus appliquée littéralement de l’empire, que celle de pardonner en début d’année quelqu’un vous ayant blessé ou vexé et de passer un peu de temps avec lui, mais il l’avait fait… Il avait ainsi passé la soirée en compagnie d’un journaliste d’une autre publication avec lequel il avait eut divers échanges, piquants et ils avaient en partie rabibochés, et descendus pas mal de bière naine.

Heureusement, s’il avait été assez éméché ensuite, ce n’est pas une gueule de boire insupportable qui l’assaillit le lendemain matin, car il se rappelait qu’il avait une mission ! Ou plutôt qu’il voulait enquêter et possiblement offrir son aide concernant un convoi ferroviaire qui avait été saboté dans le désert et qui avait besoin de protecteurs. Et si évidemment des militaires étaient déjà là sur place, l’aide de mercenaires ne serait pas de trop, surtout qu’avec les problèmes actuels que rencontrait l’empire sur le continent, ses forces armées étaient sollicitées un peu partout…

Il s’était donc rendu assez rapidement au lieu du rendez-vous en compagnie de ses deux fidèles, et magnifiques, du moins selon lui, automates qui suivirent le mouvement le plus rapidement possible alors qu’il vola assez calmement vers leur destination.

Ainsi, il fut repéré d’assez loin par les militaires qui ne le connaissaient pas, mais qui à la vue de ses automates, de son autorisation d’armes et des grenades qu’il avait sur lui, furent content d’avoir son renfort… Comme ils furent un peu étonnés qu’il soit aussi là pour prendre des notes et poser quelques questions.

Ainsi c’est alors qu’une escouade de fusiliers Akkatoniens, des mercenaires de tribus locales maniant diverses armes, et que plusieurs ouvriers aidés d’automates réparaient les voies, ou surveillaient les alentours, qu’Araja arriva. Et après qu’elle fut accueillit assez poliment par tout ce beau monde, qui fut évidemment assez impressionné par ses bêtes, que la jeune thérianthrope, quoique elle n’était pas si jeune que cela, entendra une voix familière dira aimablement.

« Tiens tiens, ne serait-ce pas ma scorpoïde préférée ? Alors l’on délaisse la chasse de monstres pour tester le fait de frapper sur des morts vivants et des golems dame Araja ? Je suis en tout cas content de voir que vous venez nous aider. » L’azurien alors toujours accompagné de ses deux automates, une araignée mécanique et un humanoïde qui marchait de façon mécanique, approchera de l’imposante humaine et lui tendra une serre, pour lui serrer la patte en quelque sorte ? Une manière évidemment polie et sympathique de la saluer.

Puis ceci dit et possiblement fait, il ajouterait cordialement, avec une touche d’humour. « Et à ce que je vois vous avez trouvée de nouveaux amis ? Je suppose que si un jour vous prenez votre retraite, vous pourrez créer un zoo. » Sans doute parlait-il alors du papillon qu’il n’avait pas aperçu avant à ses côtés !

La grande traqueuse passait entre les groupes de travailleurs, les autres mercenaires ainsi que les quelques soldats de l’Empire déployés par là en saluant les hommes d’une virile poignée de main. Ceux qui la connaissaient ne pouvaient pas être surpris, cette femme du désert possédait une force remarquable et elle était réputée pour cela. Les autres avaient dû entendre parler d’elle d’une façon ou d’une autre. Une scorpioïde noire accompagnée de bestioles, il n’y avait aucune chance de se tromper sur l’identité de la nouvelle arrivée. Certains peuvent la regarder d’un air amusé, elle s’en fiche, Araja connaît sa place dans le monde. Eh puis franchement, la tête lui cogne encore de sa soirée de fête, alors elle a autre chose à penser pour le moment qu’à recadrer des hommes insignifiants.

- Alors, on a un problème à régler par ici ? Heureusement que le grand chef paie bien, pas vrai les gars ? Personne à de quoi boire un coup-là ? Ah lala, mais c’est quoi cette équipe…

La plupart des gens autour d’elle étaient amusés de voir cette femme enrubannée dans son turban débiter de telles bêtises aussi facilement. La mercenaire parlait leur langage, celui de l’argent, de la boisson et du danger qui ne devait pas tarder à les frapper. Jusqu’à l’arrivée d’un autre cas bien particulier. Oswald le piaf. Oswald le piaf à longues ailes insupportables. Vraiment, il ne manquait plus que ce journaliste pour enfoncer le clou d’une journée qui s’annonçait longue. En réalité, il était déjà là bien avant elle, mais Araja ne l’avait pas du tout remarqué au préalable.

- Eh bien, voyez qui se ramène dans le grand désert. Vous n’avez pas peur de cramer vos plumes sous ce beau soleil ? Ce n’est pas pour tout le monde, vous savez… Enfin, rien ne me fait peur, j’ai trucidé une Manticore pas plus tard que le mois dernier. Elle était vraiment très grosse, alors ce ne sont pas quelques morts-vivants desséchés qui vont m’intimider.

Araja était fière de sa réputation de traqueuse du désert. Sa dernière prouesse notable dans ce domaine était la chasse d’une Manticore qui malmenait un village de Naga plus haut dans la région. Un combat épique dont les reptiles allaient se souvenir longtemps pour ceux qui avaient eu la chance d’y assister. Néanmoins, cet Oswald avait envie de jouer à la joute verbale avec sa rivale mercenaire. Il fallait dire que c’était facile, elle était si spontanée que la sagesse de l’Azurien arrivait à la faire tiquer pile comme il le voulait.

- Un zoo ?! Vous savez que mon Arachnae aime particulièrement les volatiles, ne lui tournez pas le dos mon cher. Quant à Farasha, il s’agit d’un magnifique papillon mâle que j’ai apprivoisé pour ma tactique de combat. Mais qu’est-ce que c’est que cette chose ?

Un automaton araignée arrivait aux côtés du journaliste, une sorte de mini Alma en ferraille. Cela n’était pas tout à fait du goût de l’Arachnae qui projette une toile filamenteuse sur le robot par pur réflexe animal, attendant de voir la réaction de sa proie.

- Vous voyez, elle a faim. ALMA TU AURA À MANGER PLUS TARD, VA TE POSTER EN HAUT DES ROCHERS. MAINTENAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAANT.

Boudeuse, l’araignée s’éloigna pour se poster en hauteur et servir de vigile en attendant la probable attaque. Il faut dire que lorsque la cheffe de meute gueule ainsi, ce n’est pas bon signe.

Visiblement la mercenaire était enthousiaste de le voir, ou du moins amusée par sa présence ? Du moins c’est ce qu’en déduisait Oswald de sa réaction, chose qui l’amusa un peu intérieurement, ce avant qu’il ne réponde du tac au tac à Araja.

« Au contraire, je trouve que l’éclat du soleil aide beaucoup à mettre mon plumage en valeur, pas vous quand vous arborez votre chitine ? Et ainsi vous désirez passer de la chasse de monstres à celle de morts vivants ? Je me demande bien quel genre de trophées vous pourrez obtenir dessus. Quoiqu’il en soit, je suppose que ce sera intéressant à observer... » Ce assez aimablement donc, même si évidemment il taquinait légèrement.

Et il s’amusait d’autant plus de la réaction de la scorpionne quant il « osa » mentionner qu’elle était en train de se constituer une sorte de zoo. Cela sembla même assez agacer la chaseresse pour que celle-ci donne quelques ordres à ses bêtes, qui visiblement devaient la considérer comme une sorte de cheffe de meute…

« Ceci ? C’est une merveille d’ingénieure mécanique. Imaginez les trésors d’intelligence qu’il faut pour donner une telle vie à de l’acier froid et des engrenages… Elle paraît plus vraie que nature n’est-ce pas ? » Glissera t-il sinon avec une certaine affection en voyant son araignée mécanique esquiver en partie la toile de celle organique, puis trancher celle-ci de ses pattes qui étaient des sortes de lames aiguisées… Concrètement, cette araignée là n’avait pas de crocs, mais elle avait clairement des lames à la place des pattes…

« Et ne vous inquiétez pas, je ne suis pas très comestible, en plus quelle bête voudrait dévorer un oiseau farcit à l’explosif ? » Ajoutera t-il ensuite savant en avisant les ceintures de grenades qu’il avait sur lui… Le genre de choses qu’il transportait en zone dangereuse, après tout il valait mieux être capable de se défendre par ici !

« Du coup, je suppose que vous irez au contact pendant que je resterai un peu à distance ? Vous avez eu des détails supplémentaires concernant ce que nous allons affronter ? Ou je suppose que nous aurons tous la surprise le moment venu... » Après tout, il paraissait improbable à ses yeux qu’on ne les attaques pas, après tout les serviteurs des anciens dieux nagas seraient bêtes de ne pas ralentir les travaux concernant la réparation de cette voie ferrée… Ne serait-ce que pour gêner les efforts civils et guerriers Akkatoniens !

Quoiqu’il en soit, ils n’auraient sans doute pas trop à attendre avant que les choses ne deviennent mouvementées...