Fin Juin de l'An 2001 de l'Âge d'Acier

Assis sur son destrier, Aedan fixait l’horizon l’air détendu. Cela faisait déjà presque un mois qu’il traînait dans les duchés du sud et à vrai dire, cet endroit commençait réellement à lui plaire. Il se sentait aussi libre qu’à Eïrn, sans pour autant ressentir le danger constant qui y régnait. C’était une sensation agréable et douce dont il avait bel et bien l’intention de profiter, cependant après sa dernière représentation, il devrait reprendre la route. Le barde savait que pour gagner en popularité, il fallait parfois savoir se rendre rare et hors de portée, aussi quitter les duchés lui apporterait sans doute beaucoup plus que d’y stagner comme il le faisait actuellement. Le temps des vacances était aujourd’hui derrière lui, et s’il était parvenu à se faire un nom dans cette nation, alors il n’avait plus aucun intérêt à y trainer.

Musique !:

« Monte sur scène, c’est à toi ! ». La voix du propriétaire des lieux, le metteur en scène de la place de la soie rouge lui-même, vint le sortir de ses pensées. Il se retourna, sautant du dos de son pégase avant de se frotter les mains pour échauffer ses doigts. Il devait laisser une dernière bonne impression aux citoyens, aussi il ne pouvait se permettre de se louper ce soir. S’installant sur la scène improvisée en plein air alors que le marché battait son plein, Aedan commença à laisser glisser ses doigts sur les cordes de son luth, accompagné par quelques autres musiciens dans son dos, entonnant un air rythmé et dansant. Cette fois, il ne chanta pas, se laissant porter par ses notes, observant la foule avec intérêt. Regarder son public faisait partie de ses occupations favorites, non pas qu’il appréciait lire dans leurs yeux l’admiration qu’on lui portait souvent, mais désireux d’émerveiller petits et grands et si possible, de provoquer une euphorie dansante dans des lieux fort mal appropriés à ce genre de choses.

Il considéra sa mission accomplie quand quelques jeunes gens se mirent à virevolter dans tous les sens. Des acrobates, il ne manquait plus que ça pour ajouter un peu de peps à sa performance ! Un sourire large jusqu’aux oreilles, l’elfe se mit debout pour jouer, trottinant sur ses pieds, comme si lui aussi désirait se joindre à la danse mais ne pouvait s’y résoudre. Une fois la représentation terminée, le barde salua son public, accompagnant ses au revoir d’un tonitruant « Merci ! » résonnant dans la cité. Il descendit les marches en sautillant, passa au beau milieu de la foule et alla s’asseoir sur une terrasse non loin. D’autres personnes, probablement d’autres musiciens, viendraient égayer sa soirée, cependant une partie de lui espérait qu’autre chose viendrait bousculer son quotidien avant qu’il ne quitte les lieux, et c’est en croisant le regard d’une congénère à la belle chevelure blonde qu’il gratifia de son plus beau sourire qu’il sut qu’en effet, cette soirée risquait de lui apporter bien plus que des au revoir.

En réponse à son sourire, le barde observa l’approche de la jeune demoiselle qu’il fixait depuis un petit moment. Pendant quelques secondes il s’inquiéta de voir son visage se couvrir de pourpre et ses yeux fuir les siens, craignant de l’avoir importunée en lui lançant des regards appuyés. A vrai dire, cette jeune fille lui disait définitivement quelque chose et sans s’en apercevoir, il avait laissé son regard se perdre dans le vide, mais se perdre surtout sur elle. Où pouvait il bien l’avoir croisé, et surtout pourquoi s’en souvenait il ? Aedan avait une très mauvaise mémoire des visages après tout.

Il fut sorti de ses pensées par la voix douce et cristalline de l’elfe qui se tenait à quelques mètres de lui, visiblement intimidée par sa présence. Il se leva instantanément pour lui tirer sa chaise et l’inviter à s’asseoir. « Je suis flatté, merci à vous de m’avoir écouté ! Mais enfin évidemment asseyez vous auprès de moi, je serais ravi d’apprendre à faire votre connaissance. ». Le jeune homme en avait même oublié la proposition de se faire offrir un verre. Il était vrai, Aedan se débrouillait plutôt bien financièrement, cependant il fallait prendre en compte qu’une partie de ses revenus allait directement à sa sœur, et ça, peu de gens le savaient.

Une fois assis à ses côtés, il lui tendit une main. « Aedan Thorfindra. A qui ai-je l'honneur ? ». Pendant quelques secondes il la détailla du regard, tentant de se faire le plus discret possible. Il lui donnait moins d’une centaine d’années à coup sûr, et venant d’une bonne famille étant donné son accoutrement. Le barde se sentait particulièrement gêné, lui qui ne portait qu’un ensemble de voyageur dont l’utilité se trouvait uniquement dans sa praticité. Un jour il prendrait le temps de quérir de beaux vêtements pour ses représentations, mais pour l’instant sa priorité était toute autre.

« D’où venez vous ? J’ignore pourquoi, mais votre visage me dit quelque chose. Nous serions nous déjà croisés ? Je ne suis aux duchés que depuis un petit mois, mais il se peut que je vous aie vue lors d'un de mes voyages retours à Eïrn par exemple. ». A vrai dire il n’y croyait pas des masses. Aedan ne mettait jamais les pieds en ville dans sa région natale, et la demoiselle ne ressemblait pas réellement à quelqu’un qui laissait traîner ses chaussures dans la boue. Il posa sa tête dans sa main, légèrement tournée sur le côté, empli d’une curiosité qu’il serait difficile de satisfaire, et plongea son regard dans le sien.