Il n’était rien, ou presque, qui se passait sur Teïder que l’Ombre ne sache pas. Et au fond, n’était-ce pas ce que tout le monde attendait de lui, qu’on disait être le meilleur agent des forces d’espionnage teïderiennes ? Quoiqu’il en soit, il avait appris, et nul ne dévoile ses sources, qu’un certain Grand Inquisiteur souhaitait le rencontrer. Ce pour une mission, qui devait sans doute être importante, puisque lui-même s’y trouvait mêlé…
Quoiqu’il en soit, comme tout bon espion, l’Ombre avait décidé de confirmer ses sources. Il n’était pas utile de tomber dans un traquenard stupide en se jetant dans la gueule du loup, n’est-ce pas ? Et les rumeurs sont ce qu’elles sont ; des rumeurs. Néanmoins, il devait tout de même se rendre à l’évidence : il n’était pas celui qu’on cherchait aisément. Alors l’idée de la rumeur, finalement, était probablement la meilleure chose à faire.

C’est donc ainsi que notre atma favorite se retrouvait à suivre le Grand Inquisiteur dans les rues d’Orzus. Et alors qu’il se trouve dans la capitale de Teïder, un fin sourire apparaît derrière son masque. Lui qui flottait dans les rues, comme insensible au commun des mortels, qui passaient sans même le percevoir… Oh, il était dans son univers, il fallait bien l’admettre. Une ombre parmi les ombres, un fantôme silencieux parcourant les chemins. Il se plaisait à savoir qu’il était invisible pour tous ces gens, et qu’il pouvait savoir tout de leur vie sans que jamais ils ne s’en rendent compte.
Mais voilà, ils n’étaient rien pour lui, aujourd’hui. Seul comptait ce grand bonhomme tout de noir vêtu.

Jusqu’à ce que ce dernier n’arrive enfin chez lui. Et si le masque de l’Ombre ne laisse rien paraître, il se rend bien compte qu’il est à l’endroit qu’il avait déjà marqué comme étant la demeure de notre bon Inquisiteur… Ce qui semble être un bon point en soit. Il observe l’homme entrer et refermer la porte derrière lui, avant de se demander s’il devait effectivement le rejoindre maintenant. Bah ! S’il y avait eu une date de rendez-vous convenu, il aurait pu faire un effort pour arriver à l’heure et bien vêtu, mais… Ce n’était pas le cas !
Aussi, après avoir attendu quelques minutes, il se contente d’entrer par la porte, usant de tous ses talents pour n’en tirer aucun bruit. Et, telle l’ombre qu’il est, il se glisse dans la demeure, comme insensible à tout ce qui se passe, et pourtant aussi attentif à tous les bruits. Le grattement de quelque chose lui parvient alors qu’il se glisse silencieusement dans une pièce et… Un sourire se dessine sur son visage, sans que personne ne puisse s’en rendre compte. Tiens tiens, le Grand Inquisiteur se plaît à peindre ? Voilà qui le surprend un peu. Ce doit être relativement récent, puisque lui-même ne l’avait jamais remarqué. L’Ombre attend alors, calé contre l’encadrement de porte, tout en observant Sigismond Bonnenfant sur sa peinture. Il fut presque déçu de ne pas être remarqué, mais… après tout, n’était-ce pas le souci de l’art ? On finissait bien souvent par ne plus vraiment remarquer autour… Ou alors, c’était simplement parce qu’il n’avait pas fait un seul bruit depuis qu’il avait commencé à suivre l’humain.

« Si vous voulez mon avis, ça manque de rouge. Un beau rouge sang égaierait votre peinture. Ou la rendrait plus sombre, tout dépend de comment vous le placez. »

Il attend que l'Inquisiteur se retourne, avant de le saluer comme il se doit.

« Je me présente : on m'appelle l'Ombre. Mais sans doute le saviez-vous déjà, monsieur Bonnenfant ? »

Une oreille avertie pourrait déceler une once d'amusement dans la voix du teïderien, bien qu'elle soit tellement faible que... Finalement, est-elle réelle ?

L'inquisiteur se retourne lentement, comme s'il attendait que l'Ombre n'arrive, et qu'il s'y était préparé, ce même sans l'entendre arriver. Cela ne voulait pas dire que l'effet de surprise avait échoué, aux yeux de l'espion, qui ne s'en offusque même pas. Ce n'était pas comme s'il n'avait jamais pu observer ces messieurs qu'on nomme "Inquisiteurs". Il l'observe cependant se retourner, tout en déposant son matériel avant de... lui répondre. Sans que cela n'y paraisse, l'Ombre esquisse un sourire moqueur. Il savait parfaitement que l'Inquisiteur n'avait aucun sens de l'humour. Il s'apprête à répondre, mais le Grand Inquisiteur reprend la parole un peu avant lui. Avouant qu'il se moque de l'identité de l'espion, celui-ci émet un sourire moqueur derrière son masque. Pour quelle raison ? Nul n'aurait pu le deviner. L'Inquisiteur continue, tout en supposant que l'Ombre devrait savoir que Cesario est de retour. Celui-ci opine du chef, sans s'en vanter. Bien que, dans tous les cas, il aurait été fort déplaisant et anormal qu'il ne le sache pas. Après tout, même si Cesario était revenu en toute discrétion, il était sûrement l'un des mieux placés pour le remarquer avant tout le monde ! Il se retient cependant de le signaler, et écoute la suite. Personne ne pourrait cependant savoir s'il était déjà au courant de la présence de ces serviteurs, alors que son masque ne laisse passer aucune émotion.

« Bon, j'imagine que le sang de nos ennemis saura parfaitement trouver sa place sur votre tableau. »

L'Ombre se redresse, reprenant une position équilibrée, et l'air prêt à partir. Parce que, il fallait bien l'avouer, lui était déjà parfaitement prêt à partir. Mais peut-être que son collègue peintre devait encore faire des choses ? Quoique, il pouvait toujours partir rechercher la cible, pendant que le Grand Inquisiteur finissait ce qu'il avait à faire. Il en avait largement les moyens.

« Les trouver ne me sera pas difficile, en effet. Comment souhaitez-vous faire ? Vais-je les chercher, pendant que vous vous préparez, ou préférez-vous m'accompagner dès à présent ? »

Il demandait un peu par politesse, car après tout, s'il l'avais voulu, nul doute qu'il ne serait déjà plus dans cette demeure.