17 septembre de l'an 2000 de l'âge d'acier

Il n'était même pas huit heures du matin, Vin avait encore une demi-heure devant elle mais, vu comme elle "avait la tête dans le cul", pas le temps de se faire un café. Elle descendit donc la fin de la bouteille de jus de fruit, en versant la moitié à côté. Elle poussa un juron et tenta de la jeter dans la poubelle mais, ce fut un échec. Elle remonta dans sa chambre pour finir de s'habiller et en profita pour jeter un oeil sur ses plans. Cela faisait six jours qu'elle bossait dessus d'arrache-pieds pour améliorer Pan et créer de nouvelles munitions. Pour les explosives, elle devait juste élargir le canon. Les munitions toxiques étaient sur la bonne voie. Elle avait toutefois du mal avec les électriques et les fumigènes. Sa tentative de créer des balles acides était un échec total, le métal ne résistant pas. En revanche, avec du plastique, ça pouvait être envisageable. Le problème était que si la balle se perçait avant de quitter l'arme, cela pourrait endommager cette dernière. Pour les balles acides, il faudrait donc faire une arme entièrement en plastique, ce qui n'était pas la spécialité de la jeune fille et les clients ne seraient sans doute pas convaincus. Bah, elle avait déjà de quoi avancer. Elle travaillerait le reste plus tard. Zut, l'heure passait et elle allait finir par être en retard. Elle avait passer sa nuit à bosser sur son projet et était épuisée, elle ne pensait qu'à ça mais, il fallait bien qu'elle aille à l'atelier.

Une fois habillée, elle dévala les escaliers, manquant de tomber mais, se rattrapa de justesse. Elle passa la porte et prit le chemin de l'atelier en courant. Il n'était pas loin de chez elle mais, elle avait perdu tellement de temps perdue dans ses pensées qu'elle allait finir par être en retard. Dans la rue, elle faillit percuter plusieurs personnes et eut tout juste le temps de s'excuser tellement elle se hâtait. Certains l'insultèrent, d'autres lui dirent de faire attention mais, aucun d'eux ne la fit ralentir. Elle arriva lors devant la grande porte en bois de Bradds Industrie et la regarda en souriant. Elle avait deux minutes d'avance, le patron ne râlerait pas. Elle ouvrit la porte et le vit entouré de quatre hommes qui semblaient la jauger du regard.

"Hé les gars, vous avez jamais vu une fille dans un atelier ou quoi?"

La jeune ingénieure était apparemment de mauvaise humeur. Bah, elle avait toujours eu du mal à supporter que les gars la dévisagent. En l'occurrence, elle n'avait qu'à moitié tort. Ils la fixaient bel et bien mais, ce n'était pas pour les raisons qu'elle pensait. Bradds haussa alors la voix et lui dit:

"Détends toi Vin. Je te présente Samuel, Georges, Damien et Norman. Ils ne sont pas en train de se demander ce que tu fais là mais, si c'est bien toi qu'ils vont devoir accompagner. En effet, j'ai reçu un courrier d'un client lointain me passant une grosse commande. Je ne peux pas m'occuper moi-même de la livraison alors, c'est toi qui ira. Tu pars entre aujourd'hui et demain, à toi de voir. Tâche seulement d'arriver le plus rapidement possible afin de s'assurer que cet original ne se plaigne pas. Comme tu vas devoir quitter Akkaton, ces quatre gaillards vont t'accompagner. Ils connaissent le chemin vu que ce sont les hommes de notre commanditaire. Vous allez devoir descendre dans les duchés du sud.

-C'est que ça tombe pas au meilleur moment. Enfin, je suppose que j'ai pas le choix. Je vais écrire à mes comparses pour les prévenir que j'ai un contre-temps.

-Ah tu parles sans doute de cet Illuminès? Oui, tu ferais mieux. Je veux pas que ça me retombe dessus.

-Cela m'étonnerait fort qu'Anton vous mette dans le même panier que moi. Bon, préparez la diligence, je vais juste rédiger mon courrier et on se met en route"

Bradds soupira mais, il ne rajouta rien. Depuis qu'elle avait rencontré cet homme, la jeune femme était différente. Il ne s'en plaignait pas, au contraire mais, il y avait quand même des moments où elle semblait oublier que c'était lui le patron. Bah, il était contient que si tout se passait comme elle l'espérait, elle quitterait l'atelier mais, il le lui souhaitait. Il savait depuis le jour où il l'avait engagée qu'un jour, elle volerait de ses propres ailes. En même temps, il avait connu son père. Pas personnellement mais, il savait qui il était.

Trois heures avaient passé et Vin avait retrouvé son escorte devant l'atelier. La diligence était chargée et les quatre homme prêts à partir. Elle ouvrit la porte arrière et leur dit de se mettre en route. Ils étaient deux derrière les rennes et deux dans la cabine avec elle. Bradds n'avait montré personne en énumérant leurs noms aussi elle ne savait pas qui se tenait avec elle mais, c'était le cadet de ses soucis. En effet, elle avait pris ses notes avec elle et à peine la route entamée, elle s'était plongée dans ses travaux. Non seulement, il en allait du mécénat avec Anton mais, si son arme n'était pas au point à temps, Aerin pourrait lui en vouloir. Elle leur avait donc écrit à chacun pour les avertir qu'une livraison allait ralentir ses recherches.

La diligence avançait bon train. Vin n'avait jamais quitté la cité d'Airain aussi, elle jetait quelques coups d'oeil par la fenêtre mais, elle ne parlait pas. Elle était concentrée sur ses recherches. Elle rajoutait des notes et barrait les idées foireuses. Les garçons ne parlaient pas beaucoup non plus, de peur de la déranger. Ils étaient là pour l'escorter et la guider. Sur le chemin, il risquait d'y avoir un peu de trouble mais, ils étaient capable de gérer la crise puisqu'ils avaient réussi à l'aller. Quitter Akkaton ne fut pas un problème. Les jours passèrent sans le moindre souci mais, alors qu'ils n'étaient plus très loin de leur destination, cela se corsa. Ils avaient atteint les duchés lorsqu'un groupe de bandits les attaqua. En moins de deux, les conducteurs furent tués. Les deux autres sortirent et demandèrent à Vin de rester à l'abri. Elle sortit son pistolet de sa besace, le chargea de trois balles et se prépara à sortir. Vu la facilité avec laquelle les brigands avaient éliminé les gaillards, la jeune femme n'était pas convaincue que les deux restants feraient le poids et resté seule enfermée était le meilleur moyen de finir comme otage. Elle les suivit donc dehors. Face à eux, cinq types masqués. Les deux hommes tirèrent mais, leurs cibles évitèrent les tirs. Vin prit le temps de viser et tira sur celui qui regardaient le moins dans sa direction. La surprise lui permis de le toucher à l'épaule. Toutefois, elle ne donnait pas cher de leurs peaux. Ils étaient trois contre cinq et elle ne s'était jamais réellement battue. Elle n'avait pas l'intention de mourir mais, elle n'avait pas son optimisme habituel. Un miracle seul pourrait les sauver.Enfin les miracles, elle n'y croyait pas trop mais, peut-être une intervention extérieure...

22 septembre de l'An 2000 de l'Age d'Acier

En général, les bandits duchéens n'étaient pas du genre à attaquer les voyageurs de façon extrêmement brutale dès le départ en abattant deux gardes et sans laisser l'option de pouvoir passer après s’être délestés de quelques richesses, après tout en général il y avait une sorte de code d'honneur mais aussi pragmatique, du style, c'est une affaire d'argent, pas de sang. Néanmoins, ce n'était pas le cas de tout les brigands, notamment certains qui n'en étaient pas vraiment soyons sincère, après tout quand on avait une frontière commune avec Teider et sachant les talents de ce royaume autoritariste pour engager des agents de toutes sortes, notamment sous couverture...

En résumé depuis quelques jours les troupes de Sarassi traquaient en plus des problèmes qu'elles géraient habituellement, plusieurs bandes de brigands étonnamment meurtrières dont on soupçonnait qu'elles soient financées ou sous influence de Teider. En vrai, seulement deux à trois cents des mercenaires à son service s'occupaient de cela, une fraction très mineure de ses troupes donc, mais aujourd'hui elle avait décidée de les aider, notamment car certaines bandes étaient à portée de main et qu'elle voulait s'en charger elle-même, après tout par le passé elle avait été générale mercenaire, alors autant ne pas perdre les bons vieux réflexes.

C'est ainsi, qu'elle tomba avec plusieurs de ses hommes, des guerriers montagnards armurés légèrement et dotés d'arbalètes et lames en plus d'un bouclier, sur une attaque d'un petit convoi visiblement Akkatonien ayant lieu sur un sentier montagnard de Sarassi, en somme le genre d'embuscade de bandits difficiles à fuir, heureusement Osami fut là à temps pour intervenir.

Et elle tomba sur les brigands avant même que les arbalétriers mercenaires se mettent en position pour tirer, sous la forme d'un imposant griffon qui jeta un brigand par dessus un précipice, lacéra un autre de ses griffes aiguisés et plaqua ensuite le dernier au sol. Les deux dernières se faisant transpercer de carreaux bien ajustés non sans avoir causé un dernier mort du côté Akkatonien. Hum, les deux derniers ? Non, un brigand manquait et où était-il ? C'est là qu'elle vit non pas une, mais deux personnes sortirent de la diligence.






Sort utilisé :

Spoiler:

A peine Vin avait elle touché le brigand à l'épaule que tout devint chaos. Un griffon avait débarqué et elle avait dû bousculer Georges sur le côté pour éviter qu'il ne lui tire dessus. Elle avait compris que la créature ne les attaquait pas, au contraire. Ainsi, en peu de temps, grâce au griffon et aux hommes qui l'accompagnaient, il ne restait plus qu'un bandit, celui que Vin avait blessé à l'épaule. Hélas, Samuel avait également été tué. Il ne restait que Vin et ce lourdaud de Georges. La jeune fille avait profité de l'agitation pour préparer son deuxième tir mais, le brigand s'apprêtait à tirer sur son comparse. Elle n'avait pas le temps de viser réellement. Elle ajusta son arme au mieux et tira. Ce ne fut pas vraiment une réussite mais, elle avait au moins réussi à le désarmer. Il se mit alors à leur foncer dessus. L'ingénieure n'avait pas le temps de préparer son dernier tir. Elle lâcha son pistolet et sortit son marteau de forgeronne qu'elle abattit sur le crâne de l'ennemi.

"Et Bam!"

Hurla-t-elle avant de déglutir en voyant le crâne exploser sous l'impact. C'était la première fois que Vin se battait réellement et surtout, la première fois qu'elle ôtait une vie. Elle osait espérer que ce serait également la dernière. Elle rangea son marteau et ramassa Pan. Ils s'en étaient tirés Georges et elle mais, si ce griffon n'était pas intervenu, ils auraient subi le même sort que Samuel et les autres. Par chance, elle avait pu sauver George, elle allait donc pouvoir effectuer la livraison mais, elle ressentait une profonde peine pour les autres hommes. Elle ne les connaissait pas vraiment mais, ils étaient morts en tentant de la protéger. Elle se tourna vers le survivant et lui demanda si tout allait bien. Il hocha la tête sans prononcer le moindre mot, visiblement sous le choc également. A priori, le seul mérite qu'avait l'escorte de Vin était de connaître le chemin. La mécano le laissa et se dirigea vers ceux qui les avaient sauvés. Ne sachant pas si le griffon parlait, elle se tourna vers l'un des hommes et le salua:

"Bonjour, je me nomme Vin Venture. Je vous remercie de nous avoir sauvés."

Osami regarda la scène de combat prenant fin juste devant elle et se dit que soit la jeune humaine avait frappée au bon endroit, soit qu'elle devait avoir une force immense pour ainsi arriver à autant abîmer un crâne d'un seul coup. Mais ce qui la travailla après avoir observé cette scène avec une légère répulsion, c'est qu'elle doutait qu'une jeune personne de cette âge soit le genre qu'il était sain de voir tuer quelqu'un, même pour se défendre, la pauvre... Après tout contrairement à ce que beaucoup pensent, la première fois qu'on ôte une vie marque même si souvent après coup, le genre de chose qu'on oublie jamais par la suite, ce même si on réitère la chose fréquemment.

Quoiqu'il en soit, la jeune femme en attendant semblait assez claire d'esprit pour ouvrir la conversation, avec un des mercenaires accompagnant Osami, un nain qui répondit d'un ton professionnel.

« Remerciez plutôt la duchesse, c'est elle qui est intervenue à temps. » En désignant sa patronne qui reprit alors soudainement sa forme naturelle devant tout ce beau monde, celle d'une sublime kitsune et encore le terme était sans doute un euphémisme paré d'une tenue digne d'une duchesse des duchés en effet, même si on pouvait y déceler une certaine influence ikhyldienne, un vêtement fait des tissus les plus précieux et finement travaillé. Une kitsune visiblement de bonne humeur, qui s'adressa d'un ton compatissant à Vin.

« En effet, cela fait un certains temps que nous traquons ces bandits là, d'habitude ils ne sont pas aussi agressifs envers les voyageurs... Mais nous soupçonnons ce genre de bandes d'êtres aux services d'agents infiltrés Teideriens voulant causer quelques troubles dans mes terre. Mes excuses, tout de même pour ne pas être arrivée assez vite pour sauver vos trois compagnons. » Elle fit signe alors à ses hommes, deux partirent en direction d'un village proche, tandis que le reste se stationna dans les environs, la duchesse ajouta alors.

« Nous allons vous aider à arriver jusqu'au prochain arrêt indemnes, là-bas vous pourrez ensuite voir pour la suit de votre voyage, en attendant nous allons aussi ramener le corps de vos compagnons en lieu sûr et vous confier des missives pour leurs familles, elles pourront ainsi s'occuper de leur retour au pays. Cela vous va ? » Après tout ce serait compliqué de transporter trois cadavres dans une diligence, alors autant les mettre en lieu sûr. Restait donc à voir si ça leur allait, ce serait sans doute le plus sûr en attendant le temps de voir quoi faire pour la suite.

Quoi? La duchesse? Rien que ça? Et apparemment, c'était du griffon que le nain parlait. Cela ne surprit pas Vin plus que ça. Même si en Akkaton, les gens n'étaient pas fervents de magie, elle en connaissait l'existence et se doutait que de nombreuses choses étaient possible grâce à elle. Elle se tourna alors vers la créature ailée qui reprenait alors forme humaine. Enfin, elle semblait ne pas l'être vraiment mais, la mécanicienne ne s'en préoccupait pas d'avantage. Elle n'avait jamais accordé beaucoup d'importance aux races tant qu'elle parvenait à communiquer. Si l'apparence de la femme devant elle ne lui faisait ni chaud ni froid, elle fut toutefois ébahie par sa tenue. En même temps, le nain lui avait bien dit que c'était la duchesse mais, elle n'avait jamais vue de tels atours. En même temps, elle n'avait jamais quitté Akkaton jusque là et puis, elle ne côtoyait pas les hautes sphères. Enfin, même dans la haute akkatonienne, on ne portait sans doute pas ce genre de vêtements.Mais, Vin se devait d'agir en conséquence. C'était quand même une duchesse. Bon, en temps normal cela lui aurait été égal mais, pour le coup, elle venait de lui sauver la vie. La jeune femme s'inclina donc légèrement en relevant légèrement les côtés de sa jupe comme elle s'imaginait qu'on le faisait à la cour mais, sans doute était-elle plus ridicule qu'autre chose. Elle ne savait même pas ce que représentait le titre de duc ou duchesse même si, étant dans les Duchés, ce devait être la fonction la plus haute et elle improvisait totalement. Bah, le ridicule ne tuait pas et elle montrait au moins qu'elle voulait bien faire. Et puis, la duchesse semblait être une personne compréhensive. Elle expliquait qu'elle traquait ces bandits depuis un moment et s'excusa pour les trois morts qui avaient eu lieu. Vin se redressa et répondit:

"A dire vrai, vu qu'on m'avait fait escorter, je n'étais pas surprise plus que ça qu'on se fasse attaquer mais, je ne m'attendais pas à ce que ça prenne cette tournure. Ne vous en faites pas, ce n'est pas votre faute et puis, je dois bien avouer que je ne les connaissais pas vraiment. Ils m'escortaient simplement lors de ma livraison. Bien sûr, cela est triste mais, je ne suis pas sûr d'être réellement concernée."

Vin culpabilisait quelque peu en disant cela mais, il était vrai que la mort des trois hommes ne l'avait guère affectée. Certes, elle avait été choquée de la violence de la chose et aurait préféré que personne ne meurt mais, sur le plan sentimental, cela ne la touchait pas. Enfin bon, si ce n'était pas l'attitude à adopter, la jeune femme n'y pouvait rien. La duchesse lui dit alors qu'elle ferait le nécessaire pour les familles et qu'elle les escorteraient jusqu'à destination. Vin sourit et répondit:

"Alors, pour les missives et les corps, voyez ça avec Georges, le type là-bas. Enfin, je veux pas me montrer impérative, c'est juste que moi, je sais rien d'eux hormis qu'il sont employés par mon commanditaire. Autant dire qu'ils doivent être du coin plutôt que d'Akkaton sinon, le type serait venu chercher son fatras plutôt que d'envoyer ses hommes me chercher pour que j'amène le bordel dans le coin. Ils ont réussi à venir jusqu'à Akkaton mais, ils n'étaient pas chargés en même temps. En revenir leur a coûté la vie apparemment. Bref, vous avez sûrement pas que ça à faire que d'établir des théories sur feu ces types. En tout cas, pour l'escorte, ce ne sera pas de refus car comme vous pouvez le voir, les gars chargés de me protéger semblaient d'avantage avoir besoin que je les protège."

Là, Vin s'était surprise elle-même tant elle s'était montré familière mais, il fallait mettre ça sur le dos de la situation. Elle ne s'était pas attendue à ce que les choses se passent ainsi et elle se perdait dans ses pensées, tant et si bien qu'elle embrouillait tout. Elle était face à une duchesse, elle avait une livraison à terminer, elle avait fait la route avec quatre boulets dont trois étaient morts, elle devrait rentrer seule à Akkaton, elle avait les plans de sa nouvelle arme qui ne devaient surtout pas tomber entre de mauvaises mains, aussi, ça, elle n'en parlerait pas. Bref, elle n'avait pas les idées claires. Elle allait effectuer sa livraison puis, elle aviserait ensuite.

La manière dont la jeune Akkatonienne salua Osami lui fit penser avec amusement à la façon dont les gens devaient saluer certains rois de petits royaumes d’Eïrn, ou dont les humbles paysans saluaient sa personne dans les duchés, pas que ce n’était pas approprié, mais amusant vu que ça devait être sincère... Plus que pour bien des duchéens à son égard en ces terres où la noblesse n’avait jamais existé contrairement à une bourgeoisie qui avait su y prospérer depuis fort longtemps. Une terre où l’argent est la loi, la prospérité le but et la concurrence le fil conducteur de l’existence.

« Quoique qu’il en soit, nous allons faire en sorte que leur famille puisse récupérer leurs corps, qu’ils soient Akkatoniens ou non, je suppose que le dit Georges connait leurs origines au pire. Quoiqu’il en soit ne vous inquiétez pas, le reste du voyage devrait mieux se passer, surtout si vous avez quelques mercenaires des environs pour vous escorter. Les Sarassiens connaissent bien leurs montagnes. » Après tout tels était les duchés, le pays des mercenaires, d’ailleurs ironiquement beaucoup de bandits étaient aussi des mercenaires trouvant une source de revenue entre deux contrats même si toutes les lames à vendre heureusement ne s’y adonnaient pas. Ainsi, des mercenaires justement, il n’était jamais difficile d’en trouver à engager dans les duchés.

Quoiqu’il en soit, elle ne s’affecta pas de la familiarité de la jeune femme et ordonna d’un geste que le convoi se mette en route, convoi qu’ils escortaient maintenant. Certainement pas à la pleine vitesse d’une diligence, c’était le défaut de l’arrangement actuel qu’ils faisaient jusqu’au prochain arrêt, mais ça ne devrait pas en vérité les retarder tant que cela. Elle se permit alors de reprendre pensive à l’égard de la jeune humaine.

« Je suppose que le fait que vos gardes du corps ne soient pas Akkatoniens explique que je n’ai pas entendu plus que cela le bruit d’armes à feu, vos compatriotes adorent la poudre à canon, notamment car ils ont les fusils les plus avancés. Même si malgré leur retard, certaines armes à feu duchéennes pourraient vous amuser je pense, j’ai déjà vu des soldats manier des arquebuses à répétitions ou des lances fusées, c’est un spectacle à voir… Ou bien la société duchéenne en général, c’est assez différent de ce que l’on peut trouver en Akkaton, je suppose d'ailleurs pouvoir vous offrir à vous et votre garde du corps l’hospitalité pour la nuit pour m’excuser de l’intervention tardive. » Sans doute essayait-elle de changer les idées de Vin, ils commencèrent donc à bien avancer sur la route, puis elle demanda calmement.

« C’est la première fois que vous vous rendez en ces terres ? C’est la déduction que j’ai faîtes, mais peut-être ais-je tort. » Après tout elle devait avoir l’impression d’être dans un autre monde au vu de la différence technologique compensée par la magie entre les deux pays.

Si le voyage avait mal commencé, les choses semblaient s'arranger. Le calme était revenu et les deux femmes discutaient tranquillement. Vin fit signe à Georges de venir et lui demanda de renseigner la duchesse au sujet de ses camarades. Elle en profita pour observer sa bourse. En effet, il lui avait été dit qu'elle pourrait engager des mercenaires mais, cela avait un prix et elle n'avait pas grand chose sur elle. Bah, le client allait payer à la livraison, la jeune fille utiliserait une partie de l'argent pour rentrer et si Bradds était pas content, elle l'enverrait se faire cuire un oeuf. Elle préférait rester en vie et prendre le risque de perdre son travail plutôt que s'assurer de le garder et risquer de perdre la vie. Dans ce monde, il fallait savoir garder le sens des priorités.

"Des mercenaires, ça doit coûter une belle somme mais, je rentrerai en vie au moins. Très bien! En tout cas, la vie ici semble fort différente de celle à Akkaton. Enfin, je ne parle pas forcément des bandits hein! On en a sans doute aussi. Mais, le décor et la façon de se vêtir sont relativement en contraste. Si j'étais plus apte à me défendre, cela vaudrait le coup que je voyage d'avantage. Il y aurait tant de choses à découvrir."

Vin n'aurait su dire si elle se découvrait un goût pour le voyage ou si c'était lié au fait qu'elle quittait Akkaton pour la première fois. En tout cas, elle comprenait mieux pourquoi elle ne blâmait pas ceux qui préféraient la magie à la technologie. C'était assez spectaculaire et ça devait largement faire concurrence pour ce qui était de faciliter la vie. Jusque là, elle n'avait pu se baser que sur son imagination à ce sujet mais, voir la duchesse à l'oeuvre l'avait impressionnée. Et ces tenues hautes en couleurs, c'était juste magnifique. Bien sûr, elle savait que chaque région était différente d'Akkaton mais, elle n'avait jamais eu suffisamment d'imagination pour s'en faire une idée concrète.

Alors qu'ils s'étaient mis en route, la conversation continuait entre les deux femmes. Vin était de plus en plus intriguée. La curiosité montait en elle. Les duchés avaient leurs propres armes à feu. A quoi pouvaient-elles bien ressembler? La mécanicienne répondit donc avec entrain:

"Alors, ici aussi il y a des armes à feu? Je ne sais pas pourquoi ça me surprend tant que ça. Je veux dire, je ne suis jamais sortie d'Akkaton, je me fais sans doute trop d'à priori. En tout cas, je serais heureuse de voir ces armes et puis, visiter aussi serait fabuleux. C'est vraiment gentil à vous d'être venue à notre secours et de faire ça pour nous. Pour ce qui est de Georges, je crois que le qualifier de guide serait plus approprié que garde du corps. Cela dit, ce n'est pas sa faute. Je pense que c'est son employeur qui n'a pas assuré. Enfin après tout, je ne sais pas si ça a une grande importance. En tout cas, je suis heureuse de découvrir de nouvelles contrées. Et quant au fait que les Akkatoniens soient amateurs de poudre, à part les soldats, je pense qu'à part nos soldats, la plupart n'ont jamais tiré sur une cible vivante. Pour ma part, en tout cas, c'était la première fois et je m'en serais bien gardée si j'avais eu le choix."

Vin eut un haut le coeur en repensant à l'affrontement. Elle retira rapidement cette vision de sa tête et se concentra sur le paysage. Elle ne savait pas combien de temps il leur faudrait pour arriver mais, cela avait peu d'importance. Elle était prise par la conversation et elle était en sécurité.

Osami dit donc au dénommé Georges qu’ils n’auraient qu’à discuter un peu dans une auberge de passage, après tout il y en avait de très bien famés dans les Duchés et elle qui avait été mercenaire avant avait pu en fréquenter beaucoup. De plus, elle préférait laisser à l’homme le temps de se remettre de ses émotions, après tout ceux qui étaient morts avaient pu être ses amis, alors autant laisser un petit temps de deuil se faire avant de trop questionner à ce sujet.

« Cela dépend quel genre de mercenaire vous voulez. Si vous voulez des jeunes âmes peu équipées attendant de se faire les dents ça pourrait ne pas coûter très cher, mais ils risquent d’avoir du mal à vous défendre sauf si vous en engagez beaucoup. Si vous préférez ceux en lourdes armures très équipés ou entraînés, là en effet ça pourrait être ruineux. » Avant de glisser au sujet des Duchés. « En effet, ces terres sont régies par une sorte d’hybridation entre la magie et la technologie, nous sommes bien moins avancés au niveau technologique que l’empire Akkatonien, mais nous compensons par une présence notable de magie aussi et une certaine débrouillardise. Bon, cela n’empêche pas que les deux domaines s’excluent mutuellement. Mais sur pas mal de conforts au quotidien nous n’avons pas à nous plaindre, même si évidemment ne vous attendez pas à un réseau électrique quelconque. »

Quoiqu’il en soit alors qu’ils étaient à un peu plus de la moitié du chemin, la duchesse sembla réfléchir, puis reprit sa forme de grand renarde majestueuse sans doute plus pratique pour une longue marche et répondit avec amusement à la jeune technologiste.

« Oui, il y a des armes à feu, mais elles sont disons bien peu avancées par rapport à celles Akkatoninnes. Ce sont pour beaucoup des armes à silex ou des mousquets, voir des arquebuses. Nous manquons disons autant de l’infrastructure industrielle massive pour produire des versions plus modernes que du désir de devenir dépendant de la technologie, ce qui serait nécessaire pour. Après tout, nous aimons bien varier avec la magie aussi bien à la guerre qu’au civil. Après, en fouillant un peu vous trouverez sans doute de quoi acheter des armes Akkatoniennes au marché noir, mais disons que beaucoup de duchéens préfèrent en vérité les arbalètes, souvent enchantées notamment, aux armes à feu. » Après tout s’il y avait une excellente raison dans ce monde pour laquelle les armes à feu n’avaient point rendus les arcs et arbalètes obsolètes, c’était sans doute le fait que les armes de traits pouvaient être enchantées notamment, ou se mariaient mieux avec l’usage de magie notamment. Puis elle reprit.

« Après même si nos armes à feu sont moins avancées, nous avons des modèles assez originaux… Voir dangereux à manipuler, mais amusant. Enfin, sinon je ne doutais pas qu’en effet peu d’Akkatoniens ont tirés sur quelqu’un de leur vie, heureusement. Même dans les Duchés ce n’est pas tout le monde qui a frappé avec une arme sur quelqu’un d’autre. Tant mieux, sinon je me demanderai où va le monde si c’était un acte normal pour chacun. » Sans doute pas dans une bonne direction en tout cas. Puis elle ajouta amusée.

« Hum, si vous voulez je pourrais vous enseigner deux trois coutumes duchéennes sinon si jamais vous prolongez votre séjour ou revenez par ici. Par exemple, sachez que dans les Duchés lorsque l’on discute autrement qu’en marchant, il est normal d’être proche de son interlocuteur, voir très proche. Cela marque votre confiance en faîte. Si vous êtes à un demi mètre ou un peu plus ou moins de quelqu’un c’est une conversation neutre. Un mètre, vous signifiez votre méfiance ou mépris, moins de 30 centimètres, vous démontre votre confiance. Dans le dernier cas, je soupçonne que c’est parce que c’est la distance idéale pour poignarder quelqu’un… » Cela dit avec une pointe d’humour noir. En tout cas, ça montrait un peu l’ambiance du pays.

Vin soupira. Elle n'avait jamais engagé de mercenaire et tout cela lui paraissait bien compliqué. Elle n'était qu'une inventeuse qui travaillait dans un atelier en temps qu'ingénieure mécanicienne. Tout ceci n'était pas dans ses habitudes. Enfin bon, elle n'était pas riches et une fois délestée de sa cargaison, personne ne se dirait qu'elle transportait une grosse somme d'argent. Ainsi, engagé un ou deux bleus devrait suffire. Elle n'allait sans doute pas passer un retour aussi mouvementé. Et puis, en soi, la duchesse lui avait parlé d'armes à feu. Pan n'était pas assez rapide face à des adversaires en surnombre mais, si elle parvenait à se procurer un second pistolet, elle serait plus efficace. Le type qui avait passé commande devait être un marchand pour commander autant d'exemplaires à Bradds. Peut-être aurait-il des articles intéressants. Ou peut-être trouverait-elle son bonheur parmi les armes locales. Bon, de toute façon elle avait du temps devant elle.

Le dialogue prit une tournure qui intéressa fortement Vin. Elle qui vivait dans un univers régit par la technologie n'aurait jamais cru que celle-ci pouvait s'associer à la magie dans la vie de tous les jours. En effet, puisque combiner les deux était impossible, elle n'avait jamais envisager de parer au lacunes de l'un avec l'autre. Bon, en même temps, elle était totalement incapable de faire de la magie donc même si elle en avait eu l'idée, elle aurait été incapable de l'appliquer.

"Vous avez développé des armes à feu mais, vous n'avez pas de réseau électrique? C'est étrange le sens des priorités je trouve. Je veux dire, la lumière sert tous les jours tandis que les armes ne sont pas très utiles sauf en cas d'agression. Ah, désolé, il est vrai qu'on peut s'éclairer avec des bougies et qu'on ne sait pas quand on va se faire agresser. C'est juste qu'à défaut de produire de l'électricité de manière technologique, j'aurais pensé qu'il était possible d'en créer à partir de magie. Enfin, je suis pas franchement renseignée sur la magie. J'ai sans doute des idées surfaites. Enfin, n'allez pas croire que l'absence d'électricité me dérange. C'est plutôt qu'avec la présence d'armes à feu, je pensais qu'il y aurait un réseau électrique aussi."

En y réfléchissant, en Akkaton aussi, l'électricité avait dû arriver après les armes à feu. Et puis, sa réaction pouvait sembler curieuse pour quelqu'un qui travaillait dans l'armement. A dire vrai, elle ne s'était retrouvée dans ce domaine que parce que c'était le premier travail qu'on lui avait proposé. Après l'arme pour Anton et Aerin, elle allait sans doute voir pour développer des inventions plus utiles à la vie qu'à la mort. Bien entendu, les armes étaient indispensables à ce monde si on voulait pouvoir voyager en paix mais, il y avait sans doute déjà bien assez de créateurs pour ces dernières. Peut-être même que la technologie en avait trop dans ce domaine.

La duchesse avait alors pris une forme de renard immense. Vin fut quelque peu surprise mais, ce qui la surpris d'avantage fut quand elle se mit à parler. En effet, elle savait déjà qu'elle pouvait se transformer mais, sous sa forme de griffon, elle avait attendu d'être redevenue humaine pour parler. Aussi, la jeune akkatonienne ne s'était pas douté que la communication était possible sous forme animale. Cela dit, au final, c'était tout à fait concevable. Vin l'écouta donc avant de rétorquer:

"Vous savez duchesse, je suis pas franchement une collectionneuse d'armes. Je suis curieuse de voir vos modèles et m'acheter un deuxième pistolet pour le retour ne serait sans doute pas de trop mais, je pense que la technologie serait plus utiles dans des domaines autres que l'armement. Certaines personnes naissent avec l'incapacité d'utiliser certaines de leurs capacités motrices. Grâce à la technologie, il devrait pouvoir être possible d'y remédier. Ce n'est qu'un exemple mais, à mes yeux c'est dans des domaines comme celui-ci que la technologie devrait être développée."

Vin semblait passionnée lorsqu'elle parlait de ça. Enfin, ce n'était pas surprenant. Elle avait toujours maudit la maladie qui avait emporté son père et depuis qu'Anton lui avait confirmé que la technologie pouvait être utilisée dans le domaine médicale, le jeune fille ne pensait plus qu'à ça. Bricoler des flingues était sympa d'un point de vue mécanique mais, les prothèses, c'était quelque chose qui lui correspondrait sans doute plus. Après tout, l'idée de tuer n'avait jamais traversé l'esprit de la jeune fille même si elle avait dû exécuter ce type plus tôt dans la journée. Quand Aerin avait volé le prototype, elle aurait pu lui tirer dessus mais, tuer quelqu'un parce qu'il a volé un flingue foireux avec lequel il se tuerait probablement n'avait aucun sens. Elle avait donc négocié et proposé de lui offrir un nouveau pistolet sur lequel elle devrait justement être en train de travailler. Vin n'aimait pas prendre du retard. Vivement que cette livraison soit terminée. Elle jeta discrètement un oeil à sa besace et constata avec joie que celle-ci était bien fermée.

La remarque qui suivit fit rougir Vin qui soudain se sentit idiote. Pourquoi avait-elle eu besoin de préciser que les Akkatonniens n'étaient pas tous des tireurs fous? La duchesse n'était pas idiotes et le savait sûrement. Bah, elle ne l'avait pas pris mal et avait répondu avec semblait-il un certain amusement. Quand elle parla du fait que le monde se porterait mal si tous le monde s'agressait, Vin se contenta d'hocher la tête. Elle était tout à fait d'accord puis, elle se sentait bien trop idiote de ce qu'elle avait dit précédemment pour en rajouter sur le sujet.

La conversation prit ensuite la direction des coutumes duchéennes. La façon dont la duchesse présentait les choses amusa Vin mais, l'effraya aussi quelque peu. Ou plutôt, l'amena à se poser des questions.

"Pour ce qui est de rester plus longtemps, c'est raté. Mon patron attend mon retour et même s'il sait qu'un contre-temps est tout à fait possible, je ne voudrais pas abuser de sa confiance. Toutefois, je veux bien en apprendre d'avantage sur vos coutumes. Toutefois, je ne pense pas être adepte de celle qui consiste à gagner la confiance des autres pour pouvoir les poignarder. C'est que je n'ai pas de couteau sur moi et puis, je ne suis pas sûr que la personne en face apprécierait."

Elle avait au final tourner sa sous forme d'une boutade. Après tout, la duchesse semblait plaisanter aussi.

« Il faudrait sacrifier beaucoup de choses pour nous industrialiser à ce point là et dévelloper l’électricité comme vous entres autres, surtout que nous pouvons avoir beaucoup des conforts apportés par la technologie, même si pas tous, ainsi que des inédits grâce à la magie. Chauffer l’eau, une maison, faire jouer de la douce musique, émettre une agréable odeur, éclairer, ce sont là des choses que la magie peut faire ainsi que bien d’autres. Certes après pour certaines choses comme le transport à grande vitesse les trains sont un peu mieux, du moins pour les personnes qui ne sont particulièrement riches, mais il y a d’autres utilités inédites à la magie comme dit précédemment, même si je préfère vous laisser les expérimenter. Et en vérité la magie peut faire directement tout cela donc relier le tout à un réseau électrique serait assez étrange, surtout que les lois de la dualité risqueraient de rendre la chose compliquée. La magie est partout après tout, du moins l’énergie utilisée pour en faire, il n’y a donc nul besoin de transporter celle-ci ailleurs, sauf éventuellement pour des utilisations de très grande puissance. »

En tout cas, la magie avait ses propres règles, Osami avait au moins la bonne foi de dire que chaque domaine avait ses avantages, mais il est vrai que dans le domaine des conforts matériels, les deux voies pouvait se valoir, les adeptes de la magie ou hybrides étaient loin après tout de mal vivre. Même si dans ce cas c’était plus la faute des façons de fonctionner des pays qu’autre chose. Par exemple, dans les duchés il y avait beaucoup plus d’inégalités sociales qu’en Akkaton, mais il était aussi bien plus facile de s’y enrichir même si risqué. L’empire d’Occident était après tout tellement régulé que certes les pauvres tombaient difficilement dans la misère, mais y devenir vraiment opulent était d’une difficulté grande.

« La cybernétique ? C’est vrai, ça a ses avantages bien à soit et c’est une noble voie, je ne sais pas après si cela intéresserait tout le monde, je préfère vous le préciser, même en Akkaton ou dans les pays technologistes, il y en a si accrochés à leur héritage magique qu’ils ne peuvent pas vivre sans. Imaginez une kitsune comme moi si familiarisée avec le fait de pouvoir changer de forme selon son gré et expérimenter des choses comme voler, être bloquée dans un seul corps même pour remplacer un membre détruit ou deux, serait une véritable souffrance. Après, ce sont malheureusement les aléas de la vie, chacun fait son choix, l’important est de pouvoir aider donc ceux le désirant. » Il est vrai après tout que se cybernétiser était condamné à mort sa magie en quelque sorte, donc un choix difficile pour ceux attachés à celle-ci.

Puis au sujet des Duchés elle s’amusa de voir que la jeune humaine s’amusait elle aussi de cela et voyant qu’elles étaient arrivées, enchaîna.

« Je vous apprendrai donc quelques coutumes utiles si jamais vous revenez, en attendant… Nous allons déposer vos affaires ici le temps que vous soyez un peu remis vos émotions. » Ceci dit quand ils entrèrent dans un village fortifié, visiblement protégé par une sorte de petite compagnie mercenaire probablement engagé par la duchesse, qui glissa avec amusement alors qu’ils se dirigèrent à une auberge relais visiblement.

« Les duchéens sont beaucoup attachés à leur liberté et indépendance, certes ni totale et pas forcément objectivement meilleure que celle d’autres pays, mais disons que pour nous liberté rime avec autonomie. Je suis certes duchesse de ces terres par exemple, mais je ne m’immisce que superficiellement dans la vie de beaucoup de mes vassaux. Et c’est comme ça un peu partout dans les duchés. L’idée d’un tyran régnant sur tout le monde d’une main de fer ne plaît à personne dans les environs, ce même dans le cas où ça n’aurait pas été une main de fer, mais de velours. Ici, tout le monde essaye de s’en sortir au mieux, voir de prospérer, avant tout pour soi ou ses rares proches, cela peut sembler cynique, mais tout est énergétique dans les environs, en constant mouvement, même dans un village comme celui-là. Vous ne vous y ennuierez jamais, évitez donc juste de vous faire escroquer par les marchands. » Les duchés étaient connus pour avoir après tout d’excellent escrocs et marchands, une réputation pas déméritée, bien au contraire.

Vin écoutait avec attention le discours de la Duchesse sur la dualité qu'il y avait ou n'avait pas entre la magie et la technologie. Bien entendu, elle savait que ces deux domaines ne pouvaient pas fonctionner ensemble mais, ce n'était pas vraiment ce que Vin avait voulu dire. Son idée n'était toutefois pas très claire. Aussi, elle essaya de donner une explication plus claire.

"Je ne parlais pas de mélanger technologie et magie. Je ne sais pas très bien comment fonctionne la magie mais, je sais que tout le monde ne peut pas l'utiliser. De plus certaines magies ne permettent pas forcément de faire de la lumière par exemple. Je me demandais donc s'il était possible de créer un réseau magique ou un truc dans le genre. Faire profiter de la magie à ceux qui en sont incapable en gros. Enfin, c'est simplement une question comme ça."

Plus la conversation avançait et plus l'ingénieure se rendait compte à quel point elle en savait peu sur la magie et sur la vie en dehors d'Akkaton. Ce n'était pas qu'elle ne s'y intéressait pas mais, elle passait vraiment trop de temps à travailler. Elle n'avait jusque là jamais trouvé l'occasion de voyager et même si elle en avait rêvé, elle n'avait pas forcément eu le courage de le faire seule. Bah il fallait bien une première à tout. Et puis, elle ne pouvait pas tout savoir. Elle avait encore bien des choses à apprendre. Au fond, elle n'aurait sans doute pas pu apprendre grand chose sur Akkaton à la duchesse. Elle ne s'intéressait guère à la politique et n'était pas au courant des conflits existants ou inexistants. Elle, tout ce qu'elle savait, c'était faire de la mécanique. A part ça, elle allait se bourrer la gueule dans les bars et elle passait du temps avec sa mère et son petit frère. Une vie des plus banales. Trop banale. Vin en avait marre de toujours se lever le matin pour aller faire le même boulot pourri. Elle allait devoir trouver autre chose si elle voulait que sa vie devienne plus intéressante.

La duchesse émit son opinion au sujet de la cybernétique et la jeune fille s'empressa de lui répondre:

"Ah euh... je n'ai jamais eu l'intention d'imposer une intervention de ce genre. Je me doute qu'un mage serait contrarié de ne plus pouvoir être qui il est. Et puis d'ailleurs, j'en sais rien moi, peut-être la magie peut-elle faire repousser un membre ou remédier à un dis-fonctionnement au même titre que la technologie. Toujours est-il que je ne suis pas une mage et ne connait aucun mage capable de faire ça. Enfin jusqu'à aujourd'hui, je ne connaissais aucun mage tout court."

Le groupe arriva dans un village qui n'avait rien à voir avec ce que Vin connaissait. Il était fortifié et des mercenaires en gardaient l'entrée. Quelque peu impressionnée, la jeune fille se rapprocha légèrement de la duchesse de manière instinctive. Elle n'avait pas peur mais, tout cela lui était inconnu et elle se sentait rassurée auprès du seul repère qu'elle avait. Ce n'était pas quelqu'un qu'elle connaissait bien mais, elle lui avait sauvé la vie et l'avait amenée ici. Cela suffisait à rendre sa présence réconfortante. Habituellement, l'ingénieure aurait davantage été fascinée qu'impressionnée mais, c'était sans doute le contre-coup de l'attaque. Si dans l'immédiat, elle avait donné l'impression de dominer la situation, elle n'avait en réalité jamais fait face à une telle situation et elle avait dû tuer un homme. Déjà que de base, elle ne tuait même pas les insectes... Enfin, pour quelqu'un que l'idée de tuer répugnait, elle créait quand même des armes... Il y avait là, selon elle en tout cas, un certain paradoxe.

Le groupe avait pris le chemin d'une auberge. En la voyant de loin, Vin poussa un soupir de soulagement. Elle allait pouvoir se reposer. Cela tombait bien car elle était épuisée.

La duchesse lui parla de la liberté si chère aux yeux des duchéens. Elle comprenait tout à fait et répondit:

"En fait, j'ai toujours vécu dans la cité d'Airain et je ne me suis jamais posé la question. J'ai toujours eu qu'une idée en tête, devenir inventeur comme mon père. Je suis loin de l'égaler mais, je n'ai eu aucun mal à rendre ce projet possible. Aussi, je me suis toujours senti libre. Malgré tout, je comprends ce que vous voulez dire. Après, même si je me sens relativement libre, en y réfléchissant bien, je fais ce travail qui me plait pas plus que ça même si c'est dans mon domaine... Je continue de le faire car j'ai besoin d'argent. Mais, prenons ces voleurs qu'on a croisé. Aimaient-ils dépouiller les autres? Le fait de voler pour vivre les rendait-il libres?"

Vin ne réfutait pas ce que la Duchesse lui avait dit. Elle se rendait juste compte à quelle point la notion de liberté pouvait être différente pour chacun. Elle se demandait ainsi si les bandits agissaient ainsi car ils se sentaient plus libres ou parce qu'ils n'avaient pas d'autres choix.

« Il est possible de créer des infrastructures magiques, mais cela nécessite la présence d’un mage puissant pour les créer ou les altérer, et des fois des matériaux rares pour canaliser la magie à grande échelle. Théoriquement il faut forcément la présence d’un mage ou enchanteur pour créer des dispositifs magiques, les utiliser après est possible pour les autres si c’est conçu pour. Cela n’empêche donc pas de faire profiter de la magie à tout le monde, même si cela peut coûter cher, mais ça n’est pas le même fonctionnement qu’un réseau électrique technologique. Vous connaissez les enchantements ? Ces objets dans lesquels de la magie a été insufflée par un mage spécialisé, la magie en eux est ensuite employable par ceux les possédant, même s’ils ne sont pas mages. » En somme il était possible d’utiliser la magie sans être mage, mais cela devait dépendre des mesures prises dans certains sociétés pour diffuser ou non son usage à grande échelle.

« Aucun mage ? Eh bien, cela m’étonne même d’une Akkatonienne, quoique vos mages vivent plus dans les campagnes qu’en ville. Quoiqu’il en soit non je n’ai jamais entendu parler de la possibilité de faire repousser un bras par magie. Il est possible à la limite de ressouder un bras à son corps s’il en a été détaché, voir de ressusciter quelqu’un, mais c’est là des processus nécessitant certains arts magiques précis. La lumière notamment permet pour les archimages de pouvoir possiblement ressusciter quelqu’un mort récemment. » Ajouta sinon Osami pensive, sans doute assez d’accord avec le fait de discuter de cela.

Quoiqu’il en soit sinon, le village dans lequel elles pénétrèrent n’était pas déplaisant. Même si sans doute loin de ce à quoi était habituée Vin. Les demeures faîtes en pierre ou en bois étaient souvent assez colorées et l’on pouvait contempler en dehors des rues faîtes en terres battues, des plantes soit ordinaires, soit aux aspects légèrement fantaisistes. La présence d’hommes en armes, sans doute des mercenaires qui patrouillaient dans la rue ou se reposaient en ville… Dans la place centrale du village l’on pouvait observer une sorte de pilier gravé de multiples runes qui semblaient scintiller, mais son utilité ne paraissait pas forcément évidente à qui le contemplait. On pouvait sinon observer la présence de quelques golems qui semblaient aider à faire des tâches manuelles difficiles, mais ils étaient assez rares. Pour ce qui était de la technologie, si on retirait tout ce qui avait été inventé en Akkaton depuis la découverte des machines à vapeur et qu’on reculait d’un siècle en arrière, c’était à peu près cela…

« Ce n’est pas dans les duchés que vous trouverez la magie particulièrement abondante, ni la technologie. Cela dépend souvent des localités, mais aussi des particuliers. » Elle désigna vaguement du regard la demeure aux créatures spectrales. « Il a dû investir une fortune pour son confort, je suis certain qu’à l’intérieur de sa demeure, les outils de ménages font le nettoyage des lieux tous seuls. »

Quoiqu’il en soit une fois arrivée dans l’auberge, la jeune Akkatonienne donna son avis. Osami parut alors y réfléchir, puis ajouta pensive.

« La liberté est une chose complexe et qui dépend des pays. En Akkaton, vous voyez la liberté comme une chose qui a besoin d’être régulée pour que tous en aient, le plus possible, mais qui nécessite aussi de l’égalité pour être pleinement exercée. Dans les Duchés, peu apprécient l’idée de régulation et si certes il y a des miséreux, s’enrichir y est possible même en commençant de très bas. Que ce soit de façon morale ou non, ici la compétition règne mais il est toujours possible de tirer son épingle du jeu pour qui est assez audacieux ou astucieux. Je ne dis pas évidemment que tous peuvent réussir, mais pensons au cas de ces voleurs. Ils auraient pu devenir mercenaires, travailler dans un métier certes difficile mais payé, ou ne pas accepter la proposition des Teïderiens. Ce n’est pas idéal, mais les gens préfèrent ici pouvoir tirer leur épingle du jeu souvent, même s’il y a des gagnants ou des perdants. Cela fait aussi des villes duchéennes des lieux très vivants où il y a toujours à faire. » Elle conclut alors pensive, sans doute intéressée par quelque chose.

« On peut dire après qu’avoir comme but dans la vie de devenir riche ou puissant n’est pas sain, mais c’est un rêve courant chez les habitants des duchés, qui les pousse à accomplir beaucoup de choses. Cela et puis l’ouverture d’esprit est grande en ces terres, comme en Akkaton, même si de façon différente. »

Donc, il était bel et bien possible de faire profiter de la magie à tout un chacun. L'explication de la Duchesse convint à Vin. Elle connaissait en effet les enchantements. Du moins, elle en avait entendu parler et peut-être même en avait-elle déjà vu en action sans même y prêter action. La magie pouvait être aussi spectaculaire qu'un feu d'artifice ou ne se remarquer que par ceux qui y prêtaient attention comme un pet que l'on essaierait de cacher. En effet, un sort permettant de se transformer en griffon ne passait pas inaperçu mais, celui qui augmentait sa force, si on ne le voyait pas soulever quelque chose de particulièrement lourd ou qu'il ne nous collait pas une baigne, on ne pouvait pas le savoir.

La Duchesse sembla surprise d'apprendre que Vin ne connaisse aucun mage. La jeune ingénieure parlait de son entourage proche. Elle n'en parlait pas forcément avec tous ceux qu'elle rencontrait et personne n'utilisait la magie en permanence. En tout cas, jusque là, si elle avait assisté à l'utilisation de magie, c'était de celle qui ressemblait à un pet. Seule la Duchesse lui avait montré un feu d'artifice. Mais, ce qu'elle dit à la fin interpella Vin. Ressusciter quelqu'un? Mort récemment... Puis bon, franchement, elle n'était pas sûr que ce soit vraiment correct. Après, peut-être était-ce qu'elle pensait jusque là que c'était impossible et qu'elle jalousait ceux qui avaient pu ramener ainsi un de leurs proches. Cela dit, avec son père, depuis le temps, ce ne serait pas forcément beau à voir.

"Bah disons que dans mon entourage, je n'ai aucun mage mais, il n'est pas impossible que j'en ai rencontré sans le savoir. Peut-être qu'un type avec qui j'ai été me saouler utilisait un sort pour mieux résister à l'alcool mais, ça ne se voit pas autant que quand vous vous transformez. Ressouder un bras passe encore mais, ressusciter quelqu'un, n'y a-t-il pas une contre-partie à cela?"

En observant la ville et en écoutant la Duchesse, Vin se rendit compte à quel point la vie dans les Duchés pouvait être différente pour chacun et lorsqu'elle parla d'une maison qui se nettoyait toute seule, la mécano se dit qu'elle devrait fabriquer des automates ou autres gadgets qui permettraient d'en faire autant. Cela servirait à tout le monde et en plus, elle détestait faire le ménage. En plus, c'était plutôt amusant de bricoler des automates. Elle n'était pas franchement une experte dans ce domaine de la technologie mais c'était dans ses cordes avec beaucoup d'acharnement. Allez, bientôt elle n'aurait plus besoin de passer le balai. Et l'automate ne se plaindrait même pas de devoir le faire à sa place.

"Tiens, ce type est un génie! Faudra vraiment que je me bricole un truc dans le genre. Je suis sûr que la technologie aussi peut être utile dans ce domaine."

Voilà que Gadget avait fait surface. Gadget, c'est comme ça que sa mère et son frère l'appelaient dès qu'elle avait une de ses idées qui surgissaient d'un coup et qu'elle ne pensait plus qu'à ça. Bon, cette fois, sa mère la presserait sans doute d'y parvenir. Elle avait beau être une véritable fée du logis, elle se passerait bien de cette corvée elle aussi.

Arrivés à l'auberge, le débat était devenu plus sérieux. Leurs idées ne s'opposaient pas. Malgré quelques contraintes financières, Vin s'était toujours sentie libre. Enfin, elle vivait relativement bien mais, par contrainte financière, elle entendait surtout le fait qu'elle exerçait un métier par défaut. Bah, elle finirait par trouver mieux et il lui avait quand même permis de s'épanouir dans son domaine. Mais, suite à leur échange, elle se rendait compte à quel point sa liberté était toute relative. Elle ne commença pas toutefois à se sentir oppressée. En effet, elle avait réfléchi à ce qu'elle ferait par exemple si elle venait s'installer dans les Duchés. Sans doute la même chose. Peut-être pas si elle y était née mais, aujourd'hui elle adorait la mécanique. Bricoler de nouvelles inventions étaient son plus grand plaisir. Alors, elle répondit simplement à la Duchesse:

"Finalement, la liberté, chacun y trouve son compte. En y regardant bien, Akkaton a ses contraintes mais, avec mon mode de vie, elles ne m'atteignent pas vraiment. Je me suis posée la question de ce que je voudrais faire si je déménageais demain et je ferais ostensiblement la même chose. Ainsi, même si la liberté n'est pas la même partout, elle n'est totale nulle part et il suffit de trouver l'endroit qui nous correspond le mieux à ce niveau là."

« Hum, la résurrection est un sort de lumière maîtrisé seulement par les archimages de lumière qui sont très rares, il n’y a aucune véritable contrepartie je crois, mais il faut des conditions très précises. Que la personne n’ait son âme emprisonnée nul part, avoir un morceau de corps ou une affaire ayant appartenu à celle-ci, être un archimage pour lancer ce sort et… Le faire dans les 7 jours après la mort, car sinon l’âme part dans le grand au-delà et elle est alors hors d’atteinte. En plus, un mage pour lancer ce sort consomme toute sa mana pour une journée, autant vous dire qu’ils peuvent au mieux ressusciter une personne ou deux par jour. »

Quant à ce que pensait Vin, celle-ci se rappela peut-être que des automates ménagers cela existait déjà en vérité, comme des automates domestiques et gardes du corps, juste que cela était plus ou moins cher même dans un pays égalitariste comme Akkaton. Même si du côté des automates ménagers soyons sincère, c’était bien moins développé que de ceux servant tout simplement de majordomes et domestiques.

« Un génie, ou un riche bourgeois n’aimant pas le travail manuel et ayant investi pour cela, vous savez… En général quand l’on est riche, le choix est souvent multiple, avoir des domestiques, ce genre de magie ou les deux. Après tout, beaucoup préfèrent tout de même que des gens s’occupent de cela, que ce soit par prestige ou car ils n’osent pas avouer qu’ils détestent êtres seuls chez eux. » Il y avait après tout beaucoup de monde, surtout célibataire qui détestait l’idée d’être la seule créature vivante qui résidait dans un grand manoir par exemple, ça avait de quoi les angoisser.

Quant au débat qu’elles commencèrent à avoir l’auberge, Osami ne savait pas si s’en était vraiment un, mais y participa de bon cœur quoiqu’il en soit. Même si elle sentait que la jeune Akkatonienne ne savait pas forcément pleinement que la compétition dans tous les domaines dans les Duchés sans être omniprésente, était plus intense qu’en Akkaton.

« Les Akkatoniens ont une mentalité égalitariste très chère, même s’ils préfèrent parler d’équité que d’égalité. Vous protégez vos pauvres et mettez en place une forte protection sociale et des services publics divers, même si cela s’accompagne d’impôts écrasants. De plus votre gouvernement est du genre procédurier et législateur, presque omniprésent même si loin d’être oppressif. Dans les Duchés tout cela est moins présent, même si moins minimes dans certains duchés que d’autres. Il n’y a pas disons de protection des pauvres autre que la charité privée souvent et encore… Quoiqu’il en soit cela s’accompagne à contrario de beaucoup plus d’amplitudes de mouvement pour chacun, dans les duchés on peut monter très haut ou descendre très bas, nous avons aussi une mentalité de débrouillards. Les duchéens ne pouvant compter que sur eux-mêmes ou leurs proches souvent, sauf quand éventuellement une dame comme moi veut un peu mettre la main à la pâte pour eux, ils sont habitués à beaucoup entreprendre donc et ne se reposer sur rien, et il n’y a pas beaucoup de lois pour les contraindre. Je ne dirais pas que l’un est meilleur que l’autre, mais j’ai vu de bon cœur des réfugiés de Teïder par exemple, émigrer vers les deux pays. » Elle ajouta alors avec une dose de nostalgie.

« Pour ma part je viens d’Ikhyld et suis encore citoyenne de ce vaste et ancien empire. Je suis venue ici pour l’aventure et  suis devenue mercenaire, puis officière mercenaire et n’ait cessée de monter en grade, jusqu’à obtenir mon propre duché. Je suis d’une certaine façon une étrangère s’étant construit une place ici et qui sut aller loin, mais cela a été difficile et périlleux. Dans d’autres pays cela aurait été plus complexe, il y a peu de terres à la mobilité sociale aussi grande que les duchés, mais à contrario où votre place sociale est aussi instable. C’est un peu comme vivre un pari permanent, où vous misez sans cesse et êtes forcés de miser. Cela a quelque chose d’excitant, mais aussi de dangereux. » Après tout il était su que les duchesses comme elles devaient beaucoup s’affairer pour garder leur place, surtout que soyons sincère… Elle n’avait sans doute pas gagner celle-ci de façon calme et pacifique, mais bon selon les normes Duchéenne elle était tout à fait légitime finalement.

Ainsi donc, ressusciter quelqu'un n'était pas si compliqué que ça du moment qu'on avait un archimage de lumière sous la main et un morceau du cadavre à ranimer. Pourtant, il était impossible de faire repousser un bras. Donc si Vin avait bien compris, un pied pouvait suffire. Elle suggéra alors:

"Puisqu'un morceau du cadavre suffit, je suppose que la personne revient entièrement. On ne peut pas ramener juste un pied à la vie. Du coup, si on a un archimage de lumière sous la main. Il suffirait de tuer un type qui a perdu son bras et de le ressusciter pour qu'il en ait de nouveau deux non?"

Idée de génie ou idée foireuse? La Duchesse le lui dirait. En tout cas, Vin serait étonnée d'apprendre que ça ait déjà été fait. Et peut-être que pour le bras, la condition des sept jours était valable aussi. Décidément, ces histoires de magie étaient bien compliquées. Pas plus que ce que l'ingénieure pensait. Elle n'avait aucune connaissance à ce sujet donc forcément, elle découvrait.

Elle écouta la Duchesse qui ne semblait pas du même avis quant au génie de cet homme qui utilisait sa magie pour le ménage. Il était vrai que la magie pouvait avoir des utilités bien plus intéressantes mais, pourquoi se priver de celle-ci?

"L'avantage de cette magie, c'est qu'il n'a pas besoin de confier la sale besogne à quelqu'un d'autre ni à le payer. Je crois que même si j'étais riche, j'ai beau détester le ménage, je ne pourrais pas avoir un majordome. C'est un boulot bien trop ingrat pour le confier à quelqu'un."

L'échange sur la liberté continuait. Après cela, Vin se rendait pleinement compte à quel point la liberté était différente pour tout un chacun. Elle n'avait aucune envie de risquer sa vie tous les jours. Pas plus qu'elle ne souhaitait gravir l'échelle sociale. Que ferait-elle si elle avait du pouvoir? Cela ne l'intéressait pas le moins du monde. Mais, elle n'aimait pas non plus qu'on lui dise quoi faire. Bah, un jour elle laisserait tomber ce boulot. Elle se préparait juste pour ne pas se retrouver sans rien entre temps. Elle répondit alors:

"En somme, en Akkaton, le gouvernement a trop d'emprise. On gravit difficilement les échelons mais, on les dégringole rarement. Ici, on peut monter ou tomber à tout moment. Personnellement, ma liberté n'a rien à voir avec mon rang social. Enfin, je suppose que chacun y trouve midi à sa porte. Bien sûr, l'idée que des personnes extérieures tentent de régir ma vie ne me plaît pas. Je veux juste faire ce que je veux et que chacun puisse en faire autant. Enfin bien entendu dans le respect de chacun. Enfin bon, je suppose que ceci est utopique. Où que l'on aille, il y aura toujours des gens avides de pouvoir, des assassins et des voleurs, n'est ce pas?"

Ceci était une fatalité. Il n'y avait pas d'endroit parfait. Où que l'on aille, il y aurait toujours des individus pour nuire aux autres. En Akkaton, il y avait des règles suffisamment strictes pour éviter ça mais, ce n'était pas suffisant et ça pouvait être vu comme un manque de liberté par certains. Dans les Duchés, il n'y avait pas autant de règles mais, les risques étaient augmentés. Il fallait choisir à quelle école on voulait être logé.

Osami répondit d’un air pensif à la jeune humaine, qui émit une pensée intéressante, mais malheureusement elle connaissait ce genre de théories.

« Hum, cela dépend quand le membre a été arraché. Voyez-vous, le mage de lumière utilise l’âme de quelqu’un comme support pour la résurrection. Si le membre a été récemment arraché, dans le sens de quelques heures avant la mort, cela peut donc passer… Par contre si la perte de bras est plus vieille, il sera ressuscité sans, car l’âme sait inconsciemment que le bras est perdu… C’est la même chose pour ceux qui sont devenus des morts vivants conscients malgré eux, leur âme sait qu’ils ne sont plus des vivants à part entière, donc s’ils sont ressuscités après avoir été à nouveau tué, leur corps reviendra à l’état de mort vivant. En dehors de cela sinon, il y a le problème du gaspillage possible de moyens, comme je l’ai dis les archimages de lumières sont particulièrement rares et ne peuvent tenter souvent qu’une résurrection par jour, entre ressusciter quelqu’un vraiment mort et quelqu’un qui se tue pour tenter de récupérer son bras, un choix moral se pose. »

En somme, ce n’était pas une idée mauvaise, mais elle avait probablement déjà été tentée en soi, mais surtout il y avait des questions morales qui se posaient même dans le cas où cela fonctionnait. Osami aurait pu d’ailleurs en soulever d’autres, comme le choc psychologique de ressusciter après être mort, mais cela serait superflu en vérité.

« Cela dépend comment vous traitez votre majordome surtout, l’ingratitude d’un métier est souvent assimilable à la façon dont la personne l’exerçant est traitée par son employeur et ses conditions de travail. Il n’y a pas de sot métiers comme diraient certains et dans un pays comme les duchés… Beaucoup préfèreront un travail moins ingrat que la possibilité de mourir de faim ou finir dans la rue. » Oui, après tout il n’y avait pas vraiment de protection sociale dans les duchés en général, donc si tu étais pauvre, soit tu retournais à la campagne ou finissait mercenaire, soit tu restais en ville et tâchait de te débrouiller d’une façon ou d’une autre.

« Cela dépend, votre pays est quand même une grande démocratie, ce n’est pas parfait, mais je suppose que ça offre certains avantages, comme à Ikhyld le gouvernement modéré est bien agencé a aussi ses avantages, il aide à une certaine harmonie et prospérité, même si en Ikhyld il y a une véritable hiérarchie sociale qui existe inhérente à cela. Le seul modèle vraiment difficile à défendre en Orzian est en vérité celui de Teïder, car basé sur des valeurs de haine et de peur du prochain absolues. » Oui, en somme le monde n’était pas parfait, mais Teïder était sans doute le mouton noir du continent à ce niveau. Quoiqu’il en soit Osami et Vin reçurent leur commande, celle de la richesse étant visiblement assez garnie, et alors qu’elle entamait son repas avec une élégance somme toute aristocratique, elle finit par ajouter.

« Si vous voulez un conseil, je pense que voyager activement pourrait beaucoup vous apprendre. Que ce soit au sein de la province Akkatonienne ou dans le reste d’Orzian, découvrir d’autres personnes, d’autres cultures, d’autres raisons… Voilà un bon moyen de sans cesse apprendre et étendre ses réflexions. Peut-être devriez-vous faire une pause et prendre quelques mois ou années pour cela ? Vous en ressortirez peut-être grandit ou changée ? Pour moi en tout cas, ça a été le cas. J’ai voyagé pendant des années avec un professeur qui m’a beaucoup apprit, aujourd’hui il n’est plus, mais son enseignement reste gravé en moi. » Acheva t-elle alors de dire avec un soupçon de nostalgie, pas de tristesse, mais de la nostalgie en effet…

Comme Vin s'y était attendue, la magie était plus complexe qu'il n'y paraissait. Sa théorie était peut-être possible mais,t au fait il était peu probable que quelqu'un l'envisage en rapport au fait que le sort ne pouvait être lancé qu'une fois par jour. Bon, en même temps, ce n'était qu'une idée qui lui avait traversé l'esprit. Elle n'en avait pas l'usage en réalité. Elle se contenta donc de répondre:

"Je vois, donc ce serait potentiellement possible mais, du gâchis."

Au sujet des majordomes, la duchesse évoqua la façon dont ils étaient traités. Oui sans doute mais, Vin avait du mal à croire que quelqu'un aimait jouer les larbins. Après, ce n'était que le point de vue de la jeune femme. Il fallait bien avouer aussi qu'elle détestait les tâches ménagères. Bah, chacun son truc après tout. Et puis, mieux valait être majordome que voleur. Encore que Vin appréciait beaucoup une certaine voleuse et qu'elle n'avait aucun ami majordome. Elle se contenta donc de répondre:

"Oui, ça doit être parce que je déteste faire le ménage que j'imagine le métier de majordome comme insupportable. Mais, c'est sûrement mieux que mourir la gueule ouverte."

Tandis que la duchesse évoquait le pouvoir en chaque contrées du continent, le repas arriva. Voyant son interlocutrice commencer à manger, Vin en fit autant. Elle répondit entre deux bouchées:

"Vraiment? Je crois que je devrais me renseigner d'avantage sur le monde qui m'entoure au lieu de rester cloîtrée dans la cité d'Airain. Cela dit tout ça ne donne pas envie d'aller en Teïder. Mais, à part Teïder, il y a tellement d'endroits à visiter. Comment ai-je pu rester enfermée si longtemps?"

Elle sourit puis recommença à manger. Elle n'avait certes pas l'élégance de la Duchesse mais, elle s'appliquait le plus possible pour ne pas donner l'impression d'avoir des mauvaises manières. Il fallait bien avouer que c'était la première fois qu'elle mangeait avec quelqu'un d'aussi important. Elle ne savait pas si elle devait se sentir flattée ou mal à l'aise. Bah, elle continuait de manger comme si elle était avec n'importe qui d'autre, un peu gênée quand même.

La Duchesse lui suggéra alors de prendre du repos pour voyager. C'était une idée. Une fois cette tâche terminée, elle enverrait promener Bradds. Après tout, elle n'était pas si bien payée que ça et elle pourrait facilement trouver un meilleur emploi. Surtout si Anton appréciait son invention. Elle répondit donc:

"Je trouve l'idée excellente et je pense que je la mettrai en application dès la fin de ce travail. Quoi de mieux pour découvrir le monde que de le parcourir?"

« Il y a bien des métiers pratiqués dans les duchés qui je suppose ne vous paraîtraient pas forcément des plus agréables, mais qui sont assez en vogue ici, voir appréciés. Mercenaire par exemple est une profession attirante pour beaucoup de monde, notamment ceux qui savent se battre et veulent échapper à une vie morne. Mais comme vous vous en doutez cela a ses exigences, notamment pour survivre et prospérer, je ne saurais donc dire si être mercenaire et au fond mieux qu’être majordome. » Oui, et surtout mercenaire était une profession assez bien vu dans les duchés, en dehors c’était disons plus variable. Akkaton par exemple tolérait ce genre de choses, mais réglementait beaucoup, pour éviter les excès évidemment.

« Je ne sais pas, vous êtes très jeune mine de rien, voyager plus jeune en dehors de l’empire, seule, pourrait être dangereux. Cela et vous devez je crois suivre une formation scolaire dans l’empire avant de pouvoir vivre votre vie d’adulte. Enfin, en somme vous avez tout votre temps, je ne pense pas en plus que vous avez spécialement à regretter vos choix passés, vous êtres trop jeune après tout pour qu’être restée dans votre cité natale soit une erreur. Après la question est, avez-vous pris la peine au passage de découvrir davantage celle-ci ? Je gage qu’une grande ville elle-même peut cacher nombre de secrets et avoir beaucoup de merveilles à offrir, même à ceux y vivant à la base. »

Mais ça, c’était la façon de penser d’une éternelle aventurière, ce qu’était Osami. Qui ne put d’ailleurs qu’approuver de voir la jeune femme se dire que voyager ne serait pas un mal, bien au contraire. Quoiqu’il en soit, elle reprit avec bonne humeur.

« Sinon, vous qui me semblez être une technologiste intéressée, je pense que vous devriez vous intéresser à la famille politique des Illuminès, ce sont disons de grands mécènes concernant ce qui est scientifique et leur famille inclut beaucoup de grands savants et chercheurs. Je ne sais pas après si la politique vous intéresse en soit, mais je pense qu’il serait possible pour vous de prétendre à leur soutien. » Oui, autant chercher le mécenat où il y en avait après tout. Et en Akkaton, sauf si l’on faisait des choses spécifiques comme du militaire, ou si on travaillait dans une entreprise d’état, les Illuminès constituaient souvent la meilleure poste.

Vin ne se voyait pas faire autre chose qu'ingénieure mais, elle n'avait jamais considéré qu'il y avait de sous-métier. En réalité, elle ne critiquait pas les majordomes. C'était seulement son aversion pour le ménage qui faisait qu'elle n'arrivait pas à les comprendre. A la limite, elle avait plus de mal avec les métiers d'assassins. Certains diraient que tous n'étaient pas forcément mauvais mais, ce qui dérangeait Vin, c'était que des gens aient décider d'axer leur vie sur le meurtre. Elle même avait désormais ôté une vie mais, elle n'avait pris aucun plaisir à cela et l'avait fait pour survivre. Enfin bon, ainsi était fait le monde. Comme elle était toutefois d'accord avec la duchesse, elle se contenta seulement d'acquiescer.

Vin fut ensuite interpellée par la suite de la conversation. La duchesse la pensait-elle si jeune? Elle avait arrêté l'école depuis quelques années déjà. Elle sourit et répondit:

"La scolarité est une chose mais, je ne suis plus si jeune que ça. Cela fait quelques années que j'ai laissé l'école derrière moi. Pour ce qui est de la Cité d'Airain, je crois l'avoir pas mal arpentée mais, on n'est jamais à l'abri d'une nouvelle découverte. C'est une grande ville après tout et puis, j'avais pas toujours les idées claires quand je m'aventurais à certains endroit."

Elle faisait référence au fait que la plupart du temps, quand elle se baladait, elle était bourrée mais, face à une duchesse, elle n'osait pas le dire explicitement. D'un côté c'était sa vie et elle ne faisait rien de mal mais, malgré elle, elle se disait qu'il devait y avoir un code à respecter. Elle n'insista pas et la conversation vint ensuite sur les Illuminès. La jeune fille afficha un sourire discret pendant deux secondes. Elle n'avait pas envie de parler de ses investigations mais, elle était au courant. Elle répondit donc:

"J'ai eu la chance d'en rencontrer un mais, je ne suis pas encore au point. Je lui présenterai sans doute quelque chose à l'avenir. Enfin si j'arrive à fabriquer quelque chose qui mérite son attention."

La duchesse semblait digne de confiance mais, Vin préférait rester prudente. Après tout, la technologie Duchéenne étant moins développée que celle d'Akkaton, ses plans pourraient être convoités. Mieux valait rester prudente. Le repas approchait de sa fin et Vin commençait à fatiguer mais, elle n'osait pas prendre les devants. Toutefois, elle voulut savoir comment se passerait la suite du voyage.

"Cette nuit, on va dormir et pour demain, comment se passeront les choses?"

Il était normal de ne pas apprécier l’idée du métier d’assassin même s’il était assez proche de mercenaire, car en Akkaton notamment, pays civilisé et sécurisé, ça n’existait pas légalement le moins du monde. Que l’inverse soit vrai aurait été inquiétant, après le reste d’Orzian selon les pays n’était pas forcément des plus sécurisé, quant au sujet de la jeunesse de l’humaine...

« Pour moi cela doit faire plus de cent ans au moins, après on ne peut pas vraiment comparer ce genre de choses entre une kitsune et une humaine j’en ai bien conscience, mais pour une humaine vous me paraissez en effet jeune. Après, j’ai déjà vu des mercenaires plus jeunes que vous, même si dans ce cas je trouve la chose un peu précoce. » Après tout même si c’était un métier fréquent et accepté dans les duchés, ça restait une profession assez difficile par nature.

Quoiqu’il en soit si elle nota le fait que Vin devait être soit disant souvent ivre, elle ne fit pas de commentaire à ce sujet. C’était sa vie après tout, surtout que les Akkatoniens avaient pas mal d’acceptation pour ce que chacun faisait de son corps. Après, en Ikhyld aussi, même si les Ikhyldiens auraient probablement trouvés le fait d’être souvent ivre comme une marque de manque de raffinement...

« Bonne chance à vous dans ce cas, il doit s’attendre à beaucoup de votre part connaissant cette famille politique. » Glissa t-elle sinon amusée au sujet de l’Illuminès sans spécialement sembler vouloir en savoir plus sur ce qu’elle pourrait fabriquer.

Et en soit, est-ce que les duchéens seraient vraiment intéressés par la technologie Akkatonienne ? Potentiellement pas, en soit si les duchés étaient moins avancés technologiquement, ce n’était absolument pas par sous développement, mais par désir d’être plus avancés dans le domaine magique sans aller dans l’extrême comme Ikhyld. Après tout se développer technologiquement comme Akkaton c’était sacrifier certaines choses et non un choix que ferait sciemment chaque pays, surtout ceux attachés à la magie. Quant au sujet du lendemain, Osami répondit donc avec réflexion à la jeune humaine.

« Demain ? Il faut voir votre objectif, mais quoiqu’il en soit je vous fournirai si besoin de quoi vous payer une escorte pour que vous finissiez ce que vous avez à faire. Et ensuite, le reste ne dépendra que de vous. Pour ma part, je ne risque malheureusement de ne pas beaucoup pouvoir m’attarder plus à côtés à cause de mes responsabilités de duchesse. » Mais bon, c’était là le lot de tout dirigeant après tout.

Plus de cent ans? Elle paraissait pourtant si jeune. Enfin pas autant que Vin mais, la jeune femme avait du mal à imaginer que la Duchesse puisse être centenaire. Enfin, bien que pas très au fait sur les kitsunes, elle savait qu'ils pouvaient vivre bien plus longtemps. Cela expliquait sans doute pourquoi elle ne faisait pas son âge. Bien entendu, un humain ne pouvait pas vivre aussi longtemps. En tout cas, pas dans des conditions standards. Toutefois, elle se surprit à imaginer la tête qu'elle aurait une fois le siècle passé. Pas évident. Bah au moins ses cheveux ne changeraient sans doute pas de couleur.

"C'est sûr que c'est pas comparable. Si je devais passer les cent ans, j'imagine pas la tête que j'aurais. Et puis, ce serait pas le pire. Je devrais sans doute me bricoler un truc pour pouvoir me déplacer. Cela dit, de vous à moi, je pense que vivre moins de cent ans me convient parfaitement. Ce serait long sinon."

En même temps qu'elle prononçait ces mots, elle se rendit compte que cette notion de longueur devait être propre à chacun suivant s'il était humain, kitsune ou dragon. Il était presque certain que la Duchesse percevait les choses autrement. C'était plus ou moins ce qu'elle disait juste avant. Humain et Kitsune ne sont pas comparables. Une question lui vint alors.

"Si on devait mettre votre âge à l'échelle humaine, ça vous ferait quel âge? Et si on mettait mon âge à l'échelle kitsune?"

Là, Vin devint rouge comme une pivoine. Elle se sentait bête en posant cette question. En vrai, elle n'avait jamais côtoyé de Kitsune alors, il était tout à fait normal qu'elle se pose la question. Toutefois, elle avait l'impression d'être une enfant. Bah, elle n'avait juste pas beaucoup voyager. Et même si en Akkaton, elle avait rencontré des gens de diverses espèces, il n'y avait que peu de kitsunes dans son entourage. Il était vrai que peu d'entre eux étaient amateurs de technologie.Quant à ses fréquentations en dehors du travail, ce n'était habituellement pas le genre de conversation qu'elle tenait avec eux.

Lorsque la jeune mécano parla de l'Illuminès, la Duchesse lui souhaita bonne chance. Elle semblait être bien aux faits de ce qui se passait en Akkaton. Sans doute était-ce un mal nécessaire de se renseigner sur les politiques étrangères lorsqu'on était quelqu'un d'important. Vin n'était pas mécontente de sa place. L'ampleur de ses soucis quotidiens n'était pas la même. Elle ne pouvait peut-être pas s'offrir certains luxes réservés aux élites mais, elle ne manquait de rien.

"La chance ne suffira pas je pense. Il va falloir que je me dépasse. En tout cas merci."

La jeune fille sourit puis, lorsqu'elle entendit la réponse de la Duchesse, elle se sentit gênée. Elle lui proposa de lui payer une escorte pour terminer le trajet. C'était gentil de sa part et l'ingénieure ne pourrait pas faire sans. Elle allait devoir accepter malgré que cela la dérange.

"Cela m'embête mais, nous allons devoir accepter une escorte jusqu'à ce que la livraison soit effectuée. Je vous remercie pour tout en tout cas."

« Je suppose que les elfes qui peuvent vivre huit cent ans trouvent des fois cela long, ainsi que les vampires immortels une fois le premier millénaire passé. Après tout il faut trouver de quoi s’occuper pour beaucoup d’êtres ou des buts auxquels consacrés sa vie. Même si je suppose, que certains peuvent tout à fait passer les siècles sans souci malgré le fait que certaines choses deviennent réplétives pour eux et que la nouveauté devient rare. » Après, elle n’était pas du genre à vraiment penser à cela, les kitsunes s’ennuyaient rarement au moins. Quant à la question sur l’échelle, elle dit amusée.

« C’est compliqué, d’un côté nous vivons cinq fois plus longtemps environ, mais de l’autre nous sommes adultes à 35 ans. Je dirais au vu de votre jeunesse apparente que vous auriez environ dans la centaine pour les kitsunes et moi dans le trentaine humaine, peut-être plus proche de la quarantaine. » Répondit-elle donc à moitié sérieuse. Elle n’était donc pas non plus très vieille. Après, elle glissa quand même pensive. « Après comme les kitsunes ont l’air jeunes jusqu’à leur mort de vieillesse, il est dur de deviner notre âge du premier coup d’œil. Ma mère et mes grands mères par exemple n’ont pas vraiment l’air plus âgées que moi, d’un point de vue humain du moins. »

Quant au sujet des Illuminès celui-ci était plutôt clôt, mais Osami souligna son approbation d’un léger sourire quand Vin exposa qu’elle devrait aussi se dépasser pour réussir son projet. C’est vrai, après tout les inventions technologistes demandaient jugeote et ingéniosité, deux qualités essentielles. Dont tout le monde n’était pas capable en même qualité et quantité pour ces deux traits.

« Cela n’aurait pas du tout embêté un duchéen que quelqu’un paye quelque chose pour lui, mais je suppose que c’est là aussi une différence culturelle. » Glissa t-elle sinon amusée à ce sujet, ce avant de se lever et dire aimablement, alors qu’elle remarquait qu’il commençait à faire légèrement sombre à l’extérieur.

« Je suppose sur ce qu’il est temps d’aller se reposer, notamment pour moi. Du moins après avoir organisée certaines choses. Pour votre part, profitez en pour savourer le calme ambiant. » Et sur, ce probablement finir cette rencontre, après tout elles auraient sans doute à faire le lendemain.

Vin écoutait avec amusement la duchesse. Bien que les informations qu'elle lui donnait au sujet des elfes et des vampires étaient intéressantes, la conversation avait pris une tournure bien plus légère. Osami paraissait s'accorder sur le fait que pour certains, le temps pouvait paraître long mais, il semblait que les Kitsunes n'avaient pas le temps de s'ennuyer.

Lorsque son interlocutrice lui fit la comparaison de leur âge, Vin se rendit compte que la Duchesse était quand même plus âgée qu'il n'y paraissait bien qu'elle soit encore jeune. elle constata toutefois qu'elle aurait pu être plus vieille encore puisqu'aux dire de celle-ci, sa mère et sa grand-mère ne paraissaient pas plus vieilles. La raison de cela étant qu'une fois l'âge adulte atteint, leur apparence ne changeait plus. La jeune humaine songea alors au nombre de personnes qui auraient aimé avoir cette chance. De son côté, elle n'en faisait pas grand cas. Seuls les soucis de santé qui venaient à un âge bien plus tardif lui posait problème. Le fait d'avoir une peau de pêche et de plaire à son prochain lui importait peu. De toute façon, c'était encore un coup à se faire appeler "princesse". Cet idiot de Nowé! Elle était plus masculine que lui sur bien des points. C'était elle qui aurait dû l'appeler ainsi. Mais bon, en y réfléchissant, elle avait peut-être été un peu dure avec lui. Bah, il était trop tard pour songer à cela. Elle répondit à la duchesse:

"Cela fait tout de même un sacré écart entre l'âge humain et l'âge Kitsune. Je ne me rendais pas compte. Je n'aurais pas non plus pensé que vous cessiez de vieillir physiquement. Ceci pourrait expliquer pourquoi les rares Kitsunes que j'ai croisé semblaient tous avoir à peu près le même âge."

Lorsque la Kitsune parla du fait qu'un Duchéen aurait facilement accepté mais, que cela devait être une différence culturelle, Vin répondit en souriant:

"Je ne sais pas si c'est culturel. C'est que depuis le décès de mon père, c'est moi qui aide ma mère et mon frère à subvenir à leurs besoins. Je n'ai pas l'habitude de demander l'aide d'autrui."

La duchesse se leva et Vin en fit de même, suivie par celui qui aurait dû servir d'escorte. Trop honteux de lui, il n'avait pas décroché un mot de la soirée. La duchesse salua et Vin lui répondit:

"Je vous remercie Duchesse! Je crois que je vais aller dormir. La journée a été éprouvante."

Le lendemain, Vin devrait en terminer avec sa livraison et pourrait rentrer à la Cité d'Airain où elle remonterait les bretelles à son patron pour ne pas s'être suffisamment renseigné sur les risques de l'expédition.