26 Octobre 2000

La Cité de Jade était en cet après midi pleine de vie. Entre les boutiques, les marchands, lieux de retrouvailles et places publiques, il y avait de quoi animer la cité de par ses habitants. Et cette animation était universelle ; dans une variante plus réservée et à l’abri des regards, la vie dans l’établissement de fumerie battait son plein. Des clients étaient présents, un bon nombre dans les salles communes et quelques regroupements en privé. Mais ce qui était invisible était l’agitation dans les coulisses des Volutes Capiteuses.

Parmi les employées, un petit groupe d’entre elles dirigées en temps réel par Madame Q in préparaient méticuleusement un salon privé qui fait partie de l’unique salon privé de Madame Qin, destiné aux réceptions de taille à l’abri des oreilles et des regards. Tout fut installé ; les assises arrangées, les coussins dispersés, les luminaires remis à neuf pour l’occasion et entretenus avec soin. Les tentures vérifiées pour que la pièce, si unique de Madame Qin, brille de son ambiance propre à elle et mystérieuse. Il y avait bien sûr à disposition plusieurs coffrets à opium rangés pour les invités consommateurs et un ensemble de verres et de bouteilles raffinés remplis de spiritueux locaux de bonne qualité.

Une fois toute cette pièce préparée, la Nagate pouvait enfin s’occuper de quelques paperasses en attendant son invité. Invité qui, pour mettre la forme d’un entretien discret et privé, avait la possibilité d’entrer dans l’établissement par l’entrée de service, accueilli rapidement par une elfe joliment habillée sans pour autant tâcher à sa dignité, qui lui étira un aimable de sourire en entraînant l’Arcane dans le dédale de l’établissement.

Bonjour à Vous, Xin. Veuillez me suivre, Madame Qin vous attends dans son salon privé.

C’est ainsi que l’elfe fut conduit par sa semblable jusqu’au dit salon, où la Nagate attendait, toute enroulée sur elle même pour adopter une position assise, légèrement penchée d’un côté comme à moitié allongée.

Bienvenue chez moi, mon cher Xin. J’espère que mon accueil vous sied toujours autant. Quoi qu’il en soit, prenez vos aises, et nous pourrons discuter en toute tranquillité. Que me vaut l’honneur de votre présence ?

Xin avait rendez-vous aujourd’hui avec une de ses informatrices de la Cité de jade et une informatrice de plutôt bonne qualité et compagnie qu’il ne refusait point de fréquenter dans les faits. En soit, c’était toujours un bon point de toute façon de bien s’entendre avec ses informateurs, car cela permettait de forger une relation de confiance et stable sur le long terme, mais c’était toujours à noter.

Et dans les faits le rendez-vous était comme souvent chez elle, notamment pour la mettre à l’aise et rester assez discret. Après tout en général Xin préférait éviter d’inviter quelqu’un dans le palais au sein du ministère des renseignements, éventuellement dans sa demeure à l’écart de la cité, mais il restait qu’aller voir les informateurs chez eux restait plus discret. Même si, au sein de la Cité de Jade, il n’y avait pas vraiment beaucoup de raisons de s’inquiéter.

Et quand il se présenta donc à l’établissement de son informatrice, il fut évidemment rapidement mené à celle-ci qui l’attendait dans un salon privé et bien arrangé où tout était mit en scène aussi bien pour être plaisant, que correspondre à des goûts assez raffinés. Ce qui en effet correspondait bien à Xin qui en tant que noble elfique et Ikhyldien avait évidemment certaines exigences.

Et comme d’habitude, il ne toucherait sans doute ni à l’opium, ni à l’alcool, ou seulement légèrement, après tout il préférait garder l’esprit clair pour converser et car cela évitait aussi de laisser échapper plus d’informations ou de propos qu’il ne désirerait en temps normal. Après tout l’information était une marchandise qu’il échangeait, donc autant ne pas la brader.

« Votre accueil est toujours aussi seyant dame Quin, j’espère pour ma part que votre petite affaire est toujours aussi prospère. Quant au pourquoi de ma présence, je suppose que vous vous en doutez. Dîtes-moi néanmoins avant, vous qui avez du sang naga. Je suppose que cette histoire de magie de l’âme vous intéresse assez ? » Il doutait qu’elle était au courant avant que ce ne soit révélé au grand jour le mois dernier car ça avait été un secret bien gardé par les anciens nagas, mais en effet il y avait peut-être de quoi être fasciné.

La Nagate aux yeux verts détailla l’elfe de son iris serpentin, tout en étirant un large sourire. Une expression faciale propre à celle ci de par sa morphologie particulière, qui pouvait potentiellement faire froid dans le dos à qui ne la connaissait pas. Deux yeux grand ouverts à l’iris fendu escamoté d’un large sourire figé avaient un côté glauque.

Quoi qu’il en soit, il n’était pas difficile de deviner qu’elle était bien contente de se retrouver avec un de ses plus importants clients qu’elle a apprit à connaître suffisamment pour apprécier sa compagnie, d’où l’effort volontiers qu’elle a mit dans sa réception. La Nagate n’était pas maquillée cela dit, laissant son visage au naturel avec son teint d’elfe pleine de vie, à la couleur de pêche. Elle maintint son expression tout en fixant son interlocuteur des yeux en prenant le temps de répondre à ses questions.

Tout se passe pour le mieux ces temps ci. Je mène mes projets, et rien ne semble vouloir les assombrir…

Elle marqua un temps à la mention de ses origines Nagates, sans spécifiquement faire montre d’émotion négative, se contentant de pencher la tête de côté tout en gardant son sourire.

Du sang Naga coule en mes veines, et j’en suis fière. Mais je ne peux pas me vanter avoir hérité de la totalité de leur culture, je reste le fruit d’une hybridation biologique et sociale, mon cher. Si j’en ai entendu parler de la bouche de celui qui m’a élevé, je n’ai ni fait montre de potentiel magique, ni exercé quoi que ce soit pour faire partie des plus qualifiées dans le domaine. Mais mon métier est de rester informée, et je connais plusieurs Nagas qui pourraient m’en apprendre davantage, d’autant plus que cette magie de l’âme est devenue libre d’accès… Je m’y intéresse par ma splendide curiosité, simplement, mais je pourrais en savoir davantage si tel est votre choix. Je vous ferais un prix pour accompagner cela aux informations que vous auriez souhaité obtenir principalement...

Pour être une commerçante, il n’y avait pas de doutes. La Nagate au buste d’elfe se redressa un peu sur elle même en posant ses mains sur ses hanches, regardant l’elfe pour attendre patiemment sa réponse.

Xin décida de se servir un petit bol de saké, de toute façon c’était une boisson forte, donc qui s’amuserait à boire du saké comme on buvait de la bière ? Car il pouvait sans doute se permettre cela, surtout au vu du sujet qu’il aborda. Puis buvant une gorgée avec une grâce somme toute elfique, le ministre reprit ensuite avec amusement.

« Tu dois te douter qu’une nouvelle magie qui apparaît comme ça, est pour grandement attirer l’attention et l’intérêt des autorités de notre pays, Ikhyld le grand empire de la magie comme ils le nomment si bien à l’étranger… Une nouvelle magie, peut-être dans quelques décennies, voir années, un nouveau poste d’arcane, de nouvelles universités consacrées à son étude, même si elle risque d’être assez rare étant donné que ce sont surtout les nagas qui la pratiquent et l’enseignent aujourd’hui. » Autant dire que ça pouvait avoir son importance pour Ikhyld, après tout ce pays ne se passerait certainement pas de la maîtrise de cette nouvelle magie.

« Et il y a des moyens de faciliter cela, tu pourrais m’y aider. Après tout les nagas ne sont pas communs par ici, alors tu te douteras que parmi eux, encore plus rares sont ceux maîtrisant la magie de l’âme à haut niveau. Mais peut-être pourrais-je convaincre certains de ces pratiquants d’aider celle-ci à être davantage connue à Ikhyld. j’ai déjà débuté mon enquête, mais ton aide sera précieuse sans doute. Apprendre et m’informer des nagas qui pourraient êtres « ouverts » à la possibilité et qui en sont capables. » En somme, le ministre des renseignements intriguait un peu pour le bénéfice de son pays, mais bon c’était une intrigue assez bénéfique et quasiment innocente pour le coup. Quoiqu’il en soit il reprit amusé.

« Et comme d’habitude ton prix sera le mien et d’avance comme je fais confiance en ta compétence. » Que ce soit en argent ou autre chose, il n’y avait pas que l’argent dans la vie après tout ? Quelqu’un comme Xin pouvait payer de diverses manières quelqu’un comme elle, par son rang et ce qui lui était accessible.

La Nagate était de toute évidence satisfaite de retrouver son ami ici, et l’écouta avec attention. Son regard analytique trahissait une machinerie complexe et active dans son esprit qui sembla calculer chaque possibilité au moindre instant. En tout cas, elle avait l’air de ne pas manquer de neurones et utilisait activement son intelligence hors du commun. C’est le genre de chose que l’on peut remarquer dans son comportement ; une multitude d’idées et de pensées lui venant à la seconde, ce qui peut se remarquer par un changement bref et régulier d’expression ou de regard, comme en constante réflexion. Quoi qu’il en soit, ne touchant pas pour sa part au Saké, elle prit la parole quand l’elfe eut terminé après de longues secondes de réflexions intenses.

Je ferai ça. Laisse moi un mois et je te fournit ce que tu me cherches. Je sais déjà vers qui me diriger, j’ai des contacts, mais j’organiserai un voyage dans les déserts. Je te trouverai ces Nagas et les convainquerai de me suivre. Après tout, qui n’ai-je pas convaincu jusque là ~ ?

Elle étira davantage son sourire en laissant échapper un rire amusé et sincère. Elle reprit une autre position, à nouveau, avant de s’immobiliser pour reprendre la discussion.

Je les convaincrai d’enseigner leur art en Ikhyld pour un temps, suffisamment pour avoir assez de formateurs. J’imagine qu’ils seront bien accueillis et ne manqueront de rien, mais ça n’est pas de mon ressort. Parlons plutôt de ce que tu pourrais me donner, mon cher Xin.

Elle maintint son sourire avant de finalement bouger pour ouvrir un tiroir camouflé. Elle en ressort un carnet de notes et un plan du quartier bardé d’écritures qu’elle lui tend en venant prendre place à ses côtés, plus proche de lui cette fois ci.

Je te confie ça. Je crains que, pendant mon absence, ma tendre enseigne ne subisse du mal. Ce n’est pas étonnant de dire que la Cité de Jade a son lot d'organisations criminelles, mais il y en a une qui me pose de plus en plus problèmes.

Elle étala la carte sur la table pour présenter une zone du quartier entourée en évidence, puis fait le lien avec ce qu’il est écrit dans le carnet.

Je me suis renseignée à hauteur de ce que je sais. Ils détournent de l’argent de petits commerces, l’injectent dans des activités tierces pas forcément légales et le font fructifier pour gagner plus de parts de la ville. On compte parmi ces activités quelques choses comme de la fabrication de contrefaçons, et surtout ils s’attaquent au trafic légal de drogues douces. Tu peux aisément deviner que ces saligauds ont touché à mon ravitaillement mensuel d’opium. J’ai étudié l’affaire suffisamment pour dire qu’ils ne valent pas grand chose à l’échelle de la ville, et que les voir disparaître ne serait pas un mal. Au pire leur filer une bonne raclée et remplacer le dirigeant pour leur laisser faire leur petit bonhomme de chemin sans s’attaquer davantage à mon business… Je me demandais si tu pouvais te charger de cette épine que j’ai dans la queue, cela m’arrangerai grandement. Je trouverai un moyen de te rendre la pareille si mon expédition en Akkaton ne te suffit pas… Je compte me procurer quelques rares bouteilles Akkatoniennes et bijoux uniques. Ou bien t’offrir une soirée en ma compagnie pour que les tourments de ton travail ne laissent place qu’à la détente et au repos, selon tes bons désirs.

Elle détailla le visage de l’elfe avec son sourire charmeur et taquine, se permettant de se comporter ainsi avec un tel ami.

Xin attendit donc patiemment que la nagate lui dise si ce serait possible, ce qui fut rapide et quand elle le confirma, à cela l’elfe ne manqua pas de sourire, avec un amusement teinté d’une pointe de satisfaction, celle de celui qui savait qu’il aurait ce qu’il voulait pour le coup. Il se permit donc de glisser avec une bonne humeur calme à son amie.

« Un mois ? Je te l’accorde sans mal. Parlons donc du paiement en effet. » Avant de prendre ce qu’elle lui confiait et de dire pensif par rapport au souci commerciaux dirons-nous, qu’elle connaissait récemment. « Ah ? Je suppose qu’ils profitent des évènements récents et du fait que les autorités ont leur regard tourné ailleurs pour prospérer. Peut-être ils un lien avec certaines organisations criminelles duchéennes… Je comprend en tout cas qu’ils soient passés inaperçus pour le moment, ils savent visiblement quelle genre d’activité inquiète moins l’état, j’enquêterai donc. Et verrait pour agir de façon à ce qu’ils soient moins « embêtants » le moment venu. Quoiqu’il en soit, ne t’inquiète pas pour ton affaire, je pourrais faire au pire dépêcher quelques personnes pour « surveiller » les environs. » Après tout un ministre des renseignements avait accès à des moyens du genre qu’ils soient légaux ou non pour sécuriser certaines choses.

Cela et puis le commerce de l’information était aussi celui des services, il ne suffisait pas toujours de payer ses sources après tout, du moins en argent. Quoiqu’il en soit l’elfe ajouta aimablement sinon.

« Tu sais bien que je suis vieux jeu malheureusement, sans doute est pour ça que je suis encore célibataire d’ailleurs. Enfin, tu comptes donc mettre la main sur des breuvages Akkatoniens et quelques bijoux au passage ? Intéressant, je te laisse me faire la surprise sinon. Par contre à bien y réfléchir, ton expérience dans le domaine du « charme » pourrait m’être utile. » Ayant sans doute attiré l’attention de la nagate, il ajouta.

« Disons qu’une certaine femme me plaît, néanmoins je ne le cacherai pas en quatre cent ans d’existence je n’ai jamais été en couple, aussi étonnant que ce soit. » Sans doute était-il trop préoccupé par son travail ou peu intéressé par ce genre de choses à la base, il reprit quoiqu’il en soit pensif. « Aurais tu quelques conseils à donner ? Des subtilités qui ne sont pas évidentes quand il s’agit de plaire à la gente féminine ? Du moins celle de haute lignée. » Après tout connaissant Xin, ce n’était sans doute pas une paysanne qui lui avait tapée à l’œil, notre elfe avait le défaut d’avoir de hautes exigences au niveau des goûts romantiques...

L’elfe savait de quoi parlait la Nagate, et c’était un bon point. Ainsi rapprochée de lui, à une distance respectable dans le cadre d’une discussion avec un ami simplement, elle détailla son visage avec un intérêt intense comme elle avait l’habitude de le faire en étant si proche. Elle écouta les paroles de Xin patiemment et d’une oreille toute tendue pour l’occasion, de manière à ne louper aucune information concernant son affaire de gangs.

Bien. Te savoir attentif à l’intégrité de mon affaire pendant mon absence me rassure plus que suffisamment.

Elle étira à nouveau son large sourire à son refus, comme si elle s’y attendait et s’en amusait gentiment. Elle ne quitta pas le visage de l’elfe des yeux, presque devenue immobile, si ce ne sont ses lèvres qui se meuvent pour lui répondre.

Dommage, mais je m’en doutais bien. Quoi qu’il en soit, je te ferais la surprise de ce que je te rapporte d’Akkaton, sois en sûr.

Elle haussa cependant un sourcil concernant ses compétences en charme, avant d’attendrir son regard, devenant un peu taquine.

Eh bien… Le grand Xin est épris d’une jolie dame, quelle fabuleuse nouvelle. Et j’en suis d’autant plus flattée de pouvoir te donner quelques conseils. Quoi qu’il en soit, ne t’en veux pas, bien des elfes reste céllibataires jusque quatre-cent ans, même si ça paraît aberrant, j’en sais quelque chose.

Elle se déplaça à nouveau pour faire face à l’elfe et mieux lui communiquer ses idées. Elle arbora un visage bienveillant, presque maternel, en lui transmettant son savoir.

Eh bien, tout d’abord il y a plusieurs manières de charmer. Cela fait certes partie de mon travail et de mes compétences, mais c’est surtout là des atours pour s’attirer des faveurs et se montrer en spectacle, il ne s’agit pas là d’une manière appropriée pour charmer une demoiselle. Et c’est encore tout autre chose quand il s’agit de mariages arrangés ! Ici, ici… Il s’agit d’un véritable béguin que tu éprouves envers ton heureuse élue.

Le maître mot de tout cela est de rester toi même. Tu rayonnes d’une beauté sublime mon cher Xin, mais il n’y a pas que l’enveloppe qui fait le tout. Je vois bien me douter que tu n’es pas totalement ignare à ce sujet… Quoi qu’il en soit, selon les conventions d’Ikhyld, il s’agit en premier lieu de passer du temps avec cette dame. L’on tombe amoureux de la personne que l’on connaît le plus… Apprendre à la connaître, et lui laisser l’occasion de faire de même. Et être sincère, et honnête. Cacher ses défauts et se montrer tous les jours comme étant la perfection même est la pire des choses à faire. Et si vous êtes assez proches, proposes lui de passer plus de temps avec toi, si elle ne le fait pas avant. Se balader, se confronter aux échecs, partager ce que vous appréciez. Si tu aimes bien causer magie, cause lui magie. Je ne pourrais pas t’aider davantage, si ce n’est te répéter de ne pas te cacher sous des artifices, car crois moi tu n’en a pas besoin, et te souhaiter une agréable quête de l’amour.

Xin envoya un sourire amusé quant au fait que l’affaire de la nagate serait entre de bonnes mains. Pas que Xin comptait lui-même se lancer dans les affaires dans ce monde officieux, mais en effet c’était largement dans ses moyens de faire en sorte que les choses n’aillent pas trop mal pour cette fumerie notamment. Quant à la proposition qu’avait fait avant son amie, l’elfe renvoya légèrement un regard complice, ce avant de glisser avec réflexion concernant le fait que certains elfes restaient bel et bien célibataires pendant un long moment.

« Nous nous mettons moins aisément en « couple » que les humains ou pas de façon aussi précipitée. Du moins c’est là une tendance typique de notre peuple, après tout nous préférons une fois avoir portés notre attention sur un être, être sûr que cela se passera au mieux et sera durable avec. » Disons qu’il n’y avait pas vraiment ou peu cette mentalité chez les elfes qu’on pouvait changer de relation amoureuse comme de vêtements, du moins chez ceux qui n’étaient pas dans la folle excitation de la jeunesse. Xin devait sans doute être de ceux qui attendaient de vraiment trouver la bonne personne, rien d’autre et sans doute qu’actuellement il était plus dans le questionnement que la certitude.

« Si cela peut te rassurer, ce n’est guère le genre de personne qu’il serait indigne pour quelqu’un de mon rang de charmer, mais en effet on ne peut pas parler de mariage arrangé ou à but politique. » Ajouta t-il sinon légèrement amusé, mais sans vraiment se choquer à ce sujet. Après tout, était-ce étonnant que dans une société assez nobiliaire et hiérarchisée comme Ikhyld le concept de mariage arrangé même si avec consentement soit loin d’être absent ? Le contraire serait même étonnant…

« Tes conseils sont intéressants et plutôt sages sinon. Puis-je te confier autre chose ? En vérité c’est une créature singulière qui m’intéresse, un esprit élémentaire. Une créature assez éloignée à la base de certains concepts mortels, mais qui les apprends pour d’autres depuis qu’elle est en ce monde. Je ne sais pas ce que ça donnera à terme, mais il faudra déjà qu’elle comprenne le concept d’être en couple ou d’une romance, ce sera intéressant à lui faire assimiler... » Oui, après tout certaines choses assez évidentes pour beaucoup de mortels ne l’étaient pas vraiment pour de telles créatures, quoiqu’il en soit il finit par glissé amusé, sans doute pour renvoyer un peu la balle.

« Je me suis toujours demandé quand j’y pense quel genre d’homme, ou bien de femme pouvait attirer ta personne, après tout tu dois avoir des critères assez exigeants, du moins si l’idée te semble plausible. » Car il se doutait qu’elle n’était pas une grande romantique, cela et au vu de sa situation, être en couple ne serait pas forcément à son profit...

La semi Nagate se mit à rire légèrement. Non pas le genre de rire moqueur et pouvant être considéré comme malpoli, mais comme incontrôlé et rapidement pardonné. Elle s’expliqua cependant peu après sur un ton doux et bienveillant, loin du reproche et de la méprise.

Dois-je te rappeler, mon cher ami, que, malgré mon appartenance Nagate très imposante, je reste à moitié Elfe ? Non pas que préciser ceci était inutile, mais même si ma mentalité peut être légèrement différente, je n’en reste pas moins concernée par ce soucis de relations… Du moins, disons que je n’ai pas hérité de la culture d’un Kitsune, je pense même être bien plus sage que plusieurs d’entre eux.

Elle conclua sa phrase avec un regard amusé, ce avant de reprendre plus sérieusement. L’affaire de coeur de l’elfe l’intéressait tout particulièrement, et elle n’en loupa pas le moindre détail.

Eh bien… Un esprit élémentaire. Je vois que ce n’est pas le genre de personne lambda. Enfin… Cela devient une tâche plus complexe, en effet. Si cette délicieuse potentielle compagne n’a aucune idée de ce que sont les sentiments, cela risque d’être compliqué… Ou peut-être se lancera-t-elle dans ce genre de jeu par simple curiosité scientifique ? Quoi qu’il en soit, je ne pourrais te rassurer sur ce qu’il pourrait arriver. Elle risque de ne pas comprendre l’intérêt que tu lui portes en restant auprès d’elle, et venir à le lui expliquer risque de rendre la situation peu naturelle. Mais ça, c’est à toi de voir. Je ne veux absolument pas te décourager, et si tu te sens capable de gravir ces montagnes, j’en serais ravie. En tout cas, je garde ce petit secret comme j’apprécie en garder d’autres rien que pour moi… Et n’hésite pas à venir me voir, même si ce n’est que pour ça. J’ai toujours un peu de temps pour les amis comme toi...

Puis vint le sujet de ses relations. Elle arbora un visage souriant et détendu, l’air peu soucieuse de ce qu’elle pourrait en dire.

Bah, je n’ai pas encore eut le temps de me poser la question. Et puis, le métier m’en empêche tout autant. Manquerait plus que la personne que j’aime se fasse enlever pour me faire chanter… Je préfère éviter, autant pour le bien être de la potentielle personne que mon affaire. C’est pour cela que je sélectionne mes amitiés aussi… Du moins, celle auquel je m’attache particulièrement. Mais s’il faut un temps où ça doit cesser, je ne dois faire aucun état d’âmes. Mais je doute que tu te fasses kidnapper pour faire chanter une simple vendeuse d’opium, ne penses tu pas ? C’est là la certaine garantie de mes amitiés plus haut placées que moi, c’est que je ne vaut pas le coût qu’on vous kidnappe pour me faire chanter.

Enfin, pour répondre plus précisément à ta question, j’imagine que j’aurais le temps de le voir venir. Pas avant ma retraite, ça c’est sûr, et quelqu’un de propre. Je ne veux pas d’un mafieux ou de quelqu’un ayant baigné dans des affaires sales. Disons que ça m’aidera à retrouver une vie simple et paisible, probablement. Après, je n’ai aucune idée de ce qu’il pourrait m’attendre. Je ne ressent aucune préférence pour qui que ce soit et aucune attirance non plus pour le moment. Je vend ma présence pour mon travail, mais pas mes sentiments. Peut-être resterais-je une éternelle célibataire, ou que l’arrêt de mes activités me rendront plus apte à aimer sans laisser l’esprit éradiquer ce que le coeur transmet… J’ai encore quelques siècles devant moi.

« Oh, ça je ne l’ai pas nié, mais justement comme tu es à moitié elfe, tu peux confirmer ce que j’ai dis au sujet de notre peuple, n’est-ce pas ? » Glissa le ministre des renseignements amusé à ce sujet et pas du tout vexé par le rire de son amie. De toute façon ce n’était qu’une discussion légère, donc nul besoin d’imposer une quelconque forme de gravité à celle-ci, n’est-ce pas ?

Quant au reste, il semblerait visiblement que les histoires sentimentales de l’arcane de l’invocation, l’intéressait assez, mais était-ce étonnant ? C’était dans son domaine d’expertise après tout et ça devait toujours amuser beaucoup de monde de constater qu’un éternel célibataire finissait par envisager de ne plus l’être.

« On verra bien en effet concernant tout cela, mais elle a l’air très intéressée par le fait d’être amie avec moi déjà, c’est une bonne chose et un signe qu’elle m’apprécie. Quoiqu’il en soit je te fais confiance en effet pour garder cela pour toi, du moins jusqu’à ce que ça finisse par s’officialiser. » Après tout si les choses finissaient par fonctionner en quelque sorte, il était probable que Xin ne garde pas spécialement cette relation secrète, elle n’avait rien de honteux après tout hors de la petite excentricité qu’elle représentait dirons-nous.

« Il est sûr qu’il y a beaucoup à faire avec un ministre des renseignements, tellement qu’il n’y a quasiment aucune raison de le kidnapper pour une autre raison que ce qu’il sait lui-même. Mais bon, tel est le risque du métier après tout et rassure toi, de toute façon je suis parfaitement aguerrie à ce genre d’éventualité. » Ajouta t-il sinon amusé au sujet de la conversation qu’ils abordaient la concernant et de la petite digression à son sujet qu’elle se permettait. Oui, de toute façon qui aurait envie sans excellente raison de risquer l’inimité totale de l’empire Ikhyldien pour un tel acte ?

« Ou peut-être que si tu te mettais avec quelqu’un, quand tu aurais l’âge ou l’envie, ce serait un mariage de raison ou pratique ? Après tout ça reste encore très courant dans notre pays et ma foi, on peut tout à fait être heureux avec. » Ajouta t-il sinon pour clore ce sujet avec amabilité, ce avant de reprendre pensif.

« Je suppose sinon que tu serais intéressée par l’idée un jour d’implanter en partie ton activité à Akkaton ? J’ai entendu dire que dans la citadelle de Nephtys, une cité de magie en plein milieu des sables du désert, ils n’étaient guère fermés aux fumeries par exemple. Et peut-être que ce serait un bon pied à terre pour éventuellement développer cette activité ou d’autres dans la province si les autorités Akkatoniennes sont d’accord. » Pourquoi demandait-il cela ? Peut-être par curiosité, ou car si elle pouvait à terme fournir des informations aussi sur l’empire rival, ce ne serait pas pour lui déplaire...

Je le confirme, en effet, bien des elfes ne trouvent leur partenaire de vie bien assez tard. Enfin, chacun mène sa vie à son rythme.

Elle souriait bien évidemment, et ne prenait pas cette conversation au sérieux. Après tout, il était temps à la détente. Quant à la dulcinée de l’elfe, la Nagate avait un sourire presque bienveillant et touché de sa situation d’amour. Après tout elle n’en était finalement pas insensible à cela et savait ressentir une sorte d’attendrissement fasse à l’amour vrai.

Un ministre qui sait se défendre, c’est tout bon pour moi tiens, haha. En effet, il n’y a aucun risques concernant le fait que je te côtoie. Enfin, tu es aguerri à de telles éventualités, mais fais attention ; le coeur est traître quand il s’est déjà donné à quelqu’un. Cela ne te rendra pas autant invulnérable qu’aujourd’hui...

Une mise en garde simple et sans réelle menace, simplement dans le fil de la discussion et de l’avis de la Nagate.

Ah ça ! Je n’y suis pas encore. Je n’ai aucune idée de quelconque mariage dicté par la raison ou la praticité. Du moins, s’il s’agit de faire un mariage arrangé pour quelconque stratégie, je suis plutôt contre. Mais je verrais le moment venu, j’imagine. Cela ne se présente pas à moi immédiatement.

Quant à l’idée d’Akkaton, ce n’était pas mauvais. Il y avait du potentiel, et elle y réfléchissait déjà.

Oui, Akkaton sera très probablement ma prochaine cible pour un futur établissement. Il faudra que je me renseigne sur place concernant les bâtiments à vendre… En tout cas, cela changera plusieurs choses, car il n’y aura pas qu’Ikhyld et quelques citoyens avides d’informations qui pourront louer mes services. Akkaton aussi le pourra, ce qui signifie que, en tant qu’indépendante, je ne fais aucun favoritisme. Ce que je sais d’Akkaton, je le transmet à mes clients d’Ikhyld, mais ce que je sais d’Ikhyld je le transmettrait à Akkaton. Du moins, dans les faits, il faut que je réfléchisse au moyen le plus sécurisé pour ne pas avoir de problèmes à ce sujet.

« Personne n’est invulnérable et connaître ses points faibles est une force en soit. » Glissa Xin amusé à ce sujet, de toute façon il ne comptait pas non plus totalement se gâcher la vie uniquement pour être le moins vulnérable possible, il essayait tout de même de vivre un peu au passage. De toute manière ce n’est pas non plus comme s’il comptait crierafficher cette romance sur tous les toits, sans pour autant la tenir secrète. Il restait un elfe assez discret et un personnage publique assez effacé. Il n’était pas aussi populaire que d’autres arcanes ou même l’impératrice, mais en vérité cela lui convenait parfaitement.

« De toute façon, ce n’est pas non plus extrêmement intéressant à ton niveau, plutôt dans les sphères de la noblesse et encore, de toute façon je ne suis pas un conseiller conjugal, la magie m’en garde. » Cela et ce n’était ni un domaine d’intérêt pour lui, ni une bonne idée à ses yeux. Et sans doute n’était-il pas le genre de personne qui pensait que ce reproduire était un acte primordial dans la vie, surtout quand comme lui… On laisserait un héritage national qui lui survivrait bien après sa mort et forgerait le futur. C’était à un stade où la transmission du sang passait comme secondaire en comparaison.

« Cela dépend du niveau d’informations que tu donnes, si c’est des choses comme des informations commerciales données par les marchands qui fréquentent tes commerces, les événements importants dans la cité ou les modes et tendances dont certains peuvent tirer profit, il y a déjà de quoi faire un bon profit je suppose. » Ajouta t-il sinon concernant les informations qu’elle pourrait échanger entre Akkaton et Ikhyld sans problème, ce avant d’ajouter amusé. « J’imagine aussi que les Duchés du Sud t’intéressent ? C’est un pays intéressant, un bel endroit pour s’enrichir et je suppose que les duchéens sont bien peu regardants sur bien des choses, même s’il faut savoir là-bas être capable de jouer d’influence. » Et de corruption aussi, mais cela dépendait des territoires. Quoiqu’il en soit, il ne doutait pas qu’y être prospère pour elle ne serait guère impossible.

La conversation était intéressante, mais elle arrivait à sa fin, du moins concernant les situations relationnelles et les possibilités d’avenir. D’un commun d’accord avec Xin, elle balaya l’air d’un mouvement gracieux de la main comme pour se débarrasser du sujet et passer à l’autre. Elle écouta donc attentivement les dires de son invité concernant les informations avec une certaine attention, acquiesçant finalement dans la plus grande des simplicités.

Oui, tu as bien raison. Je pense que je vais faire comme ça, il y a des informations plus importantes que d’autres qui n’ont pas à être transmises. Ne t’inquiètes pas à ce sujet, je vais réfléchir à un moyen d’ordonner tout cela et de me constituer une charte personnelle des informations à divulguer ou non. Il vaudrait mieux que je mette en place un système de contrat impliquant les informations que j’ai le droit ou non de divulguer. Ce qui, avec des institutions comme Ikhyld ou Akkaton, est un acte plutôt bien vu, n’est-ce pas ? Rester honnête sur le papier et se lier à l’encre, voilà une tradition qui ne périt pas.

Elle ria comme elle a l’habitude de rire, portant la main à sa bouche pour la masquer temporairement avant de dévoiler à nouveau ses lèvres. Elle ne quitta pas Xin des yeux, tout comme depuis le début de la visite, d’ailleurs, penchant légèrement la tête de côté à sa question comme pour y réfléchir un temps avant de finalement répondre.

Les Duchés sont lucratifs, oui, et intéressants. Mais ils sont imprévisibles et dangereux. Du moins, pour moi qui ne guère connue davantage que dans un rayon de vingt mètres de mes établissements. J’irais commencer par Akkaton, et lorsque ma réputation sera de mise, et les moyens financiers alloués à cette stratégie, je m’emparerais des Ducés. Cela me paraît être une intéressante stratégie, après tout. Et puis, l’intérêt de s’installer en Akkaton, puis aux Duchés, est de pouvoir créer des lignes commerciales entre mes établissements. Je pourrais fournir chacun de ceux ci en produits exotiques et en matériel à moindre prix et sans être obligée de traverser le pays à même le sol. Mais ça, ça a le temps de venir… Aurais-tu besoin de quelque chose d’autre, mon bel Arcane ?

Ajouta-t-elle finalement, lui adressant un regard bienveillant envers cette personne qu’elle semble tout particulièrement estimer.

« Des contrats littéralement ? C’est bien formel par rapport à ce que font les services de renseignements en général, mais ma foi ça peut assurer une certaine stabilité à ce niveau, même si tu te priveras des avantages qu’il y aurait pu y avoir à une petite lutte d’influence à ton égard de deux services de renseignements. » Après tout si ces derniers savaient exactement ce qu’ils auraient sans réel espoir ou peu de grappiller plus, ils ne seraient pas tentés de surenchérir comme il aurait été le cas dans une situation plus trouble.

Même si après ça aurait été au risque d’attirer quelques attentions plus indésirables, quoique peut-être pas. Difficile à dire dans un tel domaine et ce n’est pas non plus comme si la teneur des informations à disposition de la naga était assez critique pour justifier l’attention des acteurs les plus dangereux, du moins actuellement.

Quoiqu’il en soit, il hocha doucement la tête aux paroles de son interlocutrice qui visiblement réfléchissait à une stratégie à adopté pour l’avenir et qui en avait une. Qui était plutôt bonne d’ailleurs, après il n’était pas forcément le mieux placé pour l’estimer, après tout s’il était expert dans les renseignements, il n’était guère versé par contre dans la gestion d’entreprise.

Tout juste se permettrait-il de glisser avec bienveillance lui aussi à l’égard de son amie.

« Eh bien, j’ai ce que je voulais et je dois réfléchir à certaines choses dorénavant, donc pas forcément, je suppose donc que je peux te laisser à ton entreprise maintenant. Et sans doute que prochainement nous reprendrons contact pour notre bénéfice commun. » Il ajouterait alors avec les politesses d’usage.

« C’est comme toujours un plaisir, contacte moi si jamais tu as d’autres problèmes, pour cette histoire de vauriens qui harcèlent ton établissement, ce sera prochainement réglé. » Et sans doute que la réunion s’achèverait ici ou peu après, l’avenir empli de promesses et certaines possibilités.

L’idée de contrat était une possibilité à étudier. Il est vrai que cela peut-être gênant pour son commerce d’être liée à un simple bout de papier, et qu’il pourrait ne rien valoir, mais auprès de grosses organisations ayant un reconnaissance juridique… Il fallait y réfléchir mûrement, et la Nagate aurait tout le temps d’y réfléchir durant son voyage. Quoi qu’il en soit, elle devait profiter des derniers instants avec son invité avant de se focaliser sur autre chose.

Oui, j’y réfléchirai. Enfin, je suis satisfaite de te savoir satisfait de ce que j’ai pu t’apporter aujourd’hui. Comme toujours, c’est un plaisir de te recevoir ici même. Je te souhaite une bonne continuation dans tes futures entreprises… Au plaisir de la prochaine fois, et si j’ai un soucis je n’hésiterai pas… Fais attention à toi.

Sur ces mots, elle accompagna son invité jusqu’à la sortie en le laissant repartir à son quotidien. Elle resta quelques instants sur le pas de la porte de service avant de finalement revenir à l’intérieur, prête à affronter ses responsabilités. Elle avait de la paperasse à terminer concernant les livraisons, la paie de ses employées et l’entretien régulier du bâtiment en ce qui concerne la gestion des tâches ménagères. C’est que ça prenait aisément la poussière, et elle ne pouvait se permettre que ça se passe ainsi… Enfin, ce genre de détails, elle n’en aura plus trop à s’en soucier pendant qu’elle partira en voyage jusque Akkaton, léguant ses responsabilités à une employée de confiance s’étant faite remarquée avec ses compétences de gestion et de jugeotte qui plurent à la grande Madame Qin.

C’est donc assez rapidement qu’elle prépara son nécessaire de voyage : sa tenue plus habillée couvrant ses formes, ses sacs et sacoches utiles pour ramener les marchandises et transporter tout ce qui lui est nécessaire en tant que représentante commerciale, ainsi que ses effets personnels. La magie avait quelque chose de pratique… Et elle fut fin prête à démarrer son voyage une fois tous ces détails réglés.

[FIN]