18 décembre 2000 de l’ ge d’Acier

Il était tard dans la journée, le soleil était déjà couché. Les voyages se faisaient de plus en plus rares et chacun rentrèrent chez eux ou se vouent à des activités en extérieur. Quoi qu’il en soit, c’est dans la tranquillité des lueurs blafardes des lumières de la ville que la Nagate se déplaçait. Elle avait troqué sa tenue la mettant en valeur pour une tenue plus soignée, pouvant lui donner des airs de noble. Quoi qu’il en soit, une tenue de facture Ikhyldienne qui exposait une certaine beauté en s’associant avec celle qui la porte sans pour autant trop en dévoiler.

Kheizhidji était là ce soir pour une raison bien particulière ; après avoir laissé son établissement dans le désert se débrouiller seul un moment, elle devait rencontrer la fille de son ami Otmar pour la rencontrer, en premier lieu, et discuter. C’est donc en cette soirée qu’elle avait été invitée à dîner avec la jeune femme, ce à quoi elle s’est vêt de son vêtement élégant et convenable.

Elle se présenta donc à une demeure privée de l’Empereur, prenant son temps pour monter les escaliers qui ne sont guère pratiques pour une Nagate de sa stature, et frappa trois fois en attendant qu’on lui ouvre. Elle étira un large sourire, ses yeux verts grand ouverts sur la personne qui lui ouvrit, et entra lorsqu’on l’y aura invitée. Elle observa l’intérieur de la demeure avec intérêt avant de finalement se focaliser sur la fille de l’empereur lorsqu’elle viendra à elle, patientant tranquillement.

Bonsoir, je suis Kheizhidji, mais tu peux m’appeler comme bon te semble. J’imagine que tu es Lilyneska ? C’est un plaisir de te rencontrer enfin. J’ai entendu dire que tu as beaucoup bougé ces temps ci, j’espère que tout s’est passé comme tu le souhaites, notamment ton service militaire de ce que j’en ai entendu ? En Ikhyld nous n’avons pas cela, mais c’est une bonne initiative, j’imagine, de la part de l’Empire. Enfin, nous aurons le temps de discuter plus tard ! Comment vas tu ?

On pouvait appeler ça des vacances. Lilyneska avait eu droit à une pause de quelques jours de son service militaire afin de passer du temps chez elle et pour voir ses proches. Elle était donc à sa demeure dans la cité d’Airain. Le soleil s’était évanoui et la soirée était tranquille. La jeune femme était restée à l’intérieur. Pas qu’elle détestait le froid de l’hiver, mais elle préférait définitivement la température plus confortable de l’intérieur de la demeure. Elle avait entendu parler qu’il y aurait de la visite, mais elle n’en savait pas plus.

Lorsque la sonnette résonna, un domestique alla accueillir la naga et l’accueillit à l’intérieur comme il se doit. Lilyneska s’était avancée dans le hall d’entrée pour jeter un œil à qui arrivait : une naga qu’elle n’avait jamais vue auparavant. Elle était jolie. Ses traits étaient raffinés et ses vêtements lui rappelaient le style qu’elle avait vu à Ikhyld. Elle avait des airs de noble. Était-elle hautaine? Probablement… Mais elle espérait au fond d’elle qu’elle ne le soit pas ou pas trop.

« Bonsoir! » Lui répondit-elle. La chevelure blanche de Lilyneska était tressée et montée en couronne sur le pourtour de sa tête. Elle portait une robe longue bien simple sans motif et de couleur bleue, couleur qui mettait en valeur ses yeux. « Oui, je suis bien Lilyneska. Enchantée de faire votre connaissance, Khei. Je vais bien, et vous? » Poursuivit-elle d’une voix empreinte de politesse. Ne lui avait-elle pas permis de l’appeler n’importe comment? C’était justement un petit test pour voir comment elle réagirait. « J’ai fait beaucoup de choses dernièrement. Peut-être voudriez-vous qu’on en discute davantage, peut-être dans le salon? » L’invita-t-elle.

Elle ouvrit la marche jusqu’au salon où des fauteuils confortables les attendaient. Elle s’installa confortablement et l’invita à faire de même d’un geste de la main. Lily n’était pas exactement dans son élément et ne se sentait pas très à l’aise, mais elle faisait un effort béant pour mettre en œuvre ses leçons de bienséance. « Le service militaire se passe bien, merci. Je n’en suis qu’à quatre mois, mais je devrais passer l’année sans soucis et obtenir finalement ma citoyenneté akkatonnienne. » Qu’est-ce qu’elle avait hâte! Mais la noble dame n’était sûrement pas là pour une question militaire. « Vouliez-vous voir Otmar? » S’enquit-elle. Elle se permettait d’appeler son père par son prénom même s’il était l’empereur.

La Nagate était satisfaite de retrouver la jeune femme dont elle avait entendu parler et de la voir ainsi réellement devant elle. Elle étira un léger sourire en l’écoutant parlant, ne semblant pas avoir spécifiquement de réaction lorsqu’elle l’appela Khei. Après tout, il y avait pire comme surnom, et ce n’était pas forcément des plus mals.

Kheizhidji acquiesça à la proposition de Lily et la suivit sans trop de mal jusqu’au salon, traînant son long et imposant corps telle la semi Nagate qu’elle était. Elle s’installa à moitié sur le canapé, n’y reposant qu’une part de son corps -sinon le meuble risquerait de céder sous le poids- et elle joignit ses mains en les reposant devant elle.

Eh bien, quatre mois, c’est déjà bien. Je suis sûre que tu t’en sortiras, la citoyenneté Akkatonienne est une chose merveilleuse, alors, je suis heureuse d’apprendre qu’elle t’est à portée de main.

Soucieuse au sujet de la jeune femme alors qu’elle ne la connaissait pas tant que ça, bah ça faisait partie de son caractère. De son regard perçant, et pourtant son expression se voulant empathique et agréable, elle remarqua la tension de la jeune Lycanthrope.

Allons, j’imagine que la société Akkatonienne a certains préceptes et certaines règles, tout comme en Ikhyld d’ailleurs. Mais je ne suis pas de ces aristocrates qui cherchent à se faire chouchouter selon les règles de bienséance du coin. Enfin, tu peux me tutoyer, il n’y a pas de problèmes avec ça. Et puis, je ne voudrait pas te mettre mal à l’aise, alors si quoi que ce soit te dérange vis-à-vis de moi, n’hésite pas.

Elle poursuivit ensuite, avec tranquillité, semblant elle aussi appeler l’empereur par son prénom.

Non, je ne suis pas venu voir Otmar. Au contraire, je l’ai déjà suffisamment vu ces derniers temps ! Sans compter nos échanges continus durant ces vingts dernières années. Enfin, je suis venue pour te rencontrer, Lilyneska. Otmar m’a parlée de toi dès qu’il t’as comptée dans sa famille, et je dois dire être curieuse d’en savoir davantage.

Elle ne quitta pas ses yeux verts de la jeune femme, analysant ses réactions afin d’adopter la meilleure approche.

En Ikhyld, je tiens des établissements qui commercialisent de l’opium, mais ce n’est pas tout. Je suis en charge d’un réseau de renseignements indépendant et je roule ma bosse depuis quelques années. Je suis venue te proposer de l’aide, mon travail étant de trouver ce qui est perdu… Otmar m’a fait savoir que je pourrais t’être utile ?

Elle laissa planer une incertitude dans sa phrase, ne souhaitant pas mentionner ce qui pourrait être mal interprété.

Lilyneska acquiesça d’un signe de tête. Elle avait également un sourire sur son visage. La jeune fille avait réellement hâte d’avoir sa citoyenneté akkatonnienne. L’entrainement militaire n’était pas trop mal et elle ne lui restait plus que six mois à faire. Que ferait-elle après? Bonne question. Elle l’ignorait. Peut-être faire une carrière militaire? Ses supérieurs lui disaient qu’elle y aurait sa place. Mais elle ne savait pas trop en réalité…

Installée dans le salon, ses azurs suivaient la naga. Elle trouvait cette dernière très jolie avec ses iris émeraudes et sa chevelure violette. Elle restait néanmoins méfiante, ne sachant pas trop ce qu’elle lui voulait. Heureusement, elle semblait être une noble plutôt décontractée et qui ne s’offusquait pas pour un rien. Entre autre, elle permettait à Lily de l’appeler comme bon lui semble et de la tutoyer!

L’hybride avait pensé que Kheizhidi était akkatonnienne, mais il lui sembla qu’elle était plutôt Ikhyldienne. « Ça va, je ne suis pas mal à l’aise. » Lui répondit-elle. C’était vrai. Elle se sentait plus rassurée par la situation, mais la curiosité la piquait, car c’était elle-même qu’elle venait voir et non pas Otmar.

« Ah oui? Vous êtes proches tous les deux? » S’enquit-elle. « Comment vous vous êtes rencontrés? » Demanda-t-elle ensuite. Cela ne semblait pas être une relation d’affaire seulement, à l’entendre ils étaient des amis proches. « Ah oui? Vous faites la vente d’opium? Ça rend accro, à ce qu’il parait, non? » Demanda-t-elle ensuite. Elle n’avait jamais essayé.

« Ah oui? Otmar vous a parlé de ce que je cherchais? » S’enquit-elle. Ses yeux avaient brillé d’une certaine lueur aux mots prononcés par la naga. Elle recherchait quelqu’un : sa mère. En fait, elle était au stade où elle voulait savoir ce qu’elle était devenue, mais elle n’était pas certaine qu’elle voulait la revoir. Sa mère l’avait vendue après tout! Elle lui en voudrait toujours pour cela. « Je suis à la recherche d’une personne, en effet. Mais avant de vous en dire davantage, j’aimerais savoir comment vous précéder et j’aimerais connaître votre prix. » Poursuivit-elle.

Kheizhidji observait la jeune femme avec un grand intérêt, comme semblant vouloir en savoir davantage à son sujet. Il faut dire que c’était la fille d’Otmar, et elle était tout aussi curieuse que cette dernière était curieuse en retour. Ce qui fit sourire Kheizhidji, de manière bienveillante, de se retrouver face à une jeune femme aussi intéressée et intéressante.

Elle posa plein de questions à la Nagate, chose à laquelle elle ne manqua pas de répondre, en y allant de manière procédurale et arrangeant un peu le flux de questions de manière plus ordonnée.

Eh bien, lui et moi sommes des amis de longue date, oui. Cela fait vingt ans que nous échangeons régulièrement par voie épistolaire. Quant à notre rencontre, elle s’est faite dans la Cité de Jade, là où j’ai ouvert ma première fumerie. A l’époque, Otmar était un voyageur qui s’intéressait aux multiples cultures, alors il est venu en Ikhyld et s’est intéressé aux fumeries Ikhyldiennes. Je l’ai accueilli et il s’est vite intéressé à moi, ce que j’ai fait de même. C’étaient de belles années, et continuer à échanger avec lui me tient très à coeur même aujourd’hui.

Elle souria tendrement à cette pensée, son regard s’y perdant un peu, avant de vouloir continuer à répondre aux autres questions.

Oui, on peut dire ça. Disons que je permet aux habitants de la ville de pouvoir en consommer sur place. Concrètement, j’en vend, mais je gère surtout des lieux de consommation. Ce qui inclut d’entretenir des bâtiments, et surtout de créer un endroit confortable et attirant pour que les clients passent du bon temps, c’est là que je met un point d’honneur sur une décoration originale et exotique. Enfin, passons… Accroc, oui. Ca a bien quelques effets addictifs, je ne le cache pas, bien qu’il n’est pas impossible de s’en sortir, et quelques bouffées ne déclenche une forte addiction que dans de très rares cas. Principalement, le pourquoi de la consommation, est surtout de pouvoir atteindre un état de plénitude et de légèreté, se sentir planer un petit peu avant de s’endormir pour faire de beaux rêves. Car c’est là la particularité principale de l’opium, ça donne envie de dormir. Même si je déconseille d’en consommer régulièrement pour des insomnies… C’est comme l’alcool, ça endort, mais faut pas en consommer pour ça.

Elle marqua une pause comme pour prendre le temps de jauger ce qu’elle vient de dire avant de finalement reprendre en maintenant le regard avec son interlocutrice, changeant de sujet sur celui qui est plus intéressant.

Otmar m’en a soufflé quelques mots, oui, mais je préférait te laisser continuer le sujet plutôt que t’imposer directement ce que je sais à ce sujet.

Elle sourit davantage par la suite.

Eh bien, tu as le sens des affaires, cela me rend davantage heureuse. Je vais te le dire, oui. La majorité de mes employées sont aussi mes yeux et mes oreilles. C’est bien utile dans la ville d’Ikhyld, elles vivent leur vie et se souviennent de la moindre rumeur, la moindre petite information. Et lorsqu’il est intéressant d’enquêter, elles fouinent davantage, pour sûr. Il m’arrivent cependant de me charger moi même de certaines tâches, lorsqu’elles sont plus spécifiques. Comme par exemple recruter quelqu’un en particulier avec un certain domaine de compétences. J’y vais, je me renseigne, et j’en profite pour ramener quelques produits du pays pour les revendre ou les offrir à mes amis. Dans ce cas de ce que j’en sais, après tu me précisera en détail, je pense que je vais devoir employer les grands moyens. Je prendrai avec moi plusieurs de mes espionnes pour traquer le moindre indice et former une piste. Cela sera bien plus efficace, et il semblerait que ce soit ce qui est demandé, de l’efficacité.

Concernant le prix, pour ce genre de services, j’ai horreur de demander de l’argent. Évidemment, lorsque je traite avec la mafia locale, je ne peux pas trop leur demander autre chose, et ça remplit bien les caisses, mais je trouve ça vulgaire de demander ça à des personnes plus proches. Je peux éventuellement l’accepter, mais de manière générale c’est un service contre un autre… A toi de me dire, si tu as quelconque compétence qui pourraient m’être utiles, propose ton prix et nous négocieront comme cela. Et si vraiment il n’y a pas d’accord… Je peux potentiellement chiffrer cela en argent, mais ça me reste gênant.

Elle s’arrêta donc de parler, observant la jeune femme en attendant sa réponse, l’incitant à participer activement à cette discussion d’affaires.

Lilyneska observait attentivement Kheizhidji et tentait de l’analyser par son langage corporel. La naga lui était sympathique, mais elle préférait se garder une petite méfiance. Après tout, elle ne la connaissait pas. C’était rassurant de savoir qu’elle et Otmar se connaissaient bien. Mais… L’empereur connaissait pratiquement tout le monde! C’est ce qu’elle avait fini par comprendre avec le temps.

La jeune hybride n’avait jamais touché à l’opium. D’un côté, elle était curieuse. Mais de l’autre, elle refusait de perdre ses facultés. L’inconnu lui faisait un peu peur. Certes, elle était une transformiste qui pouvait empêcher l’effet du produit… Mais si elle le laissait agir, serait-elle alors ultérieurement en état de l’arrêter? De toute façon, il n’était pas question d’opium aujourd’hui.

Khei avait accès à une mine d’informations et elle avait potentiellement des détails sur sa mère. Lorsque Lily pensait à sa génitrice, elle avait du ressentiment. Voulait-elle réellement la revoir? C’était une question difficile où la réponse était oui, mais non. Mais oui. Au moins juste pour lui dire sa façon de penser. Cependant, l’information avait généralement un coût et c’est ce qu'elle redoutait.

« Je n’irais pas jusque là… » Balbutia-t-elle. Elle? Avoir le sens des affaires? Pas si sûr que ça. C’était plutôt la méfiance qui le menait. « Je comprends que vous avez la compétence et les moyens de trouver la personne que je recherche. Il s’agit de ma mère. » Révéla-t-elle. Kheizhi ne voulait pas d’argent en guise de paiement. C’était bien parce que Lily n’était pas riche et elle ne comptait pas sur une aide monétaire de la part de son père adoptif. Mais le désavantage était que le prix n’était pas concret. Que pouvait-elle donner en retour?

« Je ne connais malheureusement pas vos besoins. Mais je pourrais vous offrir une faveur ou un service, en autant bien sûr que ça ne brise pas les lois ni que ça va à l’encontre de mes valeurs. J’ai de grands talents en magie transformiste. Je peux changer l’apparence des gens, c’est peut-être le rêve d’un de vos employés ou connaissance. Je ne sais pas. » Dit-elle. Elle prit un temps pour réfléchir. « Je sais également me battre. » Fit-elle en haussant les épaules. « Qu’avez-vous de besoin? » S’enquit-elle.

La Lamia était plutôt calme, et maîtrisée. Cela n'aiderait probablement pas à discerner le vrai du faux avec elle, mais elle avait au moins le panache de ne pas laisser place à la maladresse. Cependant, de manière générale, elle était confiante et se voulait rassurante vis-à-vis de Lily. On pouvait deviner que c'était fait exprès, avec une once d'émotion sincère, car Kheizhidji était avant tout une ingénieure sociale, qui jouait avec les mots et les postures comme un musicien jouerait avec les notes.

Puis, elle sembla pensive, en écoutant les paroles de la fille de l'Empereur. Joignant ses main devant elle, elle finit par se tapoter le menton en observant le plafond, avant de répondre calmement.

Mhhh, oui, je suis capable de trouver la personne que vous cherchez. Quant au service, j'ai en effet besoin de l'aide d'un mage transformiste, pour l'un de mes employés. Un rêve dont il m'a fait part depuis peu, et voilà le mage qui l'aidera à s'accepter.

Elle sourit alors, un sourire se voulant sincère et bienveillant.

Nous avons donc notre terrain d'entente, et si vous voulez plus de travail je pourrais vous affecter à certaines tâches mondaines, avec l'accord d'Otmar. Une occasion pour essayer des choses, et découvrir le monde.

Et, je prend en note et m'y engage ; rien qui ne brise les lois ou allant contre vos valeurs. Si mes propositions ne vous conviennent pas, il suffit de me donner votre désaccord, et ne vous sentez pas obligée de dire oui par politesse. Je propose des solutions, et vous êtes quelqu'un auprès de qui je peux accorder pas mal de libertés en apprenant à se connaître. Je suis venue ici pour proposer mes services, mais aussi pour faire votre rencontre. Otmar a tenu à vous présenter à moi, et je serais heureuse d'apprendre à vous connaître, et vice versa.

Lilyneska laissa la parole à Kheizhidji Qinyarus puis l’écouta attentivement. Elle ne savait toujours pas quoi penser d’elle exactement. Sa nature méfiante lui disait de faire attention, mais concrètement elle n’avait aucune raison de se méfier. Elle lui apparaissait sympathique et si elle pouvait l’aider dans sa quête, elle gagnerait énormément dans son estime. Mais un service n’était pas gratuit, ça elle le savait bien.

« Parfait! Si c’est l’aide d’une mage transformiste que vous avez de besoin, alors vous avwz la bonne personne en face de vous. Puis-je en savoir davantage sur le fameux rêve d’un de vos employés? Ou je le découvrirai une fois en face de la dite personne? » S’enquit-elle. Quel rêve pouvait-il bien avoir? Si c’était de voler, elle pourrait lui donner des ailes temporairement. C’était vraiment agréable de pouvoir voler dans les airs, sans moyens mécaniques comme un dirigeable. Il y avait également moyen de corriger une malformation.

La jeune hybride devint pensive. Elle réalisait qu’elle pouvait faire beaucoup de choses en tant que mage transformiste. Elle était chanceuse d’avoir accès à toutes ces possibilités. « Quand vais-je rencontrer votre employé ? Est-il à Akkaton? » Demanda-t-elle. Elle n’avait pas trop de contraintes si elle devait voyager. Quoiqu’avec son service militaire, elle préférait rester à proximité de la contrée technologique.

« Oui, je crois qu’on a, en effet, un terrain d’entente. Je suis d’accord avec ce qu’on a discuté et on peut laisser Otmar en dehors de ça, je suis libre de mes propres décisions. » Dit la jeune femme mi-thérianthrope. Elle sourit doucement. « Ne vous faites pas de soucis, je ne dis pas oui par politesse. S’il y a quelque chose qui ne me va pas, vous le saurez rapidement. Je ne suis pas du genre à faire des choses qui me déplaisent. » Ajouta-t-elle.

La Lamia était plutôt satisfaite de l'échange et de l'enthousiasme de Lilyneska. Motivée et dotée d'une certaine énergie, c'était un état d'esprit qui plaisait tout particulièrement à Kheizhidji, qui ne tarda pas à répondre à ses questions.

Oui, sans problèmes. Cet employé, voyez vous, a bien malgré lui un corps féminin qui ne lui convient pas. Son rêve serait de devenir un homme pour le reste de sa vie.

Elle marqua un temps, laissant ses mots et sa simplicité d'expression quelques instants avant de reprendre.

J'organiserai un voyage pour qu'il puisse vous voir directement à Akkaton, ce sera plus simple pour vous de vous l'envoyer, et il mérite un peu de repos. Nous resterons en contact pour organiser cela, et il y a de fortes chances que je l'accompagne tout autant.

Puis, une fois ces explications achevées, elle écouta attentivement ce que son interlocutrice avait à dire davantage. Chose qui fit sourire Kheizhidji davantage, de manière bienveillante et discrète, comme une mère fière de sa fille. Il fallait dire que le caractère entreprenant de Lilyneska plaisait à Kheizhidji, elle qui s'était élevée seule à la seule force de sa volonté et de son ambition. Un avenir glorieux pour la jeune therianthrope, en somme, si elle possédait une trempe comme celle ci. Elle avait le pouvoir de vivre la vie qu'elle voulait.

Alors nous sommes d'accord. Et c'est une bonne chose, en effet, d'être sûre de soi. Si quoi que ce soit ne vous convient pas, je l'écouterai.

Donc, c'est bon pour nous, s'il n'y a rien à ajouter je vais pouvoir me mettre au travail.

Elle se leva ensuite une fois que tout fut établi, toujours avec une certaine prestance et assurance, sans oublier une expression bienveillanye et légère.

La discussion allait dans le bon sens. Cette idée d’aider quelqu’un lui plaisait et si elle pouvait avoir quelque chose en retour, alors tant mieux. Mais officiellement, elle aurait aidé cette personne sans rien recevoir en retour si elle le lui avait simplement demandé. « Je vois… Alors si c’est d’une transformation physique que votre employé a de besoin, je saurai m’en occuper. » Affirma-t-elle en acquiesçant également d’un signe de la tête. « Je verrai les détails avec la personne en question. » Ajouta-t-elle. En effet, il y aura lieu d’une discussion concernant l’apparence voulue. Mais pour un effet masculin, c’était totalement dans ses cordes.

« D’accord, faisons cela comme ça. Ça me va. C’est plus simple pour moi si c’est à Akkaton. » Poursuivit-elle. Comme ça, elle n’avait pas besoin de voyager. Elle avait encore quelques obligations pour sa contrée avant de pouvoir voyager libre comme l’air. Ceci étant dit, elle aurait trouvé moyen de les contourner si cela était réellement nécessaire. Lilyneska n’était pas du genre à se laisser contraindre réellement, peu importe la contrainte.

« Alors, marché conclu! » S’exclama-t-elle d’une voix joyeuse. Elle s’était levée et s’était approchée de Kheiz en lui tendant la main. C’était comme ça qu’on concluait un marché, non? Des gens disaient qu’il devait y avoir des contrats et tout, mais c’était trop de paperasses pour la jeune hybride. Ce n’était pas son genre. Elle avait un bon sentiment envers la femme-naga. Ça n’avait pas été le cas au début, car elle avait préféré être méfiante. Mais maintenant, elle avait confiance que la femme d’affaire tiendrait parole et elle avait l’impression que ce ne serait pas la seule fois où elles feraient affaire toutes les deux.

Est-ce que son réseau d’information trouverait sa mère et tout ce dont l’hybride voudrait savoir? Ça restait à voir, mais elle avait confiance.

Kheizhidji souriait alors, sincèrement. Serrant la main tendue de la petite Lilyneska en se redressant, elle la regardait avec une certaine fierté dissimulée.

Marché conclu. Vous ne serez pas déçue.

Puis, une fois la soirée terminée et rentrée, elle s'était mise au boulot. Elle apportait régulièrement des nouvelles de l'avancée de l'enquête par lettre, à Lilyneska. Les pistes que la Lamia avaient trouvé, les lieux qu'elle a visité... Entre temps, Kheizhidji était revenue voir Lilyneska avec son employé comme convenu, pour lui permettre de réaliser son rêve. Kheizhidji les laissant discuter en privé un moment, elle en aurait profité pour passer voir Otmar s'il était dans le coin, sinon flâner dans la capitale en profitant de l'instant. Puis, si l'envie et la relation s'y prêtait, elle aurait passé un peu de temps avec Lily pour apprendre à faire connaissance davantage.

C'est après quelques mois de recherche que Kheizhidji apparu de nouveau retrouver Lily à l'endroit qui lui convenait le plus, toujours aussi bien habillée et arrangée. Elle était seule et toujours aussi bien portante, s'inclinant légèrement lorsque la porte s'ouvrit sur Lilyneska.

Bonjour, Lilyneska. Un plaisir de vous retrouver.

Elle souriait sincèrement, gardant une certaine distance mesurée. Elle savait que sa relation avec Lily était principalement professionnelle pour le moment, et il fallait le dire ; la mania du commerce et ingénieure sociale perdait tout ses moyens quand il fallait construire une véritable relation avec quelqu'un sans aucun profit. A ces pensées, son sourire vira légèrement en quelques chose de bizarre qu'elle effaça vite l'air de rien.

Je... J'ai ce pourquoi vous m'avez engagée. Puis-je vous accompagner à l'intérieur ?

Et voilà qu'elle parlait business par défaut quand elle ne savait pas où se placer.

Kheiz et elle avaient conclu un marché et le scellait par une poignée de main. Les deux femmes se séparèrent par la suite et Lily se demandait si elle trouverait des informations rapidement sur sa mère. La première lettre arriva quelques semaines plus tard et lui disait que la grande commerçante travaillait activement à suivre les traces de sa mère. Elle lui donnerait plus de détails quand la piste se concrétiserait. Entre temps, elle lui donna la date à laquelle elle reviendrait avec son collègue.

Citation :

Toutes mes salutations Kheiz’,
Je vous invite à venir à la maison de campagne avec votre compagnon. Ce lieu nous apportera une plus grande tranquilité.

Dites à votre collègue que le processus de transformation nécessitera plusieurs jours. Vous pourrez demeurer sur place en attendant.

Au plaisir de vous voir,

Lily.

Il y avait plusieurs fautes d’orthographe dans la lettre qu’elle lui envoya. La jeune femme avait encore un peu de mal avec l’Akkatonnais, surtout par écrit. Elle lui indiqua l’adresse où elle pouvait la retrouver.

*****

Environ une semaine plus tard, Kheiz était venue à la résidence de campagne en compagnie de son collègue. Après les présentations, Lily s’enquit de ce qu’il voulait concrètement. « Tu sais, tu peux avoir tout ce que tu veux. » Lui avait-elle dit. Jamais elle n’avait vu quelqu’un sourire autant et elle avait lu le soulagement dans ses yeux. « Mais, ça sera un long processus. Ça prendra plusieurs jours. Et ça risque d’être inconfortable. » L’avait-elle averti. Allonger les os et changer les formes… Pour un non transformiste, l’expérience risquait d’être désagréable. Mais ça semblait en valoir la peine, car il acquiesça. « Comment te vois-tu? » Lui avait-elle demandé. Elle lui avait prêté son carnet magique pour qu’il puisse faire une image concrète de ce qu’il voulait, en plus d’utiliser les mots. Il désirait rester humain, mais être plus grand pour atteindre la moyenne masculine. Pour le reste, il voulait les atouts d’un homme. Il voulait un visage plus masculin, des épaules plus carrées. Il voulait perdre la délicatesse féminine et ses courbes qu’il détestait tant.

Que tes désirs soient des ordres. Telle une fée des contes magiques, Lily créa le rituel et fit pleuvoir la magie sur le collègue de Kheizhidji. Ils firent plusieurs pauses parce que le processus était épuisant pour la transformiste et le nouvel homme. Au total, quatre jours furent nécessaires. « Satisfait? » Lui demanda-t-elle. Elle n’avait jamais rencontré une personne manifestement aussi heureuse dans sa vie. « Tu as choisi un nom pour débuter ta nouvelle vie? » S’enquit-elle ensuite.

******

Le contrat ayant été respecté, Lily reçut plusieurs lettres de la part de la femme-naga. Puis finalement, plusieurs mois après leur première rencontre, elle reçut une lettre disant qu’elle voulait la voir en personne. L’hybride l’invita à nouveau à la maison de campagne.

« Bonjour Kheiz’, toujours un plaisir de te voir. » Dit-elle en souriant. Elle commençait à réellement l’apprécier. « Nul besoin de me vouvoyez. Entre. Je suis impatiente de connaître la raison de ta visite! »

La Lamia était là avec son employé. Elle était restée pour soutenir ce dernier alors qu'il s'en remettait à l'expertise de Lilyneska. Il était timide de première apparence, mais en définitive très enthousiaste et avec l'esprit plein d'idées. Malgré l'inconfort des jours incessants de transformation, ce fut avec émotion et bonheur intenses que le nouvel homme remercia infiniment Lilyneska. Son nom, il était tout choisi ; Ashitaka. Il avait choisi d'être un beau jeune homme à la peau basanée, au corps de gymnaste et au visage doux. Des yeux gris pour une chevelure rebelle blanche, sa nouvelle apparence lui allait comme un gant et lui plaisait plus que tout.

******

Kheizhidji se détendit un peu plus alors qu'elle fut invitée, et que Lily lui autorisa de la tutoyer. Etirant alors un sourire sincère, elle pénétra dans le bâtiment en laissant le temps à Lilyneska de fermer la porte derrière elle.

Oh, ma visite à chaque fois est pour parler affaires, même si l'intention que ce sois sincèrement amicale est tout aussi présente. J'espère que vous... Tu vas bien depuis la dernière fois.

Elle marqua un temps, et indiqua le salon de son initiative pour aller s'installer.

J'ai la trace de votre mère.

Elle y était allée cash, directe, bien que se voulant avenante. Elle laissa le temps à Lilyneska de se remettre de cette information, alors qu'elle dévoila un miroir empreint de magie.

Nos efforts nous ont mené à un lieu de vie, et avec un peu de magie... On a pu en extraire l'empreinte de ce qu'il s'est passé récemment, et l'insuffler dans ce miroir... Il suffit de regarder dedans pour s'y plonger. L'impression a été faite ce matin même, et on suppose que les personnes habitant là ont quitté les lieux hier en fin d'après midi.

Elle donnait les faits avec une certaine humilité, sûrement maladroite alors qu'elle déposa le miroir sur la table, à disposition de Lilyneska.

Tandis que Lilyneska Ehrlich saluait Kheiz’, elle se demandait quelles nouvelles elle allait lui donner. Elle savait que la Lamia était très douée pour recueillir de l’information puisque le réseau qu’elle s’était bâti était un peu partout. Ou en tout cas, c’est ce qu’elle s’imaginait. Mais il restait à voir les résultats et s’ils étaient satisfaisants, peut-être pourrait-elle faire de nouveau affaire avec elle dans l’avenir ou la recommander à d’autres qui recherchaient eux-aussi de l’information.

« Je vais très bien! » Répondit-elle en souriant. « J’espère que le voyage a été sympa jusqu’ici. Comment vas-tu? » S’enquit-elle poliment à son tour. Elle referma la porte derrière elle puis elle suivit la femme d’affaires jusqu’au salon où elles pourraient s’installer confortablement. « Seriez-vous assez aimables pour apporter une collation, s’il vous plaît? » Demanda-t-elle poliment aux domestiques. Ceux-ci apporteraient un instant plus tard un plateau contenant une théière, deux tasses et des pâtisseries variées, autant pour la dent sucrée et salée.

« Ah oui?! Pour vrai? » S’exclama-t-elle face à l’annonce qu’elle avait su trouver la trace de sa mère. C’était un peu étrange pour la jeune femme de rechercher sa mère… On aurait pu croire qu’elle aurait coupé les ponts après que cette dernière l’ait vendue à un marchand d’esclave. Mais elle avait besoin de la revoir pour pouvoir tourner la page. Elle voulait lui dire le fond de sa pensée. Et une partie d’elle voulait des explications et peut-être même savoir ce qu’elle était devenue. En tout cas, elle réévaluerait le tout une fois qu’elle l'aura devant elle. Chose certaine, elle désirait la retrouver.

Le questionnement apparut dans ses azurs tandis que la grande commerçante lui dévoilait un miroir. « Ce que je verrai date de ce matin? » Dit-elle pour être certaine d’avoir bien compris. Quelle étrange façon de procéder. Le miroir magique avait su piquer sa curiosité. Sans attendre davantage, elle prit l’objet précieux puis regarda son reflet…

Quelles surprises attendaient Lilyneska?

Kheizhdji s'empara d'une tasse de thé, volontiers, alors qu'elle s'installa confortablement en attendant. Acquiesçant aux propos de Lily, elle précisa simplement sans chercher à la sortir de sa contemplation.

Hier après midi plus exactement.

Puis, elle se tut, laissant la jeune femme observer le reflet du miroir magique.



Doux, léger. Le bruissement d’une main contre le bois en rotation vient aux oreilles, de plus en plus imposant. Ce n’est que lorsque bien audible qu’une image vint. Simple. Une main, féminine, couverte d’une fine pellicule de sciure, caresse la surface d’une pièce de bois en rotation, bien ancrée dans son tour. La femme aux cheveux d’un blond solaire posa son regard azuré sur son ouvrage, ses traits détendus trahissaient un âge moyen, entre la jeunesse et la sagesse, dévolue. Calme. Elle appliquait de l’autre main une pierre pour générer toujours plus de sciure et terminer son ouvrage dans le calme et la patience. Ce ne fut qu’après de longues secondes que la pièce s’arrêta de tourner, et que l’ébéniste observa le fruit de son travail avec intérêt. C’était, semblerait-il, un pied de table tout en courbes.

Elle épousseta ses mains et rangea la pièce aux côtés d’autres similaires, ainsi que quelques statuettes faites de sa main. La femme dénoua son tablier de cuir pour le laisser sur une chaise qui avait fait son temps, avant de s’accouder au rebord d’une fenêtre. De là, la campagne était paisible. Elle resta silencieuse, observant les attraits de ce village qu’elle semblait habiter, un village Duchéen malheureusement pauvre. L’atelier de l’ébéniste était tout aussi pauvre. Simple, vide. Un toit fragilisé, un entretien difficilement maintenu et une réserve de nourriture tarie, comme le témoignent les seuls meubles vides, eux aussi.

Son expression se crispa. Autrefois détendue, elle faisait désormais montre d’une tristesse étouffée, apposant sa tête contre le cadre de sa fenêtre. Le regard perdu dans le vide, le ciel gris plongeant le village dans la morosité, elle pleurait en silence. Alors qu’elle porta la main à son buste, y saisissant un pendentif sans même y regarder, une main délicate se posa sur son épaule. Elle ne se retourna pas, confiante, laissant la jeune brune aux yeux noisette s’exprimer timidement :

“Dame Alice... Nous n’avons plus rien. Le bois nous revient plus cher que la vente.

— Je le sais, je le sais, dit-elle dans sa mélancolie.”

Un silence. Léonya, la jeune femme, détacha sa main de son épaule pour reculer d’un pas, joignant ses mains en retrait par respect d’Alice. Cette dernière poursuivit :

“Il est temps de fuir ce pays de malheur. J’ai toujours eu peur, toute ma vie, mais j’en ai marre désormais. Il est temps pour moi d’affronter l'évidence, de trouver de l’aide. J’aime cette vie. Elle me fait souffrir, chaque jour, mais je m’y accroche. Mon métier, mes espoirs… Je ne peux pas me laisser faire davantage. Il est temps de tenter, à nouveau, mais ça ne se passera pas comme avant, désormais.”

La jeune Léonya restait silencieuse. Séchant ses larmes, son visage fier et fort reprenant de sa constance, Alice se releva pour faire face à l’unique pièce de la maison, demandant à son apprentie si elle souhaitait l’accompagner. D’un acquiescement, Léonya fit comprendre qu’elle le ferait, chose qu’Alice ne doutait pas.

“Je vais préparer nos affaires, Dame. Je n’ai aucun adieu à faire.

— Dans ce cas, nous partons ce soir. Prenons tout ce qu’il nous reste, pièces et nourriture. Voyageons léger, nous devrons être discrètes. Couvre-toi bien, nous grimperons dans la charrette du vieux borgne, il nous emmènera vers le nord. Il ne saura pas que nous serons là, et descendrons avant qu’il n’arrive à son prochain arrêt, mais c’est mieux que de voler, inutile de se mettre des ennuis supplémentaires. Ensuite, nous ferons le reste à pied. Il y aura trois jours de marche pour atteindre Teïder. Nous y parviendrons, j’espère que ce sera mieux que de rester dans ces Duchés de malheur.

— Bien, Dame.”

Léonya prépara déjà le peu d’affaires qu’elles avaient, soit les outils d’ébénisterie d’Alice, la nourriture qu’il leur restait, des vêtements chauds et un nécessaire de survie. Alice s’asseya dans une chaise, l’air songeuse, mélancolique.

“Quel âge, Léonya ?

— Dix-sept ans, Dame.”

Elle réprima un sanglot, préférant serrer à nouveau le pendentif qu’elle portait sous son vêtement. Elle finit par inspirer, à nouveau forte pour l’épreuve qui les attends.



L'image du miroir s'éteint, l'objet reprenant son aspect terne alors que Kheizhidji, attentive aux réactions et émotions de Lily, se tenait prête à agir au besoin.

Lilyneska ressentait de l’appréhension. C’était un mélange de crainte et d’excitation. Qu’est-ce qu’elle découvrirait devant ce miroir qu’elle venait de prendre dans sa main? Dans la glace, elle vit d’abord des yeux aux iris bleutés la regarder. Elle vit le questionnement se fondre dans les traits de son visage et ses sourcils s’arquer. Celle qui la regardait avait une chevelure rose et des oreilles félines. C’était son propre reflet qu’elle voyait dans le miroir.

Peut-être que la glace était brisée? Mais les yeux de la jeune hybride s’écarquillèrent lorsque sa silhouette devint floue pour être remplacée par un décor complètement différent! Elle reconnut sa mère avec sa tignasse dorée. Elle avait l’air fatiguée et avait pris quelques années depuis la dernière fois qu’elle l’avait vue, mais aucun doute : c’était bien Alice Myrr’del. C’est la colère qu’elle ressentit en premier lorsqu’elle la vit. Sentiment qu’elle sachant en fermant les yeux et en prenant une grande respiration. Elle se sentait replongée dans son passé. Elle avait tant de questions! Mais plus jamais ce ne serait pareil entre les deux, un gouffre s’était créé entre mère et fille.

Lilyneska Ehrlich faillit échapper le miroir lorsqu’elle entendit la voix de sa génitrice. Quoi?! Le miroir était capable d’émettre du son en plus d’images? Qu’est-ce que tout ce qui était magique la surprendrait toujours. Elle l’écouta parler dans un langage qu’elle reconnut comme étant du Duchéen. La pauvreté semblait l’avoir durement frappée. Sa mère avait toujours aimé les choses luxueuses et espéraient avoir une vie plein de richesses. Mais elle n’avait eu que le contraire depuis qu’elle avait quitté Teïder. Elle ressentit la tristesse l’envahir en l’entendant pleurer, mais aucune larme ne coula sur ses joues.

« Teïder…? » Murmura-t-elle tandis qu’elle se revoyait dans le miroir. Elle leva les yeux vers Kheiz puis posa l’objet magique devant elle sur la table. « Merci pour l’information. » Dit-elle. Elle ressentait une tempête d’émotions en elle. Elle voulait hurler, mais elle se retenait. Elle aurait besoin de temps seule pour réfléchir à tout cela et penser à la suite des choses. « Je considère que vous avez respecté votre part du marché. Merci. » Dit-elle poliment.

Kheizhidji resta silencieuse, en retrait. Pendant que Lily était absorbée par le souvenir qu'elle lui avait fourni, la Lamia resta installée à boire son thé. Son regard figé sur la jeune femme, elle la détailla longuement. Bien sûr, son objectif n'était pas de la mettre mal à l'aise ou la déconcentrer, s'arrangeant pour éviter que ça n'arrive. Elle détailait son visage, ses cheveux, ses oreilles... Et même son expression, douée pour percer les émotions qui y passaient.

Elle se rendait compte à quel point ce souvenir était important pour Lily, et à quel point ça réveillait tant d'émotions en elle. Kheizhidji, d'habitude impassible, ne montrait pas tant d'émotions que ça mais restait toujours moins en contrôle, et plus naturelle. Elle se souciait sincèrement de Lily, son émotion contagiant en quelques sortes celle de la Lamia. C'est avec un petit pincement au cœur qu'elle remarqua le changement d'attitude de Lily, en même temps compréhensible, et se redressa pour aviser le miroir sur la table.

C'est mon travail.

Si tu souhaites le conserver, c'est offert. Si tu souhaites autre chose je m'en chargerait selon ta volonté.

Elle marqua un temps, prenant ou laissant le miroir sur la table en fonction, avant de poursuivre, levant son regard vert pomme pour tenter de le croiser avec celui de Lily, à la fois soucieuse et confiante ; pas le genre de soucis qui s'apparente à un manque de confiance.

S'il y a besoin de quoi que ce sois d'autre, même quelqu'un pour t'accompagner à Teïder, je te le trouve. Mais tu peux choisir d'y aller seule, je le comprend.

Elle marque un temps, laissant Lily respirer et ou répondre, avant d'ajouter, sur un ton assumé et bref, sans imposition.

Prends soin de toi.

Lilyneska était partagée lorsqu’elle repensait à sa mère. Voulait-elle réellement la retrouver ou préférait-t-elle la laisser comme un vieux souvenir derrière elle? Lorsqu’elle repensait à sa génitrice, elle repensait au fait qu’elle l’avait abandonnée. Pire, elle l’avait vendue et c’était de sa main qu’elle était devenue esclave. C’était elle l’instigatrice de ses malheurs. Avait-elle des remords lorsqu’elle repensait à sa fille? Qu’avait-elle pensé en la vendant? Plus Lily y pensait et plus elle se convainquait qu’elle voulait la revoir afin de lui dire le fond de sa pensée et peut-être même avoir des… explications? Pourquoi…? Cette question hantait ses nuits.

Si on retournait à l’instant présent, l’hybride était bouleversée mais elle parvenait à contrôler ses émotions. « Je peux…? Vraiment? » S’enquit-elle en levant ses azurs sur Kheizhidji Qinyarus. Un fin sourire se traça sur ses lèvres lorsqu’elle vit la femme-naga acquiescer d’un signe de tête. « Merci. C’est très apprécié. » Ajouta-t-elle doucement. Baignant dans l’incertitude en ce qui concerne ses futurs projets concernant sa mère, le souvenir que lui avait apporté la femme d’affaire était la première pierre. Si elle désirait se lancer à sa recherche, c’était à Teïder qu’elle devrait chercher. Mais avant, elle avait d’autres projets à terminer, notamment son service militaire et l’obtention de sa citoyenneté akkatonnienne.

« Merci. J’en prends note. » Commença-t-elle. C’était bon à savoir que la grande commerçante avait des alliés à Teïder. « Mais pour l’instant, ce n’est pas dans mes plans d’aller à Teïder. Éventuellement, peut-être… Certes, il me faudra bien m’y préparer car j’imagine que ce n’est pas évident de se promener à Teïder, surtout pas pour une hybride comme moi. En tout cas, on verra. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. » Poursuivit-elle.

Les deux femmes finirent de prendre le thé tranquilement. Puis à la fin, lorsque Kheiz sortit, Lily la salua d’un signe de la main. Elle avait un grand sourire aux lèvres. « À la prochaine! » Dit-elle. Leurs routes se croiseront certainement à nouveau!