Slenlodwiin errait dans les duchés actuellement, notamment pour surveiller avec un peu d’inquiétude la situation globale de ces derniers et aider quand il le pouvait ceux en ayant besoin. Sans se mêler à la guerre ayant lieu contre Teïder, pour le moment il orientait surtout son action sur le fait de protéger les vivants des morts qui se levaient et se faisaient nombreux.

En soit, il ne manquait d’habitude jamais d’aide à donner dans les Duchés, ça en était déprimant, mais cette fois-ci c’était particulièrement grave. Car les sbires de Cesario étaient doués de peu de pitiés, néanmoins ils étaient aussi assez peu nombreux dans les faits. Pas car il n’en apparaissait pas, mais car les mercenaires duchéens s’occupaient activement de la menace sans aucun doute, persuadés qu’ils allaient y gagner des pièces. C’était l’avantage en quelque sorte d’un pays aussi rempli à ras bords de lames à vendre, il ne manquait en général pas de monde pour ce genre de besognes quand il y en avait besoin…

Et c’est alors qu’il errait un peu dans les duchés et envisageait de rentrer en Eïrn où son aide serait sans doute plus utile au final, sans doute avait-il exagéré ce dont il était nécessaire dans les Duchés à cause de la guerre. Qu’il vit au loin, depuis les airs, une vision qui surprit le dragon qu’il était.

Un kitsune ? En plein milieu des terres duchéennes ? Seul et en haillon ? Ce n’était pas commun, oh pas qu’il n’y avait pas de kitsunes dans les duchés, mais en général ces derniers soit cachaient leur race, soient étaient puissants et influents ce qui les protégeait de fait des enquiquineurs, soit bien accompagnés…

Est-ce que c’était un esclave ? Peut-être ferait-il une bonne action en s’intéressant à son cas pensa le majestueux dragon à plumes qui se dit qu’il pouvait s’y intéresser… Cela et il était curieux, il entreprit donc de se poser non loin du renard.

Et en vérité même si le dragon entreprit de le faire à une distance d’au moins dix mètres et sans s’abattre sur le sol comme une enclume qui tombe d’un toit. Un dracosire dépassant les quinze mètres de haut tout en muscles et écailles, le kitsune entendit sans doute cela et le sol se secouer.

Il n’avait pas vu le kitsune se frapper, car ses sens n’avaient pas été aiguisés pour constater cela depuis le ciel, mais il voyait la blessure causé par cela et le kitsune qui pleurait. Le dragon plein de compassion s’adressa alors à celui-ci pour dire.

« N’ais pas peur jeune kitsune… As tu besoin de soin ? Il n’est pas prudent d’errer ainsi seul et blessé en ces terres. »

Il était si petit par rapport à lui, même si en tant que transformiste la chose pouvait éventuellement être compensé, mais tel était le cas avec tous les bipèdes pensa le dragon qui néanmoins n’approcha pas, pour éviter d’effrayer l’autre. Tout juste ajouta t-il d’un ton se voulant rassurant.

« Je me nomme Slenlodwiin et toi ? » Après, est-ce qu’un kitsune aurait peur d’un dragon ? S’il était originaire d’Ikhyld, peut-être aurait-il plutôt le droit à tout le contraire, après tout dans l’empire Ikhyldien les dragons étaient objets de vénérations et respects. Même si à vrai dire, actuellement le dracosire ne cherchait pas spécialement cela.

Les lamentations de Leto furent interrompues par l’arrivée d’un nouveau protagoniste. Machinalement, le Kitsune leva les yeux vers cette masse blanche d’écailles. Un dragon ! Comme ceux des légendes et des contes pour enfant. Des créatures qui par leur singularité défiaient les lois de la nature. Que venait faire pareille créature ici ? Venait-elle en ami ou ennemi ?

Enfin peu importe. Leto avait déjà perdu du temps, il se devait d’accomplir la mission que la lumière de son existence lui avait confié. Il devait combattre le Chupacabras et rapporter sa tête. Une fois-ceci fait, l’esclave pourrait dormir. Il était heureux quand il dormait car il pouvait alors oublier ce qu’il était. Une absence de pensée qui était pour le jeune homme assez réconfortante.

La crise de panique que Leto avait vécue, il y a de cela quelques instants, c’était un peu atténuée mais le Kitsune restait fragile émotionnellement et le moindre choc pourrait causer de nombreuses séquelles psychologiquement. Les larmes qui coulèrent de ses yeux commencèrent peu à peu à disparaître mais, un filet d’eau continuait à couler sur ses joues.

Leto n’avait pas peur du dragon qui s’était posé devant lui ? Pourquoi en avoir peur ? Dans la situation ou il se trouvait, rien de ce que Slenlodwiin ne pourrait lui faire subir n’était pire que ce qu’il vivait actuellement.

« N’ais pas peur jeune kitsune… As tu besoin de soin ? Il n’est pas prudent d’errer ainsi seul et blessé en ces terres. »

Non le Kitsune n’avait pas besoin de soin. De toute façon s’il souhaitait se soigner. Il pouvait le faire tout seul. C’était un mage d’eau et Leto avait dans le domaine de nombreuses compétences. Cependant il était vrai que la blessure qu’il s’était lui-même infligé, lui faisait mal. Mais la douleur ressentie n’était rien par rapport à celle que sa psychée administrait en lui montrant les images de ses propres massacres.

- Non, je dois marcher.

Marcher vers son but. Marcher vers sa mission. Marcher pour accomplir la volonté d’Andro Von Kaufman. Voilà le sens de ces paroles. Leto n’est pas en état d’entretenir avec le dragon une conversation construite et cohérente mais il put quand meme répondre à certaines des interrogations de son ainé.

« Je me nomme Slenlodwiin et toi ?

- Leto Krasivyy

Leto, l’esclave préféré de l’un des marchands les plus réputés de tous les duchés. Celui qui sans broncher accompli sa volonté. Celui qui en son nom commet de nombreux massacres et assassine de pauvres innocents. Leto le meurtrier voilà ce qu’il était.

Peu à peu une nouvelle série d’images envahirent l’intériorité de Leto. Très distinctement, il revit les images de ses propres crimes. Du sang, du sang partout. La vie du Kitsune était emplie de ce liquide écarlate. Le sentiment de culpabilité redevient alors insoutenable pour le Kitsune et il reprit sa tête entre ses mains tous en tremblant comme une feuille morte.

Ce n’était sans doute pas la première fois que Leto croisait un dragon, que ce soit de loin ou de moins loin. Ils n’étaient pas courants certes, un peu moins dans les terres duchéennes qu’en Ikhyld, mais il y en avait dans les Duchés. Vivants dans leur coin, vendants leur service comme mercenaires, vivants sous forme bipède ou dragonique, plus ou moins intégrés des fois à la civilisation ou de passage. En somme il en avait vu, sans doute en verrait-il d’autres d’ailleurs, mais peu des dragons qu’il avait croisé devaient rivaliser en taille avec Slenlodwiin qui devait être un vieillard selon les critères des dragons justement.

Quoiqu’il en soit, le dragon trouvait étrange l’attitude du jeune bipède par rapport à lui, qu’il ne soit pas forcément impressionné ou très surprit en soit, ça pouvait passer, c’était rare, mais des fois ça arrivait. Par contre, il semblait fort préoccupé par d’autres choses et toujours plongé dans un visible marasme émotionnel.

Une peine de cœur ? Difficile à dire, Slenlodwiin avait du mal à y croire en vérité au vu des vêtements peu appréciables que portait le kitsune. Le dragon se demanda alors s’il devait insister ? Il avait du temps devant lui pensa t-il et cette histoire commençait vraiment à attirer sa curiosité, il fit donc ainsi d’un ton patient.

« Que se passe t-il ? Tu as l’air tourmenté. » Des paroles simples, seulement quelques mots, il n’avait disons pas l’impression que de longs discours et séries de questions seraient appropriés, ou efficaces.

Quoiqu’il en soit le dragon, sans doute pour être plus discret, mais aussi moins effrayant, avait décidé de se rétrécir au passage à l’aide du bijou enchanté en sa possession, pour ainsi faire la taille d’un éléphant, ce qui restait imposant, mais bien plus raisonnable.

Tourmenté ? C’est le moins que l’on pouvait dire. Leto était détruit. Ce n’était plus qu’une coquille vide que l’on manipulait au gré de ses envies. Le dragon, qui laissait par ailleurs le Kitsune totalement indifférent, avait eu raison de souligner ce point. Si le jeune esclave avait été dans un autre état psychologique. Une lueur d’admiration aurait peut-être brillé dans ses yeux. Mais dans pareilles circonstances, il ne pouvait qu’observer sans émettre de commentaires la créature de légende qui lui faisait face.

- Moi je vais parfaitement bien. Tout va très bien ! Tout va très bien ! Tout va très bien ! Tout va très bien

Comme si cette petite phrase était une litanie, Leto la répéta en boucle. Peut-être avait-il espoir qu’en ressassant les mêmes mots, ces derniers se muent en une réalité tangible. Durant son discours, l’esclave n’arreta pas de trembler. Son état psychologie n’était pas très stable et le moindre obstacle sur sa route pouvait provoquer de sévères conséquences sur sa psyché.

- Je dois accomplir une mission. J’ai une mission. Je dois combattre.

C’est vrai, que Leto devait combattre.  Il devait affronter des ennemis qui minaient sa propre conscience. Ses démons intérieurs, voilà les véritables adversaires de son être. S’il ne pouvait les défaire, l’esclave serait condamné à vivre éternellement dans la damnation. Et ni sa sœur ni personne ne pourrait rien faire pour l’aider.

Sans crier garde, Leto changea complètement d'attitude vis-à-vis de Slenlodwiin. Là, ou ses premières interventions étaient marquées par un profond désintérêt pour les dires de l'ancien, il se mit alors à le question sur ses motivations. Un lunatisme qui n'était pas totalement  incohérence quand on connaissait l'état de détresse émotionnellement dans lequel se trouvait le Kitsune.

- Qui êtes-vous, que me voulez-vous. Pourquoi vous êtes ici. Vous voulez me faire du mal ?

Une avalanche de questions recouvra le pauvre dragon. Il fait dire que Leto était particulièrement méfiant envers les étrangers et que l’interet soudain de cet inconnu pour sa personne avait attisait les flammes de sa vigilance. On dit souvent que prudence est mère de sûreté. Pour le Kitsune, c’est plutôt paranoïa est mère de folie.

Comment appelait-on les bipèdes dans cet état ? Slenlodwiin ne saurait dire, il supposait que le terme « désespéré » était très approprié pour un tel cas. Néanmoins, il n’était pas psychologue et il devait avouer qu’il voyait rarement quelqu’un se murer autant justement dans ce ce qui semblait être sa situation désespérée.

Et à vrai dire il ne savait pas à peu près ce que subissait l’autre pour être dans un tel état, il soupçonnait que ce soit une esclave. Un esclave en mission ? Le dragon se demandait s’il ne suffisait pas juste à cette jeune âme de quitter le territoire duchéen pour que sa situation s’améliore. Néanmoins, le dragon se doutait que ce n’était pas forcément si simple, car le kitsune portait un de ces colliers que certains esclaves duchéens portent souvent sur eux.

Quoiqu’il en soit le kitsune semblait se méfier soudainement de lui, ce qu’il supposait légèrement disproportionné, mais soit, il était sans doute rendu paranoïaque au vu de son état. Si certains dragons auraient pu êtres violents à cause de cela, ce n’était pas son cas après tout et puis c’est lui qui avait décidé de lancer la conversation…

« Je suis un au-delà des choses qui te tourmentent petit être, et si je voulais te faire du mal, je n’aurais pas pris la peine de te parler. » Ce d’un ton de calme draconien qui pouvait en effet le faire paraître au-delà de tout cela. Ce avant de reprendre observateur. « Je ne sais pas quels sont tes problèmes, mais tu n’as pas l’air capable de t’en sortir tout seul. Et je ne suis guère le genre de créature que tu croises fréquemment ou qu’on mobiliserait spécialement pour toi, donc peut-être as tu une oreille fiable pour te confier aujourd’hui. » Ajouta t-il avec bienveillance, mais en avançant des arguments assez logiques.

Après tout au vu du prix prohibitif et de la fierté des rares dragons mercenaires duchéens, autant dire que personne ne les aurait engagés pour un simple kitsune...

Parler de ses soucis. Leto était plutôt du genre méfiant et ne se confiait pas au premier venu. Surtout quand ce dernier se pointait sans raison devant sa face et faisait mine de se soucier de sa santé mentale. Il faut dire que la paranoïa du Kitsune était plutôt développée et que son existence marquée par de nombreuses épreuves avait façonne son intériorité de telle sorte à qu'il n'accorde pas sa confiance à n'importe qui.

- Personne ne sait pourquoi vous êtes venu en ces lieux et il serait bien présomptueux de dire que vous me vouliez du bien. Seules vos paroles affirment cela. Nulle preuves ne vint appuyer vos dires.

Il y avait des milliards de raisons pour lesquelles le dragon venait le voir. Et tous n'était pas des plus roses. En effet, lui soutirer des informations sur son maître, le manipuler ou alors se repaître de sa détresse. Voilà des motivations qui pouvaient justifier de venir le voir sans forcément montrer de prime abord des intentions néfastes.

- Je ne connais rien de vous et vous voulez que je me confie à un inconnu ? Vos demandes sont malheureusement irrecevables. Je ne puis me confier à votre personne.

Si  Slenlodwiin espérait que Leto allait gentiment balancer toute sa vie et lui faire un récit larmoyant de son existence. Et bien il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu'au cou. La méfiance que lui inspirait les étrangers ne pouvaient pas être aisément dissipée. Il fallait du temps et beaucoup de patience pour réussir à pénétrer la psyché du Kitsune.

- Je ne sais rien de vous. Commencez d'abord par me parler de votre personne et alors là je réfléchirai avant de pouvoir vous accorder un brin de confiance.

A vrai dire, Leto souhaitait que le dragon s'en aille et qu'il ne remettait plus les pieds ici. Le ton agressif avait lequel il s'était exprimé aurait surement dissuadé le plus policé des hommes de lui accorder la parole. L'esclave avait l'impression que nulle personne ne pouvait l'aider à affronter ses démons intérieurs. Il avait besoin de rester seul car la vision d'autrui lui procurait un profond sentiment de mal-être. Il se sentait sale et avait honte de ce qu'il était. Un assassin et un meurtrier.

« En effet, je pourrais avoir des raisons de venir te voir n’ayant pas directement un lien avec toi, ou peut-être pas ? Nous sommes à la fois proches des bipèdes sur certains points et bien différents dans d'autres, notamment dans nos aspirations. Même si dans les Duchés su Sud, la cupidité est un trait partagé même par les dragons. » Accorda le dragon pensif, même s’il aurait pu préciser aussi que s’il avait vraiment eut des intentions néfastes il aurait attaqué immédiatement ou menacé. Pourquoi si on avait des intentions douteuses, s’embêter à persuader quelqu’un de un mètre, quand on faisait dix sept mètres de haut ? Oh, le kitsune n’aurait peut-être pas céder, mais aucun dragon ou peu auraient devinés cela avant d’essayer.

Quant à pourquoi il avait présumé que l’autre lui ferait confiance assez rapidement, peut-être était-ce justement parce qu’il était un dragon ? Même s’ils n’étaient pas rarissimes, souvent on avait pas le même comportement avec eux par nature. Ce qui rendait certains rapports différents. Après tout selon les cultures les dragons pouvaient êtres objets de vénérations, mais en général ils impressionnaient assez et ce n'était pas donné à n'importe qui de considérer un dragon, comme une "personne" comme une autre.

« Il y a confié et confié. Peut-être aimerais tu juste des conseils pour améliorer ta situation ? Je suis ancien, je connais beaucoup de choses et j’avouerai ne pas être en sympathie avec certaines institutions duchéennes. L’esclavage est une pratique qui enlaidit ce beau pays. » Rajouta quoiqu’il en soit Slenlodwiin calmement, après tout c'était une offre tentante qu'il faisait là, ce avant de reprendre patient. Il voulait qu’on parle de lui ? Soit.

« Je suis né, il y a plus d’un millénaire de cela, dans la lointaine contrée d’Eïrn, à l’Ouest d’Orzian, je suis né avant même que les Duchés du Sud ne fassent sécession avec Teïder et deviennent la contrée instable que tu connais. J’ai vu beaucoup de choses et me considère comme un témoin de l’histoire. Je vole souvent à travers le continent pour contempler son évolution, des fois j’apporte mon aide pour ne être un simple observateur. Et je continuerai sans doute encore pendant les trois siècles qu’il me reste à vivre. » Il observa les environs et ajouta.

« Eïrn est une contrée plus sauvage que les Duchés, mais les mœurs et pratiques y sont différentes. Là-bas, c’est bien moins ton prochain le danger, que les bêtes et créatures sauvages. » On pourrait presque dire que c’était un rapport inverse entre, qui met en danger ton existence ? Les bandits et mercenaires, ou les bêtes de toutes sortes ?

« Il m’est déjà arrivé d’aider certains esclaves à retrouver leur liberté, des fois c’est tout à fait possible. Des fois le maître prend en otage leur famille et c’est alors plus compliqué... » Dit Slenlodwiin pensif à ce sujet, confiant qu’il aidait des fois, mais qu’en effet selon les cas, il ne pouvait pas faire grand-chose ou alors il fallait être subtil.

« Est-ce ton cas ? » Finit alors par demander le dragon légèrement observateur, son regard étant dirigé vers quelque chose que portait le kitsune et qui dégageait une légère aura magique, ce avant de reprendre peu de temps après. Légèrement songeur au sujet du passé.

« Je suis ancien en effet. Et le Teïderiens étaient plus, modérés qu’aujourd’hui. J’entends par là qu’ils étaient certes humano centristes et intolérants sur les bords, mais tous les hérétiques ne finissaient par sur les bûchers et les non humains n’étaient pas traités aussi durement qu’aujourd’hui ils le sont dans leur royaume. Néanmoins, ce n’était pas pour autant que la vie était douce pour tout le monde. Les non humains subissaient pas mal de préjugés et les humbles gens devaient subir un dur labeur pour s’en sortir, mais c’était vivable. Et il n’y avait pas autant d’instabilité qu’aujourd’hui. » Il n’irait pas dire qu’il aurait mieux valut que Teïder conquière tout le continent, certes peut-être auraient-ils finis comme Akkaton, cosmopolites et obligés d’êtres tolérants, mais il ne pouvait pas nier que la situation ne s’était pas amélioré sur tous les points depuis la sécession.

« Quant à Eïrn, la vie n’y est pas toujours facile, dès que tu sors des villages ou villages, tu risques de tomber sur des créatures sauvages agressives, ou quelques brigands. Ce qui pour un dragon comme moi est négligeable, mais pas pour les bipèdes. Néanmoins, les êtres d’un peu toutes les origines peuvent espérer y vivre assez libres et si les races s’y mélangent peu, personne n’y est interdit d’y résider. » Avant de conclure aimablement. « J’ai pu traversé tout le continent au cours de ma longue vie, même Eïlynster avant qu’ils n’érigent leur immense muraille, les choses ont beaucoup changés depuis que les deux grands empires sont arrivés sur le continent. » Mentionnait-il les origines Ikhyldiennes probables de Leto ?

A l'évocation de sa famille, un pincement au cœur vint se loger dans le creux de la poitrine de Leto. Sa sœur, elle lui manquait tellement. Cela faisait tant de temps qu'il ne l'avait pas vu. Tant de temps à chercher dans le noir, une lueur d'espoir. Son souvenir flotte dans son esprit, lui inspirant une certaine nostalgie. La vie n'avait jamais été facile pour lui mais au moins quand Zima étai là, il avait une épaule auprès de laquelle il pouvait se réconforter. Aujourd'hui, il était seul. Seul, plongé dans un océan de souffrances qui ne semblait pas avoir de fond.


- Non ce n'est pas mon cas.

A quoi cela servirait-il de mentir. Cette information n'avait pas la moindre valeur, il ne pourrait rien tirer des dires du jeune Kitsune. Malgré sa paranoïa assez développée, l'esclave  savait que la vérité n'avait d'utilité que si on pouvait tirer un profit de cette dernière.

- L'histoire voit des changements et des évolutions. Tout est éphémère et en perpétuel changement. Mais au terme de votre existence, une question se pose. Qu'est-ce que l'on a accompli.

A cette interrogation, Leto le jeune esclave avait une réponse toute faite. Lui avait répandu sur les trottoirs des flots innombrables de sang, rempli des charniers entiers.  Son existence n'avait été que massacres, sur massacres. La haine que Leto avait de lui-même n'était pas quantifiable par le commun des mortels. Et il l'exotérisait dans des sursauts de colère et de désespoir.

Cependant la curiosité du jeune homme avait été poussé à vif par les locutions de Slenlodwiin. L'espace d'un instant, d'un instant seulement. Ses problèmes semblait s'être volatilisés, l'exotisme des descriptions du dragon avait su les effacer de son intériorité. Son attention avait porté sur le dépaysement provoqué par son discours.

- Je suis totalement ignorant de la politique et de l'histoire, alors je ne peux pas comprendre en quoi l'avènement des deux empires a tant bouleversé le monde. Est-ce que vous souhaitez éclairer ma lanterne sur ce sujet ?

Usant de ce prétexte, Leto voulait pousser à le Dragon à continuer à conter ses histoires qui siéent grandement à la personne de Leto.

« C’est une façon intéressante de voir les choses. » Concéda le dragon avec bonne humeur aux paroles un peu philosophes du kitsune, ce avant de glisser avec un peu de gravité. « La question se pose dans ce cas de savoir ce que l’on désire accomplir et ce qui compte comme un accomplissement. Ce qui rend le monde meilleur, rend service aux autres, purement à soi même ? Je suppose qu'en ces terres, personne ne reprocherait à quelqu'un de viser son bien être avant tout par exemple. »

Après tout si tous les duchéens n’étaient pas des esclavagistes ou purs égoïstes certes, il y avait de tout parmi eux, c’était un pays où l’individualisme était très fort que ce soit dans ses aspects vertueux ou malsains. Penser à soi d’abord n’y était pas mal considéré et souvent le « accomplir quelque chose » de son vivant pour eux, signifiait des fois plus « accomplir pour soi » que pour les autres ou ses proches.

L'avantage c’est que quand l’on était pas esclave, ou pauvre, cela permettait une grande liberté, après tout peu de carcans sociétaux autres que la loi et quelques règles morales basiques avaient de poids dans une telle société. De même l'oppression y était faible envers ceux qui étaient "libres". Mais bon, tel n’était pas le sujet qu’ils abordèrent ensuite, le jeune kitsune voulait en savoir plus sur les deux grands empires.

« Ikhyld et Akkaton ? L’empire Akkatonien est le premier à s’être installé à l’Ouest du continent, il y a deux siècles de cela. Il est le plus grand empire, géographiquement parlant, de ce monde. Il a conquit deux continent entiers par la force des armes au cours des deux derniers millénaires, impérialiste et militariste, sa présence a laissé évidemment présager qu’il désire faire d’Orzian le troisième continent sous son emprise. C’est aussi une nation aux mœurs à part, ils sont très technologistes, la magie est autorisée mais peu présente dans leurs cités, ce qui évidemment impliquerait beaucoup de bouleversements pour le mode de vie des Orzaniens s’ils conquéraient le continent. » Laissant un petit temps de silence, il reprit.

« L’empire Ikhyldien est le deuxième en taille, mais sans doute le premier en influence culturelle et prestige diplomatique, ayant conquit un continent autant par la force des armes, que l’influence et la diplomatie, bien plus pacifiste qu’Akkaton, ils sont ambitieux aussi, donc leur présence implique aussi qu’ils désireraient dominer le continent, même s’ils sont aussi là pour freiner l’expansion Akkatonienne… Leurs mœurs sont différentes elles aussi, mais moins, ils sont à l’extrême magique, ce qui fait qu’ils sont évidemment à l’opposé à ce niveau d’Akkaton. Ils font moins peur aussi, car ils n’ont pas l’habitude flagrante de déclarer la guerre aux autres pays pour leur apporter leur « civilisation supérieure et liberté » comme l’ont beaucoup fait les Akkatoniens par le passé. » Puis il conclut.

« Cela fait deux siècles qu’ils sont présents en Orzian, ils ne se sont pas encore fait la guerre, peut-être car sont-ils mutuellement trop gros pour se la faire, mais depuis les pays Orzaniens jonglent diplomatiquement entre les deux pour sécuriser leur indépendance, mais aussi tirer quelques faveurs. Après tout, ils commercent aussi beaucoup et sont des pays stables, et tant que les deux sont présents sur le continent, chacun hésitera à commencer à conquérir celui-ci. » En somme il décrivait une situation où les pays autochtones se retrouvaient à devoir jongler entre deux immenses empires qui pourrait chacun les dévorer, mais craignaient trop pour cela de se retrouver en guerre avec l’autre. Car une telle guerre serait sans doute longue et cataclysmique vu que c'était des empires gigantesques.

Le dragon sembla songeur, quand le kitsune demanda comment c’était en Ikhyld, plus comme s’il cherchait des mots pour décrire cela. Et aussi comment le décrire, de façon un peu objective, ou y aller avec la touche de lyrisme qui convenait pour rendre le récit agréable ? Slenlodwiin pencha pour le côté rêveur, après tout son interlocuteur apprécierait.

« Ikhyld est la terre de magie, la magie y est partout, dans les infrastructures, les mages rendant la vie des habitants meilleurs, les biens possédés par un peu tout le monde et la nature. Par des spectacles aussi, fréquents dans les rues des grandes villes ou il existe tellement de possibilités offertes par la magie pour divertir, que la seule limite est l’imagination. C’est aussi une terre de beauté à sa façon car les Ikhyldiens tiennent en grande estime l’art sous toutes ses formes, et ceux faisant naître le beau de leur esprit ou mains y sont toujours grandement estimés. »

Bien entendu Ikhyld aussi avait ses défauts, mais telles était certaines de ses qualités, et puis bon pour un kitsune c’était un bel endroit pour vivre. Ces derniers y étaient souvent au minimum de la petite bourgeoisie. Il reprit d’ailleurs avec bonne humeur.

« C’est une terre assez harmonieuse, tout le monde n’y est pas riche ou bien doté, mais les devoirs de la noblesse, magique et artistique, sont de guider et améliorer la vie des petites gens, un devoir souvent respecté. C’est un bel endroit aussi, cosmopolite à sa façon, peut-être moins que les duchées, même si on y croise bien plus de kitsunes comme vous. » Pour ne pas dire beaucoup plus, mais bon. « Un grand mage, comme vous. » Il sentait après tout le potentiel magique de Leto, ce n’est pas quelque chose se cachant facilement à un autre grand mage en sa compagnie. « Y serait au minimum noble, vous y auriez de grandes responsabilités, car la magie est un don qui doit aussi servir ceux n’en ayant pas été dotés, mais vous y auriez respect, richesse et déférence. Et aussi un certain laxisme pour vos éventuelles frasques de kitsune. » Une vie sans doute à mille lieux de son actuelle existence.

« La cité de Jade est une capitale de province, la capitale de l’empire est situé sur le continent voisin d’Ikhyld, mais pour un empire aussi immense, une capitale de province comme celle-ci, rivalise sans mal, en grandeur, beauté et prestige avec celle d’un état de moindre taille. » Avant de finir par dire calmement, voyant qu’il avait captivé son auditoire.

« Vous n'aviez jamais entendu parlé en détail d'Ikhyld avant ? Qu'aimeriez vous savoir d'autre ? »