Histoire :On dit qu’avoir deux initiales similaires peut parfois porter chance. Je ne sais pas si mes parents avaient décidé d’essayer de jouer avec mon destin. Je pense pour ma part que c’est de la superstition. J’ai ce que j’ai grâce à mon seul mérite. Et c’est comme ça que compte bien continuer à obtenir ce que je désire, d’ailleurs.
Mon père se nomme Vamir Loranriel et ma mère Taera Olodan. Je suis née dans une famille noble d’elfes en terres Ikkhyldiennes. Autant ne pas se mentir : je suis bien consciente qu’il s’agit d’une situation plutôt appréciable. Ma famille possède des terres par mon père et des dons magiques par ma mère, bien qu’elle n’en soit pas elle-même pourvue outre mesure.
Cette alliance, qui avait été construite pour faire perdurer la richesse matérielle du côté paternel et la magie du côté maternel, a toujours été à mes yeux la représentation même du fonctionnement de la noblesse de cette nation. Un jeune homme peu talentueux, mais riche épouse la petite dernière d’une longue lignée de filles qu’on ne savait plus à qui marier.
Comme ma mère, je suis prédestinée à me marier pour arranger les affaires familiales. Cela ne m’inquiétait pas trop au départ. Il faut dire que l’attention n’était pas portée sur moi, car je ne suis pas l’aînée.
J’ai un grand frère, Lorhis — à qui l’on avait également donné deux L en initiales, d’ailleurs — . Cela ne lui a pas vraiment porté chance, pour le coup.
Je ne suis pas au courant de tout. Mais ce que je sais, c’est que lorsque nous étions petits, mon père n’avait d’yeux que pour lui. Il était censé lui succéder, tandis que moi j’étais juste bonne à marier. C’était avant que l’on découvre mon potentiel magique. Mon frère, lui, eut également de bonnes prédispositions : il fut éduqué pour parvenir à élever son don et pouvoir s’en servir. Mon père embaucha un précepteur pour nous inculquer surtout des connaissances complémentaires à ce que nous allions apprendre plus tard à l'école de magie. On a également veillé à ce que Lorhis puisse faire une grande carrière de gouverneur, tout comme mon père, pour reprendre sa suite. De grands espoirs étaient fondés en lui…
Mon frère et moi avons intégré l'école de magie avec beaucoup de sérieux et d'application. Nous étions conscients de la chance que nous avions : nos parents nous répétaient sans cesse de ne pas gâcher notre talent. Mon père ne se concentrait que sur les résultats de mon frère... Cependant, alors même que j'étais plus jeune, c'est moi qui avait les meilleures appréciations. Ma magie s'exprimait principalement à travers l'élément du vent, et j'avoue ne m'être jamais trop posée de question quant à son utilisation. Tout cela était un peu inné. Mes professeurs y voyaient, eux, de grandes dispositions.
Au fil des ans, je faisais toujours partie des meilleurs de ma promotion. Je profitais de mes heures de pause pour étudier, m'entraîner, ou bien rendre des services. Cela m'a valut rapidement de me faire connaître auprès de gens assez hautement disposés dans la noblesse. J'y ai rencontré Xin, entre autres. En lui racontant un jour ce que mon père avait prévu pour mon avenir : en gros subir le même destin que ma mère... Il transforma un peu ma vision des choses, m'enjoignant à me pencher volontairement sur d'anciens portraits de mages qui avaient eut les mêmes déboires ou difficultés... Et qui avaient fini par s'accomplir par eux-même. Nos échanges étaient inspirants. Je sentais ma propre voix s'affirmer, de plus en plus. Mais cela prit du temps...
Lorhis et moi, nous sommes nés avec seulement dix années d’écart. Autant dire que sur l’échelle d’une vie elfique, cela fait peu. Nous avons toujours été très proches, à part pour les quelques enfantillages existant entre tous les frères et sœurs bien sûr. Lorhis a toujours été le seul à me traiter comme son égale. A me voir comme telle. A m’encourager. C’est aussi cela qui a forgé mon caractère ambitieux… Du moins, c’est ce que j’aime à penser. Tout aurait pu se passer « pour le mieux ». Du moins, peut-être. Sans compter mon propre désir de prendre mon envol et ne point suivre les plans dessinés par mon père pour mes épousailles, tout allait bien. Ce n’est que récemment que cela changea…
***
Un jour, il y a quelques années de cela maintenant, mon frère disparut pendant plusieurs jours. J’ai d’abord pensé que mon père lui avait donné une mission importante, et qu’il avait eu un simple contretemps. Mais au bout d’un jour de retard, mes parents étaient déjà inquiets. Mon père se blâmait, ma mère était dans tous ses états… Le fils prodigue avait disparu. Je ramassais les pots cassés et comptait les jours, moi aussi de plus en plus inquiète.
Dans la hâte, mon père, confus, soucieux et perdu, ne sachant plus quoi faire, décida qu’il devait « s’occuper de moi ». Dans le cas où je sois la seule ressource possible. Oui oui, je dis bien « ressource ». Parce que j’estime qu’arranger la mariage de sa fille quand on a perdu son fils, c’est un peu considérer sa fille comme une source de revenus quelconque. Un plan de secours… Bref.
Vous avez bien lu. Il décida d’organiser une alliance par un mariage, avec un prétendant qui visiblement avait déjà fait sa demande plusieurs fois auprès de lui. Un prétendant exécrable, du nom de Mitalar Erlamin. En plus d’être laid, il était prétentieux, et irrespectueux envers la gent féminine. Mais mon père était bel et bien prêt à me marier à ce rustre.
Alors que j’essuyais des larmes lourdes, et que j’étais complètement dévastée, le meilleur ami de mon frère m’invita à m’enfuir avec lui. J’avais toujours eu un petit faible pour ce gaillard : archer talentueux, et fin gourmet. Sur un coup de tête, je le suivis. Nous passèrent une nuit ensemble, ce qui n’est pas du tout raisonnable pour une femme de mon renom, sûrement. Mais cela m’était bien égal.
Au petit matin, il me tira du lit, et commença à me parler. Il m’indiquait que si je voulais voir mon frère, il fallait que je sois « prête ». Il fixa un rendez-vous le soir même, à la nuit tombée, en dehors de nos terres. Je dois bien avouer que toute cette histoire me semblait louche, et je commençais à croire que j’étais folle. Mais je m’y rendis.
Le soir même, sous une lune douce… Je croisais enfin mon frère. Mais il était méconnaissable. En le prenant dans mes bras, je sentis une froideur surnaturelle. Encapuchonné, son regard était fuyant. Son teint était blafard…
Je me souviens très clairement de ses mots. « Lee… Je suis désolée… Je ne suis plus celui que tu as connu. »
Il m’expliqua alors qu’il avait fait une rencontre inattendue et involontaire. Qu’il s’était fait transformer. Qu’il n’avait plus rien d’un elfe...
Je restais fixée sur deux canines blanches, bien saillantes.
Le vent soufflait dans mes oreilles. Les mots de mon frère se brisaient dans le silence du soir. Je mesurais le courage qu’il avait à rester ici, vu sa condition. Il devait être perdu… Alors que tous les trésors de notre clan familial reposaient sur lui.
Il me tendit une lettre qui expliquait tout et m’encouragea à la donner à Père. En rentrant le lendemain, je m’exécutais. Bien sûr, il fut hors de lui. Il voulut passer sa colère verbalement sur moi. Pour ma part, des images restaient bloquées sous mes yeux comme si elles étaient encore bien visibles. Des images de la veille : Lorhis, encapuchonné, condamné à errer tel un paria, à renoncer à tout ce qu’il avait connu… Aussi la colère de mon père coula sur mon dos comme sur celui d’un canard.
Quand il fut calmé, je relevai simplement mon regard le plus neutre vers lui. Je prononçai simplement d’un ton si calme qu’il m’étonna moi-même :
« — Avez-vous fini ? »
Il voulut m’attraper par les épaules, perdant son sang froid. Il eut juste le temps de lancer à moitié en pleurant :
« — MAIS NE COMPRENDS-TU PAS ? »
Mon corps réagit tout seul. Ma magie le sépara de moi dans une bourrasque impossible. Rejeté et plaqué contre le mur, il m’observait, plein de mépris et d’incompréhension. Je pris donc le temps de lui lancer ma dernière tirade :
« — Je comprends, mon père. Je comprends maintenant très bien votre jeu. Vous avez toujours élevé vos enfants dans votre seul et unique intérêt. Ce n’est pas là une vision de parentalité que je partage avec vous. Il est trop tard, maintenant. Tout n’est pas sous votre contrôle. Ce n’est que le juste retour de votre propre égoïsme que le destin vous impose. »
J’avais bel et bien prononcé tout cela avec fierté. Comme si toute cette situation était la preuve que j’attendais depuis beaucoup trop longtemps.
« — Bien. Maintenant, vous auriez pu bien vous comporter et pouvoir compter encore sur l’un de vos précieux poussins. Mais je suis navrée, ça ne fonctionnera pas de la sorte. Je m’en vais. Ne comptez pas sur moi pour épouser le fils Erlamin. Je m’occuperai bien mieux de moi-même toute seule.
Sur ces mots, je pris une profonde respiration et partis. Croyez-le ou non, mais j’avais préparé un baluchon comportant la majorité de mes biens les plus précieux un peu plus tôt dans la semaine. Est-ce que j’avais juste eu le bon pressentiment ? Un éclair de clairvoyance m’avait-il frappé ? Je ne saurais vous le dire. Néanmoins ce jour-là, j’attrapais ce sac et partis pour de bon pour m’installer à mon compte.
Mon père ne me parla plus jamais de mon frère, comme s’il était mort et enterré. Il ne me parla plus à moi non plus d’ailleurs, déjà parce qu’il était vexé que je me sois retournée contre lui… Puis parce que je m’évertue vaillamment à l’esquiver dès que je le peux.
Depuis, ma vie est bien remplie. Je me suis consacrée à me trouver une place honorable au sein de la société Ikhyldienne. Surtout, un métier qui me permettrait de me concentrer sur des problèmes de plus haute envergure, et de servir des convictions fortes. Mon statut me permet de beaucoup voyager, et d’avoir beaucoup à faire lorsque je suis chez moi.
Liens : Vamir Loranriel (Père, PNJ) : Notre relation reste conflictuelle bien que nous nous croisions encore plusieurs fois par semaine dans notre capitale. J’estime que je ne lui dois plus rien, mais je porte toujours son nom. La vie vient constamment me rappeler à mes origines...
Taera Loranriel -née Olodan- (Mère, PNJ) : Ma mère a beaucoup de mal à se remettre de tous ces changements qui ont eut lieu brusquement. Nous nous voyons au marché, hors de vue de mon père. Je ne peux pas totalement la laisser tomber, même si elle continue de soutenir son époux.
Lorhis Loranriel (Frère, PNJ) : J’aime beaucoup mon frère et il me manque terriblement. Parfois j’en viens à me demander pourquoi cette
malédiction est tombée sur lui… J’aimerais croiser sa route plus souvent, mais il doit vivre reclus. J’essaie de ne pas trop y penser… Cela me mine le moral.
Ilphas Shana (Précepteur, PNJ) : Mon père l’a embauché pour nous inculquer “une discipline de base”. Nous suivions ses cours en parallèles de ceux de l’école de magie.
Mitalar Erlamin (Prétendant..., PNJ) : Je n'ai jamais voulu épouser ce rustre... Mais mon père avait commencé à prendre des dispositions, et des engagements auprès de sa famille. Si jamais je dois le recroiser, cela risque d'être compliqué...
Nelaeryn Urisan (Premier amant, PNJ) : Il est le meilleur ami de mon frère, et je l'ai toujours apprécié . Heureusement que mon frère a toujours pu compter sur lui... Sinon, je ne sais pas comment j'aurais pu le retrouver et garder contact avec lui. C'est quelqu'un de profondément généreux, attentionné... Il est doué pour le tir à l'arc et me propose d'ailleurs souvent quelques entraînements. Nous avons été amants le temps d'une nuit, mais je préfère ne pas m'attacher trop à lui. Nous avons convenu d'en rester là pour le moment... J'espère qu'il me comprend.
Xin Nahalëm : Comment j'ai fais pour devenir diplomate ? Il faut dire que pour le coup, j'ai été aidée. Lorsque je l'ai connu, il était de passage, pour intervenir lors d'un cours à l'école de magie. Je me souviens que nous avons eu plusieurs conversations pendant cette période... Après quoi, lorsque j'ai eu besoin de prendre mon envol, je l'ai recontacté rapidement. Il a épaulé ma candidature, contre de menus services.