Après sa rencontre avec l'Empereur, Hansing avait repris le chemin de son propre pays, ou plus exactement le chemin du cristal qui le ramènerait dans celui-ci, ce qui voulait dire voler non pas en direction de l'est et de l'Empire en lui-même, mais bien de l'ouest, où les Akkatoniens avaient choisi de placer l'unique cristal légal permettant de se connecter aux réseaux de cristaux de transport Ikhyldien. C'était plus rapide et moins dangereux que de reprendre la route directement vers l'Empire, même par la voie des airs : si la route des Duchés était simplement semée d'embûche, cela aurait été sans doute du suicide que de tenter de traverser Teïder sans y avoir été invité.

Dans les faits, le voyage était assez peu dangereux pour l'Azurien, car la plupart des dangers du désert se manifestaient au sol directement, sauf peut-être à croiser une manticore... dont il lui suffirait alors de sortir rapidement du territoire. Les choses auraient été différentes s'il avait tenté de passer à l'insu des autorités, bien sûr, mais il était là en visite officielle et ce genre de considération n'entrait pas en ligne de compte. Il était bien préparé, avec gourde, boussole et carte des oasis où il pourrait faire étape. De plus, il était curieux de découvrir par lui-même ce vaste désert dont il avait lu de nombreuses description dans les livres traitant du continent, dans les bibliothèques impériales.

Néanmoins, il n'était pas encore très éloigné de la capitale quand il aperçu la première curiosité de ce vaste désert : une montgolfière. Bien sûr, il avait vu d'autres engins volants dans les cieux de la capitale, mais celle-ci, éloignée de ladite capitale, et non peinte aux couleurs impériales, attira son attention. Elle était encore loin, mais il avait la vision perçante de l'aigle en plus des autres caractéristiques qu'il partageait avec l'animal, et en y faisant attention, il vit que ce n'était pas un pilote mais une pilote qui dirigeait l'appareil, et qui plus est une jeune femme, ou plutôt une jeune fille, sans doute une adolescente aux cheveux roux.

Rendu curieux par cet état de fait, il changea de direction en quelques coups d'ailes, de façon à ce que sa route rencontre celle du dirigeable. Il ignorait à quel moment son occupante le percevrait, mais il n'était pas spécialement discret dans son approche, et donc ce fut avec dans l'idée que son approche avait été perçue qu'il éleva la voix une fois proche de l'aéronef.

« Holà de la montgolfière ! Que fait une si jeune fille d'homme au milieu des airs ? C'est là une chose que l'on voit bien peu souvent, on pourrait même dire bien rarement ! »

Comme toujours, surtout lorsqu'il n'exerçait pas sur lui-même le contrôle polis de la cour ou de la diplomatie, Hansing était d'une franchise certaine, assez courante toutefois chez les Azuriens, il fallait bien l'avouer.

Il semblait y avoir relativement peu de chance de se faire agresser par ce petit bout de femme, mais d'un autre côté il y avait aussi relativement peu de chance de voir ce genre de jeune femme conduire seule un tel engin, aussi Hansing se tenait-il un minimum sur ses gardes tout en approchant, ses sens affûtés prêts à réagir au moindre problème rapidement par une esquive aérienne dont il avait le secret, si la chose était nécessaire. Il était néanmoins de nature assez optimiste pour espérer que ce ne soit pas le cas, et ce fut donc sans montrer de crainte particulière qu'il la vit approcher.

Sa réponse fut loin d'être vexée – mais l'Azurien n'avait guère envisagé qu'elle puisse l'être, en fait – au contraire, et sembla aussi joyeuse que la sienne, ce qui ne pouvait bien sûr que plaire à l'homme-oiseau. De prêt, il pouvait confirmer sa première impression, à savoir qu'il avait sans doute affaire à une jeune fille tout juste sortie de l’adolescence. Elle devait avoir de sacrés dons pour déjà piloter ce genre d'engin volant... et au passage elle était bien court vêtue.

Mais ce genre de détail n'était pas de nature à tracasser l'enfant des cieux, qui lui-même avait remis sa tenue de voyage en quittant la capitale akkatonienne, bien entendu. Ce fut donc avec un sourire, du moins comme souriaient les Azuriens, qu'il répondit à son tour à la damoiselle.

« Ahah c'est ma foi là une excellente raison de parcourir les ailes, jeune damoiselle. Je ne peux que comprendre le plaisir du vol ! »

En riant, il exécuta une légère acrobatie aérienne à côté de la montgolfière, avant de rapidement se remettre en place. Comme tous ceux de sa race, il aimait bien entendu voler, et il était toujours mi-heureux mi-surpris de rencontrer un terrien qui avait les mêmes aspirations.

« Pour vous répondre, j'étais en Akkaton pour rencontrer votre souverain, et je m'en retourne à présent chez moi, ou plutôt vers le cristal qui m'y ramènera. Je m'appelle Hansing Liuxian, enchanté de vous rencontrer, jeune damoiselle des airs. »

Et de se fendre d'un salut... dans les airs donc, ce qui donnait un effet plutôt réussi avec les ailes largement déployée pour se maintenir tout en s'inclinant légèrement. Si sa franchise était presque totale, sa politesse était toujours esquisse, même avec une presque-enfant perdue au milieu du ciel, car il ne fallait pas à ses yeux moins de manière pour parler à un manant qu'à un empereur.

La jeune femme semblait très confiante et très à l'aise, à la fois vis-à-vis de son environnement et vis-à-vis de son compagnon de vol imprévu. C'était sans doute quelque peu téméraire en soit, vu que n'importe quel Azurien un peu mal intentionné aurait pu tout simplement donner un grand coup de bec dans son engin volant, où un pratiquer une large déchirure avec une griffe, mais ceci dit la chose ne risquait pas d'arriver avec Hansing de toute façon. Et puis qui sait, peut-être que son étrange équipement contenait un parachute, ou quelque chose du même genre ?

Quoiqu'il en soit, la damoiselle poursuivait la conversation, visiblement en confiance, commençant par réagir sur ses divers propos directement, tout en clamant encore son amour du vol. Cela ne pouvait que lui plaire, surtout de la part d'une jeune fille que la nature n'avait pas, de prime abord, destiné au vol aussi librement et évidemment que dans son propre cas.

« Ma visite c'est bien passée, en effet, je vous remercie de vous en enquérir. Et je suis enchantée de vous rencontrer, mademoiselle Abigale. »

Comme souvent, l'Azurien était d'une politesse exquise, même pour une rencontre étrange avec une adolescente mécanicienne au beau milieu du ciel. Il écouta la suite des paroles de la damoiselle, tout en observant ses manœuvres. Elle semblait excessivement confiante dans sa maîtrise de son engin, en tous cas, semblant dénoter une longue habitude. En l'occurrence il aurait pu la rattraper en cas de chute, mais cela n'était bien entendu pas le cas en permanence pour elle, cela allait de soit.

« Pour vous répondre, j'étais venu tout spécialement pour cette impériale rencontre, où je venais porter la voix de Sa Majesté l'Empereur d'Ikhyld. Néanmoins, je dois avouer avoir une certaine curiosité pour ce pays en effet. »

Curieux, il l'était par nature, et il fallait bien dire que la civilisation d'Akkaton était des plus intéressante. Non qu'il l'approuve en tout, bien entendu, ne fut-ce que dans son rejet stupide des bienfaits infini de la magie quand on en faisait la source de tout bienfait, mais malgré tout il y avait beaucoup de choses à découvrir.

« Quant à votre affinité avec le ciel, elle fait plaisir à voir, surtout chez une non-volante, ahah ! Vous avez une vraie âme d'azurienne ! Dommage que ce ballon ne vous en donne pas l'agilité aérienne ou la vitesse, mais bon c'est mieux que rien, certainement... et je comprend tout à fait le besoin de rechercher ainsi les sphères, comme vous vous en doutez, ahah ! »

La damoiselle semblait décidément bien à l'aise dans la ciel, naviguant en toute insouciance sur son petit engin volant. Visiblement, elle avait non seulement une longue pratique de celui-ci, mais aussi, certainement, des prédispositions naturelles que l'Azurien ne manqua pas de souligner. De son côté, la jeune fille semblait partager son attention entre son ballon, le sol loin en-dessous d'eux et son visiteur ailé, qui ne se formalisait guère de cette attention ceci dit, acceptant sans soucis de se soumettre à son examen attentif.

Finalement, elle révéla que la chute était une possibilité envisagée, ce qui expliquait en partie son assurance, en expliquant qu'elle aurait pu sauter pour le plaisir en cet instant. Peut-être sa combinaison contenait-elle une étrange contre-mesure technologique ? En tous cas pas de nature à la ramener à bord de son engin, puisqu'elle évoqua cette possibilité avec regret, avant de questionner l'Azurien au sujet du vol.

« Descriptible ? Non, je ne pense pas... j'ai déjà essayé quand j'étais plus jeune, à l'Académie, d'expliquer à des confrères mages ce que faisait le fait de voler, pour les aider à s'y préparer. Mais une fois qu'ils ont atteint la maîtrise suffisante pour voler par magie, nous avons du convenir qu'entre en parler et le vivre il y a un univers de distance. C'est quelque chose d'impossible à transcrire correctement, surtout pour quelqu'un comme moi qui vole naturellement. Un mage qui n'aurait appris qu'à l'âge adulte serait peut-être plus lyrique que moi sur le sujet, hélas. »

Et oui, après tout, est-ce qu'un humain pouvait décrire la sensation de courir à un paralysé de naissance ? Est-ce qu'un voyant pouvait décrire les couleurs à un aveugle ? Pour l'Azurien, le vol était naturel, et il n'avait pas vraiment de point de comparaison pour le décrire efficacement.

« Voler par soit-même c'est... une liberté absolue je dirais. Sentir le vent dans ses plumes, l'air jouer sous ses ailes, c'est un plaisir sans commune mesure, du moins à mes yeux d'Azurien. Hélas, le sortilège de vol ne se lance pas sur autrui... je pourrais vous rattraper si vous tombiez et vous faire léviter jusqu'au sol, mais pas vous faire voler ni vous faire remonter jusqu'ici. »

Hansing eut une légère grimace désolée, ou, là encore, ce qui en tenait lieu chez les Azuriens. Cependant, un reflet du soleil sur l'étrange exosquellette de la jeune fille fini par y capter son attention à nouveau, et il repris.

« Mais au fait, j'ai l'impression que vous n'auriez aucune crainte à tomber même si je n'étais pas là pour vous aider, vu comment vous en parliez... serait-ce lié à cette étrange combinaison que vous portez ? Je ne suis certes pas rester très longtemps en Akkaton, mais je n'avais encore rien vu de tel jusqu'ici... est-ce un costume de sécurité de pilote en cas de chute ? Comment cela fonctionne-t-il, dites-moi ? »

Heureusement, la jeune fille ne sembla que modérément déçue quand il lui avoua qu'il n'avait pas les moyens de réellement la faire voler elle aussi. C'était un procédé complexe que le sortilège de vol : il ne suffisait pas de le lancer, il fallait manipuler la magie pour voler concrètement, tout comme un Azurien devait manipuler ses ailes. Il le savait car il s'était entraîné longuement à cet exercice jusqu'à maîtriser complètement le sortilège, même s'il pouvait s'en passer. En effet, les ailes d'un Azurien était fragiles, et être capables de voler si elles étaient blessées était toujours une bonne idée quand, comme lui, on se destinait à de grands voyages, qui comportaient forcément leur lot de dangers.

Quoiqu'il en soit, il parvint à faire rebondir la conversation sur un autre volet en la questionnant sur l'étrange attirail qu'elle portait, ayant droit à une réponse pour le moins atypique. Visiblement, la combinaison avait de nombreux usages, et pourtant elle l'avait trouvée abandonnée, et l'avait « simplement », enfin, si l'on pouvait dire, remise en état.

« Hé bien, on peut dire que vous avez fait une sacrée trouvaille quand vous avez mis la main dessus, dans ce cas... si je peux me permettre, l'avez-vous ajustée, ou était-elle à votre taille du départ ? »

La curiosité naturelle de l'Azurien refaisait surface aisément, il fallait bien le dire. Et puis, en soit, savoir quelle apparence et taille avait de base la combinaison pouvait s'avérer révélateur quant à son origine... un objet aussi perfectionné à cette taille-là, par exemple, aurait certainement laissé deviner une création faites par ou du moins pour des nains.

« En tous cas elle semble en effet être des plus pratique pour qui arpente les airs sans avoir les moyens de voler par lui-même... ceci dit dans ce cas-là votre ballon est perdu, non ? Ou vous avez un moyen de le récupérer même si vous en tombez ? »

Visiblement, la jeune fille avait trouvé son étrange combinaison déjà à sa taille et prête à l'usage, ce qui était un sacré coup de chance tout de même. Peut-être était-ce en effet de par sa nature de prototype, ou peut-être avait-il bel et bien été réalisé à l'échelle naine, par exemple. Quoiqu'il en soit elle ne semblait pas s'en désoler, que du contraire, et Hansing ne pouvait guère, de son côté, s'en étonner ! Après tout, qui n'aurait pas été content de trouver l'objet de ses rêves déjà adapté à sa taille, n'est-ce pas ? Enfin de son côté il n'avait pas vraiment d'objet rêvé de ce genre, mais disons qu'il pouvait tout du moins comprendre l'idée.

La damoiselle lui confirma ensuite que si elle tombait elle pouvait certes s'en sortir mais n'avait aucun moyen de récupérer son aéronef, sauf à ce que celui-ci se crash au sol... hé bien, en effet, mieux valait éviter. Alors qu'elle finissait de parler, l'Azurien jeta un coup d’œil de côté au soleil, pas assez directement pour se brûler les yeux, évidemment, mais assez pour estimer l'heure qu'il pouvait bien être.

« C'était en effet une rencontre à la fois inattendue et agréable, qui m'aura fournis un agréable intermède dans mon voyage, comme dans le vôtre, j'espère. Néanmoins, je crains qu'il ne me faille me presser quelque peu, car j'ai un horaire de voyage à tenir. »

En effet, s'il n'était pas spécialement pressé à l'extrême, le diplomate ailé avait des délais à tenir pour aller présenter son rapport à sa lumineuse supérieure, et l'aéronef de la jeune fille allait tout de même très lentement comparé à un Azurien. Il inclina donc légèrement la tête à l'intention de la jeune femme.

« Je vous remercie pour cette aimable conversation, mademoiselle, et j'espère que nous aurons le plaisir de nous rencontrer à nouveau ! »

Et, après avoir écouté l'éventuelle réponse de la jeune femme, il vira sur l'aile et commença à s'éloigner en reprenant de la vitesse, le ballon ne pouvant guère suivre un Azurien qui pouvait être plus de deux fois plus rapide. Il s'éloigna rapidement en direction du nord-ouest et du cristal de téléportation qui le ramènerait magiquement jusqu'en Ikhyld, où il pourrait se reposer, présenter le fruit de ses efforts et planifier la suite de ces actions dans cette première année d'exercice qui s'avérait décidément pour l'heure aussi fructueuse que riche en rencontres inattendues...